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Les critères de dangerosité pouvant justifier une expropriation

De Wikhydro

Sommaire

La destination des constructions


Les évènements dont il est question sur les sites expertisés sont une monté de l’océan et des vagues de tem­pêtes. Il s'agit de phénomènes relativement fréquents qui sont annoncés à l'avance, notamment parMétéo-France, mais dont l'intensité peut être plus forte que prévu et surprendre les personnes qui se sont réfugiées dans ce qu'elle croyaient être un abri.
Ces personnes sont dans une situation particulièrement dangereuse si l'évènement survient pendant leur som­meil alors qu'elles se trouvent dans des locaux non sécurisés.
Pour de tels évènements, les locaux à usage d'activité ne sont pas considérés comme exposant leurs occu­pants à un « risque extrême »: ceux qui reçoivent du public (commerces, restaurants) doivent cesser leur acti­vité et renvoyer leurs clients en temps utile, sur injonction de l'autorité de police en cas d'alerte météo. Au vu de la même alerte les employeurs sont responsables de la sécurité de leur personnel. Celui-ci doit quitter les lieux exposés sauf si les caractéristiques des locaux et l'entrainement des agents sont spécialement adaptés.
Dans ces conditions, sur les sites expertisés, seuls seront expropriables au titre du L 561-1 du code de l'envi­ronnement les immeubles qui comportent des locaux à sommeil, c'est à dire les habitations, les hôtels et leurs annexes. L’hôtellerie de plein air (campings) a fait l'objet d'un examen particulier conduit par le service de protection civile de la préfecture ; les critères de danger sont différents, l'évacuation préventive étant généralement la seule disposition viable même en cas de faible submersion.
Lorsqu'un logement comporte de façon apparente des parties dangereuses pour leurs occupants et d'autres qui ne le sont pas, la mission d'expertise a pris en compte le « niveau principal » tel qu'apparent de l'extérieur, celui qui est normalement occupé. En cas de contestation, notamment sur la capacité des étages à servir de niveau refuge, un examen contradictoire aura lieu dans le cadre de la procédure d'expropriation.
Les parties dangereuses des propriétés non expropriables doivent être considérées comme impropres à l'habi­tation au sens de l'article L1331-221 du code de la santé publique.
Il s'agit d'un problème très réel, l’utilisation de tels locaux pour de l'hébergement saisonnier est très fréquente sur littoral.

La vulnérabilité aux phénomènes dangereux


Vent


Dans la mesure où les hautes eaux marines exceptionnelles sont provoquées par le passage d'une dépression atmosphérique, elles sont toujours accompagnées de vents violents.
Ce vent est à l'origine d'une part importante des victimes et des dégâts.
Il ne permet pas aux piétons de circuler à l'extérieur dans des conditions acceptables de sécurité lorsqu'une submersion marine est imminente.
Cependant, la vulnérabilité au vent ne saurait justifier une expropriation : il est en effet toujours possible de consolider la construction ou d'éliminer les menaces extérieures (arbres) pour un coût inférieur à celui de l'expropriation. Les travaux correspondants sont de la responsabilité du propriétaire du bien exposé. Il s'agit de protections individuelles même si l'exposition d'un terrain peut être influencée par l'occupation des sols voisins.

Submersion


La monté des eaux est d'autant plus redoutable qu'elle est brutale, ce qui survient lors de la rupture d'une digue où lorsque l'eau parvient au bord d'une dépression formant une cuvette de petite taille : celle ci se rem­plit en peu de temps. Les abords des digues et les cuvettes sont dangereux dans la mesure où ils sont épar­gnés par les inondations les plus courantes et sont submergés brutalement sous une grande épaisseur d'eau lors d'inondations exceptionnelles qui peuvent surprendre les riverains.
En tout état de cause, les submersions marines conduisent à une monté des eaux relativement rapide, de l'ordre du mètre par heure sauf en fond de marais, à plusieurs kilomètres du rivage.
Est considéré comme trop dangereux pour être habité, un logement dont les occupants peuvent se trouver dans des pièces envahies par plus d'un mètre d'eau.
La doctrine du « mètre de submersion » constitue un compromis qui ne sera pas discuté dans le cadre du pré­sent rapport : elle est relativement confortable pour les personnes valides et en bonne santé, mais laisse sub­sister une part de risque pour les personnes seules à mobilité réduite ou pour les jeunes enfants en l'absence des parents, surtout lorsque l'eau est très froide (ce qui n'était pas le cas lors de Xynthia), ou en l'absence de refuge proche. Elle ne prévient pas non plus les risques encourus par les personnes qui s'aventurent dans les terrains inondés.
Dans le cadre de la présente expertise, les niveau de l'eau sont supposer s'égaler en quelques minutes entre l'intérieur et l'extérieur du logement : sauf dispositions constructives exceptionnelles, la pression de l'eau en­traine en effet la rupture des huisseries, parfois des cloisons voire des murs avant que la différence de niveau atteigne un mètre.
On considère aussi que les personnes endormies dans un local exposé à une submersion ne peuvent rejoindre un refuge que si elle l'on fait avant le début de l'évènement : une fois celui-ci commencé, l'obscurité et l'affo­lement peuvent être fatals à une proportion significative des occupants concernés, surtout si le cheminement passe par l'extérieur du logement ou nécessite la manœuvre d'un escalier mobile.
Certaines communes sont dotées de plans communaux de sauvegarde qui prévoient, en cas d'alerte météo, d'évacuer préventivement les logements exposés à être complètement envahis par plus d'un mètre d'eau, d'in­viter les occupants des logements dotés d'un niveau refuge à y passer la nuit et d'aider à les occupants à mo­bilité réduite à gagner sans délai le niveau refuge.
La présente expertise n'a pas porté sur ces dispositions et ne peut en évaluer la crédibilité. En outre les ex­perts n'avaient pas qualité pour pénétrer à l'intérieur des logements pour mesurer l'altitude exacte des sols.
En conséquence le présent rapport identifie comme potentiellement dangereux pour leurs occupants et éligibles à une acquisition amiable ou à une expropriation tous les logements dont l'altitude du seuil, telle que visible de l'extérieur, est inférieure de plus de 1 mètre à l'altitude du plan d'eau lors de l'évè­nement de référence.

