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Impact des scénarios climatiques sur la ressource en eau souterraine

De Wikhydro

Evolution du climat de la Terre et changement climatique


Le climat se définit comme une situation moyenne dans l’espace et dans le temps, des conditions météorologiques caractérisant une région. Il doit être décrit sur une période suffisamment longue, classiquement 30 ans, pour prendre en compte sa variabilité, qui est importante aux échelles de temps géologiques et historiques. L’évolution de l’état ou de la variabilité moyenne du climat, qu’elle soit naturelle ou provoquée par les activités humaines et que l’on peut identifier par des méthodes statistiques sur des longues périodes (décades ou plus), est appelée « changement climatique ». La compréhension des mécanismes qui le contrôlent, de ces impacts et des moyens de s’y adapter fait l’objet d’un travail de synthèse des scientifiques, réalisé au sein du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC – IPCC en anglais, www.ipcc.ch), réuni à l’initiative de l’Organisation Météorologique Mondiale (http://www.wmo.int/pages/index_fr.html) et du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE - http://www.unep.org/). La majeure partie des éléments présentés ici sont issus de ces travaux de synthèse qui ont fait l’objet du 4ème rapport publié en 2007 (IPCC, 2007a).
La terre a connu des périodes où les températures moyennes étaient supérieures (au cours de l’ère secondaire, du temps des dinosaures par exemple) ou inférieures (périodes glaciaires de l’ère Quaternaire) de plusieurs degrés, par rapport à celles que l’on connaît aujourd’hui. Ce qui différencie l’évolution actuelle du climat (en particulier celle de la température depuis une cinquantaine d’années) des évolutions connues dans le passé, c’est la vitesse du changement observé. En effet, si la température atteint de nos jours des valeurs jamais atteintes depuis au moins mille ans, c’est surtout la vitesse de l’augmentation observée qui n’a probablement pas d’équivalent (Figure 1, IPCC, 2007b).

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Figure 1: évolution de la température de l’air sur les 1 300 dernières années dans l’hémisphère Nord obtenue à partir de plusieurs observations indirectes de la température, par rapport à la moyenne sur la période 1961-1990 (IPCC, 2007b – Chap. 6). Les évolutions présentées sont reconstituées en combinant des observations indirectes (prélèvements dans les carottes de glace, croissance des arbres ou du plancton, etc…) et des mesures directes réalisées au cours des 250 dernières années (courbe noire).


A l’échelle de la planète et au regard des 50 dernières années, ce comportement se traduit donc par une augmentation de la température globale de l’air de l’ordre de 0,5 °C, couplées à une élévation du niveau moyen de la mer de l’ordre de 10 cm à 20 cm (majoritairement due à la dilatation thermique de l’eau) et une diminution de la superficie couverte par un manteau neigeux de l’hémisphère nord de l’ordre de 2 millions de km² (Figure 2). En ce qui concerne les précipitations, on n’observe pas un signal homogène sur la planète. Ainsi, il apparaît au cours du dernier siècle, une augmentation significative des précipitations en Amérique du nord et du sud, au nord de l’Europe et au nord et au centre de l’Asie, alors qu’une diminution s’observe sur le Sahel, le bassin méditerranéen, l’Afrique du sud et une partie de l’Asie du sud.

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Figure 2: Evolutions observées de (a) la température moyenne de surface ; (b) niveau moyen des mers (données des marégraphes en bleu et des satellites en rouge et (c) superficie moyenne couverte par un manteau neigeux sur l’hémisphère nord au cours des mois de mars-avril. Toutes les valeurs correspondent aux différences par rapport aux valeurs moyennes pour la période 1961-1990. Les courbes représentent les moyennes glissantes sur dix ans alors que les cercles représentent les valeurs moyennes annuelles. Les courbes enveloppes traduisent les intervalles d’incertitude associés aux valeurs des courbes (IPCC, 2007a)


En France, ces évolutions se traduisent par une augmentation des températures moyennes annuelles comprise entre 0,7°C et 1,1°C au cours du dernier siècle et une augmentation des vagues de chaleur et du nombre de jours secs consécutifs. Concernant les précipitations et les événements extrêmes, aucune tendance globale ne se dégage sur la France au cours de cette période (Moisselin et al., 2002).


