Gestion de l'eau et prise en compte du changement climatique dans les documents de planification
L'artificilisation des territoires a de nombreux impacts sur la ressource en eau et la gestion de celle-ci : augmentation du risque d'inondation, augmentation du risque de pollution, risque qualitatif et quantitatif sur la ressource en eau potable, destruction des zones humides, détérioration des cours d'eau, etc...
L'élaboration (ou la révision) d'un document d'urbanisme type SCoT, PLU ou carte communale constitue donc pour la structure porteuse du document l'occasion d'aborder des questions liées à la gestion de l'eau.
L'appropriation de cette question par la planification est d'autant plus nécessaire que le droit de l'urbanisme a profondément évolué, suite au Grenelle de l'Environnement, pour imposer la prise en compte d'objectifs tant en matière de préservation de la biodiversité et de gestion économe des ressources que de lutte contre le changement climatique et d'adaptation à ce dernier.
La gestion de l'eau dans les documents d'urbanisme doit donc désormais intégrer la problématique des impacts du changement climatique en matière d'aménagement afin d'identifier les enjeux pour le territoire et les leviers d'actions disponibles, notamment dans le domaine de l'adaptation au changement climatique.
Gestion de l'eau et prise en compte du changement climatique dans les documents de planification: Rappel du contexte règlementaire
Les documents de planification après le Grenelle
L'article 7 de la loi Grenelle 1 impose la prise en compte par le droit de l'urbanisme des objectifs suivants: lutter contre la régression des surfaces agricoles et naturelles par la fixation des objectifs chiffrés; lutter contre l'étalement urbain et la déperdition d'énergie ainsi que permettre la revitalisation des centres urbains; concevoir l'urbanisme de façon globale en harmonisant les documents d'orientation et les documents de planification établis à l'échelle de l'agglomération, préserver la biodiversité, notamment à travers la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques; assurer une gestion économe des ressources et de l'espace; créer un lien entre densité et niveau de desserte par les transports en commun,...
L'article 8 de la loi Grenelle 1 a introduit dans le code de l'urbanisme les concepts de lutte contre le changement climatique et d'adaptation à ce dernier. (art. L 110).
La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a par ailleurs modifié l’article L121-1 du code de l’urbanisme qui dispose désormais dans son alinéa 3 que «les schémas de cohérence territoriale (…) déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable (…) la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de l’énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, et la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature.».
Cette obligation de moyens, et non de résultats (c’est-à-dire qu’il s’agit de prouver que les objectifs du document tendent vers le but fixé par le législateur, sans avoir l’obligation de l’atteindre), concerne aussi : l’équilibre à trouver entre développement urbain et utilisation économe des espaces naturels (al. 1), la diversité des fonctions urbaines ainsi que la mixité sociale dans l’habitat à restaurer ou préserver en prenant en compte notamment les objectifs d’amélioration des performances énergétiques, de diminution des obligations de déplacements et de développement des transports collectifs (al.2).
Juridiquement, cela signifie qu’il ne faut pas que les dispositions contenues dans le document de planification s’opposent ou contrarient l’atteinte des objectifs de l’article L121-1.
La collectivité compétente en urbanisme doit donc apporter toute son attention à la bonne intégration de ces objectifs de développement durable et engager une réflexion approfondie, au moment de l’élaboration de son document de planification ou, préférentiellement, dans une phase antérieure, à la définition d’un projet de territoire durable, qui se concrétisera par un outil réglementaire encadrant l’utilisation du sol.
Pour ce qui concerne la gestion de l'eau, cela signifie que le SCoT agit pour la préservation de la qualité de l'eau, des écosystèmes et des milieux naturels et pour la prévention des risques naturels prévisibles et des pollutions. Le SCoT va apprécier les incidences des actions d'aménagement sur l'environnement en définissant par exemple des espaces naturels à protéger. Le PLU et la carte communale auront davantage pour fonction de délimiter des zones urbaines et naturelles et de définir les règles applicables en fonction des zones. Concernant spécifiquement la contribution du SCOT à la prise en compte du changement climatique, cela signifie une action conjointe dans les domaines suivants : aménagement et urbanisme, transports, bâti, énergie, développement économique ; tant sur le volet atténuation que sur le volet adaptation.
