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Une ressource en eau dans le maar d'Enval

De Wikhydro

Sommaire

Recherche et évaluation qualitative et quantitative de nouvelles ressources en eau : Le cas de la ville de Clermont-Ferrand.

Résumé

Forage profond dans maar d'Enval (63).jpg
Au niveau du bassin versant de la Tiretaine, qui alimente en eau plus d'un tiers de la population clermontoise, le contexte géographique et l'évolution des aménagements sont tels que plusieurs captages existants s'avèrent difficiles à protéger. Afin d'assurer de manère durable la qualité de l'eau potable distribuée, la Ville de Clermont-Ferrand se voit contrainte d'envisager d' abandonner ces captages et de rechercher une ressource en eau de substitution plus facile à protéger.

Les travaux entrepris pour la ville de Clermont-Ferrand par le CETE de Lyon, en partenariat avec un laboratoire de recherche, un bureau d'études privé et deux autres entreprises, avaient donc pour objectif de trouver une nouvelle ressource en eau présentant un débit de l’ordre de 80 à 150 l/s. Un forage profond de 200 m a été réalisé dans le maar d'Enval (commune d'Orcines). Ce maar pourrait constituer un réservoir récoltant les eaux d'une partie du bassin versant de la Tiretaine. Cet article présente les étapes de la recherche et de la caractérisation de la nouvelle ressource en eau. Des analyses chimiques et isotopiques ainsi que des profils géophysiques ont été réalisés afin de déterminer la qualité et l'origine de l'eau présente dans le maar. Des analyses complémentaires devraient permettre d'évaluer le taux de renouvellement de cette potentielle nouvelle ressource en eau.

Introduction

Plus d’un tiers de l’alimentation en eau potable de la ville de Clermont-Ferrand provient des captages implantés sur le bassin versant de la Tiretaine. Actuellement, les prélèvements sont réalisés entre les communes de La-Font-de-l’Arbre et de Royat. Il est très difficile dans ce contexte urbanisé et contraint par la topographie d’établir les périmètres de protection imposés par la législation. Sur ce linéaire, certaines activités anthropiques risquent d'être à l’origine de sources de pollution.

C'est pourquoi il est nécessaire de prévoir de nouveaux captages afin de les substituer aux captages existants.

Il s'agit donc de rechercher une nouvelle ressource en eau pour anticiper une dégradation de la qualité des ressources actuellement utilisées pour l'alimentation en eau potable (A.E.P.).


Pourquoi rechercher une nouvelle ressource au niveau du maar d'Enval

Un maar est un cratère d'explosion phréato-magatique entouré d'un rempart de débris volcanique. Le maar d'Enval est situé sur le territoire de la commune d'Orcines (63), en amont du bassin versant de la Tiretaine qui alimente en eau plus du tiers de la population clermontoise. Diverses études ont été menées ces 30 dernières années dans le bassin versant de la Tiretaine afin de comprendre le fonctionnement hydrogéologique du secteur et de trouver de nouvelles sources d’eau potable (cf. bibliographie). Ces études laisse supposer que le maar d'Enval, qui se situe dans une paléo-vallée majeure, pourrait porter une importante réserve d'eau plus ou moins connectée avec les sources de la Tiretaine.

Etape n° 1 : le Forage de reconnaissance

Afin d'évaluer la réserve d'eau disponible au niveau du maar d'Enval, un forage de reconnaissance a été réalisé en 2010. Celui-ci a pour but d'estimer l'importance du réservoir et d'évaluer si le maar porte une possible source d'eau souterraine de substitution utilisable pour l'alimentation en eau potable pour la ville de Clermont-Ferrand.

Positionnement et technique de forage

position geographique du forage du maar enval
L'emplacement du forage de reconnaissance a été choisi le plus au centre possible du maar d'Enval, à une centaine de mètres en amont d'un captage AEP (Alimentation en Eau potable) peu profond existant. Le forage a été réalisé par l'entreprise Forage Clément / Gourbière au marteau fond de trou en suivant des exigences strictes de respect de l'environnement afin de na pas contaminer les ressources actuellement exploitées. Initialement prévu à 100 m de profondeur, la foration a été prolongée jusqu'à 200 m, en accord avec la Ville de Clermont-Ferrand, dans l'espoir de toucher le socle et d'estimer au plus juste la puissance de l'aquifère. Le socle n'a malheureusement jamais été atteint.