La prise en compte éventuelle des possibilités d'évacuation et d'accès aux niveaux refuge se fera, une fois le présent rapport publié, après consultation de la commune par le préfet et ses services, au vu des dispositions proposées par la commune et des éventuelles difficultés de mise en œuvre telles que site difficile d'accès , susceptible de rester inondé de façon prolongée ou d'être envahi par une grande hau­teur d'eau.
Ces consultations porteront aussi sur le devenir des immeubles dont seule une partie peut être considérée comme dangereuse: constructions à plusieurs étages ou comportant, en rez de chaussée, à la fois des activi­tés, notamment des commerces, et des logements. Un changement d'affectation des parties à risque pourra être recherché, notamment dans les centres urbains où les logements situés en rez de chaussée peuvent être affectés à des activités commerciales ou de restauration.
La prise en compte éventuelle des spécificités intérieures aux logements et non visibles de l'extérieur aura lieu de façon contradictoire, à la demande du propriétaire, lors de l'enquête publique. Il pourra s'agir, notam­ment de niveaux refuge non visibles de l'extérieur.


Effet des écoulements consécutifs aux débordements :


Sur les personnes :
En phase de montée des eaux, dans le cas d'une submersion marine, les courants atteignent systéma­tiquement des vitesses dangereuses pour les piétons avant que la hauteur d'eau soit devenue dange­reuse à l'intérieur des habitations. Il est proposé de ne pas en faire un critère de dangerosité des constructions, les habitants étant supposés rester chez eux à un emplacement sécurisé (si la construc­tion ne pouvait disposer d'emplacement sécurisé, elle aurait été expropriée à un autre titre ou éva­cuée à titre préventif).
Érosion:
L'érosion du rivage sous l'effet des vagues de tempête constitue un danger majeur pour les construc­tions situées immédiatement en retrait. Les protections, lorsqu'elles sont possibles, dépassent souvent les capacités d'intervention des propriétaires riverains à la fois en raison de leur coût et parce qu’elles impliquent des interventions sur le domaine public maritime ou sur les propriétés contiguës.
Les écoulements en arrière du rivage peuvent aussi provoquer une érosion du sol et, en déchaussant les fondations, conduire à l'effondrement de l'immeuble, particulièrement lorsque le sol est sablon­neux. Il s'agit toutefois, en général, d'un phénomène maîtrisable par le propriétaire du sol au moyen de précautions de coût modéré (revêtement du sol). Les situations inquiétantes sont signalées dans le rapport mais ne sont généralement pas retenues comme motif de délocalisation, le coût de la protec­tion étant largement inférieur à celui de l'expropriation.

Vagues et paquets de mer


On s'intéresse ici aux constructions pour lesquelles les paquets de mer et les objets transportés par les vagues constituent le danger principal.
Il s'agit de constructions très proches du littoral dont le sol se trouve à une altitude suffisante pour que la sub­mersion ne soit pas le principal facteur de risque : le niveau de l'eau à l'intérieur n'est pas susceptible de dé­passer un mètre. Sur les sites expertisés, de telles constructions se trouvent surtout aux Boucholeurs et sur la presqu'île de la Fumée.
La configuration des lieux lors d'une tempête survenant par hautes eaux exceptionnelles y est sensiblement celle figurée par le croquis ci après.
En cas de hautes eaux marines, les vague, qui habituellement déferlent sur la plage ou le platin rocheux par­viennent jusqu'à la digue d'enrochements ou de maçonnerie qui borde le front de mer et s'y brisent. A l'arrivé, les vaques se compriment dans le sens de leurs progression et leur hauteur augmente et peut doubler. La crête des vagues passe par dessus la digue sous forme de « paquets de mer » qui retombent en déferlant derrière celle-ci en transportant, de façon intermittente, de grandes quantités d'eau.
La largeur de la zone de déferlement dépend de l'épaisseur des paquets de mer qui passent au dessus de la digue. Lorsque, comme ce fut le cas lors de Xynthia, le niveau de l'océan est proche de celui de la crête de digue, cette épaisseur est de l'ordre de grandeur de la hauteur de la vague. La zone de déferlement, là où les paquets de mer retombent, est relativement étroite (10 à 30 mètres) mais subit une agitation intense particulièrement agressive pour les constructions qui s'y trouvent.
Les terrains situés en arrière sont rapidement inondés, en général à une cote un peu supérieure à celle de l'océan. L'arrivée des paquets de mer y provoque des vagues mais celles ci sont beaucoup plus faibles que devant la digue. L'écoulement de l'eau apportée par les paquets de mer, en général vers l'arrière du site, pro­voque de forts courants surtout si des constructions font obstacle.

