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Wikhydro:Les granulats marins

De Wikhydro

Sommaire

Introduction

Depuis de nombreuses années et partout dans le monde, l’accès aux ressources minérales non énergétiques constitue un véritable enjeu pour les sociétés. Dans un contexte de développement toujours plus intense des zones urbanisées, l’accès aux ressources minérales se complexifie avec la prise de conscience des impacts environnementaux, économiques, sociaux et d’aménagement. Parmi les matériaux extraits, les granulats sont des matériaux constitués d’un ensemble de grains dont la granulométrie est inférieure à 125 mm et qui, selon leurs dimensions, se situent dans l’une des 3 familles suivantes : sables, graves, gravillons. Ces granulats ont des usages divers tels que la construction des routes (sous-couche routière), le bâtiment et les travaux publics (fabrication de produits en béton) ou encore dans des activités spécialisées de l’industrie (pharmacie, peinture, verre, métrologie …). On appelle sable, une roche meuble constituée de grains d'une dimension de 0,1 à 2 mm dont les usages diffèrent en fonction de sa composition géochimique. Les sables font partie de la famille des granulats et sont extraits à terre ou en mer. On parlera alors de granulats terrestres ou marins. Ces granulats sont exploités à la fois à terre et en mer.

Les granulats marins : la ressource et les usages

La ressource

Les granulats marins sont des matériaux anciens, parfois immergés depuis plusieurs milliers d’années. Ils sont principalement localisés au niveau des paléovallées, dans le prolongement des vallées fluviales, au large des principaux estuaires et sur les bancs de sables et accumulations sédimentaires créés sous l’effet des courants. Cependant, toutes les ressources, identifiées ou non, ne sont pas exploitables ou intéressantes pour les usages envisagés. Leur qualité (granulométrie, composition, …) peut varier au sein d’un même gisement et entre différents gisements d’une même zone. Une étude bibliographique menée entre 2005 et 2013 par l’Ifremer pour le compte du ministère en charge de l’environnement estime les ressources en métropole (tableau 1). Ces valeurs doivent être considérées avec précautions et sont susceptibles d’évoluer avec l’amélioration des connaissances.

Tableau 1: Estimation de la ressource en granulats marins sur trois façades du littoral marin en France métropolitaine (données 2005-2013)

Paléo-vallées (volumes en millions de m3) Bancs sableux (volumes en millions de m3) Couverture sédimentaire indifférenciée (volumes en millions de m3)
Façade Manche - Mer du Nord 116 600 (1) 32 400 (1)
Façade Nord Atlantique - Manche Ouest 128 334 10 606 24 626
579 (2)
Façade Sud Atlantique 2 047 1 615 224 376
904 (3)
650 (4)
Total : 249 114 44 621 249 002

(1) Volumes calculés à l'intérieur de la ZEE française. (2) Volumes calculés par méthode graphique uniquement sur le secteur du Pertuis Breton. (3) Volumes calculés par méthode graphique uniquement sur le secteur du Pertuis d'Antioche. (4) Volumes calculés par méthode graphique uniquement sur le secteur de l'embouchure de la Gironde.

Les usages des granulats marins

Granulats pour la construction

Une grande majorité des granulats produits en France est destinée aux marchés de la construction et de la voirie. Ces granulats sont obtenus en exploitant des gisements de sables et de graviers terrestres ou marins d’origine alluvionnaire, en concassant des roches massives (calcaires ou éruptives) ou encore par le recyclage des matériaux de démolition. Ils sont utilisés dans la voirie et le ferroviaire (68% de la production en 2014), dans la construction d’éléments en béton, dans le génie civil (32% de la production en 2014) ou dans le bâtiment (Statistiques UNICEM 2014[1]).

Les exploitations de granulats en mer alimentent principalement les régions littorales qui sont souvent déficitaires en matériaux pour la construction[2] du fait :

  • de la géologie ne permettant pas toujours la production de granulats adaptés à terre,
  • d’une augmentation des besoins induite par l’attractivité de ces territoires et par leur développement économique.

Les granulats marins siliceux constituent des matériaux de qualité, adaptés à la fabrication de bétons à très hautes performances. La production française de granulats marins est donc très majoritairement destinée au marché de la construction auquel les granulats recyclés, du fait d’une qualité et d’une quantité disponible aléatoires, ne peuvent pas systématiquement répondre.

Granulats pour le maraichage

Les sables et graviers siliceux extraits en mer sont également utilisés pour le maraichage et les cultures en sable. Il s’agit d’un marché de niche qui ne représente que quelques milliers de tonnes par an.

Granulats pour l’amendement des sols et le traitement de l’eau

Outre les ressources siliceuses, il existe également des sables dits « calcaires » ou « coquilliers » utilisés dans d’autres domaines que la construction tels que l’amendement des sols ou plus accessoirement les cultures maraichères.

En Bretagne, les besoins en amendements calcaires avoisinent aujourd’hui les 390 000 m3 par an. Pour y répondre, le maërl, une algue rouge corallinacée vivant librement sur les fonds meubles du littoral, était historiquement utilisé, Une fois extrait est concassé en sable, ce matériaux est riche en calcium, en magnésium, en fer et en oligo-éléments. Il constitue un matériau idéal pour corriger le pH des sols trop acides et améliorer l’absorption des nutriments par les cultures. Les bancs de maërl constituent cependant le lieu de vie d’une faune et d’une flore riches. Le constat de cette richesse biologique a donc entrainé sa protection contre toute activité extractive.

Depuis 2009, la loi n°2009-967 relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement impose que les autorisations de prélèvements de maërl soient « limitées en tonnage de manière à ne pouvoir satisfaire que des usages à faible exigence quantitative ». Le maërl est aujourd’hui classé comme habitat d’intérêt communautaire au sens de la directive 92/43/CEE.

Les sables « coquilliers » constitués de fragments de coquillages, se sont substitués au maërl dans les usages agricoles.

Ces sables dits « coquilliers » sont également utilisés, de manière plus marginale pour le traitement de l’eau.