Identification des formations aquifères

Durant tout le forage, des cuttings ont été prélevés tous les mètres afin de dresser la coupe géologique des formations traversés par le forage. Cette coupe géologique, réalisée par J-M. Morel (Terramater-geologie.voila.net) indique la succession de quatre coulées de laves sur les 77 premiers mètres. Suit un remplissage du fond du maar par des matériaux favorables au stockage d'eau (projections phréato-magmatiques).

logcomplet forage maarenval


Niveau d'eau dans le forage

L'eau a été rencontrée dès 23 m de profondeur et tout au long de la descente dans le forage. Nous sommes donc en présence d'une colonne d'eau d'au moins 180 m d'épaisseur ce qui laisse supposer l'existence d'une importante réserve. Le forage a été donc équipé en tubes piézométriques crépinés sur toute sa longueur.


Etape n° 2 : l'évaluation de la nouvelle ressource en eau

Le forage ayant révélé la présence d'une importante réserve d'eau, diverses analyses physico-chimiques ont été réalisées sur les eaux du maar afin d'estimer leur qualité, leur provenance et éventuellement la possibilité d'une bonne réalimentation de cette réserve d'eau par les pluies.

Diagraphies

maarenval diagraphie resultat temperature
Les premières analyses effectuées sont des diagraphies réalisées par l'entreprise Cisthem. La diagraphie consiste à faire descendre dans le forage une sonde qui mesure et enregistre en continu divers paramètres. Dans notre étude, la sonde enregistrait à la fois la température, la conductivité, le taux d'oxygène dissous et le pH.
Ces quatre paramètres ont révélé le même phénomène, à savoir une cassure franche à 137 m de profondeur.
  • De - 20 m à - 137 m, les eaux semblent être mélangées (pas de gradient et taux d'xygène dissous élevé) alors
  • qu'à partir de - 137 m, des gradients apparaissent et le taux d'O2 chute, laissant supposer un niveau d'eaux stagnantes.

Ces mesures évoquent donc la présence de deux nappes d'eau superposées. Elles ont permis de caler au mieux et en fonction de la géologie repérée lors de l'étape de foration, les profondeurs des prélèvements d'eau à mener par la suite pour mieux caractériser la ressource en eau.

Prélèvements d'eau et analyses chimiques classiques

Cinq prélèvements d'eau ont été réalisés dans le puits de forage aux profondeurs suivantes :

  • à - 30 m, c'est à dire au niveau aquifère qui correspond à celui de l'eau actuellement pompée par la commune d'Orcines. L'eau y est peu minéralisée et potable au sens du Code de la Santé Publique (CSP),
  • à - 70 m, c'est à dire dans la coulée de lave la plus profonde, très bréchifiée. L'eau y est peu minéralisée et potable au sens du CSP.

à - 110 m, soit avant la cassure révélée par les diagraphies. L'eau y est faiblement minéralisée mais on note une importante concentration en fer et la présence d'une flore interférente.

  • à - 150 m, soit après la cassure révélée par les diagraphies. L'eau y est très minéralisée, avec des concentrations importantes en ammonium, fer, manganèse et arsenic. Elle devient également gazeuse et jaunâtre.
  • à - 190 m, ce qui correspond au fond du forage. L'eau présente les mêmes caractéristiques que celle prélevée à - 150 m mais avec des concentrations en arsenic plus importantes.


Analyses complémentaires de chimie isotipique

Ces analyses de chimie classique ont été complétées par des analyses de chimie isotopique et notamment par la mesure du Tritium. Cette dernière révèle des taux situés entre 5,8 et 6,6 UT pour les trois premiers niveaux de prélèvements d'eau puis à 1,7 et 2,8 UT pour les eaux prélevées à - 150 et - 190 m de profondeur. Les eaux supérieures seraient donc récentes et régulièrement renouvelées par les pluies comparativement aux eaux profondes qui seraient anciennes et n'auraient pas été influencées par les essais nucléaires aériens.
On peut donc confirmer, par ces résultats, la présence de deux nappes d'eau superposées et relativement déconnectées. Celle située le plus en profondeur serait constituée d'eaux anciennes, non renouvelées et soumises à de l'hydrothermalisme (gaz), alors que la nappe supérieure est constituée d'eaux potables, récentes et régulièrement renouvelées.


