Site de Dunkerque
Différents modules du système hydro-informatique Télémac (v5p4) ont été mis en œuvre pour calculer le transport littoral sur une plage macro-tidale, située à l’Est de Dunkerque. La méthode de modélisation consiste à enchaîner différents calculs avec échange de fichiers résultats entre les codes. Les résultats ont permis de montrer l’importance d’une modélisation intégrée des forçages dus à la houle et à la marée. Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet LITEAU intitulé ‘Système de gestion d’un littoral dunaire vis-à-vis des risques d’érosion et d’inondation.
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Présentation générale du site
Le littoral Est-Dunkerquois, situé en bordure de la Mer du Nord, s’étend sur plus de 30 km depuis le complexe portuaire de Dunkerque jusqu’à la frontière franco-belge. La côte sableuse, plane et rectiligne, est bordée par des dunes côtières. Ces dunes limitent de larges plages sableuses. Le cordon dunaire, composé actuellement de trois massifs (dune du Perroquet à l’est, la dune Marchand au centre et la dune de Leffrinckouke plus à l’ouest) est en récession sur une dizaine de km. Les plages sableuses présentent un estran bien développé qui s’étend en pente douce sur plus de 500m de large. Le système dunaire et la zone d’estran ont fait l’objet d’analyses détaillées et de nombreuses mesures (profils bathymétriques, transport éolien,…) afin de mieux comprendre les échanges à l’interface terre-mer. Le système dunaire, soumis à l’action éolienne, est attaqué lors des tempêtes. L’évolution de l’estran est gouvernée par un système complexe de barres et de bâches. Plus au large, cette zone est caractérisée par la présence des bancs côtiers de grande échelle, qui s’étendent sur plusieurs km parallèlement à la côte et affleurent à marée basse pendant les marées de vive-eau. Ces structures morphodynamiquement stables, font partie du système des bancs de Flandre, ont une importance considérable sur les conditions hydrodynamiques et sur la dynamique sédimentaire. Le littoral Est-Dunkerquois constitue un environnement macrotidal soumis à une dynamique mixte: il est soumis d’une part à l’action de la marée, avec des marnages importants (de l’ordre de 5m) et des courants forts, pouvant atteindre 1m/s. Il est aussi soumis à l’action de la houle, en particulier lors des tempêtes hivernales.
Forçages hydrodynamiques
Le marnage, au niveau de Dunkerque, varie entre 3m40 en morte-eau et 5m20 pour une marée de vive-eau moyennes. Les courants de marée sont alternatifs : le courant de flot, dominant, porte vers l’ENE, le courant de jusant étant dirigé vers l’WSW. On note une dissymétrie marquée entre les épisodes de flot et de jusant, en particulier en vive-eau, où la durée du flot peut être de 2h plus courte que celle du jusant. Les courants de flot atteignent en marée de vive-eau environ 1m/s au large de Dunkerque. Les courants de jusant sont généralement plus faibles, compris entre 0.7 et 0.85 m/s. L’intensité des courants diminue d’ouest en est. La dérive eulérienne est dirigée vers l’ENE.
Des mesure de houle ont été réalisées en différents points au large du port de Dunkerque et de la Centrale EDF de Gravelines : on a répertorié au total 10 points de mesure situés par des profondeurs comprises entre 10 et 32 m. Ces mesures sont cependant affectées par la présence des bancs de sables qui influent fortement les valeurs locales. On trouve une hauteur de houle annuelle de 4,1 m pour une houle décennale de 4,8m et une houle centennale de 5,4m. La période maximale est comprise entre 6 et 9s. Ces valeurs extrêmes, correspondant à une houle centennale, ont été observées lors de la tempête de Décembre 1999. Nous avons ici utilisé l’atlas numérique de houle de Benoit et Lafon (2004) pour extraire les valeurs au large du domaine d’étude. Nous retiendrons comme valeurs caractéristiques des évènements extrêmes : Hs=5m50, Tp=8.5s , direction de provenance : NNE. Une telle houle, combinée à une marée de VE extrême, représente schématiquement les conditions rencontrées lors de la tempête du 21-25 Décembre 1999, pour des coefficients de marée compris entre 90 et 110.
Données sédimentologiques
Les sables fins (D50 compris entre 120 et 300 mm) constituent l’essentiel de la couverture sédimentaire. Ils forment une bande côtière qui s’étend du port de Dunkerque jusqu’à la frontière franco-belge, depuis la côte jusqu’au chenal d’accès au port. Le diamètre moyen est de l’ordre de 250 mm. La distribution spatiale du diamètre moyen se corrèle bien avec les variations de profondeur. On observe aussi une granulométrie décroissante du large vers la côte, et d’ouest en est. Les sédiments les plus grossiers et les plus hétérogènes se situent souvent dans les zones les plus profondes, au-delà de -10m (CM), dans les passes inter-bancs.
Plusieurs expérimentations ont été réalisées pour estimer le transit littoral. Un suivi par des traceurs radio-actifs a été réalisé au large (profondeur comprise entre 17 m et 5m), sur 6 mois. Le débit solide net dans la direction WSW-ENE est faible, de l’ordre 0,03 m²/jour dans les zones inter-bancs et de 0,2 m²/jour sur les bancs.
