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Services du futur : biodiversité et santé

De Wikhydro

Cette page fait partie de l'ouvrage : La biodiversité à travers des exemples Services compris (CSPNB). 3ème Tome - 2012.

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454 plantes médicinales sont inscrites dans la pharmacopée française. Le marché mondial des plantes médicinales est évalué à plus de 60 milliards de dollars par an et concerne des milliers d’espèces. Plus de 35 000 plantes sont utilisées dans des industries comme la pharmacie, la phytothérapie, l’herboristerie, l’hygiène…


Sommaire

Un nid pas si douillet

La pharmacopée des mésanges

L’être humain n’est pas le seul à s’aider des principes actifs contenus dans les végétaux. Beaucoup d’espèces animales utilisent la végétation comme remède à divers maux. Dans le cas de la mésange,la plante a des fonctions thérapeutiques indirectes.


Certaines espèces d’oiseaux, comme la mésange bleue, incorporent des fragments de plantes aromatiques – achillée ou lavande - dans leurs nids. Cela est surtout vérifié quand ces derniers sont infestés par des parasites qui se nourrissent du sang des poussins.

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C’est le cas de certaines populations corses de mésange dont les nids peuvent contenir plus de 150 larves hématophages d’une mouche (du genre Protocalliphora) qui se développent en ponctionnant le sang des sept à huit poussins du nid. La quantité de sang prélevé peut alors atteindre la moitié du volume sanguin total de la nichée. On s’est longtemps interrogé sur la signification de ce comportement de la femelle de mésange, surtout que chaque

« bouquet » d’herbes est particulier à chaque femelle qui le complète soigneusement dès qu’on s’avise de l’enlever. On a fini par découvrir le fin mot de l’histoire. Loin d’être répulsives vis-vis des larves de la mouche, comme on l’a longtemps cru, ces plantes améliorent indirectement la croissance et la condition physiologique des oisillons par un mécanisme inattendu : ces fragments de plantes freinent considérablement le développement de colonies de bactéries pathogènes.


Un modèle de rat-taupe

Du monopole de la souris aux modèles "exotique"

En matière de recherche biomédicale, chaque espèce animale est susceptible d’être une source d’innovation.


En accord avec la célèbre affirmation du Prix Nobel français, Jacques Monod, que ce qui est vrai pour la bactérie Escherichia coli doit également l’être pour l’éléphant, l’effort de la recherche biomédicale s’est concentré sur le « modèle » de la souris de laboratoire. Cependant, la communauté biomédicale réalise aujourd’hui qu’elle limite ainsi sa capacité d’acquisition de connaissances.

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Des travaux récents, comme par exemple chez le rat-taupe, Heterocephalus glaber, montrent en effet l’intérêt de l’étude de modèles plus « exotiques ». Le rat-taupe, appelé également rat glabre, n’a rien à voir avec le rat. Proche du cobaye et du porcépic, c’est un rongeur à la peau nue et aveugle qui vit sous terre dans de vastes tunnels, en Afrique orientale. C’est semble t-il le rongeur qui vit le plus longtemps, à savoir plus de 28 ans en captivité. Or jamais une seule tumeur cancéreuse n’a été trouvée dans une population de plus de huit cents individus. La prolifération de cellules de rat-taupe en culture s’interrompt dès que deux cellules entrent en contact. A l’opposé, le rat, qui ne vit que trois ou quatre ans, présente de fréquentes tumeurs.

Comme les cellules humaines ou de souris en culture, ses cellules ne cessent de proliférer que lorsque toutes se trouvent en contact très étroit. Un processus d’inhibition, qui n’existe ni chez la souris ni chez le rat, a donc été découvert chez le rat-taupe. Les extraordinaires mécanismes anti-cancer du rat-taupe pourraient nous aider à mettre au point de nouvelles stratégies de lutte contre le cancer.


Avec et contre les bactéries

Des antibiotiques aux défensines

La production d’une nouvelle molécule ou d’un nouveau médicament est le résultat d’un choix économique prenant en compte divers coûts de fabrication. Mais lorsque les sociétés humaines évoluent, ces choix peuvent changer. Les services issus de la biodiversité peuvent alors être reconnus et exploités durablement.


