Radar météorologique (HU)
Traduction anglaise : Meteorological radar
Mot en chantier
Dernière mise à jour : 05/07/2025
Dispositif de télédétection active des précipitations atmosphériques.
Cet appareil mesure la réflectivité électromagnétique des hydrométéores (gouttes d'eau, grêlons, flocons de neige, etc.) sous les nuages précipitants. Il peut permettre différents types d'observations météorologiques (Pointin, 2004) :
- observer les nuages,
- estimer les précipitations et leurs déplacements,
- mesurer la vitesse du vent,
- estimer le spectre des gouttes de pluie.
Cet article traitera plus spécifiquement de deux domaines, d'ailleurs interconnectés, et très importants pour l'hydrologie :
- l'estimation des précipitations, en termes de lames d'eau sur un élément de surface, ou en termes d'intensité en un point ;
- la prévision des précipitations, à court terme, en un point donné ou sur un bassin versant donné.
En effet, moyennant différentes hypothèses, les informations obtenues avec un radar météorologique peuvent être utilisées pour estimer des intensités de pluie au sol. Cette utilisation quantitative du radar météorologique est parfois appelée, sans doute abusivement, hydrologie radar. Le radar n'est pas en soi un dispositif de mesure de la pluie ou de prévision météorologique, mais il apporte beaucoup à la connaissance de la distribution spatio-temporelle des précipitations ainsi qu'à l'anticipation de leur évolution à court terme (d’une demi-heure à deux heures) (voir Prévision des crues et des inondations : vue globale (HU)).
Historique
L’idée d’utiliser des ondes électromagnétiques pour détecter des objets distants date du tout début du XXème siècle. Le premier brevet est ainsi déposé par Christian Hülsmeyer en l904 pour protéger son "téleémobiloscope", émetteur récepteur radiofréquence, capable de détecter à distance des objets métalliques. Ce n’est cependant qu’entre 1930 et 1940, à l'approche de la guerre, que des recherches et développements importants sont réellement menés simultanément dans de nombreux pays (USA, Grande Bretagne, Allemagne, France, Russie, Italie, Hollande, Japon) (Daricau, 2015). Le terme radar (pour "Radio Detection And Ranging)" est officiellement adopté par la marine nationale des États-Unis d'Amérique en novembre 1940.
La possibilité de détecter des précipitations en utilisant un radar, pour sa part, a vraisemblablement été découverte par hasard dès le début des années 1940, par les britanniques. Ceux-ci ont en effet été les premiers à disposer de radars de détection aérienne et navale dans les gammes 3 000 à 10 000 MHz (bandes S à X) grâce à l'invention tenue secrète du magnetron à cavité résonnante, premier générateur très haute fréquence industrialisable et de faible encombrement. Ces radars ont constitué, pour les alliés, un avantage stratégique déterminant dans la bataille de l'Atlantique, car seules les longueurs d'ondes de 200 à 400 MHz étaient surveillées par les contre-dispositifs allemands. Cet avantage a duré jusqu'à la fin de 1943, lorsqu'un avion allié équipé d'un de ces radars a été abattu en Hollande.
L'utilisation de radars dans les bandes S à X a immédiatement montré que les orages provoquaient de forts échos, ce qui n'était pas le cas dans les bandes de fréquences plus faibles. Au Royaume Uni, l'interprétation quantitative de ces échos a d'abord été entreprise pour corriger l'atténuation résultante du signal, qui pouvait nuire à la détection des cibles militaires. Cependant, de l'autre côté de l'Atlantique, l'exploration radar de l'atmosphère a motivé, dès cette époque, plusieurs recherches spécifiques.
Au Canada, le "Stormy weather Group" est ainsi créé à l'Université Mac Gill de Montréal dès 1943 (https://www.mcgill.ca/meteo/files/meteo/stormy_weather_group.pdf). Il est placé sous la Direction J. Stewart Marshall et R.H. Douglas. Son objectif principal est l’interprétation des données fournies par les radars météorologiques. Les recherches menées dans ce groupe sur la distribution du diamètre des gouttes de pluie vont aboutir à établir une relation entre la réflectivité ($ Z $) et l'intensité de précipitation au sol ($ R $) (Marshall et Palmer, 1948). Dans le même temps, aux États Unis, David Atlas participe au développement des premiers radars météorologiques opérationnels, d'abord pour le groupe de l’armée de l’air, puis avec le Massachusetts Institute of Technology (Wolff et Vaillant, 2011).
Au début des années 1950, l'usage des radars météorologiques se généralise. Dans un premier temps, les radars utilisent principalement des antennes provenant de surplus militaires et sont opérés en temps réel par des météorologistes qui doivent suivre les échos sur des écrans cathodiques. En 1957, le National Weather Service des États-Unis introduit le WSR-57, premier radar conçu exclusivement pour la détection des précipitations (Wolff et Vaillant, 2011).
Ces premiers radars sont principalement utilisés localement, en particulier dans les aéroports, et il faudra attendre les années 1970 pour qu'ils commencent à être organisés en réseaux, avec un début de standardisation.
En France, le premier radar météorologique opérationnel est installé en 1949 à Trappes. Il est remplacé dans les années 1950 par le radar DECCA qui restera utilisé jusqu'en 1968 et l'apparition du radar MELODI, qui fonctionne en bande S (longueur d'onde de 10 cm).
Sur le plan opérationnel, les premières installations de radars météorologiques sont déjà souvent guidées par des besoins de surveillance hydrologique. C'est par exemple le cas du radar de Grèzes, installé dans les années 1960 pour la surveillance du bassin de la Dordogne (Dupouyet, 1983). De même, la ville constitue l'un des domaines d'utilisation précoce du radar, à la fois dans le but d'apprécier le rôle de l'urbanisation et de l'industrialisation sur le déclenchement des orages (expérience Metromex à Saint-Louis aux Etats-Unis (Changnon, 1981)), et aussi dans le but de prévoir les conséquences des ruissellements d'orage (voir par exemple (Andrieu & Jacquet, 1987) ou (Delrieu et al., 1991)).
La démarche consistant à organiser les radars de Météo-France en un réseau cohérent, appelé Aramis (acronyme signifiant "Application Radar à la Météorologie Infra-Synoptique"), couvrant l'ensemble du territoire métropolitain, remonte au milieu des années 1980 (Parent du Châtelet, 2003). La couverture de la France métropolitaine ne sera cependant théoriquement complète qu'en 1995 (figure 1).
