S'abonner à un flux RSS
 

Fond géochimique

De Wikhydro
Version du 14 février 2013 à 19:57 par Iméne Benyoucef (discuter | contributions)

(diff) ← Version précédente | Voir la version courante (diff) | Version suivante → (diff)

Qualité naturelle des eaux : le fond géochimique

L’eau de pluie, légèrement acide, se charge au cours de son infiltration dans le sol et le sous-sol en éléments dissous. Ainsi, chaque eau est unique et sa nature dépend de la composition chimique des roches qu’elle traverse. Il n’existe donc pas une, mais des qualités de l’eau. En effet, la minéralisation finale d’une eau souterraine est fonction de la nature de la roche qui compose l’aquifère, du type de circulation des eaux au sein de la roche, du temps de contact avec les minéraux, des phénomènes d’oxydo-réduction et du renouvellement de l’eau dans le réservoir par les apports d’eau météorique. Si les faciès chimiques des roches sont bien connus sur l’ensemble du territoire, les caractéristiques chimiques des eaux, quant à elles, ne sont connues qu’au travers des analyses chimiques réalisées dans le cadre de différents réseaux de suivi, aux objectifs et aux finalités très variés.


D’une manière générale, quelques caractéristiques de la composition des eaux souterraines peuvent être résumées ainsi :
• dans les réservoirs cristallins, les eaux sont douces et peu minéralisées ;
• dans les réservoirs calcaires, les eaux sont dures, moyennement à fortement minéralisées en bicarbonates et en calcium et magnésium ;
• au contact du gypse, fréquent dans les terrains tertiaires du Bassin de Paris, l’eau se charge en sulfate et calcium ;
• en bordure de mer, les aquifères peuvent être affectés par des teneurs en sel (sodium et chlore) excessives avec l’intrusion de l’eau de mer (biseau salé) ;
• l’eau des nappes alluviales a une qualité qui dépend de celle de la nappe qui l’approvisionne et de celle de la rivière.


Dans certains contextes géologiques particuliers, l’eau peut s’enrichir naturellement en éléments mineurs, voire traces dits « toxiques(1) » ou « indésirables(2) » pour la santé humaine. Les concentrations en certains éléments, même si elles sont parfois très faibles (quelques microgrammes par litre), peuvent alors dépasser naturellement les normes de potabilité.

La connaissance du fond géochimique autrement dit de la composition chimique naturelle d’une eau souterraine est donc essentielle à la compréhension des mécanismes d’acquisition du chimisme et à la gestion de cette ressource. C’est un préalable à toute démarche visant à traquer les contaminants anthropiques mais également à établir des stratégies de réhabilitation ou encore à anticiper l’évolution de la qualité d’une nappe, par exemple.

En France métropolitaine, 62% des volumes prélevés pour l’alimentation en eau potable proviennent des nappes. Dans de nombreuses communes, seules les eaux souterraines assurent l’approvisionnement en eau potable comme en témoignent les 35 000 captages répartis sur le territoire national. Les eaux souterraines constituent donc une réserve stratégique pour la production d’eau potable, dont la qualité est étroitement liée à la santé humaine.

De ce fait, dès 1998 avec le renforcement des normes sur l'eau potable, mais surtout avec la Directive Cadre Européenne sur l'eau (DCE) publiée en 2000, la nécessité de connaitre le fond géochimique a pris une importance toute particulière.
En effet, en imposant, à échéance 2015, que les masses d'eau souterraine atteignent le “bon état”, c'est-à-dire reviennent à leur état de référence, la DCE a conduit à développer des méthodes scientifiques d'évaluation de l’état naturel des eaux, notamment afin de mieux estimer l'impact des activités humaines et son évolution.

Les concentrations d’une quinzaine d’éléments mineurs ou traces font l’objet d’une norme relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Or, les sources de ces éléments peuvent être doubles : naturelles et liées au contexte géologique d’une part, anthropiques et liées aux rejets des activités humaines d’autre part (rejets industriels, urbains ou encore épandages agricoles).


La gestion de l’eau potable et la distribution d’une eau propre à la consommation humaine nécessite donc de bien connaître l’origine de chaque élément et de pouvoir notamment distinguer les apports anthropiques des niveaux naturels de concentration.

En France comme à l’étranger, de nombreux aquifères sont naturellement impropres à la production d’eau potable sans traitement. Les éléments les plus à risque pour la santé humaine et les plus souvent rencontrés dans des gammes de concentrations supérieures à la norme sont l’arsenic, l’antimoine, le fluor, le nickel et le sélénium et dans une moindre mesure le bore (Chery, 2006 ; Blum et al., 2006). Pour tous les autres éléments, les concentrations ne dépassent pas, à l’état naturel, les normes de qualité.

Puisque certains systèmes offrent naturellement une eau non conforme aux normes de qualité pour la production d’eau potable, il est essentiel pour les gestionnaires de l’eau et les services de la santé en particulier d’identifier les zones susceptibles de présenter un fond géochimique élevé avant d’envisager l’implantation de nouveaux captages.
Dans cette perspective, différents travaux ont été menés en France à l’échelle régionale ou nationale pour identifier les zones à risque de fond géochimique élevé en éléments mineurs et traces.
À l’avenir, l’acquisition de nouvelles données sur les eaux et les sols devrait permettre d’affiner ces premiers résultats.


1) Eléments toxiques : éléments pour lesquels un risque sanitaire important existe (ex : cancer au-delà d’une certaine exposition)
2) Eléments indésirables : éléments dont la présence est susceptible d’entrainer des réclamations de la part des consommateurs et pour lesquels aucune preuve de risque de cancer n’a pu être démontrée, ou pour lesquels cette éventualité est probablement nulle.


Références bibliographiques

Blum A., Chery L., Barbier J., Baudry D.et Petelet-Giraud E. (2003) - Le fonds géochimique naturel des eaux souterraines. État des connaissances et méthodologie, La Houille Blanche, n°2 Avril 2003, pp. 120-124.

A. Blum, F. Wendland, R. Kunkel, M. Coestiers, M. Van Camp, K. Walraevens, R. Gorova, G. Berthold, G. Fritsche, R. Wolter, K. Hinsby, A. Marandi, Z. Simonffy, K. Kadunas, A. Arustiene,
J. Griffioen, S. Witczac, J. Hookey, J. Gustafsson (2006) – Natural background levels. State of the art and review of existing methodology. In BRIDGE deliverable D10 “Impact of hydrogeological conditions on pollutant behaviour in groundwater and related ecosystems”.

Blum A., Chery L., Legrand H. (2007) - L'eau souterraine est-elle toujours potable à l'état naturel ? Géosciences n°5, pp. 54-63.

Chery L. (2006) – Qualité naturelle des eaux souterraines. Méthode de caractérisation des états de référence des aquifères français, Collection Scientifique et Technique, BRGM Éditions, 238 p

Géorama (2006) – La gestion des eaux souterraines. Géorama n°17



BRGM, synthèse réalisée par Anne Winckel 24 juin 2012 à 15:16 (CEST)

Outils personnels