Les causes identifiées du changement climatique


La température à la surface de notre planète est contrôlée par le bilan du rayonnement qui frappe l’atmosphère terrestre en provenance du soleil et le rayonnement qui en repart, soit parce qu’il est réfléchi (effet de l’albédo), soit parce qu’il est émis par sous forme de rayonnement infra-rouge (effet de rayonnement d’un corps chaud). Environ 30% du rayonnement reçu au sommet de l’atmosphère est réfléchi par les nuages, les aérosols et les manteaux de neige et de glace. Le reste est absorbé par la Terre qui restitue l’énergie correspondante sous forme de chaleur, stockée dans l’atmosphère par les nuages et les gaz qui la composent. Ce mécanisme de stockage de chaleur par les gaz, appelé « effet de serre naturel», permet à la Terre d’avoir une température tempérée de l’ordre 14°C en moyenne (au lieu de -19°C qui s’observeraient en l’absence d’atmosphère). Comprendre les évolutions du climat requiert donc d’identifier tous les facteurs et les mécanismes qui affectent ce bilan radiatif. Les principaux facteurs susceptibles d’influencer ce bilan à l’échelle temporelle du dernier siècle, sont les fluctuations de l’activité du soleil, les éruptions volcaniques et l’évolution de la concentration des gaz à effet de serre. La vapeur d’eau et le dioxyde de carbone (CO2), bien qu’ils ne constituent qu’une faible part de l’atmosphère, majoritairement composée d’ozone et d’oxygène, en sont les gaz à effet de serre prépondérants. Par ailleurs, nuages et aérosols ont un effet refroidissant, du fait de leur capacité à réfléchir le rayonnement solaire incident (IPCC, 2007b – chap. 1).
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Les activités humaines contribuent ainsi à l’évolution du climat en provoquant des changements de la composition de l’atmosphère en gaz à effet de serre, aérosols et couverture nuageuse. Cette influence est devenue prépondérante au cours de l’ère industrielle, où l’on a observé une augmentation très marquée des émissions de gaz à effet de serre (essentiellement CO2, méthane – CH4 et oxyde d’azote – N2O), en lien avec la combustion d’énergies fossiles (Figure 3). Pendant le même temps, le rayonnement solaire incident a légèrement augmenté, mais d’un ordre de grandeur qui ne permet pas d’expliquer l’augmentation de température observée.

Figure 3: Concentration atmosphérique (en parties par millions - ppm ou parties pas billions - ppb, nombre de molécules de gaz par million ou billion de molécules d’air) des principaux gaz à effet de serre au cours des 2 000 dernières années. L’augmentation observée depuis 1750 est attribuée aux activités humaines au cours de l’ère industrielle (IPCC, 2007b – chap. 2).

La situation climatique future

Face au changement climatique observé, il est nécessaire de prévoir la situation future pour réfléchir aux stratégies d’adaptation à mettre en œuvre. Ceci n’est possible qu’en modélisant le climat sur de longues périodes, ce qui est fait avec des Modèles de Circulation Générale Atmosphère-Océan (MCGAO), qui couplent autant de modèles que l’on a de processus (circulation océanique, banquises, chimie atmosphérique, etc…) qui contrôlent le climat de la Terre. Ces outils ont ainsi permis de vérifier l’effet prépondérant des gaz à effet de serre sur l’évolution récente de la température, qui ne peut être reproduite sans les prendre en compte (Figure 4).