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La découverte que des champignons produisent des molécules éliminant les bactéries pathogènes a constitué une étape majeure dans les progrès de la médecine. Elle a d’ailleurs largement contribué à un rallongement de l’espérance de vie humaine. L’apparition de souches bactériennes pathogènes résistantes aux antibiotiques, illustrée par le développement des maladies nosocomiales, amène à rechercher de nouvelles molécules antibactériennes. Mais on sait bien que de très nombreuses bactéries vivent en symbiose dans notre organisme, notamment pour assurer notre fonction digestive. Sa réduction est l’un des effets indésirables d’une forte antibiothérapie.

Elles interviennent dans leur défense immunitaire innée. Ce sont des peptides, c'est-à-dire de très petites protéines. Le prix Nobel de Médecine 2011 a d’ailleurs récompensé le chercheur strasbourgeois Jules Hoffmann pour ses travaux sur les défensines d’insectes. L’action des défensines est très rapide mais les mécanismes en sont incomplètement élucidés. On sait cependant qu’ils diffèrent de ceux mis en ouvre par les antibiotiques et qu’ils rendent plus difficile l’acquisition d’une résistance par les bactéries.

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Les animaux produisent aussi des molécules antimicrobiennes: les défensines

Un autre intérêt biomédical des défensines est qu’au lieu de tuer les bactéries elles peuvent en contrôler la multiplication, sans forcément les détruire. Ainsi, des bactéries vivent en symbiose dans certains organes du charançon, un insecte qui se nourrit principalement de l’amidon contenu dans des grains de céréales.
Ces bactéries lui sont essentielles car c’est elles qui lui permettent justement d’assimiler l’amidon. Classiquement, en réponse à une attaque de bactéries ou d’organismes étrangers, des peptides antimicrobiens sont produits et libérés dans tout le corps de l’insecte et les éliminent. Cette réponse ne fait aucune différence entre des bactéries pathogènes ou symbiotiques. Cependant, chez le charançon, dans les tissus où sont localisées ces bactéries utiles, on trouve un peptide, la coléoptéricine, dont le rôle ne consiste pas à les tuer mais à les maintenir tout en inhibant leur division. Sans la coléoptéricine, les bactéries se multiplient et colonisent l’ensemble du corps de l’insecte.

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Les défensines des animaux ont aussi d’autres particularités. Ainsi, la sphéniscine, le peptide impliqué dans la conservation d’aliments dans l’estomac de manchots, reste très efficace en milieu salin. Or on dispose d’un arsenal antibiotique limité dans le cas des infections oculaires. La sphéniscine empêche également la multiplication d’Aspergillus fumigatus, le champignon pathogène responsable de l’aspergillose, maladie courante chez les humains.
Jusqu’à maintenant, le coût de fabrication des défensines a été jugé excessif pour en faire des médicaments, mais toutes leurs qualités pourraient un jour l’emporter sur cet inconvénient…


La biomanipulation

Lutter biologiquement contre l'eutrophisation des eaux douces

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Dans certains cas d’eutrophisation de lacs et de rivières, il est possible de freiner la multiplication des organismes toxiques (cyanobactéries, protistes), voire d’éliminer ces organismes, en modifiant la structure des communautés en place.


L’enrichissement des lacs et des rivières, essentiellement en phosphore, est à l’origine du phénomène d’eutrophisation des eaux douces. Ce phénomène s’accompagne d’une intensification de l’activité biologique du milieu et d’un changement radical de la composition et de la structure des chaînes trophiques aquatiques. Les populations de cyanobactéries toxiques augmentent de manière explosive, entraînant la mort de nombreux organismes aquatiques et, à la limite, l’arrêt de toute activité humaine en lien avec l’eau et les rives.

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Diverses expériences de « biomanipulation » ont permis d’enrayer ce processus. Notamment en Suède, les gestionnaires du lac Finjasjön ont modifié la structure de la communauté des organismes de ce lac en introduisant des poissons piscivores.

Ces derniers ont favorisé la diminution des poissons se nourrissant du zooplancton. En conséquence, le zooplancton s’est multiplié en consommant les cyanobactéries toxiques du phytoplancton. La condition du succès de telles expériences grandeur nature tient toutefois en une connaissance précise du fonctionnement du milieu en cause, toute introduction ou restructuration des populations pouvant avoir des conséquences difficilement prévisibles sur la dynamique des écosystèmes.


Miser sur la biodiversité

Utilisation des services écosystémiques dans l'estuaire de l'Escaut

Au lieu de vouloir bâtir, détruire pour reconstruire ou transformer des milieux naturels, il peut être plus simple de compter sur les forces en présence, la vie animale et végétale locale, pour gérer ces milieux.


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Depuis un siècle, l’estuaire de l’Escaut, situé au nord de la Belgique et au sud des Pays-Bas, a subi de nombreuses opérations de dragage, de rectification du cours du fleuve avec consolidation des berges, etc. Suite à l’élévation du niveau de la mer du Nord, ces activités ont provoqué une série d’impacts défavorables : réduction des zones intertidales, érosion accrue des marais salés, affaissement des polders, détérioration de la qualité des eaux, perte de biodiversité, augmentation de la charge en azote et fréquence accrue des inondations.

Plutôt que de recourir à des travaux très coûteux de génie civil, il a été décidé, sur la base d’essais pilotes et d’études du bilan économique, de renforcer et d’optimiser les services écosystémiques par la création d’habitats (vasières, marais, etc.), afin d’atteindre les objectifs concrets retenus, à savoir :

  • la préservation des populations de certaines espèces,
  • la régénération par les marais du silicium nécessaire aux diatomées,
  • la limitation de la charge en nutriments déversés en mer du Nord,
  • une capacité de stockage de l’eau du fleuve suffisante pour empêcher les inondations des zones habitées.
  • une résilience suffisante à l’impact des activités humaines (navigation, récréation, agriculture,…).

La réalisation du projet s’étend sur une période de 15 ans. Elle implique la création de 1 300 hectares supplémentaires de marais, 500 hectares de vasières, 1 800 hectares pour le contrôle des inondations et 4 000 hectares de zones humides non soumises à la marée.


Une variété de plante en "or"

Du vert sur les mines

Les plantes, que l’on nomme hyperaccumulatrices de métaux, concentrent dans leurs tissus des quantités considérables d’éléments métalliques. Certaines de ces espèces poussent sur des crassiers, déblais miniers ou résidus d’exploitation des mines, principalement de zinc.


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Certaines plantes ont l’originalité de se développer sur des sols riches en métaux lourds, qu’ils soient naturels ou artificiels, comme les déblais miniers. La première indication d’une telle propriété a été faite par le botaniste florentin Andréa Cesalpino, qui mentionna

en 1583 dans son ouvrage « De Plantis Libri » la présence d’une espèce particulière sur les sols riches en métaux de la haute vallée du Tibre en Toscane. Cette espèce ne sera ensuite décrite qu’en 1814 sous le nom d’Alyssum bertolonii, l’Alysson de Bertoloni, dont le caractère hyperaccumulateur de nickel sera attesté en 1948. Ces plantes, que l’on nomme hyperaccumulatrices de métaux, concentrent en effet dans leurs tissus des quantités considérables d’éléments métalliques. Suite à la découverte de l’Alysson de Bertoloni, de nombreuses recherches ont suivi. Comme sur le Tabouret bleuâtre - Thlaspi caerulescens -, petite plante montagnarde qui peut accumuler entre 1 à 3 % de nickel et de zinc et 0,3 % de cadmium dans ses parties aériennes. Les fougères Pteris vittata et Pteris cretica ont, elles, été reconnues comme accumulatrices de l’arsenic.

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En Nouvelle-Calédonie, de nombreuses espèces endémiques se développent spécifiquement sur des sols magmatiques très pauvres en silice et y concentrent les métaux du sol. Ainsi l’arbuste

Psychotria douarrei concentre 3 % de nickel. Le record est atteint par Sebertia acuminata, dont la sève brute contient plus de 20 % de nickel et présente une couleur bleutée caractéristique. A Cuba, où les affleurements de roches ultramafiques sont également importants, 54 espèces ont été identifiées et présentent, sur ces substrats, des concentrations en nickel supérieures à 1%. Enfin, en République Démocratique du Congo, plus d’une vingtaine d’espèces hyperaccumulatrices de cuivre ont été recensées, relevant principalement des familles des Laminacées et des Scrophulariacées. Certaines de ces espèces se retrouvent désormais sur des crassiers, déblais miniers ou résidus d’exploitation des mines, principalement de zinc. C’est le cas dans le nord de la France et en Belgique.