Dans le même temps, des recherches menées notamment au CERGRENE de l’École nationale des Ponts et Chaussées (Andrieu, 1986 ; Blanchet et al., 1989 ; Denoeux et al., 1990 ; Jacquet et Neumann, 1991), en liaison avec les développements réalisés pour les services d’assainissement du Val de Marne et de Seine Saint Denis (Delattre et al, 1986), conduisent à développer le système CALAMAR (brevet déposé en 1992 par la société RHEA). Il s'agit du premier outil permettant de générer des lames d’eau composites en recalant les images de réflectivité radar sur des mesures acquises au sol en temps réel par un réseau pluviométrique assez dense (Pister et al., 2010).
A la fin du XXème siècle et au début du XXIème les technologies radar évoluent (intégration de l'effet Doppler, développement de radar en bande X, mise au point de la double polarisation, etc.). Le développement de l’informatique permet de mieux filtrer les données (élimination des échos parasites) et de mieux les traiter (ajustement de la relation réflectivité-intensité). Les données provenant des radars sont utilisées en lien avec celles fournies par les satellites et les réseaux au sol pour former des images composites.
Différents produits opérationnels sont aujourd'hui proposés gratuitement sur internet permettant de connaître et de prévoir les intensités de pluies à court ou moyen terme et de générer des pluviomètres virtuels en tout point du territoire.
Fonctionnement des radars météorologiques
Principes de fonctionnement des radars et caractéristiques des radars météorologiques
Un radar météorologique (voir par exemple Wolff et Vaillant, 2011) est un radar à impulsions classique, doté d’un émetteur de longueur d’onde comprise entre 3 et 10 cm, c’est à dire couvrant les bandes X (3 cm), C (5 cm) et S (10 cm), et d’une puissance de 25 à 1000 kW.
Choix des longueurs d'onde d'émission
La longueur d'onde d'émission doit être choisie en fonction de la taille des gouttes, de façon à trouver un compromis entre :
- le fait que les hydrométéores doivent réfléchir une partie de l'énergie du faisceau d'onde pour être visibles par l'antenne de réception ;
- le fait qu'ils doivent en laisser passer une autre partie pour que le faisceau puisse sonder les précipitations à une distance plus grande (figure 2).
Ainsi :
- Si la longueur d’onde est trop grande par rapport à la taille des gouttes, le faisceau traverse la zone pluvieuse mais le signal réfléchi est trop faible pour être mesurable (schéma du haut) ;
- Si la longueur d’onde est trop petite par rapport à la taille des gouttes, l'énergie du faisceau est très vite absorbée et/ou réfléchie par les précipitations et le signal retournant à l'antenne de réception est également trop faible pour être mesuré (schéma du bas).
Les longueurs d'onde comprises entre 3 et 10 cm correspondent à un bon compromis. Une longueur d'onde plus grande (30 cm, bande K), permet également de détecter les nuages.
Puissance, sensibilité et dimension d'antenne
La capacité à mesurer le signal réfléchi dépend également à la fois de la puissance d'émission et de la sensibilité de réception.
Les récepteurs des radars météorologiques ont tous une dynamique couvrant approximativement la gamme de 110 à 30 dBm (l’échelle dBm est une échelle logarithmique exprimée en référence au milliwatt). Les récepteurs sont donc capables de détecter des puissances minimales de l’ordre de 10-11 milliwatts (ce qui est proche du bruit ambiant) et d'analyser linéairement une gamme de 8 à 10 ordres de grandeur au-delà de cette valeur. La sensibilité d’un radar est liée à cette gamme de détection, mais aussi :
- aux caractéristiques de puissance de l’émetteur : plus l’émetteur est puissant et plus la quantité d’énergie rétrodiffusée par l’atmosphère a de chance de dépasser le bruit ambiant ;
- à la dimension de l’antenne : plus l’antenne est grande et plus elle concentre l’énergie émise en un faisceau réduit.
Le tableau de la figure 3 indique, pour les trois longueurs d’onde météorologiques habituelles, les tailles d’antenne et les puissances crête d’émission nécessaires pour permettre la détection d’une intensité de pluie d’environ 1 mm/h à une distance de 100 km. Comme le coût de l'équipement dépend du diamètre de l'antenne et un peu de la puissance de crête, il est facile de comprendre que les radars à bande X sont les plus économiques (environ 2 fois moins chers que les radars à bande C, et 3 fois moins chers que les radars à bande S).
Directivité du radar, Diagramme d'antenne et lobes secondaires
Les antennes utilisées en météorologie sont des paraboles qui concentrent l’essentiel de l’énergie émise (80 %) dans un cône d’angle au sommet :
avec :
- $ Θ_0 $ : angle d'ouverture du faisceau (en degré) ;
- $ λ $ : longueur d'onde (en m) ;
- $ d_a $ : diamètre d'antenne (en m).
Nota : les diamètres d'antenne donnés par le tableau de la figure 3 correspondent à une ouverture du faisceau de 1,75° d'angle.
L'énergie restante est émise dans différentes directions sous la forme de lobes secondaires. On représente souvent le pourcentage de l'énergie émise en fonction de la direction sous la forme d'un diagramme d'antenne (figure 4).
Ces lobes secondaires sont susceptibles de poser des problèmes car ils peuvent être à l'origine de réflexions venant parasiter le signal principal (voir § "les échos de sol ").
Intérêt et inconvénients des radômes
Les antennes sont parfois protégées du vent par un radôme. Très intéressant au plan mécanique pour protéger l'antenne, ce dispositif peut sensiblement atténuer le signal, et donc fausser le mesurage, en particulier lorsque la pluie ruisselle sur ses parois.
Pour en savoir plus sur la technologie des radars : Daricau (2015).
Principes du mesurage des précipitations par radar
Les antennes sont orientables dans deux plans (en site et en azimut) avec une précision de pointage de quelques dixièmes de degré et une vitesse de rotation de 3 à 6 tours/minute.
Cette configuration permet aux radars météorologiques d'explorer l’atmosphère suivant deux mouvements de base : le tour d’antenne à site constant (PPI pour Plan position indicator) et le balayage vertical à azimut fixé (RHI pour Range height indicator).
Pour obtenir une image, l'antenne se met en mode émission pendant un temps très bref $ τ_0 $ (1 à 2 μs), puis en mode réception pendant un temps beaucoup plus long $ τ_1 $ (typiquement 50 ms). Ces durées conduisent à une fréquence du cycle d’émission-réception de 200 Hz. La durée des impulsions émises, la durée du temps de réception et l’ouverture du faisceau fixent le volume d’échantillonnage du radar.