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Figure 4 : principaux processus modélisés par les modèles de climat (haut gauche, source H. Le Treut), structure et dimensions des modèles de climat (haut droite, source Météo France), simulations sans et avec prise en compte de les émissions de gaz à effet de serre pendant la période industrielle, montrant que l’on ne peut reproduire l’évolution observée de la température sans prendre en compte les activités anthropiques (bas, source IPCC 2007a) :

Pour simuler le climat futur ces modèles sont ensuite alimentés par des scénarios contrastés d’évolution future des gaz à effet de serre, pour fournir des projections du climat futur. En 2007, le GIEC a demandé à la communauté scientifique de développer des nouveaux scénarios de l’évolution des gaz à effet de serre et d’autres polluants car les projections publiées dans le 4e rapport de février 2007 se basaient sur des scénarios datant de 2000 (plus d’informations sur http://www.universcience.fr/climobs/module/projections_scenarios-climatiques/).

Il existe actuellement une vingtaine de modèles de climat dans la communauté scientifique mondiale. Ces modèles ne réagissent pas tous de la même façon à l’augmentation des gaz à effet de serre. Or, il est impossible de savoir quelle projection est plus réaliste qu’une autre. Cela constitue une incertitude qu’il faut prendre en compte en utilisant les résultats de plusieurs modèles de climat.

Les projections climatiques réalisées pour le 4ème rapport du GIEC s’accordent sur une tendance future au réchauffement plus marqué sur les continents que sur les océans et un cycle de l’eau plus intense et ce, quel que soit le scénario d’émission de gaz à effet de serre considéré. Pour l'ouest de l'Europe, ces modèles simulent en été, un réchauffement marqué et une diminution des précipitations sur les régions méditerranéennes et, en hiver, une augmentation des précipitations sur toute la façade atlantique, même si ce signal est plus incertain que pour la température (Figure 5).

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Figure 5 : Changement relatif par rapport à la période 1971-2000 des précipitations hivernales (à gauche) et estivales (à droite), simulé par plusieurs modèles du 4e rapport du GIEC pour la période 2046-2065 et le scénario d’émission de gaz SRES A1B. Les croix indiquent les zones où au moins 85 % des réponses des différents modèles sont en accord. (Source Boé, 2007).

Si les modèles de climat sont des outils incontournables pour simuler le climat futur, ils ne peuvent pas réellement simuler les conditions atmosphériques d’une année donnée, mais plutôt les tendances sur des périodes plus longues. Les projections climatiques qu’ils fournissent sont donc souvent biaisées par rapport aux observations surtout aux échelles régionales (bassin versant), qui se situent en plus à des résolutions spatiales bien plus fines que celles des mailles des modèles de climat. Un travail de désagrégation et débiaisage (des détails sur ces techniques et les incertitudes qui leur sont associées peuvent être consultées dans la thèse de Mathieu Lafaysse: http://www.lthe.fr/PagePerso/lafaysse/Page_personnelle_de_Matthieu_Lafaysse/Durance.html) est donc nécessaire avant d’utiliser ces projections pour estimer leur impact sur la ressource en eau.


Impact sur la ressource en eau


Les scénarios climatiques disponibles permettent d’alimenter des modèles de représentation des processus du cycle de l’eau et d’en déduire leur impact sur le ressource en eau. Ainsi, il est possible d’indiquer que vers le milieu du XXIe siècle, le débit moyen annuel des cours d’eau et la disponibilité en eau devraient augmenter en raison du changement climatique aux latitudes élevées et dans certaines zones tropicales humides, et diminuer dans des régions sèches aux latitudes moyennes (Bates et al. 2008). Sur le territoire français et malgré les incertitudes pesant sur l’évolution future des précipitations, il est probable que l’augmentation de la température projetée se traduise par une diminution de la ressource en eau de surface disponible (effet de l’évapotranspiration de la végétation), pouvant atteindre jusqu’à 40% à l’horizon 2050 (Figure 6). Ces résultats sont cependant soumis à d’importantes incertitudes dans la mesure où ils sont fortement dépendants des évolutions futures des précipitations, notamment en période hivernale.

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Figure 6 : Impact relatif moyen de plusieurs scénarios climatiques sur les débits moyens annuels des principales rivières françaises entre la période présente (1971-2000) et future (2046–2065) (Source Boé et al., 2009).

