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Surveillance des eaux de surface en IRoise et RAde de Brest par Navires d'Opportunités : SIRANO

De Wikhydro

Georges Chapalain 1 et Eric Duvieilbourg 2

  1. Laboratoire de Génie Côtier et Environnement (LGCE), Centre d'Etudes Techniques Maritimes Et Fluviales (CETMEF)
  2. Laboratoire des sciences de l'Environnement MARin (LEMAR), Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM)

Mots-clés : Observation automatique, Navire d’opportunités, Hydrologie, Zone côtière, Apports fluviatiles, Marée, Rade de Brest, Mer d’Iroise

Sommaire

Contexte et objectifs

Affectée par la métropole brestoise et des apports d'eau douce chargés en sédiments et nutriments d’origine agricole, la rade de Brest communique par un étroit goulet de 1,8 km de large avec l'espace naturel ouvert de la mer d'Iroise dont la préservation a motivé la création du Parc naturel marin d'Iroise en 2007. En situation de marée moyenne, les variations de niveau de la mer, qui avoisinent 4,5 m, s’accompagnent deux fois par jour d’un flux alternatif à travers le goulet de quelques 700 millions de m3 à comparer aux 2 milliards de m3 d’eau approximativement contenus dans la rade. Cette circulation intense a des répercussions sur les caractéristiques physico-chimiques, biologiques et sédimentologiques de l’écosystème couplé de la rade de Brest et de la mer d’Iroise.

Dès les années 70, plusieurs études multidisciplinaires alliant modélisation numérique et mesure in situ ont été entreprises dans le cadre du Schéma d'Utilisation de la Mer : rade de Brest (SAUM, 1980; Monbet et Bassoullet, 1989) et du Contrat de Baie de la rade de Brest et de son bassin versant (Le Goff et Troadec (coordinateurs) et al., 1997). A la fin des années 90, l’observation pérenne s’est développée avec la mise en place de la bouée automatique MAREL-Iroise et de la station manuelle hebdomadaire SOMLIT-Brest, toutes deux situées dans l’Anse de Sainte-Anne du Portzic dans le goulet (http://www-iuem.univ-brest.fr/observatoire/). Depuis 2006, sous la houlette de l’Ifremer, le programme PREVIMER consacre un modèle prévisionnel à la mer d'Iroise (http://www.previmer.org/).

En 2009, le CETMEF et l'IUEM ont entrepris en partenariat le projet de Surveillance des eaux de surface en mer d'Iroise et RAde de Brest par des Navires d’Opportunités (S!RANO). Son objectif est de mesurer de manière automatique la température, la salinité, le pH, la teneur en chlorophylle a et la turbidité des eaux de surface le long des trajets réguliers de plusieurs navires de passagers entre Brest et les îles de Molène et Ouessant (BMO monitoring), Audierne et l'île de Sein (AS Monitoring), Brest et l'île Longue (BIL monitoring) ou Brest et Lanvéoc-Poulmic (BLP monitoring) à l'intérieur de la rade de Brest. Le projet S!RANO s'insère dans la thématique technique "OBservation COtière Spatialisée et Spécialisée" (OBCOS2) du LGCE.

Spatialisées, à haute cadence et à long terme, les mesures S!RANO sont destinées à mieux comprendre les phénomènes contrôlant (i) le transport et la dispersion des apports fluviatiles et les échanges avec le milieu maritime de la mer d'Iroise et (ii) la genèse et la dynamique des efflorescences phytoplanctoniques. Du point de vue appliqué, S!RANO améliorera la gestion intégrée de la zone côtière (directement par la surveillance qu’il réalise et indirectement par la validation de modèles prévisionnels à laquelle il pourra contribuer), ainsi que l’organisation d’expérimentations à la mer.

Nous présentons ici le dispositif S!RANO dans sa première composante d’exploitation, à savoir BMO monitoring, sur la desserte quotidienne depuis Brest, des îles de Molène et d'Ouessant par le navire « Enez Eussa III » de la Compagnie maritime Penn ar Bed (Figure 1).

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Figure 1 : Illustration du trajet du navire « Enez Eussa III » entre Brest et Ouessant, bathymétrie et localisation des points d'extraction A, B et C.



Présentation du dispositif S!RANO

Le dispositif S!RANO comprend un double module de mesure et de communication embarqué sur le navire (Figure 2) et un module terrestre de réception, gestion, archivage et diffusion (par réseau internet via un portail web dynamique accessible sur http://www.memphys-lgce.fr.ht/) des données. Le module de mesure embarqué se compose d’un circuit hydraulique avec (i) une prise d'eau jouxtant celle du circuit de refroidissement des moteurs du navire située 1,4 m sous la ligne de flottaison, (ii) une pompe centrifuge, (iii) une enceinte de « débullage » et de mesure dans laquelle est implantée une sonde multiparamétrique YSI 6920V2-2-M, et (iv) une évacuation au-dessus de la ligne de flottaison. La cadence d'acquisition de la sonde est programmable. Sur le navire « Enez Eussa III » qui file jusqu'à 16 noeuds entre Brest, Molène et Ouessant, elle est réglée à 1 Hz, de sorte que deux mesures consécutives soient distantes de moins de 100 m. Le module de mesure incorpore un GPS pour la géolocalisation des points de mesure. L'ensemble est géré par deux systèmes électroniques de commande et de contrôle qui assurent par ailleurs la communication (rapatriement des données et reprogrammation à distance du dispositif). Trois modes de communication sont disponibles : Wi-Fi + internet différé à quai, GSM-GPRS et VHF en temps réel en mer. Pour des raisons de coût et de configuration portuaire à Ouessant, la communication par Wi-Fi + internet au retour à quai à Brest, chaque soir, est pratiquée.


