Ouragan SANDY : un révélateur de réseaux sociaux
Retour sur l’utilisation des réseaux sociaux (RS) pendant les catastrophes
Dans les heures qui suivirent la catastrophe due au tsunami au Japon, les Japonais se tournèrent massivement vers leurs téléphones mobiles et vers les réseaux sociaux au point de saturer les réseaux.
Certains pays les plus exposés (Chine, Bangladesh, Corée, Philippines et Japon) ont mis en place à grande échelle des services d'alerte par SMS, par exemple à l'occasion des séismes d’Haïti et au Chili, des inondations au Pakistan ou encore lors des incendies de forêt en Russie et le tsunami du Japon, ont notamment montré la puissance de Twitter pour communiquer avec ses proches ou pour informer le monde.
Par ailleurs, certaines communautés (http://atelier.rfi.fr/profiles/blogs/emission-1261-les-crisis) réfléchissent à l'impact des nouvelles technologies (réseaux sociaux, flux, wiki, géolocalisation, téléphonie mobile, crowdsourcing...) pour gérer de manière plus efficace les situations de crise et d'urgence.
Les professionnels de l'urgence et des secours, les ONG et les organismes de protection civile semblent expérimenter l'utilisation des nouvelles technologies mobiles lors des catastrophes (PROXIMA mobile : http://www.proximamobile.fr).
Le Sénat américain s'est d'ailleurs intéressé de près à ces nouvelles technologies et a auditionné un certain nombre de hauts responsables de la FEMA, de l'Etat de l'Arkansas et de la Croix-Rouge. Un résumé de toutes ces auditions est disponible sur WIKHYDRO.
- La Croix-Rouge Américaine dispose d'un centre d'opérations (DigiDoc) connecté en permanence sur les RS. Elle indique que les RS constituent la 4ème source d'information en période de catastrophe.
- La FEMA (Federal Emergency Management Agency) a un rôle de coordination des agences gouvernementales dans la préparation, la prévention et la mitigation des effets et le retour à la normale. Elle utilise pleinement les RS parmi d'autres outils : contact terrain, télévision, radio, presse écrite, web, RS et mobiles.
Comme le souligne Jeannette Sutton (http://www.jeannettesutton.com/), sociologue spécialisée dans l'utilisation des RS en gestion de crise, les communications sur les RS pendant Sandy ont démultiplié les capacités de recherche, comparé au 11 septembre où les gens avaient posté des photos de disparus dans les rues de Manhattan.
La première utilisation vraiment notable des RS fut lors des feux en Caroline du Sud en 2007 où les gens utilisèrent Twitter pour rassembler rapidement de l'information palliant ainsi la lenteur des medias traditionnels.
Les témoignages et les premières réflexions disponibles sur Internet après le passage de Sandy montrent que les Américains se sont félicités d'avoir eu recours aux réseaux sociaux de manière intensive. Ces nouvelles technologies font maintenant partie du paysage et ne peuvent plus être ignorées des pouvoirs publics et doivent être utilisées lors de toutes les facettes de la gestion de crise.
Il apparaît deux manières complémentaires d'utiliser les RS :
- soit comme vecteurs d'information : information poussée par les organismes publics, par les ONG via leurs réseaux ou encore information émise par le public sur les réseaux ou sur les sites web des organismes
- soit comme sources de données : information à aller chercher par le public sur les sites gouvernementaux ou inversement par les organismes publics sur les réseaux sociaux.
Les organismes, suivant leurs finalités, utilisent plutôt un mode que l'autre et exploitent plus ou moins les informations recueillies.
Mesures de prévention avant l'arrivée de SANDY
Avant l'arrivée de Sandy et eu égard à l'expérience acquise lors des catastrophes précédentes, plusieurs mesures de prévention avaient été mises en place, assorties de conseils pratiques diffusées sur les RS pour éviter leur saturation pendant l’événement :
« limiter le nombre d'appels vocaux au profit des messages »,
« s'assurer que les portables sont toujours chargés ».
