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C.03 - Emploi de prévisions probabilistes météorologiques

De Wikhydro

Sommaire

Introduction

Au-delà d'une échéance, appelée horizon de prévisibilité, une prévision météorologiste déterministe est inefficace (fiche A.05). En effet, l'erreur commise dans la représentation de l'état initial de l'atmosphère ainsi que l'erreur induite par les modèles numériques de prévision sont deux sources majeures d'incertitude. L'incertitude de prévision résultante va croître plus ou moins vite avec l'horizon de prévision, à cause de la nature chaotique du système atmosphérique : elle va en conséquence limiter la prévisibilité. L'horizon de prévisibilité dépend de la situation du jour et de l'échelle à laquelle on s'intéresse. Au delà de cet horizon, une approche probabiliste est requise.


Principe

Deux approches de prévision probabilistes existent :

La prévision d'ensemble météorologique consiste à calculer N prévisions numériques à partir de N états initiaux différents de l'atmosphère (des petites perturbations de paramètres « sensibles » du modèle qui échantillonnent judicieusement à la fois l'incertitude autour de l'état initial « vrai » de l'atmosphère et l'incertitude de modélisation). On obtient ainsi N états prévus de l'atmosphère supposés équiprobables.

La méthode des analogues hydrométéorologiques (fiche B.14) part du constat qu'il est plus facile de prévoir l'état macroscopique de l'atmosphère (masses d'air) que les précipitations (d'origine microphysique). Elle consiste à comparer une prévision déterministe de grande échelle avec N situations analogues issues d'une archive météorologique appelée réanalyse. Les N cumuls de pluie observés lors de ces situations passées sont classés en fonction du degré d'analogie entre la situation météo prévue et celle issue de l'archive. Cette distribution de lames d'eau constitue ainsi une prévision probabiliste des cumuls prévus.

Ces deux approches probabilistes fournissent un jeu de N scénarios de pluie prévue. Une prévision multi-scenario de pluie est un outil précieux pour estimer :

  • le degré d'incertitude de cette prévision ;
  • le cumul le plus vraisemblable ;
  • les alternatives plausibles en termes de cumuls extrêmes.

Fonctionnement

Une prévision probabiliste de pluie peut prendre plusieurs formes:

  • des cartes de quantiles (fiche A.09) du cumul prévu (Fig. 1) ;
  • des cartes de probabilité d'un événement (par exemple, du dépassement par le cumul d'un seuil de pluie, Fig. 2) ;
  • des diagrammes temporels (pour un point ou un bassin donné, Fig. 3 et 4).

Interprétation des prévisions météorologiques probabilistes

Que faire quand deux ou plusieurs modèles de prévision d'ensemble divergent entre eux ?

Ceci indique d’abord qu’il y a une forte incertitude (mentionnée dans les bulletins de prévision AP/BP). Le prévisionniste météorologue peut indiquer le scénario qui lui paraît le plus plausible et les alternatives possibles.


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Que faire quand un modèle de prévision d'ensemble change de signal moyen d’un run à l’autre ?

Cela traduit également l'existence d'une forte incertitude. En moyenne, le run le plus récent est de meilleure qualité, mais ce n’est pas toujours le cas ponctuellement. Dans le cas de l'épisode de Draguignan de juin 2010, les prévisions de pluie issues de la prévision d'ensemble PEARP (Météo-France) étaient meilleures à 36 h d’échéance qu’à 24 h. Il peut être utile de consulter une certaine profondeur des prévisions d'ensemble (regarder plusieurs runs).

Est-ce qu’une faible probabilité  (10 – 20 %) est négligeable ?

Non si l’ensemble prévoit toujours des probabilités nulles pour l’événement en question. C'est un des pièges de la prévision d'ensemble. On peut penser, à tort, qu’une probabilité de 5 % est négligeable. Cette probabilité doit être comparée à la fréquence « climatologique » de l’événement considéré. S’il s’agit d’un événement dont la probabilité de survenue (au sens de la climatologie) est de 1 % (ou moins) alors cela est loin d’être négligeable. Ainsi, si 5 % des membres de la prévision d'ensemble prévoient une pluie de durée centennale, il y a lieu de s'en préoccuper, et ce d'autant plus que le signal est persistant dans le temps.

Que faire en cas de probabilité rarement vue ?

Pour une prévision d'ensemble, une forte probabilité à longue échéance, événement rare, doit être également considérée comme un signal fort d'un événement significatif y compris si la probabilité est sur le dépassement d'une faible quantité d'eau.

Exemple 1. Le 5 novembre 2011, le BHYM CE indique que la probabilité d'une pluie supérieure à 5 mm sur la côte Méditerranée le 10 novembre 2011 est très élevée (Fig. 5). Ce signal a conduit le SPC à prêter une attention accrue au signal déterministe pour cette même échéance (Fig. 6).


Limites de la méthode

La prévision d'événements extrêmes pèche avec ces deux méthodes, mais pour des raisons différentes (Marty, 2010). Les prévisions d'ensemble de pluies ont tendance à être sous-dispersives[1], et les échelles résolues sont trop grossières pour bien prévoir les cumuls les plus forts[2]. Le défaut de sous-dispersion est moindre pour les prévisions par analogie qui, elles, manquent souvent de finesse. De plus, les événements pluvieux « extrêmes » sont du fait de leur rareté peu ou pas représentés dans les archives météorologiques disponibles, et seront donc forcément sous-estimées par les prévisions par analogie. Le débiaisage statistique de cette méthode est de plus mal aisé en raison de l'hétérogénéité et de la faible profondeur temporelle des archives de prévision.


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Les prévisions probabilistes permettent donc d'établir des scénarios météorologiques puis hydrologiques vraisemblables. Mais en raison de leurs imperfections et du fait que les prévisions de pluie ne constituent pas la seule source d'incertitude, leur emploi seul ne permet pas d'obtenir une description complète de l'incertitude hydrologique.


Voir également

Fiche A.05 – Évolution de l'incertitude avec l'horizon de prévisions

Fiche A.09 – Quantiles et médiane

Fiche B.13 – Prévisions de précipitation

Fiche B.14 – Méthode des analogues hydrométéorologiques


Pour aller plus loin

  • École nationale de la Météorologie (2012). Prévision probabiliste : concepts et méthodes. Formation dispensée en avril 2012.
  • Marty, R. (2010). Prévisions Hydrologiques d'Ensemble adaptées aux bassins à crues rapides. Thèse de doctorat, LTHE.



  1. La prévision d'ensemble est sensible aux caractéristiques du modèle utilisé et de son assimilation (cf. fiche B.13). C'est pour cela que les prévisionnistes du CNP de (Météo-France) consultent aussi la prévision d'ensemble américaine (cf. site Internet http://www.wetterzentrale.de/topkarten/ où l'on peut voir les champs moyens des deux prévisions d’ensemble).
  2. Ce défaut est en passe d'être atténué par l'arrivée prochaine d'une prévision d'ensemble opérationnelle à fine échelle.
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