Massif enterré (HU) : Différence entre versions
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
− | + | [[File:logo_eurydice.jpg|80px]] | |
− | '' | + | ''<u>Traduction anglaise</u> : underground blanket'' |
− | <u>Dernière mise à jour</u> : | + | <u>Dernière mise à jour</u> : 25/05/2023 |
Dispositif ponctuel généralement végétalisé permettant le stockage provisoire de l'eau dans une ou plusieurs couche(s) de matériaux de quelques dizaines de centimètres d'épaisseur située(s) sous la surface du sol. | Dispositif ponctuel généralement végétalisé permettant le stockage provisoire de l'eau dans une ou plusieurs couche(s) de matériaux de quelques dizaines de centimètres d'épaisseur située(s) sous la surface du sol. |
Version du 25 mai 2023 à 11:16
Traduction anglaise : underground blanket
Dernière mise à jour : 25/05/2023
Dispositif ponctuel généralement végétalisé permettant le stockage provisoire de l'eau dans une ou plusieurs couche(s) de matériaux de quelques dizaines de centimètres d'épaisseur située(s) sous la surface du sol.
On parle également de Massif terre-pierre, Tranchée de Stockholm, Fosse de Stockholm, Massif végétalisé, Massif drainant, Massif filtrant (même si ce terme prête à confusion avec un dispositif utilisé pour traiter les eaux usées), etc. L'appellation Arbre de pluie, très poétique mais peu explicite, est aussi quelquefois utilisée.
Nota : On utilise parfois le terme de massif pour parler de façon générique de tout ou partie d'un dispositif enterré constitué d’une structure granulaire à forte porosité ; ce terme regroupe alors des ouvrages variés : tranchées ou puits comblés, structures réservoirs, chaussées à structure réservoir, massif stockant ou microstockage, etc. (voir par exemple : jesuishesbignon.be ou www.eaux-pluviales-poledream.org). Ces différents termes font l'objet d'articles spécifiques dans le DEHUA.
Sommaire |
Généralités
Principes et variantes
Sur le plan pratique cette solution consiste simplement à mettre en place un sol artificiel bien adapté pour le stockage de l'eau. Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'un "ouvrage" et un massif enterré ne gêne en général pas la circulation de l'eau depuis la surface vers la nappe phréatique. Il est cependant possible de mettre en place une couche étanche au dessous du massif dans le but de mieux conserver l'eau pour la végétation à la condition que le surplus continue de s'infiltrer vers la nappe.
Le matériau de stockage est généralement constitué de graviers, de galets, de concassés ou de tout autre matériau perméable ayant une grande quantité de vides interstitiels (porosité comprise entre 0,1 et 0,3) ; il est souvent associé à de la terre végétale (mélange terre-pierre) pour favoriser la croissance des plantes. Si le volume d'eau à stocker est important, il est également possible d'utiliser une structure alvéolaire ultralégère sur une partie du massif. Un géotextile perméable enrobant l’ensemble du massif est parfois mis en place pour limiter la pollution du massif par des fines et éviter son colmatage ; néanmoins, des performances similaires peuvent être atteintes en manipulant avec précaution les caractéristiques du sol mis en place (sol vivant, couche d’argile pour l’imperméabilisation, teneur en matière organique du sol, etc.).
Les solutions de ce type sont issues de deux approches différentes qui sont progressivement en train de converger :
- une approche hydrologique consistant à "améliorer" le sol de façon à permettre la mise en place d'un volume tampon capable de stocker provisoirement l'eau en attendant de la transférer dans les couches plus profondes ; cette approche est techniquement identique à celle des structures réservoirs, excepté le fait que le massif enterré est installé sous une surface de pleine terre ; l'objectif principal est alors de diminuer le ruissellement urbain ;
- une approche visant à mieux intégrer les arbres et la végétation dans le milieu urbain en leur mettant davantage d'eau à disposition et en facilitant les échanges gazeux dans le sol ; cela rejoint également les dynamiques de renaturation (ou re-fonctionnalisation) des sols (figure2 ).
