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Espèce exotique envahissante / EEE (HU)

De Wikhydro

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Traduction anglaise : Invasive Species

Dernière mise à jour : 25/06/2024

Espèce animale ou végétale introduite volontairement ou involontairement dans un domaine géographique dont elle n’est pas originaire et où elle se développe de façon anarchique en l’absence de prédateur ou de consommateur naturel (figure 1) ; on parle également d'espèce envahissante ou d'espèce invasive.

Nota : On limite généralement la dénomination "espèces exotiques envahissantes" à celles qui ont été introduites par l'Homme (voir le § "Espèce envahissante ou espèce en conquête ?").


Figure 1 : Originaire d'Amérique du sud, les jacinthes d'eau sont devenues une espèce exotique envahissante dans beaucoup de pays tropicaux ; crédit photo Bernard Chocat.

Sommaire

Éléments de vocabulaire

Les scientifiques on longtemps utilisé le terme espèce invasive en s'inspirant du vocabulaire anglo-saxon. On utilise aujourd'hui préférentiellement le vocabulaire normalisé par l'Union Européenne (voir par exemple le Règlement (UE) n ° 1143/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l'introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes).

  • espèce exotique : "tout spécimen vivant d'une espèce, d'une sous-espèce ou d'un taxon de rang inférieur d'animaux, de végétaux, de champignons ou de micro-organismes introduit en dehors de son aire de répartition naturelle, y compris toute partie, gamète, semence, œuf ou propagule de cette espèce, ainsi que tout hybride ou toute variété ou race susceptible de survivre et, ultérieurement, de se reproduire" ;
  • espèce exotique envahissante : "une espèce exotique dont l'introduction ou la propagation s'est révélée constituer une menace pour la biodiversité et les services écosystémiques associés, ou avoir des effets néfastes sur la biodiversité et lesdits services" ;
  • espèce exotique envahissante préoccupante pour l'Union : " une espèce exotique envahissante dont les effets néfastes ont été jugés de nature à exiger une action concertée au niveau de l'Union en vertu de l'article 4, paragraphe 3" ;
  • espèce exotique envahissante préoccupante pour un État membre : "une espèce exotique envahissante autre que les espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l'Union, pour laquelle un État membre considère, en s'appuyant sur des données scientifiques, que les effets néfastes de sa libération et de sa propagation, même s'ils ne sont pas pleinement démontrés, sont lourds de conséquences pour son territoire, ou une partie de celui-ci, et requièrent une action au niveau de l'État membre concerné".

Dangers présentés par les espèces exotiques envahissantes

Les espèces exotiques envahissantes peuvent perturber fortement les nouveaux écosystèmes dans lesquels elles se développent, avec un rôle néfaste sur la biodiversité, les habitats et les espèces locales, mais également sur les services écosystémiques rendus par l'écosystème.

De façon pratique on peut distinguer ainsi deux niveaux d'analyse :

  • un niveau écologique : on constate l'arrivée d'une espèce nouvelle dans un milieu donné ; la plante ou l'animal est alors considérée, au moins pendant une certaine durée, comme exogène (exotique) par rapport aux espèces indigènes et modifie le fonctionnement de l'écosystème ; la cohabitation avec les espèces indigènes (ou certaines d'entre elles) peut être difficile et mettre en péril de façon plus ou moins importante leur survie dans ce milieu et plus généralement l'équilibre de l'écosystème. La difficulté provient du fait que toute espèce envahissante transforme l'écosystème à son avantage, y compris en éliminant les espèces qui la gênent ou qui constituent ses proies. Cependant, certaines des espèces ainsi éliminées peuvent être indispensables au fonctionnement de l'écosystème. Si les boucles de rétroactions sont insuffisantes, l'écosystème peut alors s'effondrer et devenir invivable, y compris pour l'espèce qui a initié le processus.
  • un niveau environnemental : les effets sont alors vus sur l'Homme, la concurrence pouvant faire disparaitre ou mettre en danger des espèces qu'il utilise à son profit ou tout autre service écosystémiques ; comme l'Homme dépend de ces services pour son alimentation, sa santé, son bien-être, ses activités de production, ses activités récréatives et son enrichissement culturel, une redistribution globale de cette biodiversité aura un impact sur l’ensemble de ces aspects (https://fr.unesco.org/courier/2021-3/migration-especes-revolution-silencieuse).

Le dernier rapport de l'IPBES (plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques), publié le 4 septembre 2023, dénombre 37 000 espèces exotiques dans le monde ; moins de 10 % (3 515) sont considérées comme envahissantes ; 6 % sont des plantes, 22 % des invertébrés, 14 % des vertébrés et 11 % des microbes.

Le problème est très important car les espèces exotiques envahissantes constituent un danger pour environ un tiers des espèces terrestres et ont contribué à 60% des extinctions connues à l’échelle mondiale ; dans 16 % des cas, elles en sont même l'unique cause. Elles peuvent aussi représenter un risque direct pour l’homme, par exemple être vectrices de pathogènes (moustique tigre), allergisantes (ambroisie) ou avoir un comportement agressif (frelon asiatique). Enfin elles coûtent extrêmement cher à la collectivité : en 2019, le coût total des dégâts qu'elles ont occasionnés et des mesures de lutte a été estimé à 423 milliards de dollars et le rapport note que ce montant est "probablement grandement sous-estimé".

Nota 1 : Il est intéressant de noter que ces estimations ne tiennent pas compte des dégâts causés par l'homme (homo sapiens sapiens) qui constitue probablement l'espèce envahissante la plus dangereuse pour l'ensemble des écosystèmes de la planète.

Nota 2 : Toutes les espèces envahissantes ne jouent pas un rôle négatif. Par exemple les "arbres à papillons" (Buddleia daviddi) qui prolifèrent sur les terrils, sont des espèces ligneuses pionnières qui vont préparer le terrain pour d'autres essences indigènes et permettre une colonisation ultérieures par des essences ligneuses indigènes semblables à celles que l'on aurait obtenu avec des bouleaux au départ, mais plus rapidement (https://www.promessedefleurs.com/conseil-plantes-jardin/blog/plante-invasive-plante-envahissante-ne-melangeons-pas-tout/). Toute règle a ses exceptions...

Classification des espèces exotiques envahissantes

Toutes les espèces introduites ne sont pas envahissantes et toutes les espèces envahissantes ne présentent pas la même dangerosité. On estime que 12 000 espèces présentes dans l'environnement de l'Union et d'autres pays européens sont exotiques ; 10 à 15 % d'entre elles (soit environ la même proportion qu'au niveau mondial) sont considérées comme envahissantes (Règlement (UE) n ° 1143/2014) et seule une faible partie des espèces envahissantes présentent un danger réel (https://www.ecologie.gouv.fr/especes-exotiques-envahissantes). On peut distinguer trois niveaux de dangerosité (Dutartre et al., 2012):

  • les espèces envahissantes avérées : espèces envahissantes ayant une dynamique d’extension rapide dans son territoire d’introduction et formant localement des populations denses et bien installées.
  • les espèces envahissantes potentielles : espèces envahissantes non indigènes ne présentant pas actuellement de caractère invasif avéré dans le territoire considéré mais dont la dynamique, à l’intérieur de ce territoire et/ou dans des régions limitrophes ou climatiquement proches, est telle qu’il existe un risque de la voir devenir à plus ou moins long terme une invasive avérée.
  • les espèces à surveiller : espèces exotiques ne présentant actuellement pas (ou plus) de caractère invasif avéré dans le territoire considéré mais dont la possibilité de développer un caractère invasif existe, compte tenu notamment du caractère invasif de cette plante dans d’autres régions du monde.

Stratégie française de lutte contre les espèces exotiques envahissantes

Conformément à la réglementation européenne, la France a mis en place différents éléments, en particulier :

Espèce exotique envahissante ou espèce en conquête ?

Le fait de limiter le qualificatif "exotique" aux espèces introduites du fait d'une action humaine n'est pas un point anodin. Les espèces ont toujours voyagé, ne serait-ce que pour s'adapter aux changements climatiques. Qu'une nouvelle espèce arrive dans un écosystème où elle était absente et le transforme rentre donc dans la logique d'évolution du vivant. L'Homme en est le meilleur exemple puisqu'il a progressivement conquis (vocabulaire plus positif que celui d'invasion !) tous les continents et s'est adapté à tous les environnements avant de les transformer à son avantage (ou plus exactement en fonction de ses intérêts à court terme).

Le Règlement (UE) n ° 1143/2014 note d'ailleurs : "Certaines espèces migrent naturellement en réponse aux changements dans leur environnement. Elles ne devraient pas être considérées comme des espèces exotiques dans leur nouvel environnement et devraient être exclues du champ d'application du présent règlement. Le présent règlement devrait uniquement porter sur les espèces introduites dans l'Union par suite d'une intervention humaine."

Encore faudrait-il définir clairement ce que signifie "intervention humaine". La réponse est claire en ce qui concerne le maïs ou la pomme de terre, mais par exemple beaucoup plus ambigüe en ce qui concerne le moustique tigre. Même si l'homme a probablement joué un rôle direct en en ramenant certains dans ses bagages, c'est plutôt son rôle indirect (développement urbain et changement climatique), associé à la capacité d'adaptation de l'insecte qui explique le développement très rapide de son aire de répartition. En ce sens l'invasion peut être vue comme une meilleure capacité d'adaptation à un environnement profondément transformé par l'Homme.

Il est également intéressant de se mettre à la place de l'espèce exotique, ce qui conduit à parler plutôt de conquête de nouveaux territoires et d'adaptation à de nouveaux environnements, tout comme l'Homme l'a fait au cours des dernières dizaines de milliers d'années. Finalement, c'est peut-être parmi les espèces que nous qualifions aujourd'hui d'envahissantes que se trouvent celles qui demain régneront sur la planète.

Bibliographie :

  • Dutartre, A., Mazaubert, E., Poulet, N. (2012) : Bilan des espèces exotiques envahissantes en milieux aquatiques sur le territoire français : essai de bilan en métropole ; Sciences Eaux & Territoires 2012/1 (N° 6), pp 56-63 ; disponible sur : https://www.cairn.info/

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