Tranchée de stockage et d'infiltration des eaux pluviales (HU)
Traduction anglaise : Storm water retention/infiltration trench
Dernière mise à jour : 19/06/2023
mot en chantier
Ouvrage linéaire et superficiel creusé dans le sol et capable de stocker provisoirement des eaux pluviales, de les transporter vers l'aval et/ou de les infiltrer. On parle également de tranchée de rétention/infiltration ; si l'évacuation se fait uniquement par infiltration, on parle de tranchée filtrante.
Les tranchées de stockage et d'infiltration des eaux pluviales font partie des solutions alternatives de gestion des eaux pluviales.
Nota : On parle également parfois de tranchée drainante ; ce terme est cependant ambigu concernant la fonction principale de la tranchée ; historiquement les tranchées drainantes ont été utilisées pour assécher le sol à proximité immédiate des constructions plutôt que pour gérer les eaux pluviales.
Sommaire |
Généralités
Principes et variantes
Forme géométrique
Les tranchées de rétention/infiltration ont généralement des profils en travers de forme rectangulaire ou trapézoïdale. Leur largeur est comprise entre 30 centimètres et 2 mètres (valeurs habituelles 80 centimètres à 1 mètre) et leur profondeur varie de 50 centimètres à 2 mètres au maximum. Elles sont remplies de matériaux granulaires (porosité comprise entre 0.25 et 0.5) ou parfois d’une structure alvéolaire ultralégère (porosité entre 0.9 et 1). Elles sont souvent munies d’un drain en fond de fouille qui permet à la fois une meilleure répartition de l’eau dans la tranchée et une meilleure vidange en fin d’évènement (voir figure 2). Un simple géotextile est généralement suffisant pour empêcher la terre de contaminer le matériau granulaire. Dans le cas de l'utilisation d'une SAUL, il est utile de prévoir des évents pour faciliter l'évacuation de l'air.
Il est également possible d'imaginer des ouvrages composites constitués d'une tranchée surmontée par une noue. On parle alors de tranchée composée, avec un stockage provisoire de l'eau qui se fait en profondeur dans la tranchée pour toutes les pluies, et, pour les pluies plus fortes, également en surface dans la noue.
Possibilités d'implantation
Les tranchées de stockage/infiltration peuvent être installées sous n’importe quel type de surface sans bâtiment. Comme il s’agit d’éléments linéaires étroits, les tranchées s’intègrent facilement dans les aménagements, le long des bâtiments, le long des voiries (trottoirs ou pistes cyclables) ou en éléments structurants de parkings (voir figure 4). Elles occupent peu de foncier.
Elles peuvent être recouvertes de terre et végétalisées, recouvertes de dalles, ou non couvertes (figure 3 )
Lorsqu’elles sont implantées sous une surface de pleine terre les tranchées sont de préférence végétalisées pour s’intégrer dans l’espace vert.
Lorsqu’elles sont implantées sous une surface aménagée, par exemple un parking, les tranchées peuvent être utilisées pour structurer l’espace (par exemple limiter les places de stationnement). Dans ce cas elles peuvent être végétalisées ou traitées de façon totalement minérale (figure 5). Elles peuvent également être recouvertes d'une structure rigide (dalle), permettant l’utilisation de l'espace qui les surmonte.
Modalités d'alimentation
On distingue deux modalités principales d'alimentation (qui peuvent être utilisées de façon conjointe) (figure 6):
- Alimentation diffuse : l'eau est amenée par ruissellement, de façon latérale, sur toute la longueur de la tranchée dans la quelle elle s'introduit par infiltration ; ce mode est très bien adapté aux tranchées situées le long d'éléments linéaires (voiries, pistes cyclables, cheminements piétons, voire bâtiment en l'absence de descentes localisées) ; il est préférable que l'eau circule dur une surface relativement plate et enherbée avant d'arriver sur la tranchée pour faciliter le dépôt et le piégeage des matériaux susceptibles de colmater la surface. Cette solution est préférable en termes économiques mais aussi en termes fonctionnels.
