Radar météorologique (HU)
Traduction anglaise : Meteorological radar
Mot en chantier
Dernière mise à jour : 18/04/2025
Dispositif de télédétection active des précipitations atmosphériques.
Cet appareil mesure la réflectivité électromagnétique des nuages précipitants. Sous différentes hypothèses, cette mesure peut être interprétée en termes d'intensité de pluie au sol, en les ajustant sur des mesures au sol. Cette utilisation quantitative du radar météorologique est appelée, sans doute abusivement, hydrologie radar. Le radar n'est pas en soi un dispositif de mesure de la pluie ou de prévision météorologique, mais il apporte beaucoup à la connaissance de la distribution spatio-temporelle des précipitations ou à leur anticipation à court terme (d’une demi-heure à deux heures).
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Historique
La détection des précipitations par radar a été découverte vraisemblablement vers la fin de 1940 par les britanniques. Ils ont en effet été les premiers à disposer de radars de détection aérienne et navale dans les gammes 3 000 à 10 000 MHz (bandes S à X) grâce à l'invention tenue secrète du magnetron à cavité résonnante, premier générateur très haute fréquence industrialisable et de faible encombrement. Ces radars ont constitué pour les alliés un avantage stratégique déterminant dans la bataille de l'Atlantique car seules les longueurs d'ondes de 200 à 400 MHz étaient surveillées par les contre-dispositifs allemands. Cet avantage a duré jusqu'à la fin de 1943 lorsqu'un avion allié équipé d'un de ces radars a été abattu en Hollande.
L'utilisation de radars dans les bandes S à X a immédiatement montré que les orages provoquaient de forts échos, ce qui n'était pas le cas dans les bandes de fréquences plus faibles. L'interprétation quantitative de ces échos a été entreprise d'abord pour comprendre l'atténuation du signal qui pouvait nuire à la détection des cibles militaires. Puis l'exploration radar de l'atmosphère a motivé un ensemble considérable de recherches et a nourri de façon déterminante les sciences atmosphériques modernes.
Ainsi, entre 1950 et 1980, les différents services de météorologie à travers le monde Service met en service le premier radar conçu exclusivement pour la détection des précipitations (https://www.weather.gov/dtx/beecherradar). En France, le premier radar météo opérationnel français est installé en 1949 à Trappes. Il est remplacé dans les années 1950 par le radar DECCA qui restera utilisé jusqu'à l'apparition du radar MELODI qui fonctionne en bande S (longueur d'onde de 10cm), en 1968.
Sur le plan opérationnel, les premières installations de radars météorologiques sont déjà souvent guidées par des besoins de surveillance hydrologique (exemple du radar de Grèzes installé dans les années 1960 pour la surveillance du bassin de la Dordogne (Dupouyet, 1983)). De même, la ville constituent l'un des domaines d'utilisation précoce du radar à la fois dans le but d'apprécier le rôle de l'urbanisation et de l'industrialisation sur le déclenchement des orages (expérience Metromex à Saint-Louis aux Etats-Unis (Changnon, 1981)) et aussi dans le but de prévoir les conséquences des ruissellements d'orage (voir par exemple (Andrieu & Jacquet, 1987) ou (Delrieu et al., 1991)).
La démarche consistant à organiser les radars de Météo-France en un réseau cohérent, appelé Aramis (acronyme signifiant Application Radar à la Météorologie Infra-Synoptique), couvrant l'ensemble du territoire métropolitain, remonte au milieu des années 1980 (Parent du Châtelet, 2003). La couverture de la France métropolitaine ne sera cependant complète qu'en 1995 (figure 1).
Dans le même temps, des recherches menées notamment au CERGRENE de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées (Andrieu, 1986 ; Blanchet et al., 1989 ; Denoeux et al., 1990 ; Jacquet et Neumann, 1991), en liaison avec les développements réalisés pour les services d’assainissement du Val de Marne et de Seine Saint Denis (Delattre et al, 1986) permettent de développer le système CALAMAR (brevet déposé en 1992 par la société RHEA). Il s'agit du premier outil permettant de générer des lames d’eau composites, recalant les images de réflectivité radar grâce à des mesures pluviométriques en temps réel acquises sur des réseaux au sol, assez denses (Pister et al., 2010).
A la fin du XXème siècle et au début du XXIème les technologies évoluent (intégration de l'effet Doppler, développement de radar en bande X, mise au point de la double polarisation, etc.). Le développement de l’informatique permet de mieux filtrer les données (élimination des échos parasites) et de mieux les traiter (ajustement de la relation réflectivité-intensité).
Différents produits opérationnels sont aujourd'hui proposés permettant de prévoir les intensités de pluies à court ou moyen terme et de générer des pluviomètres virtuels en tout point du territoire.