L'articulation des documents de planification et des outils de gestion de l'eau
D'après les dispositions de la loi n°2004-338 du 21 avril 2004 transposant la directive cadre sur l'eau (DCE) du 23 octobre 2000, les documents d'urbanisme doivent être compatibles avec les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs de qualité et de quantité des eaux définis par le SDAGE [...] ainsi qu'avec les objectifs de protection définis par les SAGE. Avant cette date, une simple prise en compte prévalait.
Le rapport de compatibilité vise à supprimer les risques de contradiction entre les documents d'urbanisme et le SDAGE et/ou le SAGE, à protéger les ressources en eau et à favoriser leur gestion. Les documents d'urbanisme doivent être rendus compatibles dans les trois ans après l'approbation de ces derniers. La mise en compatibilité se prépare sur la base des porter à connaissance et notes d'enjeux mis à disposition par l’État, se poursuit tout au long de l'élaboration des documents d'urbanisme et se vérifie lors du contrôle de la légalité. Les documents soumis à l'évaluation environnementale doivent, dans leur rapport de présentation, décrire l'articulation du projet de territoire avec le SDAGE et les SAGE.
De manière générale, le SDAGE fixe pour une période donnée les orientations visant à une gestion équilibrée de la ressource en eau à l'échelle des bassins hydrographiques. Le SAGE décline les orientations du SDAGE à une échelle infra-bassin sur la base d'une concertation avec les acteurs locaux.
Enjeux et leviers d'action en matière de gestion de l'eau dans les documents de planification
Traditionnellement, le document de planification va intervenir dans cinq domaines.
Prévenir le risque inondation
Les PLU doivent respecter les PPRI et ne pas comporter d'orientations susceptibles d'y contrevenir. Le règlement du PLU interdit les d'implantations dans les zones les plus dangereuses ainsi les zones naturelles d'expansion de crues sont classées en zones naturelles inconstructibles. Le PLU peut imposer des règle spécifiques dans les zones urbanisées : exigence de densité de population, défense des zones naturelles et des champs d'expansion, règle de gestion des eaux pluviales, création de bassins de rétention, maintien des haies agricoles...
Gérer l'eau potable
Le document de planification prend les mesures nécessaires pour protéger les périmètres de protection des captages (classement du périmètre protection immédiat du captage d'eau potable en emplacement réservé et en zone naturelle dans un PLU par exemple). Le SCoT peut inciter à l'acquisition foncière par les collectivités et inciter à des pratiques agricoles moins consommatrices d'intrants.
Préserver les cours d'eau
Les actions d'aménagement telles que les déviations, rectifications, canalisations... des cours d'eaux peuvent impacter la qualité biologique du cours d'eau et par vois de conséquence la qualité des habitats et la biodiversité. Le document de planification incite à la préservation des trames bleues en protégeant par exemple les rives des constructions ou en préservant les zones inondables (zones N).
Lutter contre les pollutions
Les PLU peuvent fixer une superficie minimale des terrains constructibles lorsqu'il s'agit de contraintes techniques relatives à la réalisation d'un dispositif d'assainissement non collectif. Plus généralement, une démarche de zonage d'assainissement peut être intégrée au zonage du PLU.
Préserver les zones humides
Le règlement d'un PLU s'appliquera à préserver les zones humides en imposant un classement en zone naturelle ou en zone naturelle humide par exemple.
