Datation eaux souterraines
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Définition
Le concept de « l’âge des eaux souterraines » est un concept fondamental en hydrogéologie. Il existe une certaine variété de termes se référant à cette notion d’ « âge ». Les autres notions en relation avec « l’âge des eaux souterraines » sont celles du « temps de transit des molécules d’eau» et du « temps de résidence ».
L’âge des eaux souterraines est le temps qui s'est écoulé entre le moment où une molécule d'eau pénètre dans le système environnemental jusqu'à ce que cette molécule atteigne un emplacement spécifique de l’aquifère. C’est donc le temps parcouru par une particule d'eau depuis la recharge jusqu’à l’échantillonnage dans un puits ou au niveau d’un exutoire naturel (source, rivière…). Etant donné qu’un échantillon d’eau souterraine est l’intégration de nombreuses lignes de flux, le résultat de la datation ne représente pas un âge « unique » mais plutôt une moyenne pondérée d'une distribution de l’âge des eaux souterraines.
Figure 1 : Ages des eaux souterraines et temps de résidence (d’après Kazemi et al., 2006)
Intérêt en hydrogéologie
L’information obtenue sur l’âge de l’eau est essentielle pour la gestion des aquifères. Elle permet notamment de valider/dessiner les modèles hydrogéologiques conceptuels et plus particulièrement :
- définir des directions principales de lignes de flux, ou direction d'écoulement au sein des aquifères,
- caractériser la recharge des aquifères,
- estimer les temps moyens de résidence des eaux au sein des aquifères.
L’étude des âges apparents et/ou des temps de résidence des eaux et des concentrations en éléments dissous d’origine anthropique permet également d’améliorer les connaissances sur l’hydrodynamique et les transferts de contaminants dans les systèmes, information d’où pourra découler l’estimation des tendances d’évolutions des contaminants et la vulnérabilité de la ressource. Ainsi,les temps moyens de résidence sont en relation directe avec la vulnérabilité des aquifères à la contamination. Un aquifère à temps de renouvellement court sera très sensible à l'arrivée potentielle de polluants. Par contre, un aquifère contaminé à temps de résidence important ne pourra pas, une fois les mesures de protections prises, récupérer rapidement un bon état chimique.
La détermination de l’âge des eaux ou temps moyen de résidence ou encore temps de transit permet de définir les mesures nécessaires à la protection de la ressource, à l’estimation du taux de renouvellement et donc des volumes disponibles pour l’exploitation. Pour l’application de la directive cadre sur l’eau (DCE) et plus particulièrement pour aider à l’élaboration des programmes de mesures (plans de gestion) cette donnée est d’autant plus utile qu’elle peut être couplée aux variations des niveaux piézométriques ou concentrations en éléments dissous tels que les nitrates, afin de déterminer des tendances d’évolutions qualitative ou quantitative de la ressource en eau.
Par exemple, les données d’âge apparent des eaux, temps de résidence ou pourcentage d’eau jeune mises en relation avec les concentrations en nitrates permettent de déterminer dans plusieurs cas d’études les tendances d’évolution à court terme (quelques années). Les variations des concentrations en pesticides en fonction de l’âge de l’eau sont plus complexes du fait des caractéristiques des molécules comme la rémanence des produits phytosanitaires et leur aptitude à être remobilisés dans les sols et la zone non saturée.
La recharge et circulation des eaux n’étant que rarement homogène à l’échelle d’un aquifère seule une bonne connaissance du système par l’utilisation combinée de divers outils permet de déduire des données une tendance à l’évolution des concentrations en contaminants.
Les outils de datation en hydrogéologie
Il existe deux types d’outils permettant l’estimation de l’âge des eaux souterraines : la modélisation hydrodynamique et les traceurs chimiques et isotopiques.
Les traceurs chimiques et isotopiques sont nombreux et variés. Le choix du traceur doit être adapté aux conditions de circulation des eaux dans les systèmes aquifères étudiés. Ces outils sont utilisés pour les eaux très anciennes (14C ou 36Cl) ou plus actuelles, comprises entre 50 ans et aujourd’hui (CFC, SF6, tritium, 3H/3He).
La datation des eaux par les traceurs isotopiques (3H, 3H/3He) ou chimiques (CFC, SF6) se base sur deux préceptes : i) l'âge se réfère au temps écoulé depuis que le traceur est introduit dans le système et isolé de l'atmosphère et ii) on se réfère à la datation de l'eau mais ce qui est daté c'est l'élément chimique ou isotopique dissous dans l'eau souterraine. Il n'existe pas de traceurs parfaits et la multiplication du nombre de traceurs permet de réduire les limites de la méthode.
Pour la datation des eaux souterraines en France, ne prenant compte que les méthodes les plus utilisées et dont le prélèvement et l’analyse sont relativement simples, le panel d’outils géochimiques qui s’ouvre à l’utilisateur se résume au 14C (permettant la datation entre 2000-40 000 ans), 3H (0-60 ans) et aux CFC et SF6 (0-60 ans).
L’approche physique se base sur la modélisation hydrodynamique couplée ou non au transport de matière en solution. Le modèle permet alors l’estimation d’un âge hydrodynamique également appelé « âge advectif » ou « âge cinématique ».
Bibliographie
- Gourcy L., Baran N., Vittecoq B., Salquebre D. (2008) – Utilisation des outils CFC et SF6 pour la datation des eaux souterraines dans divers contextes hydrogéologiques français. Géologues N. 159, pp.30-38.
- IAEA (2006) – Use of Chlorofluorocarbons in hydrology: A guidebook. STI/PUB 1238, IAEA, Vienna. 277p.
- Kazemi G. A., Lehr J.H., Perrochet P. (2006) - Groundwater age, Ed.Wiley Interscience, 346 p.
- Vergnaud-Ayraud V., Aquilina L., Pauwels H., Labasque T. (2008) – La datation des eaux souterraines par analyse des CFC : un outil de gestion durable de la ressource en eau. TSM 1.
BRGM, synthèse réalisée par Laurence Gourcy 24 juin 2012 à 15:28 (CEST)