Granulats pour le rechargement de plage

Le littoral est un milieu dynamique, en constante évolution sous l’influence de différents facteurs tels que le courant, le vent, les précipitations, l’état des stocks sédimentaires ou encore les caractéristiques de la côte (pente, type de roche, couverture végétale…). Ces fluctuations modifient le profil de nos côtes en alternant des phases d’érosion et d’accrétion à différentes échelles de temps. Ces modifications sont particulièrement perceptibles sur les côtes sableuses où cette alternance intervient à chaque saison.

A ces facteurs naturels s’additionnent désormais d’autres paramètres, sources d’instabilité de notre littoral : l’actuelle remontée du niveau marin, accélérée par le changement climatique en cours, l’épuisement des stocks de sédiments présents sur nos littoraux mais aussi l’influence des activités anthropiques dont la construction d’ouvrages sur les côtes et les fleuves.

Outre les fluctuations naturelles périodiques (saisonnières, annuelles, pluriannuelles), il n’est pas rare de voir des plages disparaitre lors de tempêtes sans pouvoir se reconstituer naturellement et rapidement une fois le calme revenu. Pour faire face à ces phénomènes impactant le littoral, la France s’est dotée d’une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, qui doit permettre d’anticiper leurs effets et mieux préparer les territoires en favorisant leur adaptation.

Outre cette stratégie, il est de plus en plus courant que les communes prennent en charge des travaux de rechargement mécaniques des plages à partir de sables extraits en mer ou issus de zones d’accumulation sur la côte.

Rappel réglementaire : Si les prélèvements de sable effectués pour le rechargement de plage sont menés dans le cadre de travaux maritimes, ils ne répondent pas à la même réglementation que les exploitations de granulats marins encadrées par le code minier. Si la finalité est la même, selon leurs caractéristiques et leur localisation, ils ne répondent pas aux mêmes contraintes réglementaires et environnementales et ne doivent, par conséquent, pas être confondues.

Cas particulier : les sédiments de dragage

Le terme « dragage » désigne le fait de prélever des sédiments dans le fond des voies navigables dans un objectif d’entretien.

Le dragage, même s’il est similaire à l’extraction sélective de granulats marins car faisant appel au même matériel, doit cependant en être distingué du fait des différences d’objectifs et de réglementation entre ces deux activités. En effet, les opérations de dragages sont effectuées dans le cadre de travaux maritimes ou fluviaux alors que les extractions de granulats marins rentrent dans le cadre des travaux miniers.

Le décret 2006-798, pris en application du code minier encadre l’activité d’extraction des granulats marins. Il ne s'applique pas aux travaux maritimes conduits à des fins non commerciales pour les besoins de la gestion du domaine public maritime.

Sont considérés comme des travaux maritimes, les extractions résultant de travaux soit de conservation du domaine public maritime, soit de création ou d'entretien d'un ouvrage public maritime ou d'un chenal d'accès, effectuées à des fins non commerciales sur le site même de l'ouvrage à créer ou à entretenir.

L’exploitation des granulats marins en France et dans le monde

L’extraction des granulats marins à travers le monde

A l’échelle mondiale, de nombreux pays extraient des granulats marins pour subvenir à leurs besoins. Chaque pays mène sa propre politique de développement de cette activité dans un cadre juridique que lui seul peut définir dans les eaux qui relèvent de sa juridiction. Les plus gros producteurs mondiaux de granulats marins sont aujourd’hui le Japon, les Pays Bas, Hong-Kong, la Corée ou le Royaume Uni.

Figure 1 : Diagramme des productions[3]

Au niveau international, des efforts sont faits par de nombreux pays afin de consolider des informations sur les bonnes pratiques et sur les volumes et les surfaces d’extractions de part le monde.

Le Conseil International pour l’Exploration de la Mer (CIEM) est une organisation mondiale scientifique rassemblant plus de 4000 scientifiques dans près de 350 instituts d’étude du milieu marin répartis sur une vingtaine de pays. Organisé en groupes de travail afin de traiter les diverses thématiques relatives à la mer, le CIEM réuni annuellement les spécialistes des extractions des granulats marins au sein du groupe WGEXT (Working group on the effects of extraction of marine sédiments on the marine ecosystem = groupe de travail sur les effets des extractions de sédiments marins sur les écosystèmes marins). Chaque année, l’Ifremer est mandaté par le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer afin de représenter la France dans cette instance scientifique.

Ce groupe de travail est l’occasion pour l’ensemble des pays participants d’échanger les données relatives aux exploitations (volumes extraits,…) ainsi que de partager les démarches et bonnes pratiques en termes de planification, de réglementation, d’exploitation…


Country[4] A) Construction/ industrial aggregates (m³) B) Beach replenishment (m³) C) Construction fill/ land reclamation (m³) D) Non-aggregate (m³) E) Total Extracted (m3) F) Aggregate exported (m³)
Belgium (OSPAR) 2 260 000 3 560 000 0 0 5 820 000 915 000
Canada N/D N/D N/D N/D N/D N/D
Denmark (HELCOM) 1 800 000 100 000 1 100 000 N/D 3 000 000 350 000
Denmark (OSPAR) 1 200 000 3 500 000 3 000 000 N/D 7 700 000 0
Estonia (HELCOM) 0 0 0 0 0 0
Finland (HELCOM) 0 0 0 0 0 0
France (OSPAR) 2 516 424 N/D N/D 200 800 2 717 224 0
France (Med) 0 N/D N/D 0 N/D 0
Germany (HELCOM) 178 261 0 0 0 178 261 0
Germany (OSPAR) 48 633 1 117 908 0 0 1 166 541 0
Greenland and Faroes (OSPAR) N/D N/D N/D N/D N/D N/D
Iceland (OSPAR) N/D N/D N/D N/d N/D N/D
Ireland (OSPAR) 0 0 0 0 0 0
Latvia (HELCOM) N/D N/D N/D N/D N/D N/D
Lithuania (HELCOM) 0 0 0 0 0 0
Netherlands4 (OSPAR) 5 594 918 40 407 400 3 394 499 161 458 51 271 582 2 500 000
Norway (OSPAR) 0 0 0 few thousand few thousand 0
Poland (HELCOM) 1 351 263 457 731 0 0 1 808 994 0
Portugal (OSPAR) 161 226 1 340 000 0 0 1 501 226 0
Spain (OSPAR) 0 1 226 531 0 0 0 0
Spain (MED) 0 1 207 084 0 0 0 0
Spain (Canary Islands) 0 752 250 0 0 0 0
Sweden (OSPAR) 0 0 0 0 0 0
Sweden (HELCOM) 0 83 498 0 0 83 498 0
United Kingdom6 (OSPAR) 9 294 224 918 140 567 813 0 10 780 177 1 871 586
United States 176 968 3 603 206 0 3 232 538 7 012 706 0

A travers le monde, un certain nombre de dérives existent : vols de sables, surexploitation, … Elles sont souvent dénoncées par des associations et des journalistes mais il n’y a aucune donnée consolidée, à l’échelle mondiale, sur ces phénomènes.

