Utilisation du lidar pour la cartographie des habitats côtiers
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Introduction
Cet article décrit comment le lidar (Laser or Light Detection and Ranging) peut être utilisé pour collecter des données sur les habitats côtiers. L'article présente le principe de la mesure et explique également comment planifier une campagne lidar.
Des informations sur les produits typiquement générés par un levé lidar et une description des traitements classiques effectués sur les données sont données dans l’article intitulé « Traitement des données issues des levés lidar ».
Description de la technique
Le lidar est une technique de télédétection active utilisant l'émission de lumière. Une partie de la lumière est diffusée ou absorbée par l'environnement et l'autre partie est rétrodiffusée dans la direction de la source de rayonnement. L’intervalle de temps entre les signaux d'émission et de réception du signal permet de déterminer la distance parcourue, puisque la vitesse de la lumière est connue. Connaissant avec précision l'altitude de l'avion, il est alors possible de déterminer l'altimétrie (ou la bathymétrie) en chaque point ayant été insolé. Le système de télédétection lidar comprend :
- un télémètre laser,
- un système optique permettant la mesure de l'intensité lumineuse rétrodiffusée,
- les composants électro-optiques et électroniques d’acquisition.
Le positionnement absolu du scanner laser (voir Figure 1) est assuré grâce à un récepteur GPS et une centrale de navigation inertielle (INS). Le système GPS est utilisé en cinématique différentielle, avec un récepteur à bord de l'avion et un ou plusieurs autres stationnés aux points de référence à terre. Le rôle du GPS dans une intégration du GPS et de l’INS de la trajectoire de l'avion est de fournir la position XYZ, typiquement aujourd’hui à une fréquence de 10Hz. L'INS pour sa part enregistre l’attitude de l'avion à 100 Hz de fréquence. La combinaison du GPS et de l'INS permet de corriger les défauts respectifs de chaque système, la dérive à long terme de la centrale d'inertie étant corrigée par la grande stabilité du système GPS.
Avantages du lidar en zone côtière
La raison principale de l’utilisation du lidar en zone côtière est sa capacité à couvrir rapidement de grandes zones qui seraient difficiles à étudier avec des outils plus classiques (Figure 2). Grâce à la détection à haute fréquence, le taux de couverture est très élevé, allant d’environ 20 km ² à plus de 50 km ² par heure respectivement pour les modes bathymétrique et topographique. Pour les estrans, cet avantage est crucial, car en général les fenêtres de basse mer (et de beau temps) pour les opérations sont courtes. Aucun système de terrain ne peut atteindre des taux de couverture comparables.
Le lidar bathymétrique peut être utilisé pour compléter les techniques de sondage acoustique de plusieurs façons. Alors que les systèmes acoustiques multifaisceaux ont révolutionné l'acquisition de données bathymétriques en eau profonde, ils sont généralement beaucoup moins efficaces en zone peu profonde (moins de 20 m). En revanche, les systèmes lidar ont été spécifiquement conçus pour une utilisation dans des environnements difficiles et peuvent fournir des données uniformes et denses même en eau très peu profonde.
Le lidar fournit en premier lieu les coordonnées du terrain en trois dimensions (x, y, z) aussi appelées modèle numérique de terrain (MNT). Avec les enregistrements à haute densité, la présence d'objets spécifiques comme la végétation, les bâtiments, les obstacles sous-marins peut être détectée. Le lidar fournit également l'intensité du signal qui, sous certaines conditions, peut donner accès à la réflectivité des cibles.
Gamme de systèmes
Deux types de systèmes sont aujourd’hui disponibles, le lidar topographique et le lidar bathymétrique (aussi appelé hydrographique) et ils sont en général mis en œuvre lors de survols bien distincts. Cependant on voit apparaître des opérateurs mettant en œuvre simultanément les deux capteurs, au prix d’un compromis dans les plans de vol.
Le lidar topographique
Le lidar topographique utilise un rayon laser dans l’infrarouge, dans une gamme de longueurs d’ondes allant de 1047 à 1540 nm. A une altitude de vol de 1000 m, il est possible de couvrir environ 50 km ² par heure avec des densités très fortes (approchant le mètre carré) obtenues grâce à la cadence extrêmement élevée d’impulsions (100000 Hz). L’impulsion du lidar topographique subit de multiples réflexions sur certains obstacles, une propriété qui permet d’identifier la végétation ou d'autres objets complexes. Une littérature très abondante existe sur les caractéristiques techniques du lidar topographique.