Les autorités craignaient pour les capacités de résistance des infrastructures de téléphonie mobile face à l'ouragan, comme cela s'était produit lors du passage de Katrina (2005), du séisme de Virginie (23 août 2011). Pour l'ouragan Irène (Août 2011). 72 heures avant l'arrivée de Irène, les autorités avaient invité les habitants de la côte Est à prendre des mesures pour prévenir l'impact éventuel de l'ouragan.
Plusieurs applications sur smartphone, qui n'existaient pas à l'époque de Katrina, utilisées pour traquer Sandy ont permis aux américains de suivre en direct la trajectoire de Sandy et de localiser les zones les plus menacées :
- Hurricane tracker a fourni des informations précises sur l’évolution du phénomène
- Hurricane by American Red Cross a fourni tout au long de l’événement, le récapitulatif des actions à entreprendre à domicile pour se préparer à l'arrivée de Sandy, diffusé alertes et cartes et a même proposé un quiz pour tester ses connaissances sur Sandy.
Quelle fut l'activité des réseaux sociaux pendant SANDY ?
Compte tenu de l'ampleur du phénomène annoncé et de la densité de population touchée, plusieurs responsables ont tenu à rester très présents pendant le passage de Sandy. Les autorités ont ainsi tenu informés, minute par minute les Américains de l'évolution de la situation via les réseaux sociaux.
Certains grands élus ont diffusé en continu des conseils en temps réel via Twitter : information, interruption des transports publics, routes fermées, coupures d'électricité, assortis de conseils : préserver la batterie de votre mobile en diminuant la luminosité de l'écran.
Le maire de NY :Michael Bloomberg (@MikeBloomberg), le gouverneur de Pennsyvanie Tom Corbett, celui du Delaware Jack Markell, celui du Connecticut Dan Malloy ou celui du Maryland Martin O'Malley diffusent leurs consignes de sécurité sans discontinuer.
Par exemple « le pont Tappan Zee sera fermé à tous les véhicules à partir de 16h lundi jusqu'à nouvel ordre #Sandy » écrit sur son compte @NYGovCuomo le gouverneur de New-York Andrew Cuomo.
Avec les habitants évacués et des quartiers entiers privés d’électricité, les téléphones portables sont devenus l'outil indispensable dans la diffusion des consignes de sécurité.
La FEMA a également beaucoup communiqué par des conseils pratiques :
[[Image:message_sur_twitter_de_fema_[federal_emergency_management_agency].jpg|center|thumb|300px|message sur twitter de fema [federal emergency management agency]]]Les opérateurs se sont également mobilisés. Google a mis en place une carte interactive de crise qui a agrégé en temps réel les données du National Hurricane Center, de l'US Naval Research Laboratory, de Wearther.com, Weather.gov et Earthquake.usgs.gov. Elle indique également les zones inondables et la position des abris d'urgence, des postes sanitaires et des webcams.
La ville de New-York a tenu à jour une carte interactive des zones évacuées (ici publication au 28 octobre 2012) http://www.nytimes.com/interactive/2012/10/28/nyregion/hurricane-evacuation-zones.html
Les médias traditionnels
Les médias traditionnels, que ce soient les télévisions ou les journaux, ont joué un rôle de premier plan sur tous les volets de la crise.
Ils ont largement pioché dans les réseaux sociaux (Twitter, Instagram) pour récupérer de l'information. La principale difficulté fut d'ailleurs pour eux de trier le bon grain de l'ivraie.
- Le Wall Street Journal a orchestré la création d'un mot-clé pour récolter des photos et mettre en place une page spéciale pour les classer (http://blogs.wsj.com/metropolis/2012/10/29/hurricane-sandy-instagram-share-your-storm-photos-stormwsj/)
- Le Times a même utilisé une photo d'Instagram comme couverture.