L’exploitation en France, quelques chiffres

L’exploitation des granulats[5] marins en France est modeste, 5 millions de tonnes, ce qui représente à peine 1,5 % de la production nationale de granulats de toutes origines, de l’ordre de 349 millions de tonnes en 2014[6]. A titre comparatif, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne extraient tous les ans environ 20 millions de tonnes de granulats marins chacun.

Les 18 concessions valides[7] représentent 165 km², soit 0,16% du domaine public maritime métropolitain. Elles sont exploitées au moyen de 16 navires dont 8 battent pavillon français et correspondent à 650 emplois directs, à terre comme en mer.

Sur le littoral métropolitain, les granulats marins constituent une ressource de proximité et de complément aux productions de granulats issues des carrières terrestres de plus en plus contraintes par les pressions foncières (urbanisation), les protections environnementales et l’épuisement des réserves accessibles.

Sur la façade Sud Atlantique, la consommation par habitant en granulats de toutes origines est supérieure à la moyenne nationale. Cette surconsommation s’explique par la forte attractivité de ces territoires (population en augmentation, développement touristique, etc.) qui génère des besoins de constructions, d’habitations et d’infrastructures. Les ressources géologiques des territoires concernés ne permettent pas systématiquement de répondre à ces besoins et nécessitent d’importer des matériaux d’autres régions, parfois éloignées, à un coût environnemental non négligeable.

Sur la façade nord Atlantique-Manche ouest (NAMO), les ressources marines principalement exploitées sont, outre les granulats pour la construction, les sables coquilliers utilisés en amendements agricoles et se substituent à l’exploitation du maërl, qui a totalement cessée en France depuis 2013.

Sur la façade Manche est-mer du Nord (MEMN), les ressources répondent aux besoins des territoires littoraux ainsi que de la région parisienne, en déficit structurel en granulats pour bétons et qui devrait voir ses besoins augmenter avec le développement du Grand Paris.

Sur la façade méditerranéenne, l’exploitation des granulats marins pour la construction ne présente pas d’enjeu majeur du fait de l’abondance des ressources à terre. Cependant, comme sur les autres façades de manière plus ponctuelle, les granulats marins sont utilisés pour le rechargement de plage.

En Outre-mer, l’extraction des granulats marins ne présente pas, à ce jour, d’enjeux particuliers. Seul un titre d’exploitation a été attribué en Guadeloupe.

Vers une pénurie de sable en France ?

A l’échelle nationale, on ne peut pas parler de pénurie des sables pour la construction : les productions issues du recyclage et les exploitations actuellement autorisées à terre comme en mer permettent de répondre aux besoins du BTP et assurent l’autosuffisance de la France. Dans le cas des régions littorales déficitaires, les granulats marins complètent les ressources régionales accessibles de plus en plus contraintes en granulats alluvionnaires. Les granulats marins, ressources de proximité, permettent de limiter le coût environnemental des transports liés aux importations des régions déficitaires (Bordeaux, Bretagne, Poitou-Charentes).

Les autres besoins en sables (industrie, construction en dehors des zones littorales) sont couverts par des gisements terrestres. La France importe très peu de granulats, et de sable en particulier.

Des substitutions possibles ?

Depuis de nombreuses années, des matériaux de substitution aux granulats siliceux et calcaires sont recherchés. Indépendamment du développement du bois pour la construction, la faisabilité de ces solutions doit être analysée au regard de composantes techniques, économiques, mais également logistiques.

Les matériaux recyclés dans le BTP

Qu’ils soient terrestres ou marins, les granulats pour la construction sont consommés en très grande quantité : environ 350 millions de tonnes de granulats consommées en 2014. Parmi les 250 millions de tonnes de déchets du BTP produits annuellement, 50 millions de tonnes (20%) sont susceptibles de produire des granulats et seuls 20 millions de tonnes (8%) sont recyclés sous forme de granulats dans la fabrication de béton. Les quantités de matériaux aujourd’hui issues du recyclage sont limitées, en raison d’une part des pratiques de construction et de déconstruction, et d’autre part de la difficulté de créer des installations de traitement de déchets de BTP. Ces installations souffrent comme les carrières du comportement NIMBY (« not in my back yard » soit « pas dans mon jardin » en français).

L’ambition, annoncée dans l’engagement pour la croissance verte, relative à la valorisation et au recyclage des déchets inertes du BTP est d’augmenter de 50% la quantité de granulats et matériaux recyclés à l’horizon 2020. En supposant que l’on atteigne un jour un taux de recyclage de 100% de ces déchets, les quantités de granulats recyclés produites ne permettront pas de substituer entièrement les productions de granulats marins et terrestres dans la réponse aux besoins de la société.

Comme pour les matériaux de carrières extraits à terre, les granulats marins sont théoriquement une ressource potentiellement substituable par des matériaux issus du recyclage pour les usages en construction (bâtiment et travaux publics). Les matériaux marins sont des produits de bonne à très bonne qualité avec une forte teneur en silice et une géométrie anguleuse. Ils constituent une ressource pour la construction qui est difficilement remplaçable par des matériaux recyclés dont la qualité est plus difficilement maîtrisable.