- Chaque impulsion ayant une durée $ τ_0 $, le signal arrivant à l’antenne $ t $ microsecondes après la fin de l’émission de l’impulsion a parcouru une distance comprise entre $ t.c $ et $ (t + τ_0).c $ où $ c $ est la vitesse de la lumière (environ 300 m/μs) et provient donc de cibles situées à des distance comprises entre $ t.c / 2 $ et ($ t + τ_0).c / 2 $ (pour tenir compte du trajet aller-retour des ondes) ; ainsi la valeur mesurée à l’instant $ t $ intègre la réflectivité des hydrométéores sur une distance de $ τ_0.c / 2 $ qui définit la résolution radiale du radar (300 m dans le cas d’impulsions de 2 μs) ;
- La durée d'écoute étant de $ τ_1 $ millisecondes, un radar est donc théoriquement capable de recevoir des échos provenant d'une distance de ($ τ_1).c / 2 $ m, distance qui constitue la portée maximum du radar (1 500 km pour une durée d'écoute de 50 ms) ; cette portée théorique maximum n'est donc pas limitante.
Par ailleurs l’ouverture du faisceau définit les limites angulaires du volume d’échantillonnage. A titre d’exemple, un mesurage réalisé à 100 km du radar par un faisceau de 2 degrés intègre dans un cercle de 3 500 m de diamètre autour de l’axe du faisceau.
Ces caractéristiques doivent être présentes à l’esprit lorsque l’on utilise une image radar, en particulier pour ce qui est des effets d’intégration dus à la résolution angulaire. Ainsi les mesurages réalisés respectivement à 10, 50 et 100 km du radar vont représenter des volumes d’intégration respectifs de 0,029, 0,722 et 2,890 km3 (figure 5). Il est également bon de noter que l’effet de la courbure terrestre est sensible au-delà de 50 km.
Pour obtenir une exploration en volume de l’atmosphère la démarche la plus simple consiste à effectuer une succession de tours d’antenne à site constant (PPI) en augmentant progressivement l'angle de site (typiquement 15 PPI de 0 à 45 degrés de site). Il est alors possible de combiner les données obtenues pour en extraire l'image souhaitée. En termes de connaissance des précipitations, deux images sont particulièrement intéressantes :
- les coupes horizontales à une altitude donnée que l'on appelle un CAPPI (pour Constant altitude PPI) (figure 6) ;
- les coupes verticales qui permettent de voir la structure verticale des précipitations (très différentes entre des précipitations convectives et stratiformes) et de corriger certains artefacts (bande brillante en particulier).
Une vue panoramique à altitude constante (CAPPI) (on dit également indicateur panoramique à altitude constante) contient donc potentiellement l'information sur les précipitations sur une surface importante et à une altitude donnée (figure 7).
Différents types de radars
Radar conventionnel (non Doppler)
Les premiers radars météorologiques (jusqu'à la fin des années 1980) ne mesurait que la réflectivité. Leurs données permettaient déjà de suivre les précipitations et de mieux comprendre leur structure. Ils étaient cependant très sensibles aux échos parasites (voir § correspondant) et l'élimination de ces artefacts était difficile. Certains sont encore en service en France (voir § ).
Radar météorologique Doppler
Les radars plus récents comportent un module de traitement du déplacement des cibles sondées par l’effet Doppler-Fizeau. Ces radars fournissent donc deux informations sur les précipitations : leur réflectivité et leur vitesse radiale. L'information complémentaire sur la vitesse permet bien évidemment de mieux connaître le déplacement des précipitations mais également les mouvements à l'intérieur de celles-ci. Elle permet également de beaucoup mieux filtrer les échos parasites (en particulier les échos de sol) car ceux-ci ont une généralement une vitesse caractéristique différente (nulle pour les échos de sol).
Radar à double polarisation
Les radars à simple polarisation sondent l’atmosphère avec un faisceau polarisé horizontalement. Les radars à double polarisation utilisent un faisceau qui est alternativement polarisé verticalement puis horizontalement. L'analyse des corrélations entre les deux signaux de retour permet d'extraire différentes informations sur la forme des hydrométéores.
Les radars de nouvelle génération incluent généralement ces deux perfectionnements (effet Doppler et double polarisation).
Principes de l'utilisation des radars météorologiques pour détecter et mesurer les précipitations
La réflectivité des précipitations
Le principe de la détection radar des précipitations est lié au comportement des molécules d’eau soumises à un champ électromagnétique. Ces molécules vont constituer des dipôles oscillants, des antennes, qui captent puis réémettent à la fréquence du champ. L’énergie ainsi diffusée par ces multiples antennes de manière isotrope dans l’espace permet la détection radar. L’eau n’est cependant pas un diffuseur parfait et disperse sous forme de chaleur une partie de l’énergie qu’elle capte : ce mécanisme est responsable de l’atténuation du signal radar par les précipitations.
La taille relative des hydrométéores (gouttes, flocons, grêlons) par rapport à la longueur d’onde $ λ $ détermine les propriétés de diffusion (il en est de même pour celles d’atténuation qui ne sont pas décrites ici). Dans le cas simple où la taille des hydrométéores est faible par rapport à $ λ $ (hypothèse dite de Rayleigh, acceptable pour la pluie en bande C et S), la section efficace de rétrodiffusion radar $ σ_r $ d’une particule sphérique de diamètre $ D_r $, c’est à dire la surface qu’aurait cette particule si elle était un diffuseur parfait, s’écrit :
$ K $ étant la constante diélectrique qui dépend de l’état et de la température de l’eau : l’eau liquide a une capacité environ cinq fois plus forte que la glace à rétrodiffuser en raison de la mobilité des molécules qui peuvent s’orienter par rapport au plan de polarisation des ondes.
Lorsque de multiples hydrométéores sont réparties dans un volume donné, leurs sections efficaces de rétrodiffusion s’additionnent pour donner la capacité de diffusion globale de l’ensemble que l’on appelle la réflectivité radar :
Pour interpréter cette valeur de réflectivité en terme de précipitation, plusieurs hypothèses sont nécessaires, en particulier :
- le volume sondé est complètement rempli d’hydrométéores de même type pour ne pas moyenner le signal sur des cibles différentes;
- le taux de précipitation est le même dans tout le volume;.
Ceci nécessite que la largeur du faisceau soit faible et l’impulsion courte afin d’avoir la plus petite cellule de résolution possible.
