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Changement climatique - invasions biologiques

De Wikhydro
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Ce que l’on constate actuellement

Fichier:Etudes amp documents n°55.jpg
etudes amp documents n°55
La Convention Diversité Biologique (CBD) [54] considère les « espèces invasives1 » comme un des quatre principaux vecteurs d’altérations de la biodiversité à l’échelle mondiale ce qui en fait une des top priorités (Décision VI/23). En Europe, on enregistre une prise de conscience récente de ce risque avec la mise en place notamment du règlement visant à prévenir  l’introduction d’espèces invasives associées à l’aquaculture et à évaluer l’importance du phénomène et ses conséquences sur les écosystèmes.

Bien que la directive cadre sur la stratégie en milieu marin aborde ce point, la législation européenne reste éclatée dans ce domaine, ce qui conduit la Commission à l’élaboration d’une
stratégie communautaire pour 2010. Malgré plusieurs guides et recommandations (FAO, CBD, CIEM), la réponse en terme de réglementation et de gestion à l’échelle nationale comme
européenne n’est donc pas encore opérationnelle et il n’existe pas de stratégie commune à ce jour pour limiter les effets indésirables des espèces invasives.

Dans des environnements sensibles, les conséquences possibles des invasions biologiques peuvent être très significatives d’un point de vue écologique, économique et social. Le cas des eaux et sédiments de ballasts déversés par le transport maritime dans les ports de commerce est à ce titre exemplaire. Ainsi, les espèces phytoplanctoniques toxiques pour la santé humaine introduites au niveau des étangs du Sud de la France impactent fortement les économies locales. Cette question est encore plus critique dans certains territoires en outre mer.

Alors qu’une première convention internationale, signée au niveau de l’organisation maritime internationale (OMI) en 2004, reste encore préliminaire et à ce jour non appliquée (signée par
l’État français), les prises de décisions nationales apparaissent comme extrêmement hétérogènes et ne permettent pas d’aboutir à une efficacité réelle des dispositifs au niveau mondial et les
actions de prévention indispensables restent limitées.

Les moyens de lutte contre les espèces invasives en milieu marin sont très largement inefficaces (i.e., seuls 3 à 4 succès d’éradication sont notables à l’échelle mondiale) comme les  dispositifs d’observation et de prévention actuellement très insuffisants. En parallèle, les évaluations économiques directes et indirectes (e.g. pertes de biodiversité) ne sont pas encore assez développées bien que le projet européen DAISIE ait déjà effectué une première estimation à l’échelle européenne.

Les modifications environnementales en cours comme les changements globaux interagissent directement avec la question « espèces invasives », nécessitant l’élaboration de nouvelles
approches et de modalités de gestion-gouvernance de l’échelle mondiale à nationale. Le premier inventaire des espèces exotiques, réalisé en 2002 pour la façade atlantique, identifie 104 espèces exotiques. Depuis, environ 4-5 espèces exotiques nouvelles sont décrites
annuellement (160 sp en 2006) démontrant ainsi que le rythme d’introductions reste significatif. Parmi ces espèces, environ 10 % posent de réelles difficultés liées à leur caractère invasif.
Les invasions les plus significatives sont corrélées aux modifications thermiques qui ont eu lieu à la fin des années 90s et qui semblent avoir permis le dépassement de seuils critiques :
l’huître japonaise du Pacifique Crassostrea gigas introduite dans les années 1970 se reproduisait uniquement en sud Loire jusqu’aux années 1990. Depuis, des colonisations massives se déroulent le long des côtes jusqu’en Normandie, interagissant avec la biodiversité locale et les usages littoraux (e.g. pêche récréative, usage récréatif de la bande littorale), mais aussi à l’origine de nouvelles activités économiques (e.g. captage d’huître professionnel en rade de Brest). Cette espèce se retrouve de nos jours jusqu’en Norvège.

Des espèces exotiques ont proliféré de façon concomitante, leur expansion étant facilitée par des pratiques professionnelles de transferts de cheptels : le gastéropode prédateur de l’huître Ocinebrellus inornatus, introduit très probablement avec les stocks d’huîtres dans les années 1970, n’a été détecté que dans les années 1990, voyant sa prolifération impacter les élevages professionnels.

Des espèces subtropicales phytoplanctoniques sont découvertes maintenant régulièrement, y compris certaines pouvant poser des problèmes de santé publique.

Les changements d’aires de répartition dus aux changements globaux dont climatique sont très significatifs (remontée de 10°Nord pour certaines) modifiant ainsi le fonctionnement des
écosystèmes, les chaînes trophiques et les services écosystémiques rendus (e.g. pêcheries). Les écosystèmes méditerranéens sont de bons exemples des conséquences conjointes de l’introduction d’espèces invasives (via le Canal de Suez) et de l’impact du changement climatique. En effet, ces espèces ont lentement migré vers le nord puis vers l’est. Certaines d’entre elles ont remplacé les espèces autochtones. L’introduction de Caulerpa taxifolia, à partir des rejets d’un aquarium est un autre exemple significatif. Sa prolifération en Méditerranée occidentale a profondément affecté la survie et le développement de la Posidonie et de l’écosystème qu’elle hébergeait. Le même phénomène est observé avec Taxifolia racemosa originaire d’Australie occidentale. Or le taux de croissance de ces espèces est directement corrélé à la température de l’océan.