Les substitutions pour la filière agricole

Dans le cas particulier des sables calcaires pour l’amendement des sols, le calcaire terrestre a plusieurs fois été envisagé comme ressource de substitution. Extraits de carrières et broyés, les principaux amendements existants sont la chaux vive, le calcaire broyé, les marnes (mélange de calcaire et d’argile), la craie, la dolomie (assemblage de carbonate de magnésium et de calcium). Pour autant, ces amendements ne permettent pas de répondre à l’ensemble des besoins du fait, entre autres, des distances de livraisons entre les sites de production (régions calcaires) et les sites de consommation (principalement la Bretagne).

La crépidule, coquillage invasif originaire d’Amérique du nord qui s’est notamment développé sur les côtes de Bretagne, a par le passé été envisagée comme substitution possible aux sables calcaires marins ou terrestres. Sa prolifération n’étant pas sans impact sur l’environnement elle a été considérée comme espèce à éradiquer.

Dans les années 2000, une expérience d’exploitation industrielle de la crépidule avait été menée sous l’égide d’Aréval avec la participation de la Compagnie Armoricaine de Navigation (CAN), exploitant de granulats marins, et l’Ifremer.

Du fait de son fort taux de carbonate de calcium, ce coquillage était alors envisagé en remplacement du maërl qui n’est aujourd’hui plus exploité et qui a été remplacé par les sables coquilliers. Cette expérimentation a mis en évidence les difficultés liées à l’exploitation d’un coquillage vivant pour la production de matériaux minéraux pour l’amendement (gestion de la matière organique, nettoyage, …). L’exploitation de la crépidule en substitution des granulats marins pour l’amendement calcaire a été jugée économiquement non viable car associée à un surcout de 12€ par tonne produite (le prix des granulats varient, selon leur caractéristiques et leur extraction, entre 7 et 20 € la tonne).

Outre cet argument économique, les stocks de crépidules ont été estimés par l’Ifremer à :

  • 300 000 tonnes en baie de Saint-Brieuc ;
  • 200 000 tonnes en baie du Mont-Saint-Michel ;
  • 100 000 tonnes en rade de Brest ;
  • Quelques dizaines de milliers de tonnes sur le reste de la façade atlantique ;
  • Présence en Manche-est.

Au total, les stocks seraient de l’ordre de 700 000 tonnes répartis sur l’ensemble du littoral français, ce qui représenterait une année et demi de consommation en Bretagne (besoin annuel de 390 000 m³ soit 487 500 tonnes).

Le stock de crépidule et la lenteur de son renouvellement en fait une ressource de substitution non viable compte tenu des besoins terrestres de l’ordre de plusieurs milliers de tonnes tous les ans.

Une exploitation encadrée en France

La réglementation[8]

Instruction

Pour pouvoir exploiter des granulats marins, il convient d’abord d’obtenir une concession délivrée par le ministre chargé des mines qui a pour objet de désigner, sur la base du projet présenté et des capacités techniques et financières des opérateurs, le meilleur opérateur pour procéder à la valorisation de la ressource. La demande de concession fait l’objet d’une instruction locale sous la responsabilité du préfet, au cours de laquelle sont recueillis les avis des parties prenantes locales et des services de l’Etat. L’instruction se poursuit ensuite à l’échelon central avec la consultation des ministères concernés, du conseil général de l’économie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) et du Conseil d’Etat. La décision du gouvernement est prise par décret.

Pour commencer l’exploitation, une autorisation d’ouverture de travaux est nécessaire. Elle est délivrée par le préfet de département sur la base d’une étude d’impact conforme aux dispositions du code de l’environnement. Cette autorisation soumet les travaux à un ensemble de prescriptions techniques permettant d’assurer la préservation des intérêts à protéger (environnement, trait de côte, pêche, etc.).

Un opérateur peut déposer une demande conjointe de concession et d’autorisation de travaux, les deux instructions sont alors menées en parallèle.

Dans tous les cas, la concession ne peut produire pleinement ses effets tant que son détenteur n’a pas été autorisé formellement par le préfet à procéder aux travaux projetés.

Protection des enjeux environnementaux

Dans le cadre de l’autorisation d’ouverture de travaux miniers, l’Etat veille à la protection des enjeux environnementaux. Ces enjeux doivent, au préalable, être analysés par le demandeur dans une étude d’impact qui est soumise à l’avis des services de l’État et des organismes publics compétents tels que l’Ifremer. L’autorisation d’ouverture de travaux définit les règles d’encadrement de l’exploitation et de son suivi en imposant par exemple un suivi, tous les cinq ans, des sites d’extraction et de leur environnement direct (suivi de la faune, de la flore, des milieux, des fonds,…). Une décision favorable est prise seulement si les impacts sont jugés acceptables.

Le préfet a toute faculté de faire cesser les travaux si des impacts dommageables sont décelés après le début de l’exploitation.

Contrôle de l’activité

L’extraction des granulats marins est une activité contrôlée par la police des mines assurée par la DREAL. Le préfet, désigné par le ministre chargé des mines, exerce sous son autorité, la police des mines sur les travaux. Il est pour cela assisté par le préfet maritime. Cette mission de police vise à contrôler que l’exploitation est menée selon les prescriptions définies dans l’autorisation d’ouverture de travaux : respect du volume autorisé, du périmètre délivré, profondeur, des règles de protection des milieux, …

Planification de l’activité

Dans un contexte d'usages multiples de la mer et de pressions des activités, à la fois entre elles et sur le milieu marin, le besoin d'organiser l'exploitation des granulats marins a émergé depuis longtemps. Les travaux successifs du Grenelle de l’environnement (2008) et de la « Stratégie nationale de gestion durable des granulats marins et terrestres et des matériaux et substances de carrières » (2012) ont précisé les attentes vis-à-vis d’une « planification des extractions de granulats en mer ». Dans ce cadre, un groupe de travail sur les granulats marins a notamment été constitué en juillet 2014. Il réunissait des représentants des élus du littoral, des acteurs de l’extraction de granulats marins, des acteurs socioprofessionnels marins, des associations de protection de la nature, des établissements scientifiques, des directions de l’administration centrale et des services déconcentrés de l’État.

Après plus de deux ans de travail, ce groupe a produit un guide méthodologique pour l’élaboration des documents d’orientation pour une gestion durable des granulats marins (DOGGM). Ce guide vise à permettre d’élaborer, par façade maritime, un DOGGM qui définisse le cadre d'une gestion durable des granulats marins en inscrivant l’instruction individuelle des dossiers dans un cadre général de décision.

