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ANSWER - Tempête Hercules, Déolen, Locmaria-Plouzané, France

De Wikhydro

Cette vidéo fait partie des réalisations produites dans le cadre de l'Opération ANSWER. Cette dernière a pour objectif de faire collaborer le public et les scientifiques autour des sciences de l'eau afin d'améliorer les connaissances dans le domaine.

Tempête Hercules, Déolen, Locmaria-Plouzané, France


Tempête Hercules, Déolen, Locmaria-Plouzané 06... par Wikhydro

La vidéo de Bertrand M., Locmaria-Plouzané

Voici un petit film sur la tempête Hercules qui a eu lieu le 6 janvier 2014 en Bretagne. La vidéo est prise depuis Déolen, du côté de Locmaria-Plouzané.


L'avis du scientifique

La vidéo nous montre le déferlement de vagues sur le spot de Déolen. Retrouverez ci-dessous le détails des explications et commentaires scientifiques!

Revenir à la liste des contributions!



Étude approfondie de la vidéo


I Processus de transformation des vagues:

Sur cette vidéo, on peut observer les processus de transformation de vagues suivants :

  • 1. le levage (shoaling)
  • 2. le déferlement (surf zone)
  • 3. la remontée sur les côtes rocheuses (run up)

Il s’agit d’une côte rocheuse, sans plage donc pas de processus de swash et de franchissement.


DEOLEN TEMPETE HERCULES.bmp

  Figure 1 : Mécanisme de la houle à l’approche de la côte (Pour La Science, 1998) 
  Figure 2 : Evolution de la vague et morphologie de la plage (Viguier, 2002) 

La propagation des houles du large à la côte s’effectue par l’ondulation de la surface libre. Les houles qui approchent de la côte atteignent des profondeurs inférieures à leur demi-longueur d’onde (1). Leur vitesse est ainsi déterminée par la profondeur de l’eau en eaux intermédiaires et peu profondes comme indiqué au chapitre 2. Avec la diminution de la profondeur, la houle ralentit et sa longueur d’onde diminue, entraînant le gonflement de la houle car le fond déforme le mouvement de particules d’eau, avec la transformation des orbites circulaires en ellipses inclinées (2). La vitesse des particules sur la crête augmente et la houle se dresse jusqu’ à ce que l’avant de la crête ne tienne plus en équilibre, c’est à dire que la cambrure devienne trop importante et la houle déferle (3). Avec la profondeur plus faible, la houle ou vague déferlante se transforme en une masse d’eau turbulente appelée écume (4). Le reste de la vague atteint le rivage dans un remous ou ressac (5).

L’évolution de la houle permet de délimiter l’espace côtier en zones distinctes qui sont liées aux processus de transformation de la houle. La zone du large ou offshore zone est assimilée aux profondeurs qui ne modifient pas les houles. La zone de shoaling des vagues ou shoaling wave zone correspond aux zones où la profondeur d’eau est telle qu’il se produit une perte d’énergie des vagues par friction sur le fond. La zone de déferlement ou surf zone est comprise entre le point de déferlement ou point break situé le plus au large et la limite d’ascension des vagues sur la plage. Elle marque la transition entre le déferlement des vagues et leur amortissement sur la plage et est représentée par les effets de non linéarité de turbulence qui rendent complexes les écoulements fluides de cette zone. La zone de swash ou swash zone se caractérise par l’oscillation périodique d’une couche d’eau sur la plage sous la forme du jet de rive ou swash et de la nappe de retrait ou backwash. Elle est délimitée par le run-up et le run-down qui sont les positions extrêmes atteintes par la vague sur la plage.


II Type de déferlement:

Le type de déferlement qui caractérise ce spot est un déferlement plongeant sur la quasi-totalité du linéraire, avec coté nord large la présence de déferlement glissant.

Le mode de déferlement peut être déterminé classiquement d’après la cambrure au large Ho/Lo et de la pente du rivage p d’après les travaux de Weggel en 1972 (figure 3).

Figure 3 deferlement.bmp

  Figure 3 : Modes de déferlement, travaux de Weggel, 1972


Trois types de déferlement qui sont fonction de la pente de la plage, sont généralement présentés (Figure ci-jointe) comme le déferlement glissant (spilling breaker) sur des pentes faibles, le déferlement plongeant (plunging breaker) et le déferlement frontal (surging breaker) sur des fonds de forte à très forte (Wiegel, 1964, figure 4).


Figure 4 deferlement.bmp

  Figure 4 : Types de déferlement, travaux de Weggel, 1972

Le lieu de déferlement ou breaker zone est très dynamique, car c’est le lieu de dissipation maximale de l’énergie des houles incidentes. Le déferlement se produit lorsque la profondeur d’eau devient trop faible par rapport à la hauteur. Le déferlement dépend aussi de la pente du fond. Plus la pente est forte et plus les vagues seront réfléchies et moins le déferlement sera important.


III Estimation de la hauteur des vagues au déferlement Hb:

Une estimation grossière de la hauteur des vagues au point de déferlement Hb conduit à retenir une hauteur Hb de 5 à 6 mètres, en examinant la hauteurs des remontées d’eau sur les pentes des côtes rocheuses du spot.