Des plantes pour contrer les pollutions

La phytoremédiation

Les plantes, qualifiées d’hyperaccumulatrices de métaux ou métallophytes, sont utilisées pour la décontamination des sols pollués par les métaux. Cette technique est appelée phytoremédiation.


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A l’heure actuelle, plus de 400 espèces de plantes tolérantes et accumulatrices de métaux lourds sont recensées, mais il en existe probablement davantage et elles pourraient se révéler utiles à l’avenir. Les principaux métaux accumulés sont le nickel, le zinc, le cadmium, le cuivre, le plomb, le cobalt, l’arsenic, l’aluminium, le selenium et le thallium.

Dans un premier temps, ces espèces ont été utilisées pour révéler des teneurs élevées du sol en certains métaux lourds. Plus récemment, ces plantes, qualifiées d’hyperaccumulatrices de métaux ou métallophytes, ont été utilisées pour la décontamination des sols pollués par les métaux. Cette technique est appelée phytoremédiation. Des résultats concluants ont été obtenus avec Cardaminopsis halleri pour le zinc et le cadmium, avec Thlaspi caerulescens pour le cadmium, avec Pteris vittata pour l’arsenic, ainsi qu’avec Alyssum murale pour le nickel. En Chine, le chercheur Wu et ses collègues ont montré que du maïs cultivé en compagnie de la plante hyperaccumulatrice, Sedum alfredii, réduit les teneurs en cadmium du sol. Cadmium apporté par des eaux polluées des mines situées non loin de là. Toutefois, sur des sols fortement contaminés en zinc, la dépollution par la seule culture de plantes accumulatrices comme l’arabette de Haller, Arabidopsis halleri, apparaît illusoire, du fait des concentrations très élevées en métaux lourds dans le sol. Dans certains cas, les productions métalliques peuvent être valorisées après récolte et incinération pour récupérer les métaux accumulés dans les cendres. On parle alors de « phytomining ». Des expérimentations en Toscane, sur des sols ultramafiques naturellement riches en nickel, ont ainsi permis d’obtenir par la culture d’Alyssum bertolonii des rendements allant jusqu’à 72 kg de Ni/ha.



Source
  • Mennerat A., Mirleau P., Blondel J., Perret P., Lambrechts M.M. & Heeb P. 2009. Aromatic plants in nests of the blue tit Cyanistes caeruleus protect chicks from bacteria. Oecologia, 161 : 849-855.
  • Sedivy J.M. 2009. How to learn new and interesting things from model systems based on « exotic » biological species. PNAS, 106: 19207-19208.
  • Thouzeau C, Le Maho Y, Froget G, Sabatier L, Le Bohec C, Hoffmann JA & Bulet P., 2003. Spheniscins, avian beta-defensins in preserved stomach contents of the king penguin, Aptenodytes patagonicus. J Biol Chem. 278(51) : 51053-8.
  • Login FH, Balmand S. Vallier A & Vincent-Monégat C., Vigneron A, Weiss-Gayet M., Rochat D. & Heddi A., 2011. Antimicrobial peptides keep insect endosymbionts under control. Science, 334 : 362-365.
  • Smith V.H., Joye S.B. Howard R.W. 2006. Eutrophication of freshwater and marine ecosystems. Limnology and Oceanography 51: 351–355.
  • Pour en savoir plus : http://www.rappel.qc.ca/IMG/pdf/OEDD - solutions - miracles.pdf.
  • Patrick Meire et al. 2006. Ecosystem services : a key element in protecting biodiversity of wetlands, rivers and estuaries in The Millenium Ecosystem Assessment : Implications for Belgium: (the Royal Academies of Sciences and the Arts of Belgium). Pages 41-56.
  • Pour en savoir plus : Laboratoire sols & Environnement, UMR 1120 INPL/INRA : http://www.lse.inpl-nancy.fr/



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