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Wikibardig:Érosion interne : Différence entre versions

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St-Arnaud G., 1995, The high pore pressures within embankment dams: an unsaturated soil approach, Canadian Geotechnical Journal, 32, 892-898.
 
St-Arnaud G., 1995, The high pore pressures within embankment dams: an unsaturated soil approach, Canadian Geotechnical Journal, 32, 892-898.
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Version du 8 février 2016 à 15:20

Sommaire

Mécanisme d'érosion interne

L'érosion interne est un processus qui implique des arrachements de particules et leur transport dans le barrage ou sa fondation. Elle peut conduire à l'instabilité de l'ouvrage.

Les ruptures par érosion interne et par renard hydraulique ont représenté un peu plus de la moitié des ruptures des barrages en remblai entre 1950 et 1986, en excluant les ruptures pendant la construction (Foster et al., 2000). Elle constitue la première source d’incidents sur les ouvrages hydrauliques en terre (CFGB, 1997). Le mode de rupture par érosion interne peut toucher aussi bien la fondation que le remblai, y compris le noyau étanche. Il peut également se propager du remblai vers la fondation. Pour la période jusqu’à 1986, soixante-cinq pourcents des érosions internes se sont produites dans le remblai, trente pourcents dans la fondation et cinq pourcents du barrage vers la fondation (Foster et Fell, 2000).

Ouches brêche2.jpgPhoto Irstea - Exemple de brèche suite à érosion interne

Les 4 processus d'érosion interne

Quatre processus d'érosion interne sont identifiés :

  • érosion régressive : détachement de particules de sol qui conduit de manière régressive à des conduits et “sand boils” ;
  • érosion de conduit par écoulement localisé (fissure, trou…) : détachement de particules de sol à partir d'un chemin préexistant dans le remblai ou la fondation ;
  • suffusion: érosion sélective de particules fines depuis une matrice de particules grossières ;
  • érosion de contact : érosion sélective de particules fines au niveau du contact avec une couche plus grossière.

Deux conditions doivent être réunies pour le développement d'une érosion interne. Premièrement, les particules doivent être arrachées c'est-à-dire que la contrainte de cisaillement hydraulique doit être plus grande que les forces de contact résistantes. L'eau doit donc avoir une vitesse suffisante pour fournir l'énergie nécessaire à l'arrachement des particules de la structure de sol. Deuxièmement, les particules détachées doivent être transportées : un critère hydro-mécanique et un critère géométrique doivent alors être remplis. Le flux doit être suffisant pour transporter les particules (critère hydro-mécanique) et les vides existants dans les sols doivent être suffisamment grands pour que les particules détachées passent au travers d'eux. Ce vide est soit un conduit (érosion régressive ou érosion de conduit) ou des pores dans une couche grossière (suffision et érosion de contact).

Érosion régressive

L'érosion régressive implique qu'une fuite existe au niveau d'une surface libre non filtrée : parement aval d'un ouvrage homogène, pied aval du barrage… L’eau entraîne les particules en commençant par le débouché à l’aval. L’érosion remonte ensuite vers l’amont en s’accélérant car l’eau a un trajet de plus en plus court à parcourir et sa vitesse augmente.

Deux modèles existent dans le cas d'érosion régressive dans une couche sableuse sous un toit imperméable (Benahmed et Philippe, 2012) : modèle de Bligh et modèle de Sellmeijer.

Érosion de conduit

L'érosion de conduit apparaît selon un chemin préférentiel tel que des fissures ouvertes ou des trous préexistants. L'infiltation d'eau est suffisante au travers de ce chemin pour initier le détachement de particules de sol de surfaces létérales et leur transport induisant un agrandissement du chemin. Dans le cas de matériaux cohésifs, ces trous conduisent à la formation d'un tunnel continu entre l'amon et l'aval du barrage ou de sa fondation.Dans certaines cirsconstances, ces ouvertures peuvent être dues à la présence d'éléments structuraux comme les évacuateurs de crues, conduites… mais dans une large majorité, ces érosion de conduit se produisent dans des sols cohésifs.

Les modèles existants sont basés sur un essai spécifique, le Hole Erosion Test.

Suffusion

La suffusion implique l'érosion sélective de particules fines dans la matrice de particules grossières. Les particules fines sont arrachées des espaces entre les particules grossières par le flux et laissent un squelette de sol formé de particules grossières. Ceci entraîne peu ou ou pas de changement dans le volume de la masse de sol mais une augmentation de la perméabilité et des vitesses de l'eau.

Différents modèles ont été développés dans la littérature (Benahmed et Philippe, 2012) : parmi eux, l'un des plus utilisés est le modèle de Kenney et Lau.

Érosion de contact

Contrairement à la suffusion qui concerne un matériau unique, l'érosion de contact implique l'érosion de fines particules au contact avec une couche de matériau plus grossier, due au flux au travers de ce dernier matériau. Les particules fines sont lessivées laissant les particules plus grossières en place.

Les conséquences de l'érosion de contact dépend de la position de la couche de particules fines par rapport au matériau grossier : au-dessous ou au-dessus. Si elle est située en dessous, les cavités entraînent des tassements, si elle est située en dessus, les cavités peuvent rester stables si le sol est suffisamment cohésif. Différents scénarios peuvent être observés : fontis, érosion de conduit ou érosion régressive, développement d'une zone fragile dans l'ouvrage et instabilité d'ensemble menant au glissement, colmatage et augmentation de la piézométrie (Beguin, 2011).

La plupart des modèles proposés traitent du cas où la couche de particules fines repose sous la couche de sol non cohésif. Des modèles plus récents s'intéressent au cas inverse (Benahmed et Philippe, 2012).

Les quatre phases de l’érosion interne

Quatre grandes phases s’enchaînent au cours du mécanisme d’érosion interne (Fry, 2007) : l’initiation, la filtration, la progression et la formation d’une brèche.

La phase d’initiation est caractérisée par l’arrachement de particules.

La filtration est la phase pendant laquelle la relation entre la distribution de taille des particules du matériau et du filtre détermine si l’érosion va se poursuivre ou non.

Pendant la progression se produisent l’agrandissement du conduit et l’augmentation de la pression interstitielle et des fuites. Ces phénomènes dépendent des conditions mécaniques (est-ce que le conduit va rester ouvert ou se rompre ?) et des conditions hydrauliques (est-ce que les zones à l’amont peuvent contrôler le processus d’érosion par une limitation des écoulements ? est-ce que le gradient critique ou la vitesse augmente ?).

La formation d’une brèche est la phase finale du mécanisme d’érosion interne. Elle peut provenir de quatre phénomènes : agrandissement du conduit (renard hydraulique), instabilité de la pente aval (instabilité générale), instabilité locale ou glissement de peau, ou surverse du fait du tassement de la crête.

Causes

Les origines de ce mode de rupture sont tous les phénomènes qui entraînent des circulations d’eau dans le remblai ou la fondation et un transport des particules à savoir :

  • la défaillance du système d’étanchéité: dissolution du rideau d’injection, fracture du voile d’étanchéité, vieillissement du masque amont (fissuration, écaillage, faïençage), conception et/ou réalisation inadéquates du dispositif d’étanchéité ;
  • l’absence de filtre ou des conditions de filtre non respectées, le contact entre un matériau grossier et un matériau fin (suffusion externe) ou encore des matériaux dans lesquels la granulométrie n’assure pas l’auto-filtration (suffusion interne) : ces situations permettent un entraînement des particules fines vers l’aval ;
  • le colmatage, le contournement ou la rupture du dispositif de drainage, la rupture d’une canalisation ;
  • l’augmentation des percolations liées à la nature des matériaux : augmentation des sous-pressions dans la fondation rocheuse, instabilité des matériaux en fondation ou en remblai du fait de sauts de granulométrie entre couches successives, compactage mal réalisé autour d’un instrument d’auscultation ou d’une conduite (Foster et Fell, 2000) estiment qu’environ la moitié des ruptures par érosion au travers du remblai est associée à la présence de conduites qui constitue une zone particulière et sensible. Ces mêmes auteurs montrent que le compactage du remblai est un élément essentiel de sécurité : les barrages sans réel compactage sont quinze fois plus susceptibles de se rompre que des barrages où le compactage a été conduit selon les recommandations modernes : Densité supérieure ou égale à 98 % de la densité sèche maximum standard à l’OPN (Optimum Proctor Normal ) et une teneur en eau comprise entre -1 % et +1 % de l’OPN (Foster et Fell, 2000) ;
  • la déformation ou la fracturation du remblai : rupture par cisaillement, consolidation ou tassement de la fondation, modifications dans les états de contrainte dans le remblai, compactage insuffisant ou encore sollicitations du milieu (gel, dessiccation en profondeur) ou liées à l’exploitation.

Cinétique du mécanisme

Le mode de rupture par renard hydraulique est plus rapide que le mode de rupture par suffusion. Il conduit rapidement à la rupture par création d’une brèche : ainsi 1h30 s’est écoulée entre le moment où une fuite d’eau claire a été signalée près de la galerie de vidange et la rupture par apparition d’une brèche pour le barrage de Bila Desna en République Tchèque (Simek, 1997), une brèche s’est ouverte en moins d’une heure après le premier constat d’un écoulement direct pour le barrage des Ouches en France (Peyras, 2003). L’augmentation des débits de fuite est également un indicateur remarquable : par exemple, lors de la rupture d’un remblai zoné sur la rivière Quail, le débit est passé d’environ 15 L/s à 2000 L/s en 12 heures, l’eau se chargeant peu à peu en matériau au cours de cette courte période (Catanach et al., 1991). Ces phénomènes extrêmes menant à la rupture peuvent se produire à la première mise en eau mais également beaucoup plus tard dans la vie d’un barrage : 200 ans pour le barrage des Ouches (Peyras, 2003). Actuellement, il n’est pas possible de prédire de manière fiable les barrages pour lesquels l’érosion progresserait rapidement plutôt qu’à un rythme lent (Brown et Gosden, 2006).

Actions préventives et correctives

La pratique actuelle est de se prémunir au mieux vis-à-vis de l’érosion interne par des dispositions constructives (écrans d’étanchéité, filtres notamment) et de s’appuyer sur la surveillance visuelle et l’analyse de l’auscultation (Bonelli, 2001).

Si un mécanisme d’érosion interne s’est produit, des techniques de confortement différentes peuvent être envisagées en fonction (CFGB, 1997) :

  • de la nature du désordre ;
  • du type de barrage ;
  • du risque aval lié aux dimensions du barrage ou de la charge hydraulique.

Si les désordres sont souvent liés à des défauts d’étanchéité plus ou moins graves, la réparation n’est pas forcément la réfection de l’étanchéité. La réparation consiste en théorie à stopper une des deux conditions nécessaires à l’érosion interne. La réfection de l’étanchéité diminue la vitesse d’écoulement et peut enlever la condition d’arrachement si la contrainte d’entraînement devient inférieure à Tau c. Les injections peuvent annuler la condition de transport si la perméabilité devient inférieure à 10-6 m/s. La pose d’un filtre aval sous une recharge est une autre façon de stopper la condition de transport. Le choix de la réhabilitation dépend de la fonction détériorée de l’ouvrage :

  • perte d’eau : réfection de l’étanchéité par injection, pose d’une paroi d’étanchéité ou d’une étanchéité amont. Le domaine d’application des techniques de réfection d’étanchéité dépend des 3 principaux paramètres : la perméabilité du terrain, la nature et la résistance du terrain, les coûts des techniques envisageables pour le site étudié.
  • perte de stabilité : drainage ou pose d’une recharge aval après pose d’un filtre ;
  • perte de l’ouvrage par renard : réfection de l’étanchéité.

