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Le Rhône en 100 questions : 5-12 Quel est le niveau de la protection apportée par les digues du Rhône ?

De Wikhydro
le rhone en 100 questions multi579
Cette page fait partie du deuxième chapitre: "Le fonctionnement du fleuve", de l'ouvrage '"Le Rhône en 100 questions'", une initiative de la ZABR avec l'appui de toute l'équipe du Graie et soutenue par les instances qui ont en charge la gestion du fleuve.










Une digue est un ouvrage longitudinal, orienté le plus souvent dans la direction de l’écoulement du cours d’eau, par opposition aux barrages disposés transversalement au lit mineur.
Le long du Rhône on rencontre deux catégories de digues très différentes dans leurs fonctions, leur conception, leur gestion et donc leur efficacité contre les inondations et leur niveau de sécurité. Il existe plusieurs mécanismes de rupture des digues.
Ce n’est qu’en connaissant ces divers éléments que l’on sera en mesure de répondre à la question posée, en introduisant une nuance entre efficacité et sécurité.



Sommaire

Deux types de digues sont construits le long du Rhône


la digue de vigueirat
  • Les digues récentes

Les digues de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR ) (voir question 03-04 « Quel est le principe de conception des aménagements CNR ? ») servent à créer des biefs pour la production hydroélectrique et la navigation. Leur dimensionnement les rend aptes à assurer, sans débordement, le transit de débits très élevés. Il s’agit d’ouvrages en remblai dont la conception répond aux règles de l’art de la seconde moitié du xxe siècle ; ils sont construits avec des matériaux sélectionnés et des techniques modernes.

Ces digues sont en permanence soumises à la charge hydraulique et font l’objet d’un programme de surveillance (visuelle et par mesures d’auscultation) très régulier qui permet de déceler rapidement tout indice d’évolution négative du comportement.


  • Les digues anciennes

Dénommées « digues syndicales » car pour l’essentiel elles sont la propriété de syndicats mixtes ou d’associations syndicales, ont pour unique fonction la protection contre les crues.

Il s’agit d’ouvrages remontant pour la plupart au xixe siècle, suite aux crues de 1840 et 1856. Ces digues ont été construites avec les matériaux de remblai disponibles sur place et avec les moyens de génie civil de l’époque ; certaines parties sont en maçonnerie. Elles sont traversées par de nombreux aqueducs et conduites d’irrigation ou de drainage qui sont autant de points potentiels de fragilité.

Les crues récentes du Rhône sont venues rappeler le rôle de ces digues tombées dans l’oubli pendant des décennies et ont conduit à mettre en place récemment un ambitieux programme de remise à niveau de leur connaissance, de leur sécurité et de leur maintenance, qui va s’étaler sur plus d’une dizaine d’années. On conçoit donc que le niveau de sécurité de ces deux catégories d’ouvrages ne soit pas identique.



Quels sont les principaux mécanismes de rupture ?


Sans entrer dans l’exhaustivité des mécanismes potentiels de rupture des digues, voici les trois mécanismes en jeu dans le contexte rhodanien.

  • La surverse, c’est-à-dire le débordement de l’eau au-dessus de la crête de la digue, conduit rapidement, pour les digues en remblai, à la formation d’une brèche par érosion régressive du talus puis de la crête. Même si l’on dispose d’éléments qualitatifs pour apprécier la plus ou moins grande rapidité du phénomène, on ne sait pas aujourd’hui répondre précisément à la question : pendant quelle durée et à quelle lame d’eau une digue est-elle capable de résister à la surverse ?

C’est donc le principe de précaution qui prévaut en la matière. Cependant, certains tronçons de digue peuvent être spécifiquement équipés d’une carapace (perré, enrochements, béton…) qui les rend aptes à supporter, dans certaines limites, la surverse : on parle alors de tronçon déversant ou de déversoir.