- CNN a reconnu Instagram comme une ressource clé pour ses iReports.
- Comme le souligne le Vancouver Sun (http://blogs.vancouversun.com/2012/10/30/hurricane-sandy-prompts-both-social-media-support-and-stupidity/), les RS ont montré pour la première fois leur réactivité et leur caractère innovant aussi bien pour que les gens puissent être aidés, mais également pour qu'ils puissent aider. Il y a eu bien entendu un certain nombre de comportements asociaux, mais certains ont été rapidement dénoncés.
Prédominance de Twitter, Facebook et Instagram
Les principaux réseaux sociaux : Twitter, Facebook et Instagram ont tout de suite pris une place importante dans les communications avant, pendant et après la crise. Pendant la crise, pour permettre à des personnes privées d'un accès Internet ou d'une connexion 3G de se connecter à Twitter ou Facebook par SMS, des numéros de téléphones spéciaux furent mis en place.
Le nouveau problème qui apparaît est celui des laissés pour compte en dehors de la communication (panne d’électricité, portable déchargés, relais détruits...)
Des endroits spécialement aménagés pour recharger les mobiles ont permis de maintenir les connexions entre les proches.
Le téléphone est devenu un lien ténu mais indispensable, voire vital, revêtant une plus grande utilité qu'en période normale.
Le message le plus distribué sur les réseaux sociaux fut « We are OK » (http://mashable.com/2012/10/30/facebook-sandy-status-ok/) envoyé par des gens pour rassurer leurs proches.
[[Image:message_sur_twitter_[american_red_cross].jpg|center|thumb|300px|message sur twitter [american red cross]]]Les 10 mots les plus échangés ont été (We are OK, power, damage, trees, made it, safe, thankful, fine, affected (d'après http://www.digitaltrends.com/photography/hurricane-sandy-by-social-media-numbers/).
Durant la tempête, les gens à la recherche d'informations se sont évidemment tournés vers les médias classiques, mais également vers les RS, qui furent d'un grand secours pour les isolés. Le besoin des gens étaient de rester connectés par tous les moyens. Plusieurs sites donnaient la procédure à suivre pour rester branchés sur les réseaux (http://amherst.patch.com/articles/seven-ways-to-stay-connected-during-hurricane-sandy-7018e180).
Plusieurs entreprises ont pris des mesures pour informer leurs employés de l'évolution de la situation dans leurs bureaux : accessibilité des bureaux, bureaux fermés ou ouverts, travail à la maison, fonctionnement du réseau électrique, accès à Internet...
les mauvais plaisantins :
La tempête a aussi entraîné la diffusion de nombreuses fausses informations sur Internet. La FEMA s'est d'ailleurs dotée d'une section de vérification des rumeurs qui la concernaient. L'agence a débusqué de fausses informations (offre de tickets nourriture de 300$ offerts aux victimes de pannes d’électricité, embauche d'agents pour nettoyer les rues).
Plusieurs dérapages ont eu lieu : certains ont été démasqués : ce fut le cas pour un supporter du candidat républicain à la présidence vivant à NY, qui a diffusé de fausses informations. CNN en a repris certaines à son compte. Le mauvais plaisantin a fini par s'excuser publiquement.
Il y eu également plusieurs trucages de photos sur Instagram, dont les plus célèbres sont relatives à la présence d'un requin dans les rues et l'autre à un phénomène étrange et inquiétant dans le ciel de New-York.
Des entreprises telles que ConEdition ont utilisé les RS pour infirmer l'information disant que des travailleurs étaient bloqués dans leur immeuble après l'explosion d'une unité de génératrice.