Prendre en compte le changement climatique en matière de gestion de l'eau dans les SCOT
Prendre en compte les évolutions des risques naturels liées au changement climatique dans les documents d'urbanisme, afin de protéger les populations et les biens
Du fait des impacts attendus du changement climatique sur la fréquence des évènements extrêmes et l’augmentation des aléas, les SCoT devront prendre en compte, dans leurs orientations d’aménagement, les risques naturels auxquels s’expose le territoire. L’étape du diagnostic va donc être déterminante pour choisir des mesures d’adaptation appropriées au territoire.
Les SCOT pourront par exemple imposer une analyse du risque pour tout nouveau projet d'aménagement afin de protéger les populations et les biens. Ils auront à repenser l’urbanisation et les aménagements en fonction des zones à risques nouvelles.
Pérenniser la capacité d’adaptation de la biodiversité
Le changement climatique devrait contribuer à accélérer la fragilisation voire la disparition de certains écosystèmes. Le SCoT doit prendre en compte, dans ses orientations d’aménagement, ce nouvel enjeu de préservation de la biodiversité et favoriser un contexte permettant une meilleure résilience des écosystèmes au changement climatique, en veillant notamment à la bonne articulation entre les trames vertes et bleues définies à l'échelle du SCoT et à l'échelle régionale (Schéma Régional de Cohérence Ecologique).
En effet les modifications que devraient subir les écosystèmes du fait du changement climatique obligent à repenser la gestion des espaces. Pour illustration, une modélisation sur la biodiversité terrestre française montre qu’un tiers des espèces végétales, des mammifères et des oiseaux pourraient voir leur aire de distribution diminuer d’au moins 20% à l’horizon 2080. Cette réduction devrait augmenter significativement les risques d’extinction pour de nombreuses espèces – une fraction d’autant plus élevée que celles-ci auront du mal à se déplacer. D’où l’intérêt de préserver ou restaurer des corridors écologiques favorisant les déplacements et les échanges entre espèces.
Préserver la ressource en eau et les milieux aquatiques en anticipant les conflits d’usage
Le changement climatique devrait se traduire à la fois par une baisse de la disponibilité de la ressource en eau due à la diminution des précipitations et par une augmentation de la demande dans différents secteurs d'activité du fait de la hausse des températures. La conjugaison de ces deux phénomènes devrait entraîner des conflits d'usages autour des ressources en eau dans les zones déficitaires. Pour illustrer, on estime le déficit en eau pour satisfaire les besoins actuels des usages pour l’eau potable, l’industrie et l’irrigation serait de l’ordre de 2 milliards de mètres3 en 2050.
Outre ce problème quantitatif, le changement climatique devrait aussi entraîner une dégradation de la qualité de l'eau (et par conséquent des milieux aquatiques), la baisse des débits des cours d’eau diminuant la capacité de ces derniers à diluer les rejets des activités humaines.