Analyses géophysiques

Afin d'estimer la réalimentation de la réserve d'eau trouvée au niveau du maar d'Enval, nous avons cherché à localiser l'axe de la paléo-vallée par laquelle les eaux météoriques pourraient s'infiltrer puis se repartir dans les formations géologiques comblant le maar.

Pour cela, deux profils géophysiques ont été réalisés par l'équipe de M. Labazuy de l'Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand. Le premier profil se situait en amont du maar, mesurait 2,5 km (avec un profondeur d'investigation d'environ 400 m) et cherchait à localiser la paléo-vallée alimentant le maar en eaux météoriques.
Le second, d'environ 650 m de long pour une profondeur d'investigation de 100 m était situé en aval du maar, et visait à localiser l'exutoire des eaux souterraines percolant dans le maar.
Les résultats obtenus ne montrent pas clairement de zone de vidange en aval du cratère et semblent indiquer une paléo-vallée peu profonde sur le profil amont, qui situerait la réalimentation en eau au niveau des coulées de laves fissurées.


Conclusions et suites à donner

Le forage et les analyses physico-chimiques qui ont suivi nous ont permis de vérifier plusieurs points :

  • → il existe bien une réserve d'eau importante au sein du maar d'Enval,
  • → cette réserve est constituée de deux nappes d'eau superposées,
  • → la nappe supérieure porte des eaux potables, récentes et renouvelées,
  • → la nappe inférieure serait constituée d'eaux anciennes, non renouvelées et soumises à de l'hydrothermalisme,
  • → il y a une possible réalimentation de la nappe supérieure du maar au niveau des coulées fissurée de basalte

Cependant, des questions subsistent : 

  • Le taux de réalimentation, c'est à dire, la quantité d'eau arrivant dans le maar est-elle suffisante pour faire de celui-ci une ressource de substitution ?
  • Le renouvellement de l'eau y est-il régulier ou n'intervient-il qu'en cas de phénomène pluvieux intense ?
  • Y-a t'il une connection directe entre les eaux de la nappe supérieure du maar et celles actuellement exploitées dans le bassin de la Tiretaine pour l'alimentation en eau potable de la ville de Clermont-Ferrand ?

Pour répondre à ces questions, la Ville de Clermont-Ferrand, en accord avec le CETE de Lyon et les partenaires de l'étude prépare un essai de pompage important. Celui-ci devrait intervenir dans le courant de l'année 2013 et permettra de mieux caractériser la nouvelle ressource en eau d'un point de vue quantitatif et d'évaluer si l'exploitation de cette nouvelle ressource risque d'influencer des captages actuellement exploités.

Bibliographie

  • Gagnière G. - 1980 - Reconnaissance des ressources en eau souterraine des formation granitiques et volcaniques à l'Ouest de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) – Rapport BRGM 80 SGN 144 Auv.
  • Frémion M. - 1987 - AEP Commune d'Orcines. Forage Enval (piézomètre). Étude préliminaire.
  • Frémion M. - 1988 - Réalisation de 2 puits d'exploitation. Essai de pompage. Commune d'Orcines.
  • Safege - 2007 - Étude recherche de nouvelles ressources pour l'alimentation en eau potable.
  • Étude complémentaire, réalisation d'un forage d'essai. Ville de Clermont-Ferrand.
  • LRPC Clermont-Ferrand - 2008 – Étude hydrogéologique du bassin versant de la Tiretaine dans le cadre du projet d'accessibilité au sommet du Puy de Dôme par un train à crémaillère.
  • LRPC Clermont-Ferrand – BRGM – 2009 – Bilan de la ressource hydrogéologique de la chaine des Puys à l'étiage : réalisation du bilan par sous-bassins versant.


En savoir plus

L'article sur le maar d'Enval est rédigé par Fanny Postel Geffroy, Ministère de l'Écologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement – Centre d'Études Techniques de Lyon – Département Laboratoire de Clermont-Ferrand.

Il reprend le contenu d'une pérensation qui a été f"L'EAU : Un élément précieux et fragile »
Gestion et protection de la ressource et des milieux
naturels associés.aite le 2 février 2012 lors d'une journée organisée par la CoTITA Centre-Est sur

www.cotita-centre-est.fr/spip.php



Le créateur de cet article est Fanny Postel-Geffroy
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