Instagram, un réseau révélé par Sandy
Le réseau social Instagram qui fonctionne à partir de l'envoi de photographies, a joué un rôle majeur dans les communications entre les individus ; pendant l’événement près d'1 million de photos ont été échangées. Le réseau Twitter a fait l'objet de quelque 20 millions de messages
Charley Shimanski, l'un des dirigeants de la Croix-Rouge américaine a déclaré à la presse que les médias sociaux étaient très utiles pour leurs opérations de secours à l'issue du passage de Sandy. Les gens pouvaient se faire entendre plus vite qu'avec les moyens classiques.
On estime à 1 million le nombre de photos temps réel qui auraient été publiées sur Instagram durant le passage de Sandy. Cette nouvelle forme de photo-reportage a été vraiment révélé par Sandy. Elle permet à tout un chacun de fournir de l'information pour contribuer d'une manière personnelle à l'information collective, à soutenir sa communauté en danger :
- Elle complète les 140 caractères de Twitter.
- Pendant l'événement : 10 images étaient émises par seconde.
- Facebook et The New York Times ont collaboré pour créer Instacane un portail de photos publiées sur Instagram.
Son rôle pendant Sandy ouvre de nouvelles possibilités d'utilisation pour les particuliers, les entreprises et les nouvelles organisations.
"Je suis scotché à mes deux sources d'infos principales : mon écran de télé et mon compte Instagram, raconte Steven Bertoni de Forbes. Instagram a transformé mon iPhone en un écran où je vois en direct défiler des images d'inondations et de grues vacillantes. C'est un twitter visuel". (http://tempsreel.nouvelobs.com/vu-sur-le-web/20121030.OBS7474/l-ouragan-sandy-un-revelateur-pour-instagram.html)
Jusqu'ici, les utilisateurs plébiscitaient l'application pour ses filtres esthétisants, produisant des photos artistiques et vintage. Mais lors d'une conférence donnée il y a deux semaines, Kevin Systrom précisait ses ambitions pour le réseau : "Nous allons utiliser le réseau pour permettre davantage d'exploration et de communication". Par exemple, pour mettre un pied dans la remontée de témoignages bruts.
En permettant aux utilisateurs de classer leurs photos par mots-clés, Instagram a facilité la diffusion des images par thème ou événement, de visualiser en direct le flot d'images postées sur Instagram concernant Sandy. A l'origine du site, deux ingénieurs, qui ont réactivé une plate-forme mise en place lors de l'ouragan Irene, en 2011, Instagram devient donc un nouveau canal du « journalisme citoyen » ou« crowdsourcing », un outil intéressant pour les médias qui repèrent plus rapidement les signaux faibles (zones en danger...).
Ainsi que l'indique le Huffington Post de Québec qui cite Jeff Sonderman, spécialiste des RS, « les catastrophes naturelles et es événements dramatiques montrent à quel point les RS sont une source légitime pour montrer le monde qui change [ ] Instagramm est aussi immédiat que Twitter mais avec une force de frappe bien plus grande puisque l'on peut partager ses photos sur Twitter, Facebook, par email.... Les photos sont clairement le meilleur moyen de raconter une histoire » (publié par l'Agence France-Presse le 30/10/2015).
Instagram est devenue une filiale de Facebook en septembre, qui l'aurait acquise pour 1 milliard de $.
Réseaux sociaux et gestion de crise
Les RS ont joué un rôle important et actif, aidant les services de sécurité civile à localiser les zones à problèmes et inversement à diffuser des informations capitales pour la sécurité civile. Ils ont ainsi permis de tenir informés les Américains minute par minute de l'évolution de la situation et de manière spatialement précise.
L'utilisation du réseau était telle que les pompiers ont même dû rappeler aux New-Yorkais de ne pas envoyer de tweet pour signaler les urgences, mais d'appeler le 911, tout en les enjoignant, quelque temps plus tard, de limiter les appels sur le 911 aux seuls cas où une vie est en danger.
Un groupe de Hackers s'est même constitué et a développé un projet sous forme d'un appel à contribution (en utilisant l'appli de Google « Document ») pour développer des applicatifs destinés à mobiliser et fournir des informations utiles.