Si l’on fait alors l’hypothèse que la constante diélectrique de toutes les hydrométéores du volume sondé est la même et que leur distribution volumique en taille est définie par la fonction de répartition $ N(D_r) $, on définit alors le facteur de réflectivité radar $ Z $ par :
où $ D_{rmin} $ et $ D_{rmax} $ bornent la gamme de diamètres de gouttes considérée. La réflectivité s’exprime en mm6/m3 ou bien en dBZ, échelle logarithmique dont la valeur de référence est Z0r = 1 mm6/m3 avec $ Z(dBZ) = 10 log (Z/Z0r) $. La réflectivité des précipitations varie entre 20 et 60 dBZ.
L'équation radar
Le radar mesure donc l'énergie $ P_R $ rétrodiffusée par les précipitations présentes dans le volume d'échantillonnage. Cette énergie peut s'écrire de la manière suivante :
Avec :
- $ d $ : distance à la cible ;
- $ {L(d)}^2 $ : atténuation due aux précipitations sur le trajet radar - cible (négligeable en bande S, l'atténuation devient significative aux bandes C et X) ;
- $ C $ : constante qui caractérise à la fois le système radar (puissance émise, gain et diagramme d'antenne, longueur d'onde, durée d'impulsion) et l'état de l'atmosphère (atténuation par l'air, propriétés diélectrique des hydrométéores).
Cette équation met en évidence l'affaiblissement systématique du signal avec le carré de la distance et la nécessité de connaître la constante $ C $ pour établir une mesure de la réflectivité des précipitations.
Relation entre la réflectivité et l'intensité des précipitations
L'intensité de la pluie dépend de la taille des gouttes, de leur densité et de leur vitesse de chute. La vitesse de chute d'une goutte résulte de l’équilibre entre le poids de la goutte et la résistance de l'air à son déplacement. Elle est sensiblement proportionnelle à la racine carrée de son diamètre moyen.
La réflectivité radar et l'intensité de la pluie dépendent donc tous les deux de la distribution des gouttes de pluie en fonction de leur diamètre. On sait, depuis les travaux précurseurs de Marshall et Palmer (1948), que cette distribution dépend du type de précipitation et que, si on la trace en échelle semi-logarithmique (comme sur la figure 8), elle est proche d'une droite pour les tailles de gouttes supérieures à 1 mm.
Dans ces conditions, il est possible d'établir une relation entre la réflectivité ($ Z $) et l'intensité ($ R $), sous la forme :
ou
Les valeurs de $ a $ et $ b $ (ou $ a' $ et $ b' $) dépendent de la distribution des gouttes de pluie en fonction de leur diamètre. Elles devraient normalement être établies en mesurant la distribution granulométrique des gouttes pour chaque pluie particulière. Comme ce n'est techniquement pas possible, on peut utiliser des valeurs génériques (voir tableau de la figure 9).
La relation la plus courante pour les latitudes moyennes est la relation de Marshal-Palmer :
Les valeurs des paramètres sont cependant le plus souvent ajustées à partir de mesures au sol. Cet aspect est traité dans le § "Optimisation de l'ajustement de la relation entre réflectivité radar et intensité".
Difficultés et précautions à prendre
Avant même de s'interroger sur la capacité à évaluer des intensités de pluie à partir des réflectivités radar, il est bon de s'interroger sur les difficultés de mesure de ces valeurs de réflectivité et sur les précautions indispensables pour assurer leur significativité.
De nombreux problèmes doivent en effet être surmontés. Les principaux sont décrits dans les paragraphes suivants.
La présence d'obstacles gênant le passage du faisceau à proximité du radar
Il est possible que des obstacles (relief ou édifice par exemple) interceptent une partie du faisceau (Figure 10) pour certains angles de site. Cette situation pose deux problèmes de nature différente :
- les échos renvoyés par l'obstacle peuvent être confondus avec des précipitations ; on parle alors d'échos de sol ;
- les précipitations situées au delà de l’obstacle sont sous-estimées car seule une fraction de l’énergie est disponible pour les échantillonner (on parle d’effet de masque).
La correction des échos de sol est indispensable. La confusion entre échos de sol et échos atmosphériques conduit en effet à des erreurs qui peuvent être très importantes. L’intensité de pluie équivalente à un écho de sol se chiffre souvent en centaines de mm/h. La méthode de correction la plus basique consiste à établir une carte des échos de sol (et des autres échos permanents - voir § "Autres artefacts"), autour du radar, lors d’une période sans précipitation et de l'utiliser pour masquer les zones problématiques. Cette correction est cependant complexe car le signal renvoyé par les flancs de montagne ou bien les façades d’immeuble peut se mélanger avec le signal renvoyé par les précipitations. La mise en œuvre d'un balayage utilisant plusieurs angles de site fournit une autre piste de traitement. Les radars à effet Doppler permettent de corriger plus facilement ces artefacts, dans la mesure où les échos de sol sont immobiles.
La correction de l’effet de masque, purement géométrique, peut être réalisée par calcul direct de la fraction de puissance interceptée ($ B $ sur la figure 10), par exemple à l’aide d’un modèle numérique de terrain dans le cas d’un relief marqué et relativement proche du radar. En région accidentée, les erreurs dues à des effets de masque peuvent conduire à des sous-estimations pratiquement totales et difficilement identifiables sur des images instantanées. Dans la pratique on ne peut corriger ces effets que lorsque la fraction d’énergie restante ($ A $ sur la figure 10) est supérieure à 30 % (Bertrand-Krajewski et al., 2008).
Le problème est encore compliqué par l'existence de lobes secondaires qui peuvent eux-mêmes être à l'origine de réflexions parasites (figure 11).
Les échos de sol sont difficilement évitables dans la mesure où l'altitude du faisceau est basse à proximité du radar. On peut limiter leur importance en installant le radar en altitude et/ou en choisissant des angles de site plus grands (ce qui limite alors la portée du radar). Ils sont particulièrement gênants dans les zones de montagne.
Le contrôle de la stabilité du système radar
Pour délivrer une mesure de réflectivité exacte, il est nécessaire de connaître la constante $ C $ de l'équation radar. Seul un étalonnage global du système à l'aide de cibles de réflectivité connue peut donner cette constante qui intègre les caractéristiques des différentes composantes du système radar : émetteur, récepteur, antenne, ensemble des guides d'onde, switch et joints tournants qui les relient et radôme. Le procédé le plus fiable consiste à utiliser différentes cibles métalliques liées à des ballons captifs.
