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Observer le mascaret sur la Dordogne à Saint-Pardon

De Wikhydro
Version du 8 avril 2015 à 14:20 par Natacha Roger (discuter | contributions)

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Sommaire

Eléments de contexte

L'opération mascaret 2013 a été organisée autour de l'observation, de la mesure et de la modélisation des mascarets qui se sont produits entre le 18 et le 21 septembre 2013 à Saint-Pardon sur la Dordogne.
Les pages WIKHYDRO qui concernent cette opération sont les suivantes:

Cette opération a également été complétée par une visite en bateau de l'estuaire où plusieurs scientifiques ont délivré des messages sur la qualité des eaux, la faune et la flore aquatique et sur l'impact de la centrale nucléaire du Blayais sur l'écologie de l'estuaire.

Les principales observations qui ont été collectées proviennent par la descente de la rivière en surfant le mascaret, au survol du drone de l'IFSTTAR ainsi que des observations qualitatives qui ont été notées par les étudiants en master 2 Ingénierie et gestion de l’eau et de l’environnement de l’Université de Limoges.

Surfer le mascaret : une source d'informations de première main

La vidéo ci-dessous fut enregistrée le samedi 21 septembre 2013 sur la Dordogne à Saint-Pardon. Le coefficient de marée était de 101 et le débit de la Dordogne de 118 m3/s. Les 3 fenêtres sont "quasi" synchrones et correspondent à des caméras placées sur la berge (demi-écran inférieur), sur une perche au bout d'une tige de 1 mètre positionnée par la personne positionnée en avant d'un kayak et enfin sur le casque du pilote du kayak positionnée sur son casque (donc à une hauteur d'environ 1 mètre de la surface (écran supérieur gauche. Le suivi approximatif du kayak est affiché sur l'écran supérieur droit.

A partir de la visualisation de cette vidéo, nous pouvons faire ressortir quelques éléments qualitatifs, qui pourront être confirmés par les observations des étudiants et nous feront quelques calculs "de coin de table" pour quantifier certaines grandeurs.


WIKHYDRO : mascaret Dordogne à Saint-Pardon 21... par Wikhydro

Observations qualitatives

Observer le mascaret n'est pas aussi aisé qu'il peut paraître a priori. C'est un phénomène qui ne se laisse pas facilement approcher pour plusieurs raisons. Il s'agit en effet d'un train d'ondes, donc de plusieurs vagues qui n'ont pas forcément les mêmes caractéristiques, qui se propagent dans le temps et dans l'espace en se déformant en fonction essentiellement de la bathymétrie locale.
Les premières observations que nous en tirons sont les suivantes:

  • La forme des vagues et très dépendantes de la bathymétrie. Elle semble augmenter en arrivant devant Saint-Pardon (le pilote du kayak dit aux surfer que la vague va se creuser).
  • la longueur d'onde semble plus grande au départ dans les hauts fonds qu'à Saint-Pardon
  • à la sortie du coude du lieu-dit "la rivière", le front d'onde semble se diviser en deux :
  • un front rive gauche assez rapidement déferlante qui se propage le long de la berge
  • un front rive droite qui "traverse" la rivière et se dirige tout droit vers Saint-Pardon : c'est la vague des surfeurs qui connaissent bien le site
  • les conditions de déferlement sur les crêtes de vague varient dans le temps et dans l'espace
  • les bords des berges sont soumis au déferlement des vagues et donc à l'érosion
  • le sillage des surfeurs se propage sur plusieurs vagues
  • l'ouvrage de protection de Saint-Pardon, qui reçoit la vague en provenance de la rive droite a un effet de réflexion et provoque la déstructuration du train d'onde dans ce secteur, phénomène amplifié ensuite par la zone de hauts fonds situé rive gauche à l'amont du quai de Saint-Pardon
  • le mascaret s'accompagne d'une forte mise en suspension des vases : la couleur de l'eau brunâtre se voit bien ainsi que la pellicule qui reste sur les combinaisons des surfeurs.