Ce qui pourrait se passer

Le changement climatique devrait faciliter les changements d’aires de répartition des espèces de façon beaucoup plus significatives que sur le milieu terrestre, et engendrer des modifications sur le fonctionnement des écosystèmes, les chaînes trophiques et les services écosystémiques rendus.

L’extension de proliférations comme la crépidule (C. fornicata) impactant la biodiversité peut s’avérer lourde de conséquence. L’apparition de nouvelles espèces phytoplanctoniques subtropicales pouvant poser des problèmes de santé publique est probable et les conditions environnementales devenir plus favorables à des espèces – exotiques et/ou endémiques – à fort potentiel d’expansion.

Le rythme d’introduction d’espèces exotiques et leur survie devraient croître si aucune mesure de prévention n’est rapidement mis en place (e.g., traitement des eaux de ballast, précautions lors des transferts d’espèces aquacoles).

Les modifications environnementales indirectes comme la réduction des débits des fleuves et des étiages plus marqués devraient accroître les probabilités de survie d’espèces marines exotiques au niveau de ports situés en zone de transition du fait de la marinisation des estuaires. Certaines espèces exotiques, actuellement non invasives, pourraient le devenir par le dépassement de seuils physiologiques thermiques (e.g. O. inornatus) et plusieurs espèces endémiques pourraient présenter un caractère invasif à l’avenir.

Les impacts environnementaux pourraient porter sur des modifications locales de biodiversité, des changements d’habitat (e.g. espèce ingénieur créatrice d’habitat comme l’huître creuse construisant des récifs), avec des effets induits comme la modification de la courantologie, de la sédimentation, des perturbations et modifications au niveau de la chaîne alimentaire (e.g. prolifération de filtreurs, émergence de proies pour l‘avifaune).
Les activités économiques (e.g. pêche à pied, aquaculture, tourisme) pourraient évoluer en parallèle et de nouvelles activités apparaître (exploitation de nouvelles espèces et/ou valeur ajoutée sur exploitation).
L’émergence de nouveaux parasites pathogènes opportunistes n’est pas exclue, impactant la biodiversité et les ressources exploitées.

De plus, les stratégies développées en matière de protection et conservation de la biodiversité marine à valeur patrimoniale seront probablement altérées et nécessiteront une stratégie d’adaptation (e.g. réseau d’aires marines protégées, Natura 2000 mer, Parcs marins).


Impacts possibles sur les milieux, les territoires littoraux et les activités humaines


Impacts possibles sur les milieux, les territoires littoraux et les activités humaines
Impacts possibles sur les milieux et les territoires
Types de territoires et milieux exposés  Nature des impacts
Littoral – estuaires – intertidal & subtidal Altération des habitats et de la biodiversité
Niches écologiques (e.g. estuaires)

Perte de biodiversité spécifique (y compris à valeur patrimoniale)

Isolement spécifique

Colonne d’eau – interface eau - sédiment Modifications des chaines trophiques
Tout environnement

Modifications physico-chimiques - morpho sédimentaires

(courantologie, sédimentation) – anoxies…
Modifications des relations proie-prédateur
Changements d’aires de répartition

Émergences de parasites/pathogènes.

Impacts possibles sur les activités humaines
Type d’activité Impacts

Tourisme, activités récréatives (pêche de loisir,

navigation de plaisance)

réduction de l’accès au littoral liée à l’émergence d’espèce sinvasives
Pêche, aquaculture Les changements d’aires de répartition peuvent impacter la
disponibilité des ressources exploitées de façon directe (e.g.
migration de l’espèce), ou indirecte (e.g. diminution de l’espèce
proie – modification des relations proie-prédateur, émergence
de parasites), et de fait les rendements économiques de ces
services. e.g. cas de la pêcherie de palourde japonaise
Santé publique  L’apparition d’espèces invasives et/ou envahissantes peut
induire des coûts de santé publique et de surveillance
préventive (e.g., espèces à phycotoxines – Ostreopsis sp.)
Gestion et d’entretien de l’espace littoral pour
limiter les proliférations

les coûts induits de gestion et d’entretien de l’espace littoral pour limiter les proliférations 

– essais d’éradications – et de maintenance des fonctionnalités des espaces peuvent devenir
trèssignificatifs pour la communauté que cela soit en lien direct avec
le changement climatique (e.g. huîtres creuses), ou indirectement
par des effets d’origine anthropique (e.g. algues vertes)

 Bibliographie

[54] FRISSANT N., RENE-CORAIL C., Le phénomène d’intrusion saline à la Réunion : état des connaissances et synthèses des données disponibles, BRGM, 2005, 64 p., RP-54330-FR.
 
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