Du fait de cette double approche on trouve un grand nombre de variantes en termes :
- de position : sous une pelouse (figure 3), sous une voirie ou une place, en bordure de trottoirs, etc. ;
- de forme (rapport longueur sur largeur) : massifs ponctuels, par exemple associés à des fosses d'arbres individuelles (arbre de pluie, fosse de Stockholm : figure 4), massifs linéaires assimilables à des tranchées (tranchées de Stockholm : figure 5), ou couvrant une surface importante ;
- d'extension verticale : leur épaisseur peut varier de quelques dizaines de centimètres à plus d'un mètre et leur limite supérieure peut affleurer le sol où être recouverte, par exemple, par une couche de terre végétale ;
- de couverture : qui peut être en partie minérale, par exemple dans le cas d'un massif linéaire associé à des arbres d'alignement en bordure de voirie (notion de trottoir suspendu, figure 6) ;
- de nature de végétalisation : pelouse, arbustes, arbres de hautes tiges.
Un massif enterré se distingue cependant d’un puits ou d’une tranchée de stockage-infiltration par le fait que sa forme est plus ramassée avec un allongement (rapport longueur/largeur) réduit et que sa profondeur est plus faible. Pour cette raison on considère que l’infiltration se fait principalement par le fond et non par les parois latérales (voir § "dimensionnement").
L'alimentation en eau se fait le plus souvent directement par ruissellement et par infiltration de surface, éventuellement par une conduite ou un autre ouvrage (noue, tranchée) (figure 3). L'utilisation de drains est généralement inutile du fait de la forte porosité du matériau. On utilise parfois des puits d'infiltration pour introduire l'eau dans le massif lorsqu'une partie de la couverture est minérale et imperméable (figure 6).
Le plus souvent la vidange du massif se fait essentiellement par infiltration et par évapotranspiration (massif infiltrant). Un trop plein (ou un dispositif de vidange à débit contrôlé) peut cependant être installé dans le cas où la capacité d'infiltration du sol support est faible (massif stockant ou drainant, voir microstockage) (figure 7).
Le développement de dispositifs visant à la fois le contrôle du ruissellement et une meilleure gestion de la végétation urbaine conduit de plus en plus à privilégier l'évapotranspiration (voir § "Cobénéfices"), y compris en rendant étanche le fond du massif de façon à constituer une réserve d'eau (figure 7).
Historique
La mise en place de massifs enterrés a sans doute été faite de façon assez fréquente dans beaucoup de situations, un peu comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Cependant, comme il n'y a généralement pas eu d'approche rationalisée et décrite de ces démarches, il est extrêmement difficile de trouver des éléments historiques sur l'utilisation de cette solution, en particulier dans sa dimension hydrologique. D'ailleurs les massifs enterrés n'ont été identifiés comme une solution spécifique que récemment. Par exemple ils ne sont pas cités dans le premier ouvrage français de référence sur les techniques alternatives (Azzout et al., 1994), pas plus que dans la plupart des guides techniques produits par de nombreuses collectivités.
Concernant l'approche associée à l'intégration des arbres dans le milieu urbain, les choses sont un peu plus claires. Le principe dit "de Stockholm" visant à combiner des objectifs d’arborisation et de gestion des eaux pluviales a été imaginé par Björn Embrén au tout début du XXIème siècle. Les idées de départ se sont progressivement développées en améliorant la composition du substrat (mélange terre-pierre), le choix des essences végétales, les règles de dimensionnement des fosses et tranchées, etc. Restée au départ relativement confidentielle, en particulier chez les hydrologues urbains, cette approche permet aujourd'hui, dans de nombreuses collectivités, de développer des coopérations fructueuses entre différents services (espaces verts, aménagement urbain, assainissement, etc.). Depuis 2014 il existe un guide traduit en français qui détaille la façon de conduire les projets et les bénéfices que l'on peut en attendre (TDAG, 2016).
Fonctions et cobénéfices
Au-delà du stockage provisoire de l’eau, le principal intérêt des massifs enterrés est d'optimiser l'utilisation de l'eau de pluie pour la végétation urbaine. En dehors des dimensions paysagères liées à la présence d'une végétation en meilleure santé car bénéficiant de plus d'eau, cette solution constitue un moyen efficace de lutte contre les ilots de chaleur urbains. En effet l'évapotranspiration de l'eau par la végétation absorbe de la chaleur et contribue à réduire la température de l'air. Le gain est local (sous et à proximité immédiate de la zone végétalisée), mais se fait également ressentir à l'échelle du quartier, voire de la ville. Cette question a notamment été étudiée par le projet VegDUD (Musy et al., 2015) qui a en particulier mis en évidence que l'utilisation d'arbres pour végétaliser la ville constituait le moyen le plus efficace d'un point de vue bioclimatique (voir le tableau de la figure 8).