Principes de fonctionnement des radars météorologiques
Le système radar
Le radar météorologique (voir par exemple Sauvageot (1988) et Doviak et Zrnic (1984) pour une information exhaustive, et Wilson et Brandes (1979) pour une information plus synthétique) est un radar à impulsions classique doté d’un émetteur de longueur d’onde comprise entre 3 et 10 cm, c’est à dire couvrant les bandes X (3 cm), C (5 cm) et S (10 cm), et d’une puissance de 25 à 1000 kW. Les récepteurs des radars météorologiques ont tous une dynamique couvrant approximativement la gamme de 110 à 30 dBm (l’échelle dBm est une échelle logarithmique exprimée en référence au milliwatt - ainsi le récepteur est capable de détecter des puissances minimales de l’ordre de 10-11 milliwatts, ce qui est proche du bruit ambiant, et analyse linéairement une gamme de 8 à 10 ordres de grandeur au delà de cette valeur). La sensibilité d’un radar est liée à cette gamme de détection mais aussi aux caractéristiques de puissance de l’émetteur (plus l’émetteur est puissant et plus la quantité d’énergie rétrodiffusée par l’atmosphère a de chance de dépasser le bruit ambiant) et à la dimension de l’antenne (plus l’antenne est grande et plus elle concentre l’énergie émise en un faisceau réduit). Le tableau de la figure 2 indique, pour les trois longueurs d’onde météorologiques habituelles, les tailles d’antenne et les puissances crête d’émission nécessaires pour permettre la détection d’une intensité de pluie d’environ 1 mm/h à une distance de 100 km. Comme le coût de l'équipement dépend du diamètre de l'antenne et un peu de la puissance de crête, il est facile de comprendre que les radars à bande X sont les plus économiques (environ 2 fois moins chers que les radars à bande C et 3 fois moins chers que les radars à bande S).
Une même antenne permet l’émission pendant un temps très bref (1 à 2 μs) puis la réception pendant un temps beaucoup plus long (typiquement 50 ms). Ces durées conduisent à une fréquence du cycle d’émission-réception de 200 Hz. Les antennes utilisées en météorologie sont des paraboles qui concentrent l’essentiel de l’énergie émise (80 %) dans un cône d’angle au sommet :
avec :
- $ Θ_0 $ : angle d'ouverture du faisceau (en degré) ;
- $ λ $ : longueur d'onde (en m) ;
- $ d_a $ : diamètre d'antenne (en m) ;
Nota : les diamètres d'antenne donnés par le tableau de la figure 2 correspondent à une ouverture du faisceau de 1,75° d'angle.
Ces antennes sont orientables dans deux plans (en site et en azimut) avec une précision de pointage de quelques dixièmes de degré et une vitesse généralement inférieure à 10 degrés par seconde. Elles sont parfois protégées du vent par un radôme : très intéressant au plan mécanique, ce dispositif peut sensiblement atténuer le signal et donc fausser le mesurage lorsque la pluie ruisselle sur ses parois.
Les protocoles d’antenne
Les radars météorologiques explorent l’atmosphère suivant deux mouvements de base : le tour d’antenne à site constant (PPI pour Plan position indicator) et le balayage vertical à azimut fixé (RHI pour Range height indicator). Une succession de PPI à sites croissants (typiquement 15 PPI de 0 à 45 degrés de site) procure une exploration en volume de l’atmosphère dont il est ensuite possible d’extraire, par voie informatique, tout type d’images représentant par exemple des coupes horizontales (CAPPI pour Constant altitude PPI) ou verticales.
La réflectivité des précipitations
Le principe de la détection radar des précipitations est lié au comportement des molécules d’eau soumises à un champ électromagnétique. Ces molécules vont constituer des dipôles oscillants, des antennes, qui captent puis réémettent à la fréquence du champ. L’énergie ainsi diffusée par ces multiples antennes de manière isotrope dans l’espace permet la détection radar. L’eau n’est cependant pas un diffuseur parfait et disperse sous forme de chaleur une partie de l’énergie qu’elle capte : ce mécanisme est responsable de l’atténuation du signal radar par les précipitations.
La taille relative des hydrométéores (gouttes, flocons, grêlons) par rapport à la longueur d’onde $ λ $ détermine les propriétés de diffusion (il en est de même pour celles d’atténuation qui ne sont pas décrites ici). Dans le cas simple où la taille des hydrométéores est faible par rapport à $ λ $ (hypothèse dite de Rayleigh, acceptable pour la pluie en bande C et S), la section efficace de rétrodiffusion radar $ σ_r $ d’une particule sphérique de diamètre $ D_r $, c’est à dire la surface qu’aurait cette particule si elle était un diffuseur parfait, s’écrit :
$ K $ étant la constante diélectrique diélectrique qui dépend de l’état et de la température de l’eau : l’eau liquide a une capacité environ cinq fois plus forte que la glace à rétrodiffuser en raison de la mobilité des molécules qui peuvent s’orienter par rapport au plan de polarisation des ondes.
