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Intérêt d’un bioessai basé sur les activités enzymatiques d’algues vertes unicellulaires pour la caractérisation des rejets de déversoirs d’orage

De Wikhydro
Version du 21 août 2014 à 10:26 par Adeline Bordais (discuter | contributions)

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Des activités enzymatiques au potentiel intéressant

Phosphatase alcaline

La phosphatase alcaline est une enzyme pariétale qui hydrolyse les liaisons esters afin de libérer les phosphates inorganiques et les incorporer dans le métabolisme des cellules. C'est une enzyme et une fonction que l'on retrouve dans tous les organismes, notamment les bactéries. Chez les algues, leur rôle est d'autant plus essentiel que le phosphore est un nutriment indispensable à leur croissance. Ainsi, pour faire face à de possibles périodes de carence, les microalgues gèrent leurs stocks en phosphore grâce à leurs phosphatases. Ces enzymes permettent de libérer l'orthophosphate, qui est la forme du phosphore de plus faible encombrement stérique. Celui-ci peut ensuite diffuser de façon passive à travers la membrane cellulaire de manière à constituer des stocks intracellulaires [1]. D'après plusieurs études [1,2,3,4], l'activité phosphatase alcaline est très largement perturbée par la présence de métaux lourds, notamment le zinc, le cadmium ou encore le plomb. Il apparaît lorsqu’on utilise des cellules entières que le plomb et le cadmium ont un effet plus marqué que le zinc sur l'inhibition de l'activité phosphatase alcaline. Cette baisse d'activité nous sert de base dans la caractérisation qualitative des rejets urbains de temps de pluie au niveau des déversoirs d'orage. L'intérêt de ce biomarqueur est donc de pouvoir mesurer rapidement la qualité d'un rejet mais aussi de permettre d'appréhender l'effet de ces rejets sur les premiers compartiments de l'écosystème.

Estérase

Il existe de nombreuses estérases (carboxyles estérases, acétyles estérases, cholestérols estérases etc) jouant des rôles divers dans le métabolisme. Les enzymes servant aux essais appartiennent pour leur part au groupe des cholinestérases. Ces enzymes jouent le rôle de neurotransmetteurs chez certaines espèces, mais chez les plantes des activités non neuronales ont été mises en évidence, notamment un rôle au niveau de l'absorption d'eau et de la photosynthèse [5]. L'intérêt de ces enzymes pour notre étude est que leur activité diminue en présence de certains types d'insecticides tels que les carbamates ou les organophosphorés [1,2,3]. Quantifier cette baisse d'activité permettra de statuer sur la présence de ces pesticides dans la matrice eau. L'activité de ces enzymes est d'autant plus intéressante qu'elle semble peu sensible à la présence de métaux lourds [2]. Ce test est donc a priori complémentaire avec celui sur la phosphatase alcaline. Intérêt du bioessai

L’utilisation des bioessais basés sur le métabolisme algal présente un certain nombre d’avantages : une réponse obtenue en utilisant des cellules entières (c'est à dire la culture d'algues sans dénaturation) d'un organisme représentatif de la base des systèmes trophiques aquatiques, un résultat rapide, une réponse à un mélange de composition variée intégrant la biodisponibilité des polluants, les effets synergiques ou antagonistes des différents constituants. Cette réponse reste toutefois qualitative. L’objectif actuel est d’évaluer l’intérêt de bioessais basés sur le métabolisme algal pour permettre la détection des polluants dans une matrice complexe (par exemple dans le cas de rejets urbains) et ainsi faire des économies d’échelle en ce qui concerne les analyses physico-chimiques.

Expérimentations sur déversoirs d’orage (DO)

Sites d'étude

Les DO sélectionnés pour cette étude ont été choisis selon plusieurs critères : l'accessibilité du rejet, le type de réseau (unitaire, séparatif) ou encore l'environnement (occupation du sol, urbanisation,…).

Mesures des activités métaboliques

Les algues Chlorella vulgaris sont cultivées dans des milieux préparés selon la norme AFNOR T90-304 [6]. Ces milieux permettent de combler tous les besoins nutritionnels nécessaires à la croissance de l'algue. Les cultures sont renouvelées tout au long de l'année à l'aide de repiquages réguliers (fréquence : tous les 10-15 jours). Afin d'obtenir une activité phosphatase alcaline maximale, il est nécessaire que les algues épuisent tout leur phosphore interne. Les algues en milieu AFNOR sont donc repiquées en phase exponentielle de croissance dans un milieu AFNOR sans phosphate. Cette étape se nomme starvation et dure 21 jours. Le repiquage des algues est effectué en conditions stériles à l'aide d'une hotte à flux laminaire et d'un bec bunsen. Les algues sont ensuite placées sous agitation dans une pièce sombre, climatisée à 20°C sous un éclairage d'intensité lumineuse fixée à 5000 lux.