La portion de côte à l’est de Dunkerque est globalement en équilibre, avec une alternance de périodes d’engraissement en période de beau temps et d’érosion lors des tempêtes. Certains secteurs sont cependant en récession localement (notamment au niveau de Malo-les-Bains et de Bray-Dunes). Le système dunaire est en dégradation du côté de Zuydcoote. Plus au large, la dynamique des bancs sableux est gouvernée par l’action combinée de la houle et des courants. L’action des courants de marée est dominante en période de beau temps et assure la stabilité des bancs sableux. Les chenaux inter-bancs alimentent les bancs : le transport s’effectue sur le flanc marin au cours du flot, et sur le flanc côtier au cours du jusant. Cette action dissymétrique tend à reconstruire le flanc externe. Les transports sédimentaires nets sont dirigés vers l’Est sous l’effet des courants de flot. Les bancs tendent à migrer dans cette direction, à une vitesse comprise entre 1 et 5 m par an. L’action de la houle est dominante en période de tempête. La houle déferle sur la partie amont des bancs, les sables sont mis en suspension sur la partie amont, puis transportés dans la direction de propagation de la houle. Les bancs se déplacent alors dans le sens de propagation de la houle dominante, donc vers la côte.
Modélisation numérique
La méthode utilisée consiste à enchaîner plusieurs calculs, en échangeant les fichiers de résultats entre les différents codes. Un premier calcul de marée est réalisé à l’aide de Telemac-2d. Le calcul de la houle est réalisé ensuite en utilisant le code Tomawac en régime non-permanent, afin de tenir compte des variations de la hauteur d’eau au cours de la marée et de la réfraction des vagues par les courants. Le calcul courantologique (Telemac-2d) est ensuite réitéré en tenant compte des contraintes de radiation calculées par le modèle de houle. En pratique, cette méthode générale pourra être simplifiée, en régime dominé par la houle ou par la marée. Dans cette application à une plage macro-tidale, les courants de houle sont faibles devant les courants de marée, et la troisième étape n’est donc pas nécessaire.
Domaine de modélisation
Le modèle hydrodynamique s’étend du Cap Blanc Nez à l’Ouest, jusqu’à Nieuwpoort (Belgique) à l’Est, ce qui représente environ 77 km de littoral. Au large, le modèle va jusqu’au rail médian de navigation en Manche, à environ 48 km des côtes.
Le maillage comporte 10786 noeuds. La taille des mailles est de l’ordre de 200 m près de la côte (cf. zoom de la figure 4.b) et atteint 2 km au large. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la côte, la résolution spatiale est moins fine : la taille des mailles atteint environ 1 km à une dizaine de kilomètres des côtes. Au large, la profondeur moyenne est de -30 m IGN69.
Modélisation du transport solide (Sisyphe)
Une houle linéaire et symétrique ne produit pas de transport net, mais favorise la mise en suspension des sédiments. La houle est responsable aussi de la formation de rides qui modifient le frottement et les mécanismes de transport.
Nous avons utilisé dans les applications la formule quasi-stationnaire de Bijker (1992) qui est la plus simple et donne cependant des résultats similaires à ceux de modèles plus sophistiqués et en accord global avec les observations. Dans cette formule, le taux de transport, décomposé en transport par charriage et en suspension, est calculé en fonction du frottement total sous l’action combinée de la houle et du courant. Cette formule fait intervenir un coefficient empirique (noté b), qui varie de b=2 à l’extérieur de la zone de déferlement, à b=5 l’intérieur
Un premier calcul est réalisé sans tenir compte de l’effet de la houle sur le transport solide. Le coefficient de frottement est constant et correspond à un coefficient de Strickler de 45 m1/3s-1. Dans une deuxième simulation, on tient compte de l’effet de la houle sur le coefficient defrottement et sur le taux de transport. Dans ces deux calculs, on suppose que la direction du taux de transport est égale à celle ducourant moyen.
Synthèse des résultats
Le littoral Est-Dunkerquois, situé en bordure de la Mer du Nord, s’étend sur plus de 30 km depuis le complexe portuaire de Dunkerque jusqu’à la frontière franco-belge. Les plages sableuses rectilignes présentent un estran bien développé qui s’étend en pente douce sur plus de 500 m de large. Plus au large, cette zone est caractérisée par la présence des bancs côtiers de grande échelle, qui s’étendent sur plusieurs kilomètres parallèlement à la côte. Le littoral Est-Dunkerquois constitue un environnement macrotidal soumis à une dynamique mixte : il est soumis d’une part à l’action de la marée, avec des marnages importants et des courants forts. Il est aussi soumis à l’action de la houle, en particulier lors des tempêtes hivernales. Le système hydro-informatique Télémac a été appliqué au site macro-tidal de Dunkerque Est. La méthode de modélisation consiste à enchaîner différents calculs avec échange de résultats entre les différents calculs. Les conditions de forçage visent à reproduire de manière schématique les conditions extrêmes rencontrées lors de la tempête de décembre 1999. Le code Télémac-2D a tout d’abord été mis en oeuvre pour calculer la marée dans des conditions de marée de vive-eau exceptionnelle, puis le code Tomawac a été appliqué pour calculer la houle en tenant compte de la variation du plan d’eau et des courants de marée, et finalement Sisyphe a été utilisé pour calculer le taux de transport sous l’action combinée d’une houle de tempête et d’une marée de vive-eau. La modélisation a permis de montrer l’importance de la modulation de la houle par la marée sur la dynamique sédimentaire: c’est en effet à marée haute que les hauteurs de houle sont les plus importantes. A marée basse, une part importante de l’énergie des vagues est dissipée par frottement et déferlement successifs sur les bancs côtiers. L’effet de la houle sur le transport solide littoral est donc prépondérant : le taux de transport est augmenté fortement pendant les courants de flots, tandis que, au cours du jusant, le taux de transport est très faible.
La dissymétrie entre les courants de flot et de jusant génère aussi un transport net dans la direction NE, mais beaucoup plus faible (un facteur 30 au niveau du banc du Braek) que lorsqu’on tient compte de l’effet combiné de la houle et du courant. Les résultats obtenus montrent donc l’importance d’une modélisation intégrée des forçages dus à la houle et au courant, pour la dynamique sédimentaire.
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