L’impact des scénarios climatiques sur la ressource en eau souterraine dépend beaucoup du type d’aquifère considéré. La ressource en eau stockée au sein des nappes alluviales subira probablement un impact similaire à celui qui affecte les eaux de surface, dans la mesure où leur dynamique est généralement largement contrôlée par les échanges avec les cours d’eau. La ressource en eau souterraine stockée dans les aquifères complexes comme les aquifères calcaires du bassin de Paris, les karsts du Languedoc-Roussillon ou de Franche-Comté (caractérisés par des phénomènes de dissolution des roches donnant lieu à la formation de galeries et de grottes) ou encore les aquifères situés dans les secteurs de socle (granites, schistes dans lesquels la ressource est essentiellement stockée dans les fractures de la roche), subiront probablement un impact variable fonction de l’évolution des précipitations hivernales, qui contrôlent la caractère renouvelable de cette ressource (Figure 7). Enfin, l’évaluation de l’impact sur la ressource en eau stockée dans les aquifères sédimentaires poreux, protégés de la surface par des formations imperméables, est difficile à évaluer dans la mesure où leur comportement hétérogène est contrôlée de manière prépondérante par les pompages qui les exploitent et par leur caractère inertiel (l’eau qui recharge ces aquifères peut être retardée par la percolation au passage des couches peu perméables qui protègent l’aquifère). Ainsi, les impacts des scénarios climatiques sur ce type d’aquifère peut-être peu significatif en période estivale, à cause de l’effet prépondérant de l’exploitation de l’aquifère par les pompages (http://agire.brgm.fr/to%20download/Vulcain%20_%20Compte-rendu_final.pdf).

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Figure 7: évolution du niveau piézométrique de deux stations piézométriques présentant des variations sensiblement différentes par rapport à la moyenne de référence temps présent, suivant que l’on se situe dans un aquifère proche de la surface (Oligocène) ou bien profond et inertiel (craie). On notera ici que suivant l’aquifère considéré, les scénarios climatiques n’ont pas le même impact sur le niveau des nappes phréatiques. Résultats issus du projet REXHYSS (http://www.gip-ecofor.org/gicc/?q=node/468).


Références

Bates, B. C., Z. W. Kundzewicz, S. Wu et J. P. Palutikof, éd., (2008): Le changement climatique et l’eau, document technique publié par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Secrétariat du GIEC, Genève, 236 p.
Boé, J. (2007), Changement global et cycle hydrologique : une étude de régionalisation sur la France. Thèse de l’Université de Toulouse (Toulouse III - Paul Sabatier). http://www.cerfacs.fr/globc/publication/thesis/2007/these_boe.pdf.
Boe, J., Terray, L., Martin, E., Habets, F. (2009), Projected changes in components of the hydrological cycle in French river basins during the 21st century. Water Resources Research, (45), W08426, doi:10.1029/2008WR007437.
Gomez, E., Pedron, N., Buscarlet, E., (2010), Utilisation du MOdèle Nord-Aquitain (MONA) pour appuyer la définition de volumes prélevables dans les aquifères profonds du Nord du bassin Aquitain. BRGM/RP-57878-FR., 61 p. 30 fig., 13 ann. (http://www.brgm.fr/publication/pubDetailRapportSP.jsp?id=RSP-BRGM/RP-57878-FR).
IPCC (2007a): Climate Change: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Core Writing Team, Pachauri, R.K and Reisinger, A. (eds.)]. IPCC, Geneva, Switzerland, 104 pp.
IPCC (2007b), Climate Change: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, [Solomon, S., D. Qin, M. Manning, Z. Chen, M. Marquis, K.B. Averyt, M. Tignor and H.L. Miller (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, 996 pp.
Moisselin, J.-M., Schneider, M., Canellas, C., Mestre, O. (2002), Les changements climatiques en France au XXe siècle. Étude des longues séries homogénéisées de données de température et de précipitations. La Météorologie, (38), pp. 45-56.

BRGM, synthèse réalisée par Yvan Caballero 24 juin 2012 à 15:13 (CEST)

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