Les SCOT devront donc intégrer cette nouvelle problématique en proposant des orientations pour une gestion adaptée de la ressource en eau sur leur territoire. Ces orientations devront être compatibles avec le volet adaptation au changement des SDAGE et SAGE. Pour ce faire, ils disposent de plusieurs leviers d’action favoriser les économies d’eau dans tous les secteurs et en particulier dans le bâti, optimiser les rendements des réseaux publics de distribution en luttant contre les fuites, développer les installations de récupération des eaux pluviales. A ce stade, il serait pertinent que les services de l’Etat incitent la maîtrise d’ouvrage du SCoT à imposer à tout projet de ZAC ou d'aménagement une évaluation prospective des besoins en eau, tenant compte de l'évolution de la disponibilité de la ressource. Sur cette base, des restrictions à l'urbanisation pourraient être préconisées dans les zones où le milieu ne peut satisfaire la demande en eau ni supporter les rejets d'eaux usées à des conditions environnementales et économiques acceptables. Enfin, la préservation de la ressource en eau doit se traduire par une vigilance particulière portée aux sources potentielles de pollution des milieux aquatiques (cours d'eau, eaux souterraine) dans les projets d’aménagement du territoire. Dans ce cadre, il est important d'identifier les orientations et objectifs définis par le SRCE en matière de préservation de la composante aquatique de la Trame Verte et Bleue et d'améliorer la gouvernance de l'eau à l'échelle du SCOT ou de sous bassins ceci dans l'optique de solidarité intercommunale de gestion des ressources en eau
Interroger la vulnérabilité des réseaux de transports et définir une réponse aux événements extrêmes
Dans ce domaine, le SCOT devra avant tout anticiper l’intensification des risques naturels (inondations, submersion, RGA, tempêtes) qui impactera vraisemblablement les infrastructures. Les évènements extrêmes entraîneront des dégâts matériels qui susciteront des coûts importants de maintenance, de réparation, voire de reconstruction. Néanmoins, sans même aborder la question des évènements extrêmes, les documents de planification devront prendre en compte les évolutions climatiques telles que l’élévation des températures et l’augmentation des jours de canicule avec comme conséquence l’usure rapide des infrastructures due à la chaleur ou encore l’évolution du régime des précipitations qui génèrera des dégâts par le ruissellement en cas de pluies intenses. Afin d’adapter le secteur des transports au changement climatique, les SCOT devront donc interroger la vulnérabilité des infrastructures de transports et intégrer, dans leurs orientations, la question de la résistance et de la résilience du réseau de transport existant ou futur sur leurs territoires. Les SCOT devront, dans la mesure du possible, interdire la localisation d'infrastructures à durée de vie longue (réseaux routiers) dans les zones à risques (zones basses littorales) et encourager l’utilisation des matériaux et techniques adaptés aux effets du changement climatiques (fortes chaleurs) dans les nouveaux projets de constructions d’infrastructures de transports.
En zone littorale, les SCoT devront anticiper les effets de l’élévation du niveau de la mer et donc l’augmentation du risque de submersion marine.
Adapter la production d'énergie
Il s'agira, dans le SCoT, de préparer le secteur de la production énergétique du territoire aux impacts des changements climatiques: pic consommation, besoin de refroidissement des centrales nucléaires, évolution de la disponibilité ressource renouvelables notamment en eau . [modifier] Adapter les filières économiques climato-dépendantes
Le changement climatique devrait impacter les différentes activités économiques du territoire, notamment celles qui sont extrêmement sensibles aux évolutions climatiques (agriculture, tourisme, sylviculture).
Dans le secteur agricole, le réchauffement climatique devrait se traduire par une évolution des rendements, une évolution de la phénologie et des impacts sur la qualité des produits.
Quant au tourisme, ce secteur sera affecté différemment selon les territoires et selon les saisons baisse de l’attractivité des villes et de l’intérieur des terres au profit de la montagne et du littoral en été, baisse de l'attractivité touristique des moyennes montagnes en hiver en raison du manque d'enneigement, baisse de l'attractivité touristique des zones littorales en raison de l’érosion des plages, impacts sur la sécurité des touristes de la recrudescence des risques naturels, etc
L’enjeu pour le SCoT est donc d’intégrer la question de la vulnérabilité de ces filières économiques climato-dépendantes et de favoriser le développement de capacités d’adaptation dans les stratégies de planification, afin d’assurer une viabilité à long terme de l’économie locale.
Pour ce faire, dans le secteur touristique, le SCOT devra favoriser le développement de nouvelles pratiques touristiques plus diversifiées et moins vulnérables aux changements climatiques.
Dans les zones littorales, le SCoT devra prendre en compte l’aléa de l’élévation du niveau de la mer (qui entraînera une recrudescence d’épisodes de submersion marine et l’aggravation des phénomènes d’érosion côtière) dans sa stratégie d’aménagement, afin de préparer le territoire à l’évolution de la demande touristique.
Article rédigé par: Géraldine BUR CETE du Sud-Ouest/DALETT