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Propagation de la crue de novembre 1999 dans les Basses-Plaines de l'Aude

De Wikhydro

Sommaire

Animation de la propagation de la crue de novembre 1999 dans les Basses Plaines de l'Aude


WIKHYDRO - Propagation de la crue de novembre... par Wikhydro

L’étude présentée ci-dessous a été réalisée dans le cadre d’une collaboration entre BRL et le CETE Méditerranée pour le compte de l’AIBPA. Elle met en œuvre deux modèles complémentaires : l’un à casiers sur une grande emprise, l’autre bidimensionnel pour réaliser un zoom sur la zone la plus complexe où une grande précision est requise. En comparaison de l’étude précédente MARINE-TELEMAC, nous avons ici un niveau de précision supérieur obtenu grâce à des levés complémentaires réalisés après la crue et à des maillages plus raffinés dont la taille descend autour du mètre. Ceci a permis de représenter très finement la dynamique d’inondation des Basses Plaines de l’Aude.

Problématique

Suite aux graves inondations qui ont marqué le département de l’Aude au mois de novembre 1999, l'Association Interdépartementale des Basses-Plaines de l'Aude (AIBPA) a lancé une étude hydraulique d’aménagement et de protection des lieux habités. Cette étude se décompose en 3 phases :

  1. Actualisation des données de base (topographie, géométrie des ouvrages, Plus Hautes Eaux (PHE) observées, analyse des crues historiques depuis 1845)
  2. Modélisation hydraulique de l’état actuel (extension du modèle à casiers existant et réalisation d’un modèle local 2D)
  3. Définition et incidence du programme d’aménagement.

Nous ne présenterons ici que les résultats de modélisation produits sur la simulation du passage de la crue de novembre 1999 dans la configuration topographique existant avant la crue.

Bassin versant

Situé au centre de la région Languedoc-Roussillon, le secteur des Basses Plaines de l’Aude couvre une superficie d’environ 20 000 ha, réparti sur les deux rives de l’Aude (Figure 1). La plaine alluviale du cours inférieur de l’Aude est une entité géologique récente, résultat du processus de formation d’un delta intérieur par dépôt successif des limons apportés par le fleuve côtier. Dans cette aire de deltas, subsistent de nombreux étangs.

Bassin hydrographique de l'Aude avec localisation des stations limnimétriques

Régime des crues

La superficie de son bassin (5 200 km²) et le caractère méditerranéen d’une partie de celui-ci génèrent dans le bassin de l’Aude des crues très importantes tant en débit de pointe (3000 à 4000 m3/s) qu’en volume (300 à 400 millions de m3 en quelques jours pour les grandes crues de 1891, 1930, 1940 ou 1999). Si les crues s’écoulent à peu près normalement jusqu’à Moussoulens, la faible pente des terrains des Basses Plaines en limite fortement la capacité d’écoulement en lit mineur à environ 550 m3/s sur les 15 derniers kilomètres de son cours en aval de Coursan, se produisent alors des débordements de grande ampleur à l’origine de nombreux dégâts.

Données disponibles

Données topographiques et bathymétriques

Les données recueillies nécessaires à la mise en œuvre du modèle ont été les suivantes :

  1. La topographie du lit majeur a été obtenue à partir de restitutions photogrammétriques sur des prises de vues réalisées après la crue, complétées par des relevés de géomètres, provenant de campagnes ponctuelles ;
  2. La bathymétrie des lits mineurs a été extraite de cahiers de profils en travers mesurés lors d’études hydrauliques passées complétées par des relevés récents réalisés à l’occasion de l’étude ;
  3. Les berges de l’Aude ont été levées par des géomètres;
  4. Les divers ouvrages ont fait l’objet de collectes de profils en travers et en long, tels que le canal de jonction, le déversoir de Sallèles, le pont SNCF, ainsi que divers ouvrages routiers.

Toutes ces données ont été utilisées par les maillages des deux modèles, la figure 2 illustre la visibilité de la topographie et de la bathymétrie par le maillage des modèles 2D.

Données hydrologiques

La seule donnée hydrologique disponible provient d’un liminigramme enregistré à Moussoulens à l’intérieur du domaine d’étude et de laisses de crues relevées en divers endroits du domaine étudié.

Conditions limites

Le modèle à casiers utilise les conditions aux limites suivantes :

  1. A l’amont, à partir des débits mesurés au droit de stations situées dans l’Aude et dans la Cesse
  2. A l’aval, la fluctuation du niveau marin

Le modèle 2D, imbriqué dans le modèle 1D prend en compte sur les frontières communes des 2 modèles, les niveaux d’eau à chaque pas de calcul. Ces conditions sont bien entendu interpolées le cas échéant dans le temps et dans l’espace suivant les maillages respectifs des deux modèles ainsi que les contraintes de pas de temps de chacun d’eux.

Description des outils de modélisation

Deux outils différents et complémentaires ont été mis en œuvre sur cette étude : BRL qui a mis en œuvre un modèle 1D à casiers (ISIS) sur le secteur compris entre Sallèles et le grau de Vendre soit dans la direction Est-Ouest d’une part et vers le sud entre Sallèles et le sud de Narbonne d’autre part. Ce modèle fonctionne sur la base de la définition d’un maillage en casiers et d’un lit mineur. Le CETE Méditerranée qui s’est tout particulièrement intéressé au secteur amont entre Sallèles et Cuxac. Il a mis en œuvre un modèle hydrodynamique bidimensionnel (REFLUX), imbriqué à l’intérieur du modèle à casiers de BRL, dont il reçoit les conditions limites.

Figure 2-1.png Figure 2-2.png Figure 2-3.png

La figure 2 illustre l’imbrication des deux maillages.

  • Gauche : Maillage du modèle à casiers ISIS avec superposition de l'emprise du modèle REFLUX (frontière rouge)
  • Centre : Maillage du modèle REFLUX 2D
  • Droite : Visibilité de la bathymétrie par le modèle 2D REFLUX


Résultats fournis par le modèle

Les événements étudiés ont été la crue de décembre 1996 qui a servi de calage des paramètres hydrauliques du modèle REFLUX et la crue de novembre 1999 qui a servi de référence aux études d’aménagement.

Figure 3.1.png Figure 3.2.png ]]

Figure 3 : (gauche) distribution du niveau d’eau dans les casiers ; (droite) distribution de l’intensité des vitesses avec le modèle 2D

La figure 3 de gauche montre le type de résultat produit par le modèle à casiers. Ce modèle a permis de simuler sur une grande emprise la dynamique globale de la crue et les niveaux atteints sur l’ensemble du domaine. Chaque casier se comporte de manière schématique comme une baignoire et les relations entre casiers sont gérées par des lois d’ouvrages, assimilables à des robinets pour les apports d’eau et à des bandes d’évacuations pour les sorties. Par contre, dans chaque casier, le niveau d’eau est uniforme et considéré comme moyen. A l’opposé, le modèle bidimensionnel fournit une très bonne approximation de tout paramètre sur l’ensemble du domaine, puisqu’il résulte d’un calcul en chaque point du maillage (6 points pour chaque triangle illustré sur la figure 2). Il est par contre beaucoup plus lourd en temps calcul et nécessite des données en grande quantité et de très bonne qualité, ce qui est moins nécessaire pour le modèle 1D casiers. Le principe de calcul est le suivant :

  • à chaque pas de calcul, correspond une résolution du modèle à casiers
  • les résultats (niveaux, vitesses) sont extraits en certains points du modèle à casiers le long de la frontière commune 1D – 2D
  • les résultats sont interpolés sur les points du maillage du modèle 2D correspondant à la frontière du modèle 2D formant ainsi les conditions aux limites du modèle 2D
  • le modèle 2D est lancé sur ce pas de temps à partir des conditions limites connues

Cette procédure montre bien qu’il n’y a pas de retour du modèle 2D sur le modèle 1D. La figure 4 illustre les résultats obtenus par le modèle 2D.

Figure 4.1.png Figure 4.2.png
Figure 4.3.png Figure 4.4.png

Figure 4 : Propagation de la crue dans les Basses Plaines de l’Aude dans le secteur de Sallèle-Cuxac d’Aude en montée de crue (t=29,5h), deux heures avant le maximum (30h), au maximum (32,5h) puis en palier de descente (48,5h) , la simulation ayant débuté à 22,5h

Ces graphiques montrent que la montée de la crue est très rapide provoquant la submersion de seuils et l’apparition de certaines brèches le long du lit mineur. Les 4000 m3/s sont atteints en 8 heures alors que la descente est plus progressive, marquant même un palier après 16 heures de descente. La décrue dure une trentaine d’heures. L’effet de rétention des ouvrages de Sallèles apparaît nettement ici clairement au niveau du déversoir du canal de jonction et du pont SNCF, mais également au niveau du canal de Gailhousty dans la partie supérieure. Apparaît également l’important effet de submersion par l’aval, bien représenté par le modèle 1D casiers et intégré aux limites aval du modèle 2D.

Conclusion

L’utilisation conjointe d’un modèle 1D casiers avec un modèle 2D est tout à fait adaptée à une étude du type propagation d’une crue en plaine inondable. L’outil 1D peut ainsi aller « chercher » les conditions limites en amont sur l’Aude et sur la Cesse et en aval au droit des deux limites en mer. Ce modèle donne ainsi une première approximation des variables sur l’ensemble du domaine. L’outil 2D beaucoup plus précis, joue alors le rôle d’un « interpolateur dynamique et hydraulique » de ce qui se passe à l’intérieur du domaine où une grande précision est requise, notamment à cause de la présence d’ouvrages. Il rend bien compte de la propagation des eaux d’une part et donne en chaque point du maillage une information sur le niveau d’eau ainsi que sur les vitesses.

Bibliographie

"Hydraulique Environnementale - de la goutte de pluie jusqu'à la mer", ouvrage collectif sous la direction de Jean-Michel Tanguy, publié en 2010 chezHermès Lavoisier Volume 7 : Application des modèles numériques en ingénierie 1, pp119-126


Le créateur de cet article est Jean-Michel Tanguy
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