Le lidar bathymétrique
Les systèmes laser bathymétriques aéroportés déterminent avec précision la profondeur de l'eau en mesurant le temps de parcours de deux impulsions laser de différentes longueurs d'onde : l'infrarouge est rétrodiffusé par la surface de la mer, l'autre (généralement le faisceau vert à 532 nm) traverse l'interface air-eau puis est réfléchi par le fond. Un récepteur optique sur l'appareil détecte l'impulsion de la réflexion à la fois sur les fonds marins et à la surface de l'océan. La profondeur de l'eau est déterminée par le temps écoulé entre ces deux évènements, après prise en compte de la géométrie du système, des distorsions induites par la propagation, de la hauteur des vagues et des effets de la marée.
Les coordonnées horizontales des points de sondes sont déterminés à partir de la position de l'aéronef et de son attitude, de la direction du faisceau laser par rapport à l'avion et à la profondeur de l'eau mesurée. Les faisceaux laser sont distribués soit sur un cône (ce qui permet une incidence constante, typiquement 20°), soit dans un plan perpendiculaire au sens de la marche sur une fauchée généralement équivalente à la moitié de l'altitude. La densité des sondes peut varier de 2 x 2 m jusqu'à 5 x 5 m ou plus. L'altitude de vol est en général inférieure à 500 mètres. Lorsque la lumière se propage à travers la colonne d'eau et se reflète sur le fond marin, la diffusion, l’absorption, et la réfraction se conjuguent et limitent l’intensité du signal de retour et donc la profondeur maximale d’extinction du système. Cette profondeur, fonction de la clarté de l'eau, est d’au plus 3 fois la profondeur de Secchi (Smith, 2000), mais elle dépend aussi de la réflectance du fond. La profondeur maximale peut être de 40 à 50 m dans une eau oligotrophe très claire. Quant à la couverture d’une fauchée lidar bathymétrique, elle est indépendante de la profondeur d'eau. La profondeur minimale mesurable est inférieure à un mètre et le lidar peut désormais fournir une cartographie continue topographique et bathymétrique du littoral de l’eau à la terre ferme.
Une végétation basse dense (algues, herbier) ou une vase peuvent limiter les performances du système. En général, les systèmes lidar ne seront pas utilisables dans les zones de turbidité chronique modérée à élevée. Dans les zones où la turbidité peut être variable, il est essentiel de prévoir les campagnes de levé pendant une période où les conditions sont favorables, par exemple faible débit des fleuves, production primaire limitée et période de morte eau afin d’éviter la remise en suspension des sédiments du fond.
A noter que la plupart des systèmes recueillent aussi directement des vidéos géoréférencées en parallèle avec les mesures lidar. En plus d'un enregistrement visuel de la zone d'étude, la vidéo est fréquemment utilisée pour positionner certains repères physiques telles que les amers, les aménagements ou d'autres points intéressants. D’autres options sont de plus en plus courantes, telles que l’emport simultané d’une caméra numérique (si l’avion le permet) délivrant des images géoréférencées en couleur naturelle ou infrarouge-couleur avec une précision de positionnement meilleure que le pixel.
Préparer une campagne de levés
La préparation d’une campagne de lidar aéroporté implique de prendre en compte de nombreux paramètres afin d'optimiser le travail et de garantir une bonne qualité des données :
plan de vol, marée, agitation de surface, turbidité de l'eau, conditions météorologiques, densité des points de mesures de la campagne, altitude de vol, position du soleil, personnes présentes sur la zone d'étude, etc…
Indications générales pour une campagne
La plupart des conseils d'exploitation sont les mêmes que pour les campagnes aéroportées classiques de levé d’imagerie.