Le guide pour l’élaboration des DOGGM est aujourd’hui disponible en téléchargement sur le portail français des ressources minérales non énergétiques Minéralinfo : http://www.mineralinfo.fr/.

Les DOGGM comporteront :

  • un état des lieux portant sur les enjeux du milieu marin à protéger, les activités économiques en présence telles que l’extraction des granulats et la pêche notamment ;
  • des règles de gestion des demandes d’autorisation d’exploitation à l’échelle de la façade,
  • un cadrage général définissant une capacité maximale de production à 12 ans, à partir des besoins évalués, et un ensemble de dispositions portant sur le contenu des dossiers, la concertation, les suivis environnementaux et les méthodes d’exploitation

Ces documents donneront une vision globale à l’ensemble des acteurs sur la manière dont les dossiers seront gérés pour répondre aux besoins exprimés tout en respectant les enjeux de protection du milieu marin et de l’économie maritime (pêche notamment).

Les préfets coordonnateurs de chaque façade maritime sont chargés d’engager l’élaboration de ces documents d’orientation en associant l’ensemble des parties prenantes.

Les pressions et impacts potentiels de l’activité et les moyens pour les réduire, les compenser voire les éviter

En préambule de la présentation des pressions et impacts potentiels de l’activité sur l’environnement et sur les autres activités, il est nécessaire de rappeler quelques définitions.

Pression et impact sont deux notions distinctes : la pression est exercée par l’extraction des granulats marins sur l’environnement et l’impact en est la conséquence sur ce même environnement.

La pression décrit la conséquence objective de l’extraction quand l’impact est la transposition d’une ou de plusieurs pressions sur les différents compartiments de l’environnement selon la sensibilité des récepteurs.

Pressions et impacts sur l’état physique du milieu

Pressions sur la colonne d’eau

Les pressions jusqu’ici connues de l’exploitation des granulats marins sur la colonne d’eau sont toutes engendrées par la remise en suspension temporaire de matières qui peuvent être des sédiments (particules minérales) des nutriments, des micro-polluants ou des micro-algues.

Outre la remise en suspension des particules, on parle plus généralement d’augmentation de la turbidité. La turbidité désigne la teneur d’un fluide en matières en suspension (MES) qui peuvent être minérales ou organiques. Le passage de l’élinde et le rejet de l’eau aspirée avec les granulats sont susceptibles, lors de l’exploitation, d’augmenter la turbidité naturelle du site.

D’après le rapport de synthèse du CIEM de 2009 sur les travaux de recherche menés en Europe, l’extension spatiale du panache turbide dépend :

  • de la taille des particules remises en suspension ;
  • de la quantité totale de matériaux remis en suspension ;
  • de la vitesse de dépôt et des conditions hydrodynamiques locales (Hitchcock et Drucker, 1996)[9].

De récentes études montrent que pour les particules grossières, le dépôt du panache turbide se fait dans un rayon de 300 m à 600 m autour du point d’extraction en fonction de la profondeur d’eau et des vitesses de courant. Deux études (Boutmin, 1986[10] et Duclos, 2012[11] ), menées sur les façades Atlantique et Manche confirment ces chiffres : elles ont montré que les plus grosses particules remises en suspension se déposaient à 500 m maximum du site d’extraction.

Pour les particules plus fines, le rapport du CIEM explique que les éléments en suspension peuvent être détectés à plus de 3,5 km du point d’extraction. Que ce soient les nutriments, les micro-polluants ou les micro-algues, leur remise en suspension peut avoir une forte incidence sur la qualité de l’eau. Pour autant, une analyse des sédiments en amont de toute exploitation permet d’identifier leur présence dans les sédiments et donc de prévenir leur remise en suspension. Un suivi de la qualité de l’eau sur et autour du site est généralement prescrit pour apprécier l’impact potentiel de l’activité et mettre en place les mesures de gestion de ces impacts.

L’eutrophisation est une pression identifiée dans la DCSMM qui est la conséquence du dérèglement de plusieurs caractéristiques de l’eau, dont la teneur excessive en nutriment. Aucun constat d’eutrophisation liée à l’extraction des granulats marins n’est connu à ce jour. Les paramètres conduisant à ce phénomène peuvent être impactés individuellement par la remise en suspension de particules. L’eutrophisation est un phénomène contrôlé à travers le suivi de la qualité de l’eau mené au cours des exploitations.

Pressions sur les fonds marins

Par le prélèvement de matériaux, l’extraction de granulats peut engendrer une modification des fonds marins : bathymétrie, nature des fonds,… Ces pressions peuvent être à l’origine de la modification de plusieurs processus naturels marins liés à l’hydrodynamisme : le transport sédimentaire, les houles et les courants.

Les pressions exercées par l’exploitation des granulats ont jusqu’à présent été uniquement identifiées dans la zone d’exploitation et/ou à proximité :

  • pression directe sur la morphologie des fonds marins (bathymétrie) ;
  • pression directe sur la nature des fonds ;
  • pression indirecte sur l’hydrodynamisme de surface et de fond.

L’évaluation et le suivi de la modification de la nature et de la morphologie des fonds sont possibles aux cours de l’exploration ou de l’exploitation de granulats marins. Les caractéristiques de ces suivis (durée, fréquence, …) sont précisés dans l’autorisation d’ouverture de travaux délivrée par le préfet.

En fonction de la pression à mesurer, les suivis sont réalisés par des levés[12] au sonar monofaisceau, multifaisceau, à balayage latéral et doivent respecter des protocoles de mesures définis par l’Ifremer.

Pressions sur les agents hydrodynamiques

L’hydrodynamisme traduit l’importance et la nature de la circulation des eaux sur toute la colonne d’eau. La modification de la bathymétrie engendrée par l’extraction des granulats marins agit d’une part sur les mouvements des masses d’eaux sensibles aux caractéristiques minéralogiques et géométriques des fonds, et d’autre part sur les transports sédimentaires induits par ces mouvements et par des effets gravitaires.

Les principaux facteurs hydrodynamiques impactés par l’extraction des granulats marins sont les courants et l’agitation. Ils sont modifiés le plus souvent localement, à proximité du périmètre du site.