Cette opération d'étalonnage absolu est difficile à pratiquer en routine. Elle doit donc être complétée par un contrôle de la fidélité de la mesure, c'est à dire de la stabilité du système au fil du temps séparant des étalonnages absolus. La pratique montre que des modifications de plusieurs dB peuvent survenir à la suite d'interruptions ou d'opérations de maintenance du radar, ce qui représente en terme d'intensité de pluie des erreurs dépassant souvent 100%. Certains dispositifs permettent de contrôler le récepteur en y introduisant périodiquement (une fois par jour par exemple) un signal de caractéristiques connues. Outre que cette méthode pose la question de la fiabilité du générateur du signal de contrôle lui même, il faut remarquer que tous les autres organes du système échappent à ce suivi. Lorsque des échos de sol marqués existent, il est possible de les utiliser comme cible de référence sans qu'il soit nécessaire que leur réflectivité soit connue (Faure et al., 1994).
Le rôle de l'état de l'atmosphère dans les valeurs de réflectivité
L'énergie réfléchie dépend de la taille et de la densité des gouttes de pluie, mais également d'autres caractéristiques de l'atmosphère. Ce problème peut être abordé de manière statique (sans prendre en compte les mouvements d'air à l'intérieur de l'atmosphère), ou de manière dynamique.
Cas d'une atmosphère calme ; problème de la bande brillante
L'atmosphère est un milieu fortement stratifié que le radar explore à des altitudes et pour des volumes de mesure croissant avec la distance radiale. Comme le résume la figure 12, dans le cas de nuages froids, très courants sous nos latitudes, le volume d'échantillonnage radar va successivement contenir en descendant en altitude :
- de l'air au dessus du nuage (zone 1 sur la figure 12) ;
- de l'eau sous forme solide (neige ou glace) dans le nuage au-dessus de l'isotherme 0°C (zone 2 sur la figure 12) ;
- un mélange d'eau liquide et d'eau sous forme solide dans la zone de fusion, zone qui est appelé bande brillante (zone 3 sur la figure 12) ;
- de l'eau liquide dans la partie la plus basse (zone 4 sur la figure 12) ;.
Compte tenu, de la différence significative entre les propriétés diélectriques de l'eau liquide et de la glace, et du comportement assez complexe de la bande brillante, les erreurs commises en terme d'intensité de pluie peuvent aller de sous-détections supérieures à 50% lorsque le faisceau dépasse significativement l'altitude du sommet des nuages (on parle de remplissage partiel) à des sur-détections de l'ordre de 100% lorsque la bande brillante occupe une partie significative du volume de mesure. Il est donc clair que la réflectivité mesurée par le radar doit d'abord être homogénéisée horizontalement de façon à représenter idéalement la réflectivité des seules précipitations liquides.
Échantillonner avec plusieurs angles de site permet d'établir un profil vertical de réflectivité représentatif capable de réaliser cette homogénéisation et d'appliquer une correction dite PVR (Profil Vertical de Réflectivité). Cette correction vise à déduire d’observations à différentes altitudes, la réflectivité équivalente au sol pour le calcul du taux de précipitation (figure 13).
En pratique cette technique devient difficile à appliquer au-delà de 100 km car les tranches d'altitudes deviennent trop épaisses.
Prise en compte des mouvements atmosphériques
Les mouvements verticaux (ascendances/descendances) agissent sur la vitesse de chute de la pluie et modifient donc sensiblement la relation entre réflectivité (grandeur volumique indépendante de la vitesse) et l'intensité de pluie (flux à travers une surface horizontale directement liée à la vitesse verticale de l'air). A titre d'exemple, une vitesse d'ascendance de 4 m/s, courante dans un nuage actif est suffisante pour compenser la vitesse moyenne de chute des gouttes.
Par ailleurs, les mouvements horizontaux (dits d'advection) sont également une source d'incertitude dans la transformation entre mesure radar en altitude et intensité de pluie au sol. Cet aspect sera traité au § "Optimisation de l'ajustement de la relation entre réflectivité radar et intensité".
Propagation anormale du faisceau d'ondes
Normalement les ondes se propagent bien de manière rectiligne, cependant, dans certaines situations atmosphériques (inversions thermiques essentiellement), les ondes peuvent être déviées et détecter le sol à des distances du radar où le faisceau est supposé être à plusieurs milliers de mètres d'altitude (voir figure 13). Cette propagation anormale est due à l'existence d'une couche d'air chaud piégée entre des couches d'air plus froid et qui constitue un véritable guide d'onde. L'identification de la propagation anormale est très délicate en raison de son caractère intermittent.
Autres artefacts
D'autres sources sont susceptibles de provoquer des échos parasites (Wolf et Vaillant, 2011):
- Les insectes : Les insectes ont une section équivalente radar qui peut être assez importante quand ils se déplacent en nuée ; ils sont surtout perceptibles près du radar.
- Les échos de mer : Lorsque le faisceau d’un radar rase ou frappe la mer ou un lac, une partie de son énergie peut être retournée au radar par la surface (une goutte d’eau dans un nuage ou sur la mer a les mêmes propriétés). De plus, si les conditions de vents sont favorables, des vagues vont se former et donner une vitesse à ces échos, le sommet des vagues se déplaçant entre chaque impulsion. Ces échos sont donc difficiles à éliminer et peuvent également se mêler au signal de vraies précipitations pour corrompre l’analyse. Une situation commune où se produit ce phénomène est lors d’inversion de température à basse altitude qui dévie le faisceau vers le bas, lui permettant de s’approcher de la surface (voir § "Propagation anormale du faisceau d'ondes".
- Les oiseaux et chauves-souris : Les oiseaux et les chauves-souris ont une importante section équivalente radar ce qui les rend visibles au radar, surtout en temps de migration alors que des milliers d’individus remplissent le ciel. Pour les gros oiseaux, il ne faut qu’un individu par cellule de résolution pour simuler des précipitations. Même les petits oiseaux passereaux causent des échos importants car ils se déplacent en énormes groupes. Le traitement Doppler permet d’en filtrer une partie car leur vitesse de déplacement est généralement caractéristique. Une meilleure technique est celle du radar à double polarisation.
- Les échos du radôme : Le radôme, dôme protecteur entourant le radar, peut comporter des imperfections qui ajoute des échos parasites vers l’antenne. De plus des échos parasites peuvent également également apparaître en cas de pluie sur l'appareil.
- Les éoliennes : Le Les parcs d'éoliennes constituent une nouvelle source de faux retours. Les pales de ces appareils sont métalliques et donc réfléchissantes. De plus, les pales étant en rotation, les données de vitesse radiale seront non nulles, rendant leur filtrage difficile. L’écho provenant d’une seule éolienne loin du radar peut être négligeable mais celui d’un parc d'éoliennes situé près du radar donnera un retour total important.