Un lidar topographique peut être utilisé de jour comme de nuit, cependant que pour le lidar bathymétrique les opérateurs préfèrent travailler de jour, car ils ont besoin en simultané d’une couverture photographique. Les nuages ne sont pas vraiment un problème, à condition que l'avion reste au-dessous du plafond nuageux, cependant des conditions de ciel clair sont toujours préférables. La vitesse du vent doit être inférieure à 20 noeuds avec un état de mer convenable. L’élévation du soleil ne doit pas excéder 50° pour éviter les reflets solaires, dans la mesure où les rayons du soleil peuvent créer du bruit dans le retour d'onde. Ce problème concerne en fait plutôt le lidar bathymétrique pour deux raisons: a) l'intensité de son signal de retour est beaucoup plus faible en raison de l'absorption par l'eau, en particulier pour les détections profondes, b) la plupart des dispositifs ont un angle d'incidence vers l’avant qui les rend plus sensibles aux reflets solaires. Les trajectoires de vol ne doivent donc pas faire face au soleil.
Pour la topographie de l’estran, les sorties doivent idéalement avoir lieu entre environ 1h30 avant et à 1h après une basse mer de vive-eau, ce qui permet de couvrir l’estran presque jusqu’au zéro des cartes marines. Pour les levés bathymétriques, la marée basse de morte eau est idéale car elle allie des niveaux d'eau restant modérés à des courants et une remise en suspension faibles. Comme le taux de couverture des levés bathymétriques est plus bas, les sorties seront plus longues. Dans certains cas, une demi-marée sera nécessaire, ce qui limitera la détection des fonds les plus profonds. Septembre est une période favorable en Europe occidentale car on peut y profiter de fenêtres de beau temps cependant que la turbidité, les débits et la production primaire y sont à des niveaux généralement faibles.
Compte tenu de l’état de l'art, les taux de couverture moyens pour des littoraux complexes comme ceux de la Bretagne atteignent environ 15 et 50 km ² par heure pour les levés bathymétriques et topographiques respectivement. Ces valeurs augmentent largement avec l’augmentation de la longueur des lignes de vol. Toutefois il convient de noter que la densité de points pour les premiers est généralement 2 à 3 fois inférieure à celle des seconds.
Comme l'utilisation des deux lidar au cours du même vol est de plus en plus courante, un compromis doit être trouvé au niveau des fenêtres de marées. Les conditions de basse mer de morte-eau assurent globalement une meilleure qualité du travail. Dans ce cas, le bas de l’estran qui reste immergé sera levé par le lidar bathymétrique, tandis que le milieu et la partie supérieure de l’estran seront couverts par le capteur topographique.
Pour finir, il est évident que le choix d'un système lidar et ses caractéristiques propres (qui varient suivant les constructeurs) ont une incidence sur le coût, la superficie couverte par le levé et la densité des mesures.
Exemple d'un plan de vol sur la baie du mont Saint-Michel
Environ 250 km ² d’estran ont été couverts en 2002 dans la baie du mont Saint-Michel grâce à l’utilisation du lidar topographique. Le plan de vol était assez simple à organiser, du fait du caractère sédimentaire et donc régulier du site. Des lignes de vol parallèles couvrant des fauchées de 700 m (avec 20% de chevauchement, d’où une fauchée utile d’un peu plus de 500 m) ont été réalisées sur un découpage en trois secteurs afin d’optimiser la couverture en prenant en compte la forme de la baie. Les lignes de vol étaient les plus longues possible, afin de réduire le nombre de demi-tours par rapport au temps de vol total (un demi-tour dure environ 3-4 minutes à 150 noeuds).
Toutefois, dans l'estuaire à l'est, cette règle n’a pas pu être respectée et de courtes lignes de vol n’ont pu être évitées. Les lignes de vol ont été agencées en prenant en compte la variation des niveaux d'eau. La campagne a donc commencé par le moyen estran 2 heures avant la marée basse et a ensuite suivi le jusant, de sorte que les lignes les plus proches du zéro des cartes marines ont été survolées à basse mer. Ceci a permis une couverture maximale de l’estran.
Stratégie des campagnes en eau peu profonde
Pour l’étude des littoraux complexes comportant un entrelacs de terre, de mer et d’îlots, plusieurs options sont possibles. Dans ce cas, les conditions de marée du site doivent être examinées très soigneusement (voir " Indications générales pour une campagne "). Ensuite le choix entre une ou deux campagnes distinctes doit être arrêté. Une première campagne à plus haute altitude par grande basse mer peut être consacrée à un relevé topographique seul et être suivie quelques jours plus tard d'une seconde sortie à basse altitude pour les levés bathymétriques. Dans un tel cas, les deux campagnes sont optimales et les données obtenues sont de portée et de qualité maximales.