Dans la théorie, il est possible d’évaluer et de suivre cette pression au cours de l’exploitation, cependant la qualité de cette évaluation dépend étroitement du niveau de connaissance de l’hydrodynamisme de la zone, de la qualité des données collectées et des modèles hydrodynamiques mis en œuvre. En amont de l’exploitation de granulats marins, lors de l’étude d’impact, sont réalisées des études de modélisation numérique de propagation de la houle et de courantologie. Il existe plusieurs codes de calculs/logiciels, utilisés entre autres par les exploitants de granulats marins, afin de réaliser des modélisations numériques de la propagation des états de mers et des courants de marée : MARS 3D, Mike, SWAN, Telemac. Ces études peuvent être couplées à des modélisations de transport de sédiments lorsque la sensibilité le justifie.

Pressions sur l’interface eau-sédiments

Les sédiments marins sont plus ou moins soumis à des dynamiques au niveau de l’interface eau-sédiments.

Sur le plateau continental, et en dehors de la zone littorale de forte transformation des houles, le transport sédimentaire est essentiellement lié à :

  • la houle (énergie et direction) et aux courants de marée ;
  • la profondeur : à partir d’une certaine profondeur, seuls les événements météorologiques exceptionnels sont susceptibles de remobiliser les sédiments ;
  • la contrainte de cisaillement exercée sur le fond par l’action de ces deux premiers paramètres : le sédiment est mis en mouvement lorsque la contrainte de cisaillement est supérieure à la contrainte critique d’érosion (qui dépend de la granulométrie du sédiment);
  • la modification de la bathymétrie et l’accentuation de la rugosité des fonds.

La modification de la dynamique sédimentaire est une pression qui peut s’exercer de manière ponctuelle sur le site comme de manière plus étendue au-delà des limites du périmètre de l’extraction, cela dépend principalement des conditions environnementales de ce site. Elle s’exerce tout au long de l’exploitation et peut parfois perdurer au-delà de celle-ci.

Cette pression suscite une attention particulière au cours de l’étude d’impact. Les perturbations attendues lors de l’exploitation des sédiments ne devront pas avoir d’incidence au-delà du site d’extraction et notamment sur la stabilité des côtes (cf. infra).

Les modifications du fond marin induites par l’activité humaine sont plus ou moins pérennes selon le contexte hydrodynamique, la nature des fonds initiaux (GIS SIEGMA 2012), et les modalités d’exploitation. « Pour des sédiments sableux et mobiles, les sillons des extractions disparaissent en quelques semaines, mais peuvent encore être identifiables plus de 10 ans après l’arrêt de l’exploitation dans des fonds sableux calmes à faible transit sédimentaire »[13]. La résilience morphologique peut être liée aux conditions hydrodynamiques qui remodèlent les fonds, ou au piégeage des sédiments dans les sillons, ce qui affecte le transport sédimentaire local.

Dans le cadre du suivi d’une exploitation de granulats marins, les impacts de l’extraction sur la dynamique sédimentaire sont difficilement séparables des impacts sur la morphologie, la nature des fonds et l’hydrodynamisme. Les mesures effectuées pour le suivi morpho-sédimentaire peuvent fournir des informations ponctuelles dans le temps sur l’évolution de la dynamique sédimentaire.

Avant l’octroi d’un titre minier (étude d’impact) et pendant toute sa durée, des modèles hydrosédimentaires peuvent être produits afin de vérifier les directions de transport sédimentaire. Ils s'appuient sur les bathymétries et les cartes de nature des fonds réalisées dans le cadre des suivis environnementaux (i.e. à partir d'une configuration morpho-sédimentaire prenant en considération les perturbations liées aux extractions).

En fonction de la sensibilité du milieu récepteur et des connaissances du milieu, des mesures de suivi de cette pression peuvent être parfois exigées.

Pressions sur les fonds côtiers

L’évolution du trait du côte est un phénomène naturel que l’on observe partout dans le monde. En France, près d’un quart du littoral s’érode et un autre quart s’engraisse.

En zone côtière, les sédiments sont considérés être en équilibre dynamique dans des espaces circonscrits appelées « cellules hydro-sédimentaires[14] », c'est-à-dire que les apports et retraits de sédiments s’équilibrent sur ces espaces.

Tout changement ou prélèvement de sédiments perturbe cet équilibre et est susceptible d’entraîner une modification du transit entre plusieurs cellules hydrosédimentaires, voire un déplacement de quantités importantes de sédiments en un autre point d’une même cellule. Les modifications des houles et des courants peuvent également avoir des effets sur l’équilibre des sédiments dans la zone côtière. Il faut alors évaluer si la modification de ces processus impacte ou non le littoral.

Houles et courants sont des processus déterminants de l’érosion côtière, ils dépendent fortement de la profondeur d’eau (les hauteurs de houle diminuent avec la profondeur d’eau), de la configuration morpho-sédimentaire du fond marin (les dunes sous-marines et hauts-fonds, par exemple, modifient la propagation des houles et leur hauteur, ces modifications peuvent alors se répercuter sur la géométrie de ces dunes).

La position trait de côte, est la résultante des cellules hydrosédimentaires, des types de houles et de leur puissance, de la structure géologique des côtes, des apports terrestres et des conditions météorologiques. La modification d’un ou plusieurs de ces éléments engendre une modification du trait de côte : érosion ou accrétion.

Ainsi, en fonction de l’importance des perturbations qu’elles engendrent sur l’ensemble des caractéristiques du milieu précitées, les actions anthropiques peuvent avoir des effets sur la position du trait de côte[15] au même titre que les évolutions naturelles de l’environnement. C’est le cas des extractions de granulats marins si elles modifient la nature et la bathymétrie des fonds, le transit sédimentaire ou encore l’hydrodynamique.

La taille de la souille d’exploitation, sa forme, son orientation par rapport au trait de côte et sa profondeur ont une influence directe sur l’impact potentiel de l’activité sur l’hydrodynamisme induit qui peut, dans certains cas, se répercuter jusqu’au trait de côte. Les caractéristiques de la souille au cours et en fin d’extraction, ainsi que l’hydrodynamisme local sont, plus que le volume et le rythme d’extraction, les paramètres dont dépendent principalement les modifications du transport sédimentaire de la zone littorale.