Disponibilité des données des radars météorologiques en France
En 2024, en France métropolitaine (plus la Corse), le réseau principal était composé d'une petite quarantaine de radars, la plupart gérés par Météo-France. La majorité de ces radars émet en bande C ; 5 fonctionnaient en bandes S (essentiellement dans le sud du territoire), et 6 en bande X (également majoritairement dans le sud du territoire) (voir figure 14).
Ces radars, associés à des mesures au sol et à des données satellitaires, permettent de fournir des images composites de la couverture nuageuse et des champs de pluie sur tout le territoire français. Ils sont également intégrés dans le réseau européen OPERA, regroupant 33 partenaires nationaux et capable de fournir des images composites sur tout le continent (figure 15).
En dehors de Météo-France, différents opérateurs fournissent gratuitement un service d'imagerie radar sur internet, certains avec une prévision de l'évolution sur 2 à 3 heures.
Ce réseau est parfois complété de façon locale par de petits radars à bande X et à courte portée (< 50km), qui permettent de préciser les informations sur le territoire couvert, particulièrement en terme de prévision à court terme des précipitations. Ces radars peuvent être installés de façon provisoire, par exemple pour un événement sportif (certains sont installés sur des supports mobiles), ou de façon plus pérenne, par exemple pour les besoins d'une collectivité.
Utilisations pratiques du radar en hydrologie
Nous traitons dans ce paragraphe deux utilisations des radars météorologiques particulièrement utiles en hydrologie : la mesure des précipitations et leur prévision. En pratique, nous verrons dans le § "Optimisation de l'ajustement de la relation entre réflectivité radar et intensité", que ces deux applications sont fortement dépendantes l'une de l'autre car le passage d'une valeur de réflectivité dans un volume en altitude à une valeur de lame d'eau (ou d'intensité de pluie) au sol nécessite de fait un travail de prévision sur le devenir des gouttes d'eau échantillonnées par le radar.
Utilisation du radar pour l'estimation des précipitations
Complémentarité entre la métrologie radar et les mesures au sol et difficultés associées
Les pluviomètres et les radars météorologiques mesurent des grandeurs qui sont extrêmement différentes :
- un pluviomètre mesure une hauteur d'eau précipitée au sol pendant une durée plus ou moins longue (de quelques minutes à une journée), sur une surface extrêmement réduite (quelques centaines de centimètres carrés) ; il s'agit donc d'un échantillonnage spatial ;
- un radar mesure la réflectivité moyenne des météores présents en altitude, dans un volume qui peut être conséquent (typiquement quelques km3), à un instant donné ; il s'agit donc d'un échantillonnage temporel.
Comme la pluie est un phénomène qui varie à la fois dans le temps et dans l'espace, cette différence est bien sûr un avantage car elle rend les appareils extrêmement complémentaires :
- les pluviomètres permettent de mesurer localement l'évolution temporelle des intensités ;
- les radars météorologiques permettent d'évaluer la répartition spatiale de ces intensités et donc :
- soit d'estimer des valeurs d'intensité de pluie à des endroits éloignés de tout pluviomètre ;
- soit de passer de valeurs locales d'intensité à des valeurs de lames d'eau sur une surface (pixel élémentaire ou bassin versant).
Une autre différence importante réside dans la capacité des dispositifs à mesurer des intensités de pluie plus ou moins fortes :
- L'incertitude sur les mesures des pluies de faible intensité est en effet très grande pour les pluviomètres (et particulièrement les pluviomètres à augets), alors que le radar est capable de discriminer de très faibles différences dans cette gamme de pluie (figure 16) ;
- à l'inverse, les pluviomètres mesurent avec une bonne sensibilité les intensités très fortes alors que les radars ont très peu de précision dans cette gamme d'intensité (figure 16).
Ces différences sont aussi à l'origine d'une grande difficulté à mettre en relation les mesurages effectués par les deux appareils. La façon d'aborder cette question est traitée dans le § suivant.
Ajustement de la relation entre réflectivité radar et intensité
La relation entre l'intensité de pluie et la valeur de réflectivité a été présentée au § "Relation entre la réflectivité et l'intensité des précipitations". Il s'agit cependant d'une relation théorique qui est affectée par de nombreux paramètres, essentiellement liés au fait que la réflectivité est mesurée en altitude alors que la grandeur d'intérêt est l'intensité au sol.
L'opération indispensable qui consiste à ajuster empiriquement cette relation en mettant en lien les réflectivités radar avec des mesures pluviométriques au sol, se heurte ainsi à plusieurs difficultés :
- Les gouttes d'eau mesurées par le radar vont mettre un certain temps pour arriver au sol : D'une certaine manière, le radar ne voit donc pas la pluie qui tombe, mais celle qui va tomber. Le délai entre l'instant de la mesure et l'arrivée au sol dépend de l'altitude du faisceau, qui dépend lui même de l'angle de site et de la distance radiale. Ce délai peut être important. La vitesse terminale de chute des gouttes d'eau varie, selon leur taille, entre 1 m/s pour les plus petites et 6 m/s pour les plus grosses. Si la mesure est effectuée à 1000 mètres d'altitude, il faut donc entre 3 et 15 minutes pour que la pluie arrive au sol.
- Les gouttes d'eau mesurées par le radar ne vont pas tomber à la verticale du volume où elles ont été mesurées : Du fait du déplacement du nuage générateur qui leur donne une vitesse latérale initiale et des vents qu'elles rencontrent lors de leur chute, la trajectoire des gouttes n'est pas verticale. Selon les conditions atmosphériques (profils de vitesse des vents et taille des gouttes) et l'altitude du faisceau, elles peuvent parcourir une grande distance horizontale. Par exemple, avec une vitesse initiale de 36 km/h, soit 10 m/s (assez classique dans le cas d'une cellule orageuse) et une vitesse de chute verticale de 5 m/s, le déplacement horizontal est deux fois plus important que la hauteur de la mesure (soit 2 km si le faisceau scrute à une altitude de 1000 m).
- La taille des gouttes et leur vitesse de chute peuvent varier entre le volume sondé par le radar et le sol : Lorsque l'altitude sondée par le radar est importante, il peut arriver que la taille et la densité des gouttes changent lors de leur chute. Dans ce cas la réflectivité mesurée en altitude peut ne plus être représentative de l'intensité de pluie au sol.
Pour pallier ces différents problèmes, des algorithmes de correction, reposant sur deux principes complémentaires, peuvent être mis en œuvre :
- Mobiliser des données complémentaires et potentiellement redondantes, même si leur qualité est différente (voir nota), et pour ceci : :
- utiliser différents angles de sites pour sonder la précipitation à différentes altitudes de façon à construire des coupes verticales ;
- utiliser plusieurs radars pour sonder le même volume d'espace ;
- compléter les mesures radar au sol par des mesures satellitaires ;
- calibrer les données radar par des mesures pluviométriques.