Si un système mixte est utilisé, le temps de vol sera limité par la fréquence inférieure du système bathymétrique et sa basse altitude de vol, alors que les données topographiques se trouveront surabondantes (la fréquence du lidar topographique est en effet 10 fois plus élevée que celle du lidar bathymétrique).
Dans les situations où la proportion de zones de faible profondeur d’eau et d’estran est élevée (par exemple un archipel), ce vol mixte est clairement recommandé, les vols séparés étant par construction très redondants. Il est à noter que tout levé lidar peut être réalisé de nuit (les conditions atmosphériques étant en général plus favorables), cependant les opérateurs de lidar bathymétrique préfèrent les levés diurnes pour disposer d’un enregistrement simultané d'images.
Hauteur de vol, fauchée et densité de points
Comme un système donné possède une fréquence fixe, l'espacement des points est fonction de l'altitude et de la vitesse de vol. Puisque la précision diminue avec l'altitude (en fonction de la composition de l’atmosphère) les paramètres de vol seront dictés par les besoins du projet en termes de précision et d'espacement des points. En général, les spécifications permettent une vitesse de vol de 100 à 200 noeuds pour une altitude d'au moins 400 mètres. Les lidar topographique récents ont une fréquence d’impulsions proche de 100000 Hz, ce qui permet l’obtention d’une très forte densité de points (un point par m² ou mieux). Les lidars bathymétriques, avec une fréquence d’environ 4000 Hz atteignent couramment une densité d'un point pour 10 m², qui peut atteindre un point pour 4 m² si l’on optimise l'altitude et la vitesse.
Les systèmes lidar fonctionnent avec un champ de vue situé entre 15° et 20 °, balayant ainsi une largeur de 0,5 à 0,7 fois l'altitude. Alors que les systèmes topographiques balaient de part et d'autre du nadir (d'où une variation de l’incidence pour chaque point), les lidar bathymétriques fonctionnent avec un angle conique dirigé vers l’avant qui assure une incidence du faisceau constante. Ceci est important du fait de la réfraction à l’interface air-eau.
Précision des données
Le très faible « champ de vue instantané » du faisceau du lidar topographique (angle solide typiquement proche du mrad) conduit à une empreinte de quelques décimètres sur le terrain et donc à une très grande précision de mesure (typiquement mieux que 0.15 m emq sur un sol uni). La précision horizontale est de quelques dizaines de cm. Pour un lidar bathymétrique la divergence est plus forte, générant une empreinte de 2 à 3 mètres de diamètre à la surface. Cette empreinte se retrouve au fond, cette large taille de surface insolée entraînant une diminution de la précision de mesure à 0,25 m (emq) sur des fonds sédimentaires réguliers, avec une précision horizontale par là même dégradée. Les données bathymétriques sont généralement compatibles avec la norme de qualité OHI de premier ordre qui exige une précision emq de 5 m sur l'horizontale et de 0,25 m sur la verticale.
Liens internes
Traitement des données issues des levés lidar
télédétection
Références
1. ↑ Banic J., Cunningham G., 1998. Airborne Laser Bathymetry: A tool for the Next Millennium. Optech Inc. (Toronto, Ontario, Canada,), pp. 6.
2. ↑ Guenther G. C., Cunningham G., Laroque P. E., Reid D. J., 2000. Meeting the accuracy challenge in Airborne Lidar bathymetry, Proceedings of EARSeL-SIG-Workshop Lidar, Dresden/FRG, June 16 – 17, 2000, pp. 27.
Références complémentaires
- Huising E.J., Gomes Pereira L.M., 1998. Errors and accuracy estimates of laser data acquired by various laser scanning systems for topographic applications, ISPRS Journal of Photogrammetry and Remote Sensing 53, 245-261: pp. 17.
- Tuell G., Park J. Y., 2004. Use of SHOALS bottom reflectance images to constrain the inversion of a hyperspectral radiative transfer model, Proceedings of SPIE, Laser Radar Technology and Applications IX, Volume: 5412, pp. 9.
- Populus et al., 2001. Assessment of the Lidar topographic technique over a coastal area. CoastGIS’01, Second International Symposium on GIS and Computer Mapping for Coastal Zone Management, Halifax, June 18-20, 2001.
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