Lorsqu’elle s’exerce, cette pression agit sur toute la durée de l’exploitation voire au-delà. Dans le cas d’un milieu récepteur sensible aux modifications que peut apporter l’activité (modification de la nature et de la bathymétrie des fonds, modification du transit sédimentaire et de l’hydrodynamisme), elle doit faire l’objet d’une attention particulière qui peut se traduire par l’élaboration de mesures d’évaluation et de suivi rattachées aux caractéristiques de l’exploitation et du milieu.

Si cette pression en elle-même est difficilement évaluable, il est possible de mesurer son impact sur le trait de côte. Lorsque la proximité à la côte du site d’extraction le justifie, l’existence ou non d’impact des extractions sur le trait de côte peut être contrôlé au moyen :

  • des levés bathymétriques réguliers de la concession pour surveiller l’évolution des fonds et du transit sédimentaire ;
  • d’un suivi du trait de côte via les observatoires du trait de côte quand ils existent[16].

Les pressions des extractions sur le littoral ne peuvent être appréhendées que par :

  • Une bonne compréhension des phénomènes qui guident le fonctionnement hydro-sédimentaire de la zone littorale étudiée ;
  • des modélisations numériques qui montrent l’effet de l’exploitation sur le littoral ;
  • le calage et la validation des modélisations par des observations et des mesures in situ ;
  • la recherche et l’analyse de l’ensemble des facteurs naturels et anthropiques qui guident les phases d’érosion/ accrétion du littoral (aménagements côtiers, évènements extrêmes climatiques,…).

Pressions et impacts sur l’état biologique du milieu

Pression sur les espèces et habitats naturels benthiques

Le benthos subit directement trois pressions exercées par l’extraction de granulats marins : le prélèvement direct d’individus, l’étouffement par dépôt des particules remises en suspension qui entraine également la diminution de la luminosité. Cependant, de nombreuses autres pressions peuvent avoir un impact indirect sur le benthos : ce sont toutes les pressions modifiant les habitats benthiques[17] peuvent se répercuter sur les espèces (modification de la nature sédimentaire et de la morpho-bathymétrie, remise en suspension de particules). Ce sont principalement ces impacts indirects qui font l’objet de suivi au cours des exploitations, et non les pressions directes sur le benthos.

Les types de navires utilisés, les modalités d’exploitation, la nature du milieu et les conditions abiotiques sont autant de paramètres qui influencent notablement l’emprise spatiale et la durée de l’impact sur la faune benthique.

Le suivi de l’impact sur le benthos est réalisé sur la base d’un levé au sonar à balayage latéral pour cartographier la répartition des types de fonds abritant des peuplements benthiques et par des prélèvements à la benne (quantitatifs et stationnels) et/ou à la drague épibenthique (qualitatifs ou semi-quantitatifs). A partir de ces prélèvements, les peuplements benthiques sont communément caractérisés par leur richesse spécifique, leur abondance et leur biomasse. Un certain nombre d’autres mesures peuvent être réalisées par les spécialistes sur ces stations (granulométrie, turbidité, salinité, température…).

Dans la pratique, le suivi de l’impact des exploitations sur les espèces et habitats benthiques, à la charge de l’exploitant, est conduit selon un protocole de type BACI (Before After Control Impact) qui vise à comparer à un état de référence, l’état du milieu pendant et après l’apparition des perturbations. Ce suivi des sites d’extraction est réalisé a minima tous les 5 ans selon le protocole établi par l’Ifremer, pour analyser les changements temporels et intégrer les fluctuations naturelles. Cette fréquence devrait être augmentée notamment dans le cas d'habitats soumis à des fluctuations temporelles jugées importantes ou dans le cas d’habitats présentant des intérêts particuliers pour certaines ressources halieutiques (zones fonctionnelles), etc.

Pressions sur les espèces bentho-démersales et pélagiques et leurs habitats

L’exploitation des granulats marins exerce deux types de pression sur les espèces bentho-démersales et pélagiques et leurs habitats :

  • les pressions directes que sont le prélèvement direct d’individus et le dérangement causé notamment par les émissions sonores et l’augmentation de la turbidité ;
  • les pressions indirectes qui s’exercent sur le milieu physique, chimique ou biologique et se répercutent sur les espèces et leur habitat : la remise en suspension de particules, le prélèvement d’individus du benthos, la modification de la morpho-bathymétrie. Ces pressions peuvent engendrer des impacts tels que la perturbation du réseau trophique et l’altération voire la destruction de zones fonctionnelles. Cependant, ils dépendent fortement des caractéristiques de l’exploitation (durée, saison et fréquence des campagnes d’exploitation et technique d’extraction) et de la sensibilité du milieu récepteur.

Les impacts des pressions indirectes qui s’exercent sur le milieu physique et qui se répercutent potentiellement sur la faune, sont identifiés et suivis dans le cadre des mesures sur le milieu : qualité de l’eau, turbidité, agents hydrodynamiques…

Le suivi des impacts des pressions directes sur la faune est basé sur un état initial réalisé avant le début de l’exploitation qui permet d’identifier les peuplements bentho-démersaux et pélagiques au moyen de prélèvement in situ. Ces relevés permettent entre autre de connaitre la composition spécifique, la structure démographique, les stades de vie, les variabilités spatiale et temporelle des espèces.

Au cours de l’exploitation d’une concession de granulats marins, le suivi de la faune est généralement quinquennal.

Pression sur les mammifères marins, les oiseaux et les tortues ainsi que sur leurs habitats

Outre les espèces qui subissent directement les pressions de l’extraction des granulats marins, les prédateurs supérieurs (mammifères marins, oiseaux, tortues) peuvent, dans certains cas, être impactés de manière indirecte.

Ils subissent deux types de pression :

  • les pressions directes exercées par les émissions sonores et par la diminution de la visibilité. Ces deux pressions engendrent un dérangement des prédateurs supérieurs ;
  • l’ensemble des pressions indirectes qui s’exercent sur les milieux physique, chimique et biologique[18] et se répercutent de manière plus ou moins marquée sur les mammifères marins, les oiseaux et les tortues.

Dans le cas des pressions directement exercées sur les prédateurs supérieurs, les émissions sonores générées par le passage du navire extracteur engendre un impact faible à modéré sur les mammifères marins. La pression des émissions sonores générées par le navire et l’élinde traînante sur la mégafaune (Mammifères marins, oiseaux, tortues) ne s’exerçant qu’en présence du navire, elle est donc ponctuelle et répétitive dans le temps. Pour ce qui est des émissions lors des campagnes d’exploration (sismique de réflexion), elles sont très ponctuelles dans le temps, de l’ordre de quelques heures.

Les mesures effectuées in situ[19] et la bibliographie[20] indiquent que le son généré par l’opération d’extraction entre dans le fuseau des émissions sonores du navire faisant route. L’impact sonore de l’opération d’extraction sur des fonds meubles est donc le même que celui du trafic maritime. Quelques études ont pu être menées sur cette pression mais les connaissances actuelles restent encore limitées. En l’absence de protocoles et de seuils définis par la communauté scientifique, il est impossible pour les extracteurs de granulats marins de mettre en place un suivi pertinent et reconnu par les scientifiques. Ces éléments rendent tout suivi et évaluation de la pression très difficiles à mettre en œuvre.

Pressions et impacts sur l’économie

Le milieu marin est le lieu de nombreuses activités anthropiques, exploitant les ressources naturelles (pêche maritime professionnelle, énergies marines renouvelables, aquaculture/conchyliculture, extraction de granulats marins …) ou participant à la gestion et à l’aménagement (défense contre la mer, dragages portuaires/clapages) ou son utilisation (mouillages, plaisance). Ces activités exercent des pressions sur le milieu et sur les autres activités.

Certaines activités peuvent rentrer en interaction spatiale. La mer devant conserver son caractère d’espace public, tout en permettant le développement équilibré et durable des activités économiques, il est donc essentiel de favoriser au maximum la coexistence des différentes activités maritimes, notamment via une démarche de planification stratégique de l’espace maritime.

La pêche maritime professionnelle est l’activité la plus concernée par les interactions avec l’activité d’exploitation de granulats marins, compte-tenu de son étendue spatiale et de sa dépendance à l’état des fonds marins et des ressources halieutiques.

L’activité d’extraction peut également rentrer en interaction avec d’autres activités maritimes, majoritairement du fait de la mobilisation (temporaire ou permanente) de l’espace maritime et de la modification des paysages sous-marins.

Le caractère temporaire dans le temps et l’espace de l’extraction de granulats marins fait qu’elle n’est pas incompatible avec ces autres activités. Leur coexistence est possible par la définition de règles de gestions mutuelles spécifiques à chaque activité, qui doivent être établie en concertation et à une échelle adaptée.

  1. http://www.unicem.fr/dossiers/economie_et_statistiques/statistiques_annuelles
  2. La Gironde est, chaque année, déficitaire de près de 4 millions de tonnes de matériaux. Elle importe donc des matériaux des régions plus ou moins voisines à des coûts environnementaux et économiques non négligeables. De manière générale, la consommation de matériaux de construction en tonnes par habitant et sensiblement plus élevée dans les régions littorales que sur le reste du territoire.
  3. Extrait du rapport "Offshore sand and gravel mining, E.Garel, W. Bonne, N. B. Collins, 2009 ©Elsevier Ltd
  4. Site internet du CIEM : http://www.ices.dk/Pages/default.aspx
  5. Par abus de langage, les granulats marins regroupent tous les matériaux d’une granulométrie inférieure à 125 mm extraits des fonds marins, dont les sables coquilliers pour amendements des sols ou des sables siliceux pour le maraîchage qui ne sont pas à proprement parlé des granulats car non destinés à la construction.
  6. Statistiques UNICEM 2014
  7. L’extraction des granulats marins est une activité économique distincte du dragage qui a quant à lui vocation, non pas à exploiter une ressource, mais à entretenir les zones portuaires et les cours d’eau. Ce sont deux activités différentes et régies par des textes distincts.
  8. http://www.mineralinfo.fr/page/reglementation-applicable-lextraction-materiaux-marins
  9. Hitchcock D.R. &Drucker B.R. (1996) - Investigation of benthic and surface plumes associated with marine aggregates mining in the United Kingdom. In The globa ocean - towards operational oceanography. Proceedings of Conference on Oceanology International. Spearhead Publications, Surrey Conference proccedings, 2 pp. 221-284.
  10. Boutmin G. (1986) - Dragage et exploitation des sables marins. Qualité des matériaux et conséquences sur le milieu. Thèse de doctorat de l'université de Nantes, 201 pp.
  11. Duclos P.A. (2012) - Impacts morpho-sédimentaire de l’extraction de granulats marins – Application au bassin orientale de la Manche. Thèse de l'université de Rouen, 272 pp.
  12. Un levé géophysique coûte environ 1500 à 3000€/km² (données 2015) selon la technique mono ou multifaisceaux, l’espacement des profils, le temps passé en mer, …. Plusieurs outils peuvent d’ailleurs être mis à l’eau ensemble afin de réduire les coûts.
  13. DESPREZ M. et al. (2012) - Suivi des impacts de l’extraction de granulats marins : Synthèse des connaissances 2012, Éd.PURH, 43 pp.
  14. MEDDE (2010) - La gestion du trait de côte, p. 58-74, Éd Quae, 154 pp.
  15. Latteux B. (2008) - Exploitation des matériaux marins et stabilité du littoral. Ed. Quae, 162 pp
  16. http://www.geolittoral.developpement-durable.gouv.fr/strategie-nationale-de-gestion-integree-du-trait-r434.html
  17. Ces pressions et impacts sur les habitats benthiques ont déjà été présentés dans la partie précédente.
  18. Ces pressions ont déjà été présentées dans les parties précédentes, elles ne seront donc pas détaillées ici. Seules les pressions directes seront abordées.
  19. Mesures réalisées dans le cadre de l’étude d’impact de Chassiron C
  20. WODA, World Organisation Dredging Association (2013) - Technical guidance on: underwater sound in Relation to Dredging, 8 pp.
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