effet des vagues

Les effets des vagues dépendent énormément de la hauteur des vagues et de la géométrie des protections; ils sont difficiles à prévoir sans étude sophistiquée et les constats qui ont pu être faits après Xynthia sont d'un secours limité: l'effet des vagues du 28 février 2010 n'est représentatif de ce que l'on doit redouter que sur les sites dont l'exposition va du sud au sud-ouest, direction des vents les plus violents.
Pour les autres expositions, ces effets sont moindres que ceux de l'évènement de référence.
Il est difficile également d'estimer l'efficacité des ouvrages de protection proposés par les collectivités territo­riales et les riverains : ces ouvrages ont généralement fait l'objet d'études dans un passé récent mais en utili­sant des hypothèses de niveau d'eau qui s'avèrent aujourd'hui insuffisantes. Il est à noter toutefois que ces études ont constitué une source précieuse de renseignements sur la solidité des ouvrages existants.
Les experts ont affiné la délimitation des sites où les constructions peuvent être dangereuses en raison des paquets de mer, de façon à réduire dans la mesure du possible le nombre de celles dont le devenir est incertain mais leur approche est restée qualitative et ne prend pas en compte que ce qui est visible de l'extérieur. Elle ne prétend pas constituer une prise de position définitive pour les constructions qui ne sont pas identifiées comme peu dangereuses.
Ils se sont efforcés de porter un diagnostic sur la hauteur des vagues susceptible d'atteindre chaque élément du front de mer lors de l'évènement de référence, sur la capacité des digues et murs de protection à résister et sur l'étendue où les constructions de qualité courante sont exposées, du fait des vagues, à des phénomènes dangereux: on considère notamment qu'une différence de hauteur d'eau de 50 cm entre les deux faces d'une baie vitrée peut suffire à la faire éclater et à mettre en danger les personnes qui se trouvent derrière, pour une porte c'est un mètre. Les murs en maçonnerie ordinaire dépourvue d'armatures ne résistent guère mieux que les huisseries.


Hauteur des vagues
La hauteur des vagues a été utilisée en utilisant la grille ci dessous (issue du guide des enrochements du CETMEF) avec un vent de 30 m/s et un fetch (espace libre où se forment les vagues) mesuré sur les cartes IGN. La condition de profondeur a été vérifiée (les vagues déferlent lorsqu'elle le profondeur de l'eau est in­férieure à 78% de leur hauteur).

hauteur des vagues

Solidité des ouvrages
La solidité des ouvrages existants a été estimée au vu des observations de terrain et des études récentes réali­sées à la demande du Conseil Général.

Objets flottants
Lors de Xynthia divers objets flottants ont été transportés par les paquets de mer et ont causé des dégâts aux constructions situées au bord de l'océan.
Il s'est agi de bateaux ayant rompu leurs amarres, d'épaves de constructions détruites par la tempête et, aux Boucholeurs, d'automobiles qui stationnaient le long du front de mer.
A la Pointe de la Fumée et un peu partout sur le littoral, les carrelets ont été détruits par les vagues ; leurs composants, des poutres de bois pour l'essentiel sont venus s'échouer en causant parfois des dégâts.
Il est difficile de se protéger d'un objet d'une centaine de kilos arrivant perpendiculairement à une façade à une vitesse de 10 m/s (poutre de carrelet) et plus encore d'une automobile ou d'un bateau pesant plus d'une tonne.
Ces désordres sont relativement fréquents mais la hauteur d'eau atteinte lors de Xynthia a permis aux objets flottants de toucher des cibles placées plus haut qu'à l'accoutumée, notamment des habitations.
Un mur, une porte ou un volet plein dimensionné pour résister à l'effraction constitue une protection efficace contre les objets flottants de petite taille (quelques dizaines de kilos)
La sécurité par rapport aux objets flottants plus lourds ne peut être recherchée qu'au travers de mesures de prévention: exigence de solidité des installations implantées sur le domaine maritime, mise à l’abri préven­tive, en cas d'alerte météo des véhicules et embarcations en danger d'être emportés par les vagues.
Le risque de destruction par les objets flottants n'a donc pas été retenu comme un critère de dangerosité des constructions proches du rivage.

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