- Alimentation concentrée : l'eau est amenée de façon ponctuelle, soit à une extrémité de la tranchée, soit en différents points répartis sur son linéaire ; dans ce cas il est préférable de doter la tranchée d’un drain pour faciliter la répartition de l’eau dans l’ouvrage ; la mise en place d'un regard équipé d'un dispositif permettant de piéger les feuilles et les matériaux grossiers (puisard de décantation, bouche d'injection) à chaque point d'entrée est recommandée
Modalités de vidange
La vidange peut se faire par infiltration (tranchée d'infiltration) ou à débit contrôlé vers un ouvrage aval (ou en combinant les deux modes). En cas de vidange à débit contrôlé (tranchée de stockage), il est important que la tranchée soit le plus plate possible, de façon à éviter l'accumulation de l'eau dans la partie inférieure, avec le risque d'un débordement en surface. Il est également possible d'augmenter la capacité de stockage en cloisonnant la tranchée.
Historique
Fonctions et cobénéfices
Les ouvrages de ce type peuvent jouer plusieurs fonctions complémentaires utiles pour diminuer les flux d'eau et de polluants produits pendant les périodes pluvieuses :
- transporter l'eau vers un exutoire aval à une vitesse réduite, ce qui étale les hydrogrammes et écrête les pointes de débit (voir § sur le fonctionnement hydraulique) ;
- stocker provisoirement l'eau ; c'est le complément obligé du point précédent ; le stockage est d'autant plus efficace que la pente est faible et que la porosité des matériaux est grande ;
- infiltrer tout ou partie de l'eau vers le sol et la nappe et permettre ainsi sa réalimentation (voir le § sur l'infiltration) ;
- permettre une décantation très efficace des matières en suspension et des polluants qui leur sont associées (soir le § sur l'efficacité de dépollution).
Les tranchées de stockage-infiltration sont faciles à mettre en œuvre et économiques ; elles ne mobilisent que peu de foncier et peuvent facilement être intégrées dans la trame urbaine, d'autant que leur couverture peut prendre des formes très variées.
Elles peuvent en particulier être végétalisées et contribuer au verdissement de la ville et au développement de la biodiversité.
Conception
Conception générale
Les tranchées de stockage-infiltration peuvent être difficiles à mettre en œuvre lorsque la pente du terrain le long duquel elles sont implantées est forte. Il est en effet alors nécessaire de prévoir un cloisonnement de l'ouvrage pour éviter que l'eau ne s'accumule dans la partie basse. Cette contrainte impose souvent de réfléchir à leur implantation dès les phases initiales de la conception de l'aménagement, ce qui n'est pas encore vraiment dans les habitudes.
Fonctionnement hydraulique des tranchées de rétention/infiltration
Dans le cas des écoulements en milieu granulaire, différentes modélisations peuvent être envisagées :
- on peut considérer que l'écoulement se fait à surface libre dans un milieu à forte rugosité et utiliser par exemple (en régime permanent) la formule de Manning-Strickler :
- On peut au contraire considérer que l'écoulement se fait dans un milieu poreux et utiliser la formule de Darcy :
- on peut utiliser des formules intermédiaires, adaptée aux matériaux à forte porosité comme celle d'Izbash :
- ou celle de Forchheimer :
Avec :
- $ V $ : vitesse moyenne de l'écoulement ($ m/s $) ;
- $ J $ : pertes de charge linéaire ou gradient de la ligne d'eau dans le sens de l'écoulement ($ m/m $) ;
- $ R_h $ : Rayon hydraulique ($ m $) ;
- $ K_s $ : coefficient de débit ;
- $ K $ : coefficient de Darcy ;
- $ K_1 $ à $ K_5 $ : Coefficients.
Proton (2008), travaillant sur des tranchées en vraie grandeur fonctionnant en conditions contrôlées, a montré que les pertes de charges étaient sensiblement proportionnelles à $ K_1.V^{2} $ et que les formules d'Izbash ou de Forchheimer conduisaient à sur-paramétrer le modèle sans apporter d'amélioration notable. Dans le cas d'étude, en utilisant des galets roulés 20/80 avec une porosité de l'ordre de 0,38, la valeur optimale de $ K_s $ était de l'ordre de 0,37
Cette étude montre clairement que bien que les écoulements soient souterrains, la porosité des matériaux utilisés (en générale du galet ou du concassé) est suffisamment grande pour que l'on puisse considérer que l'écoulement se fait à surface libre avec une rugosité très forte.