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Figure 2. Dispositif S!RANO dans la salle des machines du navire « Enez Eussa III ».


S!RANO s'apparente à des dispositifs à l'oeuvre dans divers sites à travers le monde : Waden Sea (Pays-Bas), Southampton-île de Wight (UK), Neuse river (Caroline du Nord, USA), Oslo-Kiel (Allemagne), Oslo-Hirtshals (Norvège). Il se rapproche aussi du dispositif FerryBox qui, avec des routes à travers le Golfe de Gascogne, la Manche et la Mer du Nord, s’intéresse à des processus hauturiers de plus grandes échelles spatiales.

S!RANO a été conçu compact et évolutif de manière à être installé sur des navires de taille modeste et suivre les besoins et les progrès en matière de métrologie. Un multi-échantillonneur d'eau complétera prochainement S!RANO pour des analyses complémentaires en laboratoire, notamment à des fins d’étalonnage in situ des capteurs de la sonde multiparamétrique et de détermination planctonique.

Côté maintenance, un rinçage à l'eau douce du circuit hydraulique est opéré à l'issue de chaque trajet. Par ailleurs, la sonde multiparamétrique est remplacée tous les mois par une sonde ré-étalonnée.



Exemples de mesures S!RANO

Les Figures 3 et 4 montrent la température et la salinité de surface le long du trajet du navire les 01/03/2011 (situation hivernale) et 01/07/2011 (situation estivale).


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Figure 3. Température de surface le long du trajet du navire les 01/03/2011 et 01/07/2011.


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Figure 4. Salinité de surface le long du trajet du navire les 01/03/2011 et 01/07/2011.


A titre d’exemple, une représentation géolocalisée sous l’API Google Earth de la température de surface le 01/07/2011, telle que disponible quotidiennement sur le site (http://www.memphys-lgce.fr.ht/), est présentée à la Figure 5.


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Figure 5. Température de surface le long du trajet du navire le 01/07/2011.


En régime hivernal de crue des rivières, les eaux de la rade sont significativement dessalées (-2 à -3,5 psu) et légèrement plus froides (-0,5°C) que les eaux de la mer d'Iroise. En situation estivale d'étiage, on enregistre une élévation de la salinité de 1 à 3,5 psu dans l'avant-goulet et la rade et de 0,4 psu en mer d'Iroise qui conduit à l'évanescence du gradient général de salinité, avec un écart de salinité inférieur à 0,5 psu entre Brest et Ouessant. De manière concomitante, les eaux subissent un réchauffement également plus marqué en rade qu'en mer d'Iroise. Faiblement décroissante (-0,5°C sur 18 milles) entre Brest et Le Conquet, la température chute de 1,5°C sur 4,5 milles en direction du Nord-Est pour fluctuer de plus 0,5°C autour de 13°C aux abords de Molène, au gré des alternances de hauts-fonds et de chenaux, comme du reste localement dans l’avant-goulet. L'évolution temporelle au cours de 2011 de la température à proximité de la surface extraite en trois points fixes le long du trajet : A entre les îles de Ouessant et Molène, B entre Molène et Le Conquet et C face à la pointe Saint-Mathieu (Figure 1) est présentée à la Figure 6. Ces observations montrent le basculement de la situation hivernale à la situation estivale, qui se révèle plus ample au point C proximal de la rade qu'aux points A et B situés en mer d'Iroise.


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Figure 6. Séries temporelles de la température de surface mesurées (points noirs) et prédites (lignes continues bleues) aux points A, B et C de janvier à novembre 2011. En bleu, les prédictions du modèle numérique tri-dimensionnel de circulation côtière COHERENS (Luyten et al., 1999) (courtoisie N. Guillou).


Remerciements

Nous remercions le Conseil Général du Finistère et Brest Métropole Océane pour leur soutien financier, ainsi que la Compagnie maritime Penn ar Bed pour l’accueil à bord de l’Enez Eussa III.



Références bibliographiques

LUYTEN, P.J., JONES, J.E., PROCTOR, R., TABOR, A., TETT, P., WILD-ADEN, K. (1999). COHERENS : A Coupled Hydrodynamical-Ecological Model for RegioNal and Shelf seas - Part III Model Description. Management Unit of the North Sea Mathematical Models, Belgium, 200 pp.
MONBET, Y. et BASSOULLET, P. (1989). Bilan des connaissances océanographiques en rade de Brest. Commissariat à l'Energie Atomique, Rapport IFREMER/DERO/EL-89.23, 106 p.
SAUM (1980). Schéma d'Aptitude et d'Utilisation de la Mer : rade de Brest. CNEXO/DDE, 197 p. + pièces complémentaires.
TROADEC, P. et LE GOFF, R. (coordinateurs) et al. (1997). Etat des lieux et des milieux de la rade de Brest et de son bassin versant. Phase préliminaire du Contