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Perturbation et pollution des milieux estuariens et littoraux

De Wikhydro
Site internet du RFRC : Réseau Français de Recherche Côtière

Les menaces portées sur les milieux estuariens et littoraux sont multiformes : pollution, eutrophisation, surexploitation des ressources naturelles, et destruction des habitats affectent largement ces milieux biologiques hautement productifs.

A l’opposé de l’océan ouvert, l'impact des activités humaines y est concentré. Dans le milieu océanique, la dispersion et la dilution des produits toxiques joue un rôle important. Car les mers ouvertes offre un continuum. Il est donc peu probable d’avoir des impacts spécifiques au niveau régional dans l’océan global et il y a du sens à utiliser l'océan profond pour se débarrasser de certains déchets ultimes. Il n'en est pas de même des mers côtières, fermées ou non, qui se trouvent sous l’influence directe des activités humaines, là où les effets anthropiques se développent. 60% environ de la population mondiale se masse dans cette zone dynamique mais sensible où 66% des villes de plus de 1,6 millions d’habitants se concentrent.

Le prélèvement abusif et la surexploitation d’espèces d’intérêt économique est un problème quasi universel dans les mers bordières. Les pêcheries sont sous la juridiction des états riverains dans le cadre de l'Union Européenne, mais, malgré cela, la surexploitation est générale. Les disparitions de ressources locales ou régionales devraient mobiliser les énergies. En parallèle, l'introduction accidentelle ou non d'espèces étrangères au milieu reste à maîtriser. Cependant, les travaux scientifiques qui tentent de développer des indicateurs écologiques de développement économique des pêcheries sont prometteurs.

L'industrie, l'agriculture et le rejet de déchets provoquent la contamination des milieux estuariens et littoraux par des polluants de toute nature : métaux, substances organiques de synthèse, produits pétroliers, déchets et bactéries pathogènes. C’est l’interaction de deux phénomènes majeurs qui rendent la situation particulièrement grave. D’une part, l'activité développée dans le bassin versant est à l’origine d'un fort flux contaminant. D’autre part, dans les estuaires, la présence d’un gradient de salinité et la capacité du milieu à stocker des sédiments fins (vases) agissent sur le piégeage de particules organiques et minérales et des éléments associés, et modifie souvent le flux et la spéciation d’un certain nombre de contaminants qui sont alors piégés, bloquant ainsi la pollution sur place. Les sédiments des parties aval des rivières et des grands fleuves peuvent présenter des niveaux de contamination chimique importants : hydrocarbures aromatiques polycyliques (HAP), organochlorés (PCB), métaux (cadmium, mercure et plomb). De fortes contaminations en PCB, par exemple existent sur le littoral français (4500 µg/kg poids sec dans la Seine : 10 fois supérieure à la moyenne du littoral). De nombreuses populations sont aussi affectées par les produits phytosanitaires (lindane, herbicides halogénés) utilisés dans l’agriculture. Les mollusques filtreurs (huîtres et moules) concentrent ces produits chimiques dans leurs tissus et deviennent malgré eux de bons indicateurs de contamination. Cependant, l’essentiel de ces micropolluants migre, principalement adsorbé aux particules en suspension. Ils sont donc stockés dans les sédiments qui se comportent comme de véritables bombes à retardement. En effet, si ces sables et vases sont remués (par le draguage par exemple), ils peuvent éventuellement relarguer des polluants emprisonnés depuis de nombreuses années, et jusqu’alors inoffensifs.

Les rendements exceptionnels des grandes plaines ne sont obtenus que grâce à l’utilisation d’engrais en énorme quantité (jusqu’à130 kg d’azote par hectare en France). De plus, malgré la clarté du message de l’agriculture biologique, de nombreux sols sont encore aujourd’hui laissés nus en hiver. Ceci constitue un risque majeur de pollution d’autant plus préoccupant que les ressources en eaux souterraines sont surexploitées pour l’alimentation en eau potable. D’importantes populations en France, sont susceptibles de consommer temporairement une eau dont les teneurs en nitrates sont supérieure à la norme. Cet hyper-enrichissement en sels nutritifs des eaux côtières a abouti à des déséquilibres par anoxie dans les écosystèmes et la réduction des rejets polluants ponctuels d’origine domestique et industrielle a mobilisé depuis les 30 dernières années la plus grande part des moyens des Agence de l’Eau. Malgré les efforts consentis, des phénomènes d'eutrophisation et de contamination bactérienne perdurent et restent à maîtriser en certains sites côtiers. La prolifération de certaines espèces planctoniques, toxiques parfois, et le développement de mattes d'algues filamenteuses sur les estrans ont un impact certain sur les invertébrés et les réseaux alimentaires qui en dépendent.

Dans la zone intertidale (ou zone de balancement des marées, soumise à l’influence des marées), l'effet des processus écologiques semble démultiplié. Cela n'est pas surprenant car les facteurs de l'environnement y sont accentués. L'effet combiné de différents facteurs écologiques et de polluants a une action complexe sur les animaux et les plantes qui s’y développent. Par exemple, la contamination des sédiments par les métaux agit sur le comportement d'enfouissement de bivalves tels que la coque Cerastoderma edule et le comportement filtreur de la moule Mytilus edulis en baie des Veys, en baie de Somme et dans d'autres estuaires du nord-ouest européen. Cependant, durant ces dernières décennies, une nette amélioration s'est produite dans la maîtrise des rejets industriels directs à la côte. Il n'en est pas de même des apports continentaux de nutriments par ruissellement ou par le réseau hydrographique. Ces apports diffus se sont accrus de façon substantielle à la suite de la mise en oeuvre de nouvelles pratiques agricoles et une nouvelle approche de l'occupation des sols. Le remembrement, le déboisement et la construction d'autoroutes, par exemple, ont contribué à accélérer les flux de sels nutritifs vers les littoraux. L'accroissement de la circulation automobile aura contribué à l'accroissement des apports d'oxydes d'azote via la voie atmosphérique. L'impact de cette source de contamination est complexe et reste mal connu et devra être étudié plus en détail dans le futur.


Le créateur de cet article est Jean-Paul Ducrotoy
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