- Mettre en œuvre des outils de modélisation du phénomène pluvieux : Les données redondantes précédentes peuvent être utilisées pour caler un modèle de précipitation intégrant à la fois le déplacement des phénomènes générateurs et celui des gouttes de pluie précipitante. Les modèles de ce type repose sur plusieurs hypothèses :
- à l'échelle de temps du pas de scrutation par le radar, les cellules pluvieuses peuvent être reconnues individuellement et suivies ; il est donc possible de connaître leurs déplacements passés et de prévoir, dans une certaine mesure, leurs déplacements futurs (figure 17).
- La connaissance des profils verticaux, associé, lorsque c'est possible, avec les informations fournies par le doppler et le double balayage, permet de prévoir le déplacement des gouttes de pluie au cours de leur chute, et donc leur point d'arrivée au sol.
Nota : selon la façon dont a été produite la donnée, sa qualité est différente. Par exemple, si le même volume est sondé par deux radars identiques qui en sont à des distances différentes, la donnée fournie par le plus proche sera plus fiable que celle du second. Une note de qualité est donc associée à chaque donnée de façon à pondérer leur importance dans la production du résultat final.
Cette démarche permet de calculer des valeurs moyennes d'intensité au sol sur des pixels, de l'ordre de 1 km de côté. En utilisant les pluviomètres placés sous certains pixels, il est alors possible d'ajuster la relation réflectivité-intensité de façon à ce que les intensités mesurées au sol et les intensités déduites du radar correspondent au mieux.
Les premiers algorithmes de ce type, qui sont finalement les mêmes que ceux utilisables pour la prévision de l'évolution des précipitations, ont commencé à être mis au point dans les années 1980 (Andrieu, 1986). Ils ont été continuellement améliorés depuis et intègrent de plus en plus de connaissances sur les phénomènes physiques influant, par exemple, en traitant de façon séparée les contributions des précipitations stratiformes et convectives. Plus que des mesures radars, il s'agit donc d'une approche composite qui est mise en œuvre pour produire ces informations. En France, des outils comme Panthere, ou Antilope fournissent ainsi des valeurs d'intensité ajustées par pixel de 1 km * 1 km, avec un pas de temps de 15 minutes.
Différentes utilisations possibles des données
Les valeurs d'intensité moyennes par pas de temps sur une grille régulière d'espace peuvent être utilisées de différentes manières qui sont décrites ci-dessous.
Meilleure description de la répartition spatio-temporelle des pluies
Les modèles distribués ou semi-distribués de simulation des systèmes hydrologiques nécessitent en entrée une représentation spatiotemporelle des intensités de pluie. Les données composites, construites en particulier en utilisant les radars météorologiques, sont parfaitement adaptées pour ce rôle. Dans le cas des modèles distribués classiques elles sont directement utilisables en fournissant des intensités moyennes pour chaque pixel et chaque pas de temps (ce qui est d'autant plus simple que l'on peut faire correspondre la grille de décomposition de l'espace avec celle des données composites). Dans le cas des modèles des systèmes d'assainissement, un traitement simple permet de calculer facilement l'intensité moyenne sur chaque sous-bassin versant. Même pour les collectivités disposant d'un réseau dense de pluviomètres, cette approche apporte une amélioration sensible, la taille des pixels (généralement 1 km * 1 km) étant beaucoup plus faible que l'interdistance entre pluviomètres (qui est rarement inférieure à 3 ou 4 km). La probabilité de "ne pas voir" une cellule pluvieuse intense est donc largement réduite. L'utilisation conjointe de ce réseau dense associée à l'utilisation des données radar permet cependant d'améliorer encore la représentation (voir § Optimisation de l'utilisation en hydrologie urbaine).
Cette reconstitution plus précise des entrées pluvieuses permet de mieux caler les modèles hydrologiques et de diminuer les incertitudes sur les débits et volumes transitant dans le système pour toutes les pluies ainsi mesurées.
Meilleure estimation de la lame d'eau sur un territoire
La connaissance des lames d'eau précipitées sur un territoire (par exemple un bassin versant), pour différentes durées (depuis celle de l'événement pluvieux jusqu'à celle de l'année) est indispensable pour une gestion éclairée des ressources en eau (et aussi pour celle des événements extrêmes). L'évaluation de cette lame d'eau est difficile, même pour les territoires équipés d'un poste pluviométrique (ce qui est loin d'être toujours le cas). Les hauteurs précipitées peuvent en effet être extrêmement variable du fait du relief (altitude et exposition des versants), de la présence éventuelle de plans d'eau, de la différence d'albédo entre les surfaces, etc. La possibilité de disposer des hauteurs d'eau, en tout point du territoire, sur une grille régulière d'espace, et avec un pas de temps relativement fin, constitue donc une avancée extrêmement intéressante.
Reconstitution d'un hyétogramme en tout point
Une autre utilisation est la possibilité d'utiliser l'information pour construire un hyétogramme en tout point du territoire et ceci pour toutes les pluies observées. Cette approche, parfois désignée sous le terme de pluviomètre virtuel, permet par exemple de construire des courbes intensité-durée-fréquence pour des zones situées loin de tout poste d'observation au sol.
Optimisation de l'utilisation en hydrologie urbaine
L'utilisation des données fournies par des outils comme Antilope n'est cependant pas toujours suffisante en hydrologie urbaine. Les bassins versants urbains, très petits et très réactifs, sont sensibles aux intensités très fortes sur des pas de temps très courts qui ne sont pas toujours correctement mesurées par les radars. Par ailleurs les collectivités locales disposent souvent d'un réseau dense de pluviomètres. L'utilisation conjointe de ces deux dispositifs permet d'améliorer encore la connaissance spatio-temporelle des précipitations. L'idée principale consiste à recaler les informations composites fournies en particulier par le système radar de façon à mieux faire correspondre les intensités fournies par ce système avec celles fournies par les différents pluviomètres.
Par exemple, (Chocat et al., 2010) ont utilisé les données du réseau pluviométrique du Grand Lyon pour recaler les données radar et ont testé les améliorations obtenues sur un bassin versant du dispositif OTHU. Le principe a consisté, pour un même événement pluvieux, à créer 2 séries de mesures :
- les valeurs d'intensités mesurées pour chaque pas de temps sur les différents postes pluviométriques du réseau ;
- les valeurs d'intensités reconstituées à partir des données radar pour les mêmes pas de temps et les positions correspondant aux postes pluviométriques.