Afin de mieux comprendre le comportement des barrages vis-à-vis de l’érosion interne, des travaux sont développés depuis une vingtaine d’années, notamment sur un plan expérimental. (Benahmed et Bonelli, 2007) présentent certaines de ces recherches qui, d’abord orientées vers une caractérisation qualitative, consistent depuis quelques années à une caractérisation de nature quantitative. Le travail de ces auteurs vise à proposer un dispositif expérimental avec une instrumentation très précise. Au plan numérique, peu de travaux ont porté sur le mécanisme d’érosion interne . (Bonelli et al., 2006) ont développé un modèle numérique permettant de déterminer un temps caractéristique pour ce mécanisme. Le projet Erinoh (Erosion Interne dans les sols des Ouvrages Hydrauliques) devrait mener à des apports scientifiques intéressants et faire progresser de manière importante la connaissance sur le mécanisme d’érosion interne. Ce projet a été financé par l’ANR en 2005. Sur cet axe de recherche, il regroupe cinq laboratoires français (Cemagref, Gem, LIRIGM, LMPG, LCPC).

Tests et équipements

Benahmed et Philippe (2012) ont fait un inventaire très détaillé des différents tests et équipements existant actuellement.

Références

Beguin, R. (2011). Etude multi-échelle de l'érosion de contact au sein des ouvrages hydrauliques en terre. Thèse, Université Jospeh Fourier, Grenoble, France.

Benahmed N. et Bonelli S., 2007, Etude expérimentale de l'érosion interne d'une kaolinite, In XXVèmes Rencontres Universitaires de Génie Civil, Bordeaux, France, 23-25/05/2007.

Benahmed N., Philippe P. (2012). Internal erosion. FloodProbe Project - Report WP03-01-12-05.

Bonelli S., 2001, Ouvrages hydrauliques en remblai : un regard transversal sur l'action de l'eau, Ingénieries, 26, 49-58.

Bonelli S., Brivois O., Borghi R. et Benahmed N., 2006, On the modelling of piping erosion, Comptes Rendus Mécanique, 334, 555-559.

Brown A. et Gosden J. D., 2006, Early detection of progressive internal erosion, In 22nd Congress on Large Dams, Barcelone, Spain.

Catanach R. B., Hall R. B., James R. L., O'Neill A. L. et Von Thun J. L., 1991, Quail creek dike failure, failure mechanisms, redesign and construction, In 17th International Congress on Large Dams, Vienne, Austria.

CFGB (1997). Internal erosion: typology, detection, repair.

Comité Français des Grands Barrages. 126 pages.

Foster M., Fell R., Spannagle M., 2000. The statistics of embankment dam failures and accidents. Canadian Geotechnical Journal, 37, 1000-1024.CFGB, 1997, Internal erosion: typology, detection, repair, Comité Français des Grands Barrages.

Foster M. et Fell R., 2000, Use of event trees to estimate the probability of failure of embankment dams by internal erosion and piping, In 20th Congress on Large Dams, Beijing, China.

Fry J. J., 2007, Context and framework of the report of the European working group on internal erosion, Wasserbau und Wasserwirtschaft, 1-12.

IREX, 2003, Revue bibliographique sur l'érosion interne, Institut pour la recherche appliquée et l'expérimentation en génie civil.

Peyras L. (2003). Diagnostic et analyse de risques liés au vieillissement des barrages - Développement de méthodes d'aide à l'expertise. Spécialité Génie civil. Université Blaise Pascal - Clermont II.

Simek M., 1997, Bila Desna dam failure 80th anniversary, In 19th Congress on Large Dams, Florance, Italy.

St-Arnaud G., 1995, The high pore pressures within embankment dams: an unsaturated soil approach, Canadian Geotechnical Journal, 32, 892-898.


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