Une partie de chaque échantillon des DO collectés est filtrée à l'aide d'un système de filtration sous vide. Le papier filtre utilisé est de la marque Whatman (Cat No 1442 070), d'un diamètre de 70 mm et d'une porosité de 2,5µm. Il est adapté pour retenir une grande partie des matières en suspension. Une autre partie n'est pas filtrée. Tous les échantillons sont ensuite passés à l'autoclave pendant 2 heures, à une température de 120°C afin de les stériliser . L'échantillon conservatoire est mis au congélateur à une température de -4°C. Les échantillons filtré-autoclavés et les échantillons uniquement autoclavés sont, quant à eux, conservés au réfrigérateur pendant une période de deux mois. Ces deux échantillons permettront de distinguer l'effet du mélange filtré (phase soluble) et l'effet du mélange brut (soluble+particulaire).

L'exposition des algues aux échantillons de DO a été fixée à 2 heures. En effet, des essais préliminaires effectués dans notre laboratoire avec des durées d’exposition de 4 h et 24 h ont confirmé les tendances visibles à 2h. A la fin de l’exposition, la centrifugation des algues est utilisée afin de travailler sur le matériel algal exposé aux mélanges en évitant les fluorescences parasites que les rejets pourraient émettre.

La phosphatase alcaline est une enzyme dont l'activité diminue en présence de métaux lourds. On s'intéresse ici à l'activité de la phosphatase alcaline membranaire de Chlorella vulgaris.

La méthyl-umbelliféryl-phosphate (MUP) est le substrat nécessaire à l'algue pour que la phosphatase algale la dégrade et forme de la Méthyl-umbelliférone (MUF), un produit qui fluoresce selon un couple d'excitation-émission de 355nm-460nm. L'activité de l'enzyme est donc proportionnelle à l'intensité de la fluorescence détectée. Mesures de l'activité estérase Les estérases sont des enzymes dont l'activité est modifiée en présence de certains types d'insecticides, notamment les organophosphorés ou les carbamates. Le mécanisme d'action de ces insecticides est lié à leur ressemblance avec des substrats naturels. Les molécules telles que les organophosphorés et les carbamates entrent en compétition avec le substrat et modifient l'activité de l'enzyme [1]. Les mesures sont réalisées avec le même matériel que pour l’activité phosphatase alcaline. Le substrat utilisé est la fluorescéine diacétate (FDA). L'hydrolyse de cette molécule par les estérases conduit à la formation de la fluorescéine, une molécule qui fluoresce selon un couple excitation-émission de 480nm-538nm.

Conclusions

Les deux ans de suivi sur des déversoirs d’orage ont permis de mettre en évidence plusieurs choses. Les activités phosphatases alcalines : ne semblent pas être un biomarqueur pertinent pour suivre des rejets complexes étant donné la grande variabilité des réponses observées pour des échantillons aux compositions proches au cours des deux ans de suivi, ne permettent pas de discriminer la typologie de réseau étudié (unitaire ou séparatif), sont insensibles au régime pluviométrique (temps sec/ temps de pluie), semblent moins sensibles à la fraction totale (mélange autoclavé) que les AE (la phase soluble des échantillons joue a priori un rôle plus important que la phase particulaire dans la perturbation des activités puisque les polluants sont davantage biodisponibles), n’intègrent pas de manière efficace la présence d’ETM dans la matrice eau (du fait de l’absence de dose-effet perceptible et de l’interférence des orthophosphates). Les activités estérases: semblent plus adaptées pour suivre des rejets problématiques au regard des paramètres tels que la DBO5, la DCO, l’ammonium ou encore les différents ETM, discriminent mieux que les APA les différentes typologies de réseau : les résultats ont montré des inhibitions plus importantes pour les mélanges issus de réseaux unitaires, sont en revanche insensibles au régime pluviométrique considéré, sont plus sensibles à la fraction totale (mélange autoclavé) que les APA, la phase particulaire étant sans doute porteuse de facteurs d’inhibition.

Bibliographie

[1] Chouteau, C., 2004, Développement d'un biocapteur conductimétriques bi-enzymatiques à cellules algales, Thèse. Ecole doctorale : Chimie de Lyon.

[2] Guédri, H, 2010, Mise au point de biocapteurs sur la mesure des activités enzymatiques de cellules algales pour la surveillance des milieux aquatiques.Thèse. Ecole doctorale : Chimie de Lyon.

[3] Ferro, Y, 2013, Evaluation de l'impact des rejets urbains de temps de pluie sur le compartiment algal des écosystèmes aquatiques, mise au point d'outils pour la surveillance des milieux récepteurs. Thèse, école doctorale Chimie : Lyon.

[4] Durrieu C., Tran-Minh C., Optical algal biosensor using alkaline phosphatase for determination of heavy metals, Ecotoxicology and Environmental Safety 51, 206-209, 2003.

[5] Wessler, I, Kilbinger, H., Bittinger, F., et al. The non-neuronal cholinergic system. The biological rôle of non-neuronal acetylcholine in plants and humans. The Japanese Journal of Pharmacology, 2001, Vol.85, n°1, pp.2-10.

[6] Norme AFNOR T90-304, 1983, formation milieu LC oligo.


Le créateur de cet article est Céline Chouteau
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Rédacteur : Gaspard Hubert

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