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Changement climatique - stratification marine

De Wikhydro
Etudes&Documents n°55.jpg
Cette page fait partie de l'ouvrage intitulé "Impacts à long terme du changement climatique sur le littoral métropolitain" édité sous le numéro 55 d'octobre 2011 dans la collection "Etudes et ducuments" du Commissariat Général au Développement Durable du ministère en charge du Développement durable. Le sommaire et la présentation de l'ouvrage sont disponibles sur WIKHYDRO.




Sommaire

Ce que l’on constate actuellement

L’océan est naturellement stratifié en température, avec des eaux relativement chaudes en surface, séparées des eaux froides profondes par une zone de variation thermique rapide appelée thermocline. Réchauffer les eaux de surface contribue à intensifier cette différence verticale et donc à isoler davantage les eaux de fond.
L’évolution du contenu thermique intégré sur les 500 premiers mètres montre un réchauffement depuis 1955, avec des périodes de stagnation, entrecoupées d’accélération au début des années 70, et dans les années 90. Ces oscillations reflètent l’importance de la variabilité naturelle de basse fréquence de l’océan, qui rend difficile la détection océanique du réchauffement global.
De plus, l’océan se réchauffe au contact avec l’atmosphère. Le réchauffement de l’air va progressivement pénétrer dans l’océan. Si pour de grandes régions océaniques, cette pénétration se fait lentement par diffusion verticale, dans quelques régions clés, la pénétration sera accélérée par la circulation océanique : les grands fonds seront atteints par le phénomène de convection aux hautes latitudes, les eaux de moyenne profondeur seront réchauffées par les phénomènes de ventilation aux latitudes tempérées. C’est ainsi
que l’Atlantique Nord, où se forment les eaux profondes Nord Atlantique, se réchauffe plus vite en profondeur que les régions tropicales, ou le Pacifique.
Ce que l’on observe aujourd’hui, c’est un signal de réchauffement marqué en surface, avec des pénétrations plus importantes dans le nord de l’Atlantique nord, où se forment les
eaux profondes nord atlantiques.
Comprendre la pénétration en profondeur de la chaleur ainsi que la vitesse de ce signal reste un défi de connaissance sur la circulation océanique.
Un second facteur intervient sur la stratification océanique, c’est la quantité d’eau reçue ou perdue en surface par l’océan par les échanges avec l’atmosphère, que l’on traduit en variation de concentration en salinité (s’il pleut, l’apport d’eau diminuera la salinité, alors que dans les zone d’évaporation, la salinité augmente). On trouve dans les profils océaniques la trace des modifications des champs de précipitations avec une diminution de salinité dans les régions de convergence intertropicales, et une augmentation de salinité dans les ceintures tropicales.


fig 8 evolution du contenu thermique integre des oceans sur les 500 premiers metres depuis 1955


Ce qui pourrait se passer

La stratification océanique contrôle les échanges entre l’océan de fond les eaux de surface, elle est importante pour les écosystèmes marins dont la plupart réside dans les eaux de surface, elle est également importante pour la propagation du son dans l’eau dont se servent de nombreuses espèces pour s’orienter ou pour chasser.
Augmenter la stratification va limiter les échanges verticaux, en particulier en sels nutritifs, ou en oxygène. Cela va conduire à appauvrir les eaux profondes en oxygène jusqu’à les rendre inhabitables pour certaines espèces, cela peut également conduire à diminuer la productivité des zones de surface, par diminution des apports en sels nutritifs. Un effet retour en sera une diminution de la séquestration du dioxyde de carbone par les écosystèmes marins et donc une amplification positive de la concentration en GES.
Mais il faut également tenir compte de l’évolution de la dynamique océanique. Un océan très stratifié aura une circulation générale différente de l’actuel. Toutes les projections sur la fin du siècle s’accordent sur un ralentissement de la grande boucle de circulation océanique qui entraîne les eaux chaudes et salées de surface de l’Atlantique nord vers les régions arctiques. Ces eaux s’alourdissent par refroidissement lors de leur voyage vers le nord et dans les régions de formation de glace de mer, elles s’alourdissent encore car la glace en se formant rejette le sel dans les eaux environnantes. Devenues très denses, ces eaux plongent en profondeur pour retrouver leur équilibre gravitaire et elles quittent ensuite les régions polaires sous forme d’un grand courant de bord ouest froid, contribuant ainsi à évacuer les eaux froides et salées vers le sud. Ce faisant, elles contribuent à l’équilibre thermique de la planète à part égale avec l’atmosphère. Cette boucle de circulation est appelée MOC (Meridional Overturning Circulation) pour Cellule méridienne de Retournement de circulation
en français.
Dans un climat plus chaud, il y aura certes moins de différence thermique à compenser entre les hautes et les basses latitudes mais encore faut-il que le ralentissement de la MOC soit équilibré avec les nouvelles conditions thermiques, ce qui ne pourra se faire dans les prochaines décennies puisque l’on considère que plusieurs centaines, sinon milliers d’années sont nécessaires pour équilibrer cette grande circulation océanique avec le climat.

Limites des connaissances

Observer l’évolution du comportement de la MOC passe par l’observation des masses d’eau, de leurs propriétés physiques et de leur déplacement, sur plusieurs décennies.
Notre connaissance est encore très fragmentaire et s’appuie sur des programmes de mesures qui permettent d’accumuler les observations nécessaires sur de longues périodes. Pour ce phénomène, l’observation des conditions de surface ne suffit pas :
il faut aussi estimer les flux profonds, dans des zones de dynamique de courants active, marquée par une activité de méso-échelle et d’instabilité prononcée.
L’importance de la variabilité naturelle dans ces régions de l’Atlantique Nord est aussi un obstacle. Il faut pouvoir identifier et filtrer la signature de l’oscillation Nord Atlantique ou la variabilité des régions sub-arctiques, pour extraire le signal dû au changement climatique.
Une source d’information importante provient aujourd’hui des simulations numériques qui explorent la sensibilité de cette région aux modifications de climat. Tous les modèles convergent sur un ralentissement de la MOC à échelle de la centaine d’année [11].
Cependant, ces modèles n’ont qu’une représentation grossière de ce phénomène et peinent à reproduire l’ordre de grandeur de la MOC et ses caractéristiques régionales. De plus, de nombreux phénomènes ne sont pas encore pris en compte dans les projections : accélération de la fonte des calottes, diversité des cheminées convectives, activité de méso-échelle… Il y a encore des marges de progrès importantes à réaliser pour comprendre et reproduire avec confiance l’avenir de la circulation océanique en atlantique nord.

Les effets possibles sur les milieux, sur les territoires littoraux et les activités humaines
Impacts possibles sur les milieux et les territoires
Types de territoires et milieux exposés Nature des impacts
Océans (au large) Modification des courants marins
Ecosystèmes sous-marins (végétaux et animaux)

Perturbation des équilibres écosystémiques sous-marins

Modification de la propagation des sons

Type d'activité  Impacts
Tourisme Modification des critères d’attractivité des destinations littorales



Bibliographie

[11] RIGNOT E., et al., “Recent Antarctic ice mass loss from radar interferometry and regional climate modelling”, Nature Geoscience, n°1, 2008, pp. 106-110, doi.


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