Aider et être aidé
Channel 4 raconte l'histoire de cette femme qui vit à Hoboken sur l'autre rive de Manhatan qui utilisa la page Facebook de sa ville « ma vieille mère diabétique de 73 ans vit au 322 Harrison ST apt#22 – quelqu'un peut-il aller la voir pour être sûr qu'elle va bien ?».
Comme pour d'autres catastrophes, les RS sociaux ont joué un rôle important, pour retrouver les personnes disparues, coordonner les efforts, localiser les points d'eau potable, les abris...
Quid de l'utilisation des réseaux sociaux en France ?
Un colloque organisé par le Haut comité français pour la défense civile (HCFDC), s'est tenu sur le thème « Réseaux sociaux et Crises ». D'après Melis Aras doctorante, membre du CERDACC http://www.pavillon-orange.org/blog/?p=1957]), face à leur utilisation multiple, les réseaux sociaux ne sont pas totalement perçus comme des sources d’information exploitables auprès des instances étatiques. L’État ne les prend pas comme une source d’information fiable, et de ce fait, il ne les traite pas spontanément, sans la vérification, sans une approbation, comme le montre l’exemple de la crise des carburants de 2010 (l’information s’est diffusée en 15 minutes sur les réseaux sociaux, mais il a fallu attendre un jour pour avoir la confirmation officielle). Il a été indiqué que l’État n’aura jamais la même vitesse, la même réactivité que les réseaux sociaux, car il ne peut s’agit de s’exprimer sans validation.
Cependant, l'administration fait des efforts louables en menant une politique proactive:
- La préfecture de police de Paris, qui indique la présence de la préfecture de police depuis mai 2010 sur les réseaux sociaux, ayant l’objectif d’informer, de prévenir et de conseiller d’une part ; de détecter les signaux faibles et de réagir en cas de crise d'autre part.
- Toujours en France, le Ministère de l’Intérieur travaille au déploiement d’un Système d’alerte et d’information des populations (SAIP), qui est entré dans sa phase de déploiement, qui regroupera à terme 4 moyens d'alerte (sirènes du RNA, messages géolocalisés du cell broadcast, panneaux à messages variables et automates d'appel. Ces 4 moyens seront regroupés dans un logiciel de déclenchement mis à disposition des autorités en charge des alertes (maires, préfets de département, préfets de zone et niveau national) et qui sera capable notamment d’envoyer, sans inscription préalable, des messages d’alerte dans une zone géographique délimitée.
- En Isère, la préfecture a lancé un exercice de simulation autour de Grenoble d'un séisme majeur dénommé "Richter 38". Le 14 avril 2011, la préfecture de l’Isère a réalisé un exercice de simulation d’un séisme majeur autour de Grenoble, nommé Richter38. L’originalité de cet exercice réside dans le fait que la préfecture ait largement utilisé les réseaux sociaux dans la gestion de cette crise. En effet, par le biais d’un sous-traitant (la société CEDRALIS, spécialisée dans la gestion de crise et la protection des personnes), le SIDPC a complété son service d’alerte téléphonique à la population par un large déploiement sur Facebook et Twitter, en créant des comptes dédiés à l’événement. Après visite du compte de Richter 38 sur ces deux sites, il a été constaté que la préfecture a choisi de communiquer sur l’exercice en renseignant la population sur le bilan des victimes, les lieux évacués et l’état du réseau routier, en postant des liens vers les communiqués de presse ou en partageant des photos ou des vidéos. Selon CEDRALIS, qui a analysé le nombre de connexions et la circulation de l’information : « ces réseaux sociaux ont permis non seulement de diffuser l’alerte au début de l’événement, en touchant plus de 10.000 personnes en quelques minutes, mais également de gérer la communication de crise de manière interactive avec les personnes connectées. Dès les premiers instants, les internautes ont pu transmettre des informations de terrain (témoignages, photos, vidéos) et constituer ainsi un outil précieux d’aide à la décision ». Cette expérience a prouvé qu’en France, les réseaux sociaux pouvaient être utilisés comme un outil de gestion de crise interactif efficace
- La préfecture de police de Paris, qui indique la présence de la préfecture de police depuis mai 2010 sur les réseaux sociaux, ayant l’objectif d’informer, de prévenir et de conseiller d’une part ; de détecter les signaux faibles et de réagir en cas de crise d'autre part.