La consultation des cartes de prévision et d’observation PREVIMER disponibles sur le site (http://www.previmer.org/presentation) permet d’estimer plus finement les hauteurs de houle à la côte et au déferlement pour la date du 06 janvier 2014 sur le spot. http://www.previmer.org/previsions/vagues/modeles_atlantique_nord/%28typevisu%29/map/%28zoneid%29/7066#appTop


Figure 5.bmp Figure 6.bmp

  Figures 5 et 6 : Cartes de prévision et d’observation de la houle (bouée Pierres Noires) à l’approche de la côte PREVIMER
(disponibles sur le site : se référer aux bases de données / onglets Prévisions et Observations)


IV Potentiel énergétique des vagues dans les zones de levage et déferlement

Sommairement, on pourrait estimer le potentiel énergétique des vagues dans la zone de levage (théorie linéraire de la houle) en faisant une approximation grossière sur le niveau d’eau : en considérant que l’on se trouve en eau profonde (ce qui n’est pas le cas !), et en utilisant l’équation suivante Pw au lieu de prendre l’équation Pc (mentionnée plus bas) plus exacte, mais plus délicate à employer en raison de l’emploi du terme « vitesse de groupe Cg ».

Figure 7.bmp

Ainsi pour une hauteur de houle de Hb de 5m, une période Te estimée à 14s, on obtient une puissance Pw de 171 kW/m.

Dans la zone de déferlement, c’est plus délicat à estimer en raison des processus non linéaires (transfert d’harmoniques) qui interagissent et qui peuvent être associés aux processus de réflexion et diffraction éventuels. Le potentiel énergétique des vagues est plus faible dans la zone de déferlement, due à la dissipation de l’énergie dans cette zone.

Il est préférable d’employer des codes numériques en très proche côtier ; ce qui fait l’objet de travaux du projet de recherche EMACOP (plus d’infos disponibles : articles du projet EMACOP consultables en lignes : http://www.emacop.fr/publications/articles-scientifiques/

  • article 1) EMACOP Project: Assessment of Wave Energy Resource Along France's Coastlines
  • article 2) Projet EMACOP : évaluation du potentiel houlomoteur de 22 sites français en Manche et Atlantique
  • article 3) Projet EMACOP : modélisation numérique des vagues à l'approche de la digue d'Esquibien par le code SWASH


Extrait de l'article 2:

  • « Un état de mer réel est constitué de vagues pouvant varier considérablement en hauteur, période et direction de provenance. La répartition de l’énergie de l’état de mer sur les fréquences et sur les directions peut être décrite par la variable de l’équation (1) appelée spectre directionnel d’énergie E (f , θ), qui se décompose en un spectre de fréquence S(f) et une fonction de répartition angulaire D (f , θ) (EQUIMAR, 2011) :

Figure 8.bmp


  • Le niveau de puissance de houle est la mesure de puissance disponible par unité de longueur d’onde dans une direction qui s’exprime en kW/m par l’équation (2) :

Figure 9.bmp

avec ρ la masse volumique de l’eau et cg la vitesse de groupe définie pour la houle régulière.


  • En eau profonde, i.e. à une profondeur d’eau supérieure à la moitié de la longueur d’onde, le niveau de puissance de houle Pw peut être calculé directement par l’équation (3) avec Hm0, la hauteur significative spectrale et Te la période énergétique associée :

Figure 10.bmp


  • Les calculs de propagation de la houle du large vers les sites ont été élaborés à partir des formules analytiques (GODA, 2000) qui prennent en compte la réfraction, le shoaling et le déferlement pour les climats de houle annuel, hivernal et estival. Les résultats de calcul fournissent les paramètres de houle à la côte qui permettent de déterminer le niveau de puissance de houle à la côte Pc :

Figure 11.bmp


V Evaluation du le potentiel énergétique des vagues (en kW/m) et sur le site d'un linéaire de 1500 m entre les deux pointes

La question que l'on se pose est la suivante: Peut-on évaluer le potentiel énergétique des vagues (en kW/m) et sur le site d'un linéaire de 1500 m entre les deux pointes, dans la perspective de récupérer un jour... en 2030 peut-être, cette énergie renouvelable par des systèmes convertisseurs d'énergies ? Quelles en seraient les contraintes de conception, d'exploitation et de maintenance ?

Et bien oui, mais cela reste assez technique comme vu précédemment ; le calcul réalisé (de manière grossière) à la question précédente peut fournir une indication : pour un linéaire de 1500m, on obtiendrait un niveau de puissance instantané de 171 Kw/m x 1500m, soit 257 MW de puissance instantanée. Il faudrait ensuite rapporter ce chiffre à la durée de l’événement de tempête (estimé à 1 jour) pour avoir une estimation de la ressource sur le site pendant l’événement majeur du 06 janvier 2014.

Les contraintes de survivabilité des systèmes de récupération de l’énergie des vagues et les contraintes d’exploitation associées dans de telles conditions apparaissent très fortes. Il semble difficile aujourd’hui de pouvoir mettre en place des dispositifs dans ces conditions extrêmes (→ objet de travaux dans le cadre du projet de recherche EMACOP : http://www.emacop.fr/publications/rapports-emacop/).

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