  • L’érosion interne se développe le long de chemins préférentiels empruntés par l’eau à l’intérieur de la digue ou de sa fondation. Ces chemins préférentiels peuvent être liés à des hétérogénéités dans les matériaux, à des terriers d’animaux, aux racines des arbres (en particulier après leur mort) ou peuvent se localiser le long de conduites traversant la digue. L’érosion interne se développe lentement dans sa phase initiale et se traduit par une augmentation des fuites, ce qui démontre l’intérêt d’une surveillance et d’une auscultation régulières des digues toujours en eau. Mais ensuite, dès qu’un conduit s’est formé à travers la digue, le phénomène peut évoluer très rapidement par agrandissement du conduit et formation d’une brèche. Le contrôle de la végétation et la lutte contre les animaux fouisseurs sont donc essentiels pour les digues, particulièrement pour celles qui sont en charge uniquement lors des crues et dont les fuites ne peuvent être auscultées en continu.
l erosion interne multi582
  • L’affouillement est un phénomène d’érosion externe qui affecte le talus de la digue exposé aux courants hydrauliques du cours d’eau. L’origine est souvent liée à des irrégularités de la berge ou du talus qui provoquent localement des courants plus intenses. Les anses d’érosion ainsi créées vont renforcer le phénomène de tourbillons et donc d’érosion, jusqu’à attaquer le corps de digue et, en situation extrême, créer une brèche.
    Le fait de disposer d’un franc-bord entre la berge du lit mineur et le pied de la digue apporte une sécurité visà- vis de ce mécanisme et une surveillance régulière permet alors d’intervenir avant une situation critique.
l affouillement

Quel est le niveau de protection actuel ?


breche de fourques
Vis-à-vis de la surverse, les digues CNR sont dimensionnées pour contenir la crue millénale (avec une revanche de sécurité), alors que les digues syndicales peuvent contenir au mieux la crue centennale.
C’est ainsi que des débordements sont apparus en décembre 2003 sur la digue rive droite du Petit-Rhône et que les deux brèches de Mas d’Argence et de Claire Farine ont été attribuées à la surverse.

Vu qu’il n’est pas raisonnable (et qu’il serait illusoire) de vouloir systématiquement augmenter le niveau de protection apporté par les digues syndicales, la diminution du risque de brèche par surverse passe par l’aménagement de tronçons déversants où les débits de crue excédentaires pourront être dérivés dans la plaine en toute sécurité pour les autres tronçons de digue.
Vis-à-vis de l’érosion interne, les digues CNR n’ont connu aucune rupture à ce jour, mais plusieurs incidents ont été détectés grâce à la surveillance régulière et ont été réparés. Les digues de Camargue ont connu seize ruptures lors des deux crues successives d’octobre 1993 et janvier 1994.

Les observations faites pendant et après ces crues ont permis d’attribuer ces brèches à l’érosion interne, des conduites traversantes étant en cause dans trois cas et des terriers d’animaux dans treize cas.
degats dus a la surverse d une digue lors de la crue de1999

La sécurité a été améliorée après ces crues grâce aux actions entreprises par le Syndicat mixte d’aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer (SYMADREM) : travaux d’urgence et programme d’entretien et de surveillance réguliers. Ainsi, lors de la crue de décembre 2003, les digues de Camargue n’ont pas connu de brèche par érosion interne, mais plusieurs ruptures liées à ce mécanisme ont été évitées de justesse, ce qui montre que le risque est encore bien présent.

Vis-à-vis du risque d’affouillement, aucun incident grave n’a été relevé sur les digues CNR , tandis que les digues syndicales ont connu quelques dommages lors des crues de ces dernières années, mais sans aller jusqu’à la brèche complète.
La présence assez générale d’un ségonal (bande de terrain du lit majeur comprise entre la berge et les digues) plus ou moins large est un facteur positif pour diminuer ce risque. À contrario, l’enfoncement du lit mineur, constaté par endroits, est un élément de fragilité.




Ce qu’il faut retenir


Grâce à leur dimensionnement, les digues CNR apportent un haut niveau de protection contre les inondations dans les zones où elles assurent cette fonction. La conception, le mode de réalisation et le programme de surveillance des digues CNR leur confèrent un haut niveau de sécurité vis-à-vis de la rupture. Les digues syndicales apportent un niveau plus faible et variable, l’objectif visé étant la crue centennale.



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