Quelques calculs de coin de table

De ce que nous pouvons observer, nous pouvons en déduire les évaluations suivantes :

  • la longueur de la descente a été de 8 mn 45s sur une distance de 2,6 km, ce qui donne une vitesse de propagation d'environ 18 km/h = 5 m/s
  • la vitesse de propagation d'une onde en petite profondeur suit la loi $ V=\sqrt{gH} $ où H est la profondeur d'eau. Nous en déduisons une profondeur moyenne théorique sur la trajectoire du mascaret H = 2,5 m ce qui correspond bien aux petits fonds en amont après la sortie du coude (inférieur à 2 m) et dans le secteur aval de Saint-Pardon également. A centre de la rivière, les profondeurs sont plus importantes (carte bathymétrique).
  • à la hauteur de Saint-Pardon, nous pouvons estimer la longueur d'onde à environ 5 longueurs de kayak, soit environ 10 m
  • la cambrure moyenne nous est donnée par H/L compris entre 0,25 (profondeur de 2m) et 0,5 (profondeur de 4m, ce qui est inférieur au critère de déferlement de Miche (H/L=0,8), ce qui explique que l'on observe peu de zone de déferlement: les déferlements étant principalement dus au sillage des surfers.

Recommandations

Cette approche qualitative a été rendue possible par le suivi synchrone de 3 caméras, qui peut être amélioré :

  • le suivi aérien par drone indiquera ainsi beaucoup plus précisément la propagation déformation dans l'espace et le temps. Un plus serait évidemment de restituer la topographie 3D en temps réel de la surface du mascaret.
  • les mesures à proximité de la berge ne peuvent donner qu'une indication locale du processus qui est très influencé par les conditions locales (déferlement, réflexion de l'onde...)

Comparaison des 4 mascarets des 18, 19, 20 et 21 septembre 2013

Exploitation qualitative des images comparatives des mascarets consécutifs enregistrés à Saint-Pardon sur la Dordogne aux quatre dates suivantes : 18 septembre 2013 ; coefficient de marée 97 ; débit Dordogne : 137 m3/s 19 septembre 2013 ; coefficient de marée 104 ; débit Dordogne : 111 m3/s 20 septembre 2013 ; coefficient de marée 105 ; débit Dordogne : 133 m3/s 21 septembre 2013 ; coefficient de marée 101 ; débit Dordogne : 118 m3/s Ces 4 mascarets ont été filmés depuis depuis le quai de Saint-Pardon et ont été reportés sur les quarts d’écran du film ci-dessus. Une analyse très qualitative des images est proposée ci-après.


WIKHYDRO : comparaison de 4 mascarets à Saint... par Wikhydro

Amplitude des ondes

Le mascaret 97 produit un train d’ondes d'amplitudes plus faible que ceux de coefficients plus élevés.

Déferlement des crêtes de vagues au centre de la rivière

Devant Saint-Pardon, les crêtes de vague ne déferlent pas : seuls les sillons des surfeurs produisent des perturbations superficielles

Réfraction des fonds en rive droite

En examinant attentivement les mascarets 104 et 105 sur la rive droite (en haut de la photo), on voit très bien que la crête des vagues, qui au milieu de la rivière est rectiligne, est inclinée vers la gauche, ce qui traduit un retard dans la propagation. Ceci résulte des hauts fonds qui s'accompagnent d'une vitesse de propagation inférieure à celle de profondeurs plus grandes au milieu de la rivière (voir formule ci-dessus). Cette vague en très petits fonds va même jusqu'à déferler (avant d'arriver à Saint-Pardon).

Réfraction des fonds en rive gauche et influence de la pente de descente des surfs

Lorsque la camera est tournée vers la rive gauche, elle permet de mettre en évidence plusieurs phénomènes : les petits fonds de la rive gauche produisent un déferlement des crêtes du mascaret mais uniquement pour les premières vagues. Plus en aval, la surface libre est agitée mais non déferlante, contrairement à ce qui se passe plus au centre de la rivière où les vagues restent bien formées : les surfeurs engagés ont d'ailleurs des difficultés à rester sur leur planche. Si l'on se place au temps (1:26), la crête de vague, initialement en arrière de la crête côté rivière (à cause d'une vitesse de propagation inférieure en petits fonds) se reforme après le plan incliné de mise à l'eau des surfs. En se reformant, elle « glisse » rapidement sur ce plan incliné et se reforme « en avance » après l'ouvrage. Si ce n'est pas très flagrant pour la première crête de vague, il n'en va pas de même pour la seconde vague qui offre un profil très incliné, en avance par rapport à cette même crête en rivière. Cette vague va par la suite déstructurer complètement le train d'onde (2:00)

P1140023.JPG P1140154.JPG P1140155.JPG

A remarquer également

la surface libre est beaucoup plus perturbée pour le coefficient 105 : bien que le zoom soit différent, les amplitudes des vagues paraissent plus importantes. La disparition complète d'un kayakiste (2:16 coeff 101) en fond de vague, montre que les amplitudes sont assez élevées.