Intensification de l'utilisation des RS aux USA
Le prochain lancement du réseau d’alerte localisée individuel (Personal localized Alerting Network - PLAN), les citoyens américains pourront recevoir gratuitement des alertes d’urgence ciblées sur leur téléphone mobile, pour les ouragans, les tornades et autres catastrophes. Les messages seront émis par les fonctionnaires des administrations locales et fédérales. Après validation, ils seront transmis aux opérateurs de services mobiles qui les répercuteront à leur tour dans les zones concernées, au moyen de messages textes apparaissant en surimpression sur l’écran (pop up).
Ce service résulte d’un partenariat public privé entre l’autorité de régulation des télécommunications (FCC), l’Agence fédérale des situations d'urgence (FEMA) et les opérateurs mobiles. La technologie Plan devra être activée par l’ensemble des opérateurs, en avril 2012. (Source : Federal Communications Commission : http://www.fcc.gov/guides/commercial-mobile-alert-system-cmas).
Quelques pistes de réflexion
A l'issue de ces constats sur l'événement particulier Sandy, complété par des éléments sur d'autres catastrophes antérieures (Katrina, Séisme de Virginie, ouragan Irène...) les réseaux sociaux sont apparus comme un moyen moderne et puissant de communication spontanée de masse. Il semble que, malgré quelques dérives, le nombre incroyable d'échanges (que certains qualifient de tempête sur le net) a été positivement perçu non seulement par les individus eux-mêmes qui ont ainsi brisé leur isolement en restant connectés à leur communauté, mais également par les élus et les services de sécurité civile.
Plusieurs comportements d'entre-aide se sont ainsi révélés, ayant permis aux services de sécurité civile de mieux anticiper, de mieux gérer la crise par une information sans cesse actualisée et de mieux procéder à la remise en état des lieux sinistrés.
Il semble que les institutionnels se soient montrés au début de l’événement assez prudents face à cette nouvelle vague, mais auraient adhéré et utilisé ce nouvel instrument, mettant à profit ses capacités, tout en restant vigilants et critiques sur les informations disponibles.
A l'issue de ces quelques éléments collectées essentiellement sur Internet et sur la presse papier, il semble pertinent de réfléchir sur ce qui pourrait de passer en France et ce que serait le comportement de nos responsables, de nos services de protection civile et des individus si une catastrophe de même ampleur survenait sur notre territoire vis-à-vis des RS. On pense par exemple à Xyntha, AZF ou une crue de type 1910 à Paris.
- En premier lieu, il est indéniable que la montée en puissance des réseaux sociaux est un fait et que leur déploiement en situation de crise est inévitable. Par analogie avec ce qui s'est passé à New-York, il est fort probable que les mêmes comportements se reproduiront en France. En effet, selon les derniers chiffres de l'autorité de régulation des télécoms(l'Arcep) (http://www.arcep.fr/index.php?id=10743#c17814), l'Hexagone comptait à la fin décembre 2010 quelque 64,4 millions de cartes SIM, compérés aux 64,6 millions d'habitants, ce qui représente un taux de pénétration du mobile dans la population française de 99,7%. En Ile-de-France, compte tenu notamment de l'existence de nombreuses lignes professionnelles, ce taux est même 147%. Le besoin de connexion est devenu une nécessité et le premier réflexe d'un individu mis en situation de danger est de contacter ses proches, via son portable.