Un point important mis en avant par cette étude est que "l’impact climatique du végétal dépend en partie de l’eau que peuvent utiliser les plantes. Sans eau, elles n’ont qu’une fonction d’ombrage, tant qu’elles peuvent se maintenir en vie." Ce n'est donc pas la végétation seule qui climatise la ville mais bien l'association de la végétation avec des quantités importantes d'eau.
Sur le plan hydrologique, les massifs enterrés constituent une solution particulièrement intéressante lorsque l'on veut limiter les volumes d'eau infiltrée profondément dans le sol, par exemple dans le cas de présence de gypse.
Les massifs enterrés ont également une très bonne capacité de rétention des polluants due en particulier à la présence importante de matière organique.
Conception
Conception générale
Les massifs enterrés peuvent prendre des formes très variées et nécessiter des efforts de conception très différents. Une couche de matériaux à forte porosité placée juste sous la couche de terre végétale qui supporte la pelouse ne nécessite qu'un calcul hydrologique basique pour déterminer son épaisseur. A l'opposé la mise en place d'un alignement d'arbre dans une tranchée de Stockholm en bordure d'une voirie va imposer une approche interdisciplinaire et au minimum la coopération des aménageurs avec les hydrologues et les services en charge des espaces verts. La profondeur et les dimensions latérales du massif dépendent en effet du volume de stockage nécessaire et conditionnent le choix des espèces végétales qui, à leur tour, vont déterminer la quantité d'eau susceptible d'être évapotranspirée ; le tout devant être pris en compte dans le plan masse et conditionnant la qualité de l'aménagement.
Selon les points de vue, cette nécessaire gestion intégrée peut être perçue comme un inconvénient, voire une contrainte, ou alors comme un élément de progrès vers des villes plus agréables à vivre (voir figure 2)...
Principes de dimensionnement et choix des dimensions
On trouvera dans le guide TDAG (2014) cité plus haut des éléments pratiques pour la conception et le dimensionnement des massifs enterrés.
Sur le plan hydrologique la difficulté principale consiste à prendre en compte correctement l'évapotranspiration. Celle-ci varie en effet beaucoup au cours de l'année d'une année à l'autre ; évaluer son rôle dans la vidange des ouvrages est très difficile sans s'appuyer sur la simulation continue d'une longue série climatique (pluviométrie et évapotranspiration). De plus les végétaux sont des organismes vivants et leurs besoins en eau, donc leur capacité à l'évacuer vers l'atmosphère, vont également beaucoup dépendre de leur développement et de leur état de santé. Par exemple, les jeunes arbres plantés lors de l'aménagement auront des besoins différents de ceux qu'ils auront quelques dizaines d'années plus tard.
Pour résoudre cette difficulté, il est important de concevoir des dispositifs hydrologiques capables de s'adapter à des partages différents, en particulier selon les saisons, entre les deux modes de vidange principaux que sont l'évapotranspiration et l'infiltration.
Au vu des différents objectifs associés à ces ouvrages (mettre plus d'eau à la disposition de la végétation, en particulier en été, tout en étant capable de gérer les volumes apportés en toute situation), la solution la plus logique consiste :
- à privilégier l'évapotranspiration pour évacuer le maximum d'eau possible en volume annuel, ce qui peut nécessiter de mettre en place une réserve ;
- à prévoir une capacité d'infiltration suffisante pour évacuer le volume produit par les pluies les plus fortes, avec l'hypothèse pessimiste que la réserve de stockage peut déjà être pleine au début de l'événement.
Réalisation / impacts négatifs potentiels et précautions à prendre
Nécessité d'une approche pluridisciplinaire
Comme déjà indiqué, le principal intérêt, mais également la principale difficulté de ce type de réalisation est d'intégrer le vivant. La qualité de l'aménagement, mais également le fonctionnement hydrologique du dispositif est en effet très dépendant de l'état de développement et de l'état de santé des végétaux qui lui sont associés.
Le rôle des services et des personnes en charge du choix de la végétation et de ses conditions d'implantation est donc crucial. Ce sont eux qui doivent être les acteurs centraux du projet. Le rôle de l'hydrologue se limitant alors à poser les contraintes et à s'assurer du fonctionnement correct du système selon les hypothèses formulées.