Modélisation de l'infiltration dans les tranchées de rétention/infiltration
La principale question posée par le calcul des débits d'infiltration dans les tranchées concerne les surfaces qui doivent être prises en compte. L'étude de Proton (2008) a également traité cet aspect en accélérant artificiellement le vieillissement de tranchées d'infiltration. Il a ainsi montré que dans des conditions normales, le fond des tranchées se colmatait très vite (en quelques années au maximum et encore plus vite si l'eau est injectée par des drains), mais que la capacité d'infiltration des parois n'évoluaient que très peu. Il a également montré que le débit d'infiltration par les parois étaient proportionnel à la surface de parois. Ceci n'est cependant vrai, dans le cas de tranchées construites en parallèle, que si l'on conserve une distance entre les tranchées au moins égale au double de leur profondeur (voir figure 4).
La seconde difficulté concerne le choix de la capacité d'infiltration. L'avantage des tranchées est de répartir l'eau sur une longueur importante et de profiter ainsi des zones ou la capacité d'infiltration est la meilleure.
Dimensionnement des tranchées d'infiltration
Les méthodes simplifiées de dimensionnement (comme la méthode des pluies ou la méthode des volumes ) suppose un débit d'évacuation constant. Or comme le niveau de remplissage de la tranchée varie avec le temps, la surface d'infiltration, donc le débit d'infiltration ne sont pas constants. Ce point a été traité par Azzout et al (1994) qui ont montré numériquement, à partir de simulations par la méthode des débits, qu'il était possible de remplacer la notion de débit constant par celle de débit moyen de vidange. Le débit moyen de vidange peut lui même se déduire du débit maximum obtenu lorsque la tranchée est pleine en multipliant ce dernier par 0,5. Ce résultat a été confirmé analytiquement par Chocat (2020).
Efficacité de dépollution des tranchées de rétention/infiltration
Le colmatage du fond est la conséquence d'une décantation très importante des matières en suspension, elle même due aux vitesses d'écoulement très faibles dans les tranchées (quelques cm/s). Comme une partie importante des polluants sont fixées sur les particules fines, ce colmatage est donc le signe d'une très grande efficacité de dépollution.
Réalisation / impacts négatifs potentiels et précautions à prendre
Emprise souterraine assez importante.
une pente du fond de tranchée de 2 à 3% est à privilégie
Vie de l’ouvrage
Il faut entretenir régulièrement le regard à décantation en amont au moins deux fois par an (et autant de fois que nécessaire au moment de la chute des feuilles) en retirant tout ce qui pourrait colmater la tranchée.
- Pour les tranchées recouvertes d’herbe : il faut réaliser la tonte et le ramassage des feuilles autant de fois que nécessaire.
- Pour les tranchées recouvertes de galets : il faut enlever les feuilles mortes ou détritus éventuels, désherbage,…
- Pour les tranchées drainantes, le système de limitation du débit devra être entretenu par hydrocurage.
Bibliographie :
- Azzout, Y., Barraud, S., Cres, F.N., Alfakih, E. (1994) : Techniques alternatives en assainissement pluvial - Choix, conception, réalisation et entretien ; ed. Tec et Doc ; Lavoisier ; Paris.
- Chocat, B. (2020) : Généralisation de la méthode des pluies ; note de travail (copie envoyée sur demande)
- STU (1982) : La maîtrise du ruissellement des eaux pluviales : quelques solutions pour l'amélioration du cadre de vie ; Service Technique de l'Urbanisme ; Ed. Maugein & Cie, Paris ; 64 p
Pour en savoir plus :
- Proton, A. (2008) : Étude hydraulique des tranchées de rétention / infiltration ; Thèse INSA Lyon ; téléchargeable sur http://www.theses.fr/2008ISAL0073