Les deux séries ont fait l'objet d'un classement fréquentiel en valeur d'intensités décroissantes et une fonction, purement empirique, de recalage des données reconstituées a été établie de façon à faire correspondre au mieux les deux séries (figure 18). Cette approche assure que non seulement la hauteur totale précipitée mesurée, en moyenne, pour tous les pluviomètres est identique à la hauteur totale moyenne reconstituée, mais également que cette propriété est vraie pour tous les quantiles.
Les données reconstituées ont ensuite été recalées avec la fonction ainsi construite, pour tous les pas de temps et tous les pixels. La figure 19 illustre, pour un pas de temps particulier, le fait qu'une modélisation spatiale construite en utilisant uniquement les pluviomètres apparaît beaucoup plus floue (du fait du lissage introduit par les techniques d'interpolation spatiale) qu'une modélisation mixant les données radar et les données au sol.
L'amélioration induite a ensuite été étudiée en comparant (figure 20) les hydrogrammes mesurés à l'exutoire d'un bassin versant et les hydrogrammes calculées en utilisant en entrée :
- uniquement les données issues des pluviomètres ;
- les données composites issues des radars, sans recalage ;
- les données composites issues des radars, recalées par la méthode précédente.
- l'utilisation en entrée uniquement des données pluviométriques ne permet pas de représenter la pointe de débit car la cellule pluvieuse intense responsable de cette pointe échappe aux différents pluviomètres proches du bassin versant ;
- l'utilisation en entrée uniquement des données composites issues du radar ne permet pas non plus de représenter correctement la pointe de débit car les intensités fortes sont beaucoup sous-estimées ;
- l'utilisation conjointe des deux informations permet une représentation correcte, avec cependant un décalage temporel de 7 à 8 minutes pour la pointe de débit.
Utilisation pour la prévision des précipitations
Diversité des objectifs de prévision
La prévision des précipitations répond à des objectifs très divers : depuis le simple particulier qui souhaite savoir s'il doit prendre son parapluie pour aller chercher son pain au coin de sa rue jusqu'au service de prévision des crues qui a besoin d'une évaluation quantitative des quantités qui vont tomber sur différents bassins versants dans les heures à venir.
En tout été de cause, le radar seul est rarement suffisant pour répondre aux différentes questions qui peuvent être posées. Son utilisation doit généralement être associée à l'acquisition d'autres données (vent à différentes altitudes, état de l'atmosphère, etc.) ainsi qu'à une expertise sur les phénomènes météorologiques en cours.
Définir un objectif précis pour la prévision, revient généralement à répondre à 3 questions complémentaires :
- à quelle échéance ?
- sous quelle forme : intensité ? lame d'eau instantanée sur une surface ? cumul sur une durée ?
- à quel(s) endroit(s) : en un (ou plusieurs) point(s) particulier(s) ? en lame d'eau sur un (ou plusieurs) bassin(s) versant(s).
Selon les réponses que l'on apporte à ces trois questions, et en particulier à la première, le rôle que peuvent jouer les radars dans la prévision sera plus ou moins important.
Méthodes de prévision utilisant les radars
Nous avons déjà traité la question du suivi des cellules pluvieuses par les radars au § "Ajustement de la relation entre réflectivité radar et intensité", en notant que la transformation de la réflectivité des météores en altitude en intensité de précipitation au sol nécessitant déjà de faire de la prévision.
Météo-France utilise deux outils pour faire de la prévision à court terme (Bouttier et al., 2022) :
- PIAF (Prévision Immédiate Agrégée Fusionnée), qui fournit une prévision toutes les 5 minutes, par extrapolation des images radars météorologiques, ce type de prévision est utile pour les quelques dizaines de minutes à venir ;
- AROME PI (Prévision Immédiate), qui précise les prévisions du modèle AROME par assimilation des dernières données observées, pour des échéances un peu plus lointaines pour lesquelles il peut être plus fiable, car il repose sur une physique assez précise permettant de mieux anticiper sur les variations de trajectoire et de dynamique des cellules pluvieuses.
Limites actuelles de la prévision des précipitations par suivi radar
Bibliographie :
- Andrieu, H. (1986) : Interprétation de mesures du radar Rodin de Trappes pour la connaissance en temps réel des précipitations en Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne ; Thèse de Docteur-Ingénieur ; École Nationale des Ponts et Chaussées ; Paris.
- Andrieu, H., Jacquet G. (1987) : Le radar météorologique de Trappes et l'estimation des intensités pluvieuses en Seine-Saint-Denis. ; La Houille Blanche ; n° 6 ; pp 447-457.
- Andrieu, H., Creutin, J.D., Roche, P.A. (1992) : Le radar météorologique : un outil pour l'hydrologie ; Bull. Liaison du Lab. des P. et C. ; n°180 ; pp 43-58
- Bertrand-Krajewski, J.-L., Laplace, D., Joannis, C., Chebbo, G. (2008) : Mesures en hydrologie urbaine et assainissement ; ed. tec et Doc, Lavoisier, Paris ; 292p. (épuisé).
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- Bouttier, F., Marchal, H. Fleury, A., Lovat, A., Walcarius, K., War, A. (2022) : Restitution du programme de recherche PICS, 18 mai 2022 à Aix-en-Provence ; 18/05/2022 ; disponible sur https://www.cerema.fr/system/files/documents/2022/05/20220518_11h00_bouttier-restitutionpics.pdf
- Chocat, B. (coord.) et Eurydice (1997) : Encyclopédie de l'hydrologie urbaine et de l'assainissement ; ed. Tec et Doc ; Lavoisier ; Paris (épuisé) ; 1124p.
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- Sauvageot, H. (1988) : Radarmétéorologie ; Ed. Eyrolles ; Paris ; 296 p. ; 1988.
Pour en savoir plus :
- Daricau, J. (2015) : Physique et théorie du radar ; disponible sur https://radars-darricau.fr/livre/acceuil.html.
- Pointin, Y. (2022) : Techniques d’Observation de l’Atmosphère ; 123p. ; Cours sur la télédétection radar, sodar et lidar ; Uniquement accessible par mot de passe à demander à Yves Pointin
- Wolff, C. et Vaillant, P. (2011) : Radartutorial ; Chapitre 2A : Radar météorologique ; 27p. disponible sur https://www.radartutorial.eu/druck/Chapitre2A.pdf
- B.04 - Estimation d'une pluie de bassin par observation RADAR
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Radar_m%C3%A9t%C3%A9orologique