- Il semble également que les services de protection civile français commencent à se mobiliser pour diffuser des informations via ces réseaux. Nombre de ministères et organismes publics disposent de comptes Twitter, Facebook... ce qui correspond donc à une démarche « descendante ». Par contre, ces mêmes services ne semblent pas utiliser pleinement les informations produites par les réseaux dans leurs procédures.
Quelques recommandations pourraient être faites pour exploiter davantage les RS en situation de catastrophes :
- développer, au titre de la prévention, des applicatifs qui fourniraient une information ciblée, comme Hurricane Tracker ou SismoCom, mais dans d'autres domaines des risques. Par exemple, fournir le périmètre d'inondation et les niveaux atteints par les crues historiques d'un site en bordure d'une rivière, recueillir et exploiter des informations directement des gens placés en zone inondable (« push et pull »). Cela contribuerait grandement à la culture du risque ;
- durant la crise, fournir des informations essentielles en utilisant les RS comme vecteurs (« push ») : tweets, photos, mais également récupérer les informations pertinentes (« pull ») sur l'évolution du phénomène et ses conséquences, afin que les services puissent utilement intervenir en ayant connaissance des difficultés locales. Ces renseignements géolocalisés peuvent d'ailleurs être utilisées pour recaler au besoin des modèles de simulation ;
- post-crise, une remise en état rapide des lieux est indispensable. Tous ces facteurs concourent d'ailleurs à assurer une meilleure résilience des territoires, par une prise en charge des populations de leur destin. Leur implication tout au long de la crise ne peut que renforcer la robustesse de leur territoire. Par exemple, on a vu pendant Sandy que des informations concernent des besoins en couverture, en logement, en denrées circulaient sur les réseaux sociaux. Dans la mesure où ces besoins ne sont transmis qu'aux services municipaux, les maires auront beaucoup de peine à faire face à ces demandes. Par contre, si ces besoins sont exprimés sur des réseaux, la solidarité peut jouer (et a joué puisque des comportements d'entre-aide ont été observés). Ceci ne peut qu'alléger les interventions des services de protection civile tout en identifiant les zones les plus touchées. Il est donc important pour eux de suivre l'activité de ces réseaux.
- on peut également se demander si le fait de ne pas tenir compte ou de ne pas prendre au sérieux une suractivité des RS dans une zone particulière qui aura été durement touchée par l'événement ne serait pas de nature à lancer des polémiques ;
- mettre à contribution les individus en période de crise, c'est aller vers davantage de responsabilisation, les engager à davantage de solidarité et leur offrir l'opportunité d'exercer leur devoir de citoyen. Par contre, tout ceci doit se dérouler de manière à ne pas gêner et pénaliser l'action des services de sécurité civile ;
- le développement d'applications sur smartphones est à encourager, car cela permet aux individus de suivre en continu le déroulement de l'événement. Les principales informations nécessaires sont évidemment les conditions météorologies (pluviométrie, température, précipitations), l'état des routes, les points d'approvisionnement en nourriture et en carburant, les abris chauffés... Mais de manière symétrique, les informations soit publiées sur ces sites, soit échangées sur les réseaux permettent de localiser les problèmes rencontrés sur le terrain, ce qui, pour une ville comme New-York et peut-être malheureusement un jour pour Paris, est indispensable ;
- il convient d'anticiper pour se brancher sur les réseaux, préparer des messages spécifiques (maintenir la batterie de son téléphone chargée) et envisager les modes de contrôle et d'exploitation des informations produites sur le terrain ;
- enfin, des développements d'outils de validation d'informations (croisement de données) pourraient être lancés et des recherches entreprises au niveau social pour mieux comprendre les besoins et les comportements des sinistrés pendant toutes les phases d'une catastrophe, afin d'anticiper les évolutions de ces nouveaux moyens de communications.
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