Recommandations

Pour bien comprendre la propagation-déformation de ce train d'ondes, il convient de pouvoir mettre en place en plusieurs endroits des caméras qui puissent filmer le train d'ondes en transversal par rapport aux lignes de crête. Les appareils de mesure placés à proximité de la berge vont donner quelques informations d'évolution de niveau d'eau, mais dans les zones perturbées, à savoir en rive droite (en haut de l'écran) dans une zone de réfraction des fonds et à proximité de l'ouvrage de Saint-Pardon en zone de présence d'ouvrages. L'information la plus pertinente est celle qui pourrait être acquise au milieu du domaine par des drones (voir ci-dessous) ou des ULM, qui plus est avec une restitution de la topographie du train d'ondes dans le temps. Ce dernier point est encore du ressort de la recherche.

Survol du drone de l'IFSTTAR

Cette vidéo a été enregistrée par le drone de l'IFSTTAR le 19 septembre 2013, correspondant aux conditions suivantes : coefficient de marée de 104 et de débit de 111 m3/s. Le drone était alors en position à proximité de Tressac. Le film a été enregistré par une caméra GOPRO modèle HERO 3, dirigée vers l'aval d'où vient le mascaret.


WIKHYDRO : survol du mascaret à Saint-Pardon... par Wikhydro

Exploitation des images

  • très en aval, la surface est très perturbée à cause des hauts fonds. Le front d'onde est peu visible.
  • une forte dissymétrie apparaît entre les deux rives:
  • rive gauche, avec une surface très perturbée, beaucoup de déferlement
  • rive droite, une surface beaucoup plus lisse
  • les perturbations semblent se former et se propager à partir des rives et se propager vers le centre de la rivière, formant un V. Ces deux vagues déstructurent le train d'onde et la surface très perturbée indique qu'il s'agit d'ondes non-linéaires.
  • au fur et à mesure de sa propagation, le front d'onde de différentie et prend de l'avance par rapport au secteur perturbé qui avance beaucoup moins rapidement, ce qui résulte probablement des fonds qui sont plus bas au centre de la rivière
  • en rive gauche, la bathymétrie provoque encore une réfraction - réflexion des ondes, mais de manière beaucoup moins prononcée que précédemment. Une onde de réflexion apparaît et se propage vers le centre (3:15)
  • en rive droite, le mascaret est indiscernable
  • le train d'onde au milieu de la rivière compte beaucoup de vagues (une trentaine et est relativement bien formé

Quelques calculs de coin de table

  • lieu : 250 mètres en aval du port de Tressac (lat 44.929343° Long -0.320711°) ;
  • drone en vol stationnaire ;
  • GOPRO orientée plein vertical ;
  • altitude drone : 70 m ;
  • distance "étoile photo" - drone : 30 m ;
  • distance entre appareils photo d'extrémité de l'"étoile photo" : 1,80 m.
  • résultat : λ = 11,20 m

A affiner...

Recommandations

  • par rapport à ce qui est observé à Saint-Pardon, cette partie "aval" est également intéressante à observer car le train d'onde est bien établi en aval du coude de Tressac;
  • il est dommage de ne pas avoir pu enregistrer la propagation du mascaret dans le coude de Tressac depuis le drone;
  • compléter avec une caméra et/ou appareil photo qui fait que du vertical (en plus de la GOPRO existante qui est montée sur tourelle) et pouvant se synchroniser avec ceux de l'étoile ;
  • améliorer l'étoile qui a servi de repérage au moyen de mires ;
  • utiliser un télémètre d'altimétrie.

Observations des étudiants

Les étudiants en provenance de l'université de Limoges ont été répartis sur 7 sites.
Leur mission consistait à enregistrer des vidéos du mascaret au cours de sa progression et à enregistrer les niveaux d'eau au droit de perches installées sur les berges. L'ensemble des vidéos enregistrées sont disponibles sur la page suivante : Observer la propagation du mascaret sur la Dordogne à Saint-Pardon à partir des berges


Le créateur de cet article est Jean-Michel Tanguy
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