Risque de dommages aux réseaux
Un autre risque parfois évoqué est le fait que les racines vont perturber les réseaux présents dans le sous-sol. En pratique, ce risque est limité car le principe même du dispositif est de mettre à la disposition de la végétation de grandes quantités d'eau ainsi qu'un sol adapté et ce qui lui évite d'aller chercher les ressources qui lui sont nécessaires à de plus grandes distances. Le développement racinaire est anticipable et fait partie des paramètres de choix des espèces. En cas de doute, il est cependant toujours possible de limiter le développement de la zone racinaire par un caisson.
Vie de l’ouvrage
Les massifs enterrés nécessitent souvent peu d’entretien. Le fonctionnement de l’ouvrage est en fait principalement lié à sa bonne conception et sa bonne réalisation.
Quelques précautions restent néanmoins à retenir afin de limiter l’entretien ou les dysfonctionnements :
- Limiter autant que possible la longueur du ruissellement afin de limiter l’apport en polluants et en matières en suspension ;
- Anticiper la qualité des eaux d’alimentation et limiter tout pesticide ou fongicide utilisé sur les toitures ou voiries par exemple ;
- Sélectionner correctement les espèces plantées et assurer les conditions de leur bon développement ; ceci implique en particulier de bien anticiper sur leur capacité à résister à l'augmentation de la fréquence et de la sévérité des canicules et des périodes sécheresse associée au changement climatique ; il est généralement nécessaire de prévoir un arrosage au moins pendant les trois premières années suivant la plantation.
L'une des questions souvent soulevées lorsque l'on alimente des végétaux avec de l'eau provenant du ruissellement urbain est celle de leur sensibilité aux sels de déverglaçage et de déneigement, les plus utilisés étant le chlorure de sodium (NaCl).
Les ions chlore (Cl-), très solubles dans l'eau, sont en majorité rapidement transportés vers la nappe phréatique sans poser de problème environnemental important. En revanche les ions sodium (Na+) vont rapidement s'adsorber sur les particules et se stocker dans les premiers centimètres du sol en modifiant ses propriétés et en étant susceptibles de stresser les végétaux. Ce problème ne doit cependant pas être exagéré. Un arbre en bonne santé est parfaitement capable de résister à un contact occasionnel avec des sels de déneigement. Par ailleurs ce stress doit être mis en balance avec celui associé au manque d'eau qui est beaucoup plus dangereux pour la végétation (https://www.guidebatimentdurable.brussels/arbres-pluie#quelles-sont-les-fonctions-dun-arbre-de-pluie-).
En cas d'épandages plus fréquents (villes de montagne par exemple) des précautions techniques peuvent éventuellement être mises en œuvre pour limiter les apports en période sensible (par exemple dispositif d'alimentation en eau du massif équipé d'une vanne susceptible d'être fermée en hiver). Cette solution impose cependant de disposer d'un autre système d'évacuation des eaux pluviales (réseau traditionnel ou autre solution alternative non végétalisée).
Bibliographie :
- Azzout, Y., Barraud, S., Cres, F.N., Alfakih, E. (1994) : Techniques alternatives en assainissement pluvial - Choix, conception, réalisation et entretien ; ed. Tec et Doc ; Lavoisier ; Paris.
- https://sfa-asso.fr
- Chancibault, K., Bozonnet, E., Calmet, I., Lemonsu, A., Musy, M., Rodriguez, F., Redon, E., Bernard, JU., De Munck, C. (2017) : Régulation thermique et gestion des eaux pluviales par les arbres en ville : projet VegDUD et autres projets ; présentation powerpoint ; disponible sur sfa-asso.fr
- https://www.guidebatimentdurable.brussels/arbres-pluie#quelles-sont-les-fonctions-dun-arbre-de-pluie-
- Musy, M., Bozonnet, E., Briottet, X., Gutleben, C., Lagouarde, J.P., Launeau, P., Lemonsu, A., Maro, D., Rodriguez, F., Sabre, M. (2015) : Rapport final Projet ANR- 09-VILL-0007 VegDUD Programme Villes Durables 2009. [Rapport de recherche] IRSTV FR CNRS 2488 ; disponible sur : https://hal.science/hal-01188804/file/RapportScientifiqueDetailleVegDUD.pdf.
Pour en savoir plus :
- TDAG (2016) : Arbres en milieu urbain : Guide de mise en œuvre ; Trees Design Action Group ; 168 p., traduit et diffusé en France par VAL'HOR (Interprofession française de l’horticulture) ; disponible sur www.tdag.org.uk