Lorsque de multiples particules sont réparties dans un volume donné, leurs sections efficaces de rétrodiffusion s’additionnent pour donner la capacité de diffusion globale de l’ensemble que l’on appelle la réflectivité radar :
Si l’on fait l’hypothèse que la constante diélectrique de ces particules est la même et que leur distribution volumique en taille est définie par la fonction de répartition $ N(D_r) $, on définit alors le facteur de réflectivité radar $ Z $ par :
où $ D_{rmin} $ et $ D_{rmax} $ bornent la gamme de diamètres de gouttes considérée. La réflectivité s’exprime en mm6/m3 ou bien en dBZ, échelle logarithmique dont la valeur de référence est Z0r = 1 mm6/m<3/sup> avec Z(dBZ) = 10 log (Z/Z0r). La réflectivité des précipitations varie entre 20 et 60 dBZ.
Résolution du mesurage par radar
La durée des impulsions émises et l’ouverture du faisceau fixent le volume d’échantillonnage du radar. Chaque impulsion ayant une durée $ τ $, le signal arrivant à l’antenne $ t $ microsecondes après la fin de l’émission de l’impulsion a parcouru une distance comprise entre $ t.c $ et $ (t + τ).c $ où $ c $ est la vitesse de la lumière (environ 300 m/μs) et provient donc de cibles situées à des distance comprises entre $ t.c / 2 $ et ($ t + τ).c / 2 $ (pour tenir compte du trajet aller-retour des ondes). Ainsi la valeur mesurée à l’instant $ t $ intègre la réflectivité des hydrométéores sur une distance de $ τ.c / 2 $ qui définit la résolution radiale du radar (300 m dans le cas d’impulsions de 2 μs).
Par ailleurs l’ouverture du faisceau définit les limites angulaires du volume d’échantillonnage. A titre d’exemple, un mesurage réalisé à 100 km du radar par un faisceau de 2 degrés intègre dans un cercle de 3 500 m de diamètre autour de l’axe du faisceau.
Ces caractéristiques doivent être présentes à l’esprit lorsque l’on utilise une image radar, en particulier pour ce qui est des effets d’intégration dus à la résolution angulaire. Ainsi les mesurages réalisés respectivement à 10, 50 et 100 km du radar vont représenter des volumes d’intégration respectifs de 0,029, 0,722 et 2,890 km3 (figure 4). Il est également bon de noter l’évolution en altitude de l’axe du faisceau qui, aux distances évoquées précédemment, se trouve respectivement à 180, 1 000 et 2 300 m pour un angle de site de 1 degré (l’effet de la courbure terrestre est sensible au-delà de 50 km).
Bibliographie :
- Andrieu, H. (1986) : Interprétation de mesures du radar Rodin de Trappes pour la connaissance en temps réel des précipitations en Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne ; Thèse de Docteur-Ingénieur ; École Nationale des Ponts et Chaussées ; Paris.
- Andrieu, H., Jacquet G. (1987) : Le radar météorologique de Trappes et l'estimation des intensités pluvieuses en Seine-Saint-Denis.* ; La Houille Blanche ; n° 6 ; pp 447-457.
- Andrieu, H., Creutin, J.D., Roche, P.A. : Le radar météorologique : un outil pour l'hydrologie ; Bull. Liaison du Lab. des P. et C. ; n°180 ; pp 43-58
- Blanchet,B., Neumann, A., Jacquet, G., et Andrieu, H. (1989) : Improvement on rainfall measurements due to occurate synchronisation of raingauges and due to advection use in calibration ; Int. Symp. on hydrol. Appl.of Weather Radar ; Salford.
- Denoeux, T., Einfalt, T., et Jacquet, G. (1990) : Determination in real time of the reliability of radar rainfall forecasts ; J. of Hydrol. ;, Vol. 122 ; pp. 353-371.
- Doviak, R.J., Zrnic, D.S. (1984) : Doppler radar and weather observations ; Academic Press ; 458 p. ; 1984.
- Jacquet, G., et Neumann, A. (1991) : Analyse à posteriori des résultats de la prévision automatique ; Rapport CERGRENE, ENPC.
- Delattre, J.M., Bachoc, A., et Jacquet, G. (1986) : Performance of hardware components for real time management of sewer systems ; In: Torno, H.C., Marsalek, J., et Desbordes, M. (éds.) ; Urban Runoff Pollution, Springer.
- Parent du Châtelet, J. (2003) : Aramis, le réseau français de radars pour la surveillance des précipitations ; La Météorologie ; n° 40 ; février 2003 ; pp 44-52 ; disponible sur file:///G:/T%C3%A9l%C3%A9chargements/meteo_2003_40_44.pdf
- Pister, B., Bourgogne, P., Jacquet, G., Kapfer, (2010) : Utilisation des données radar à travers le service CALAMAR ; téléchargeable sur : www.meteo.fr/cic/meetings/ForumRadar2010/pres/p12_CALAMAR.pdf.
- Sauvageot, H. (1988) : Radarmétéorologie ; Ed. Eyrolles ; Paris ; 296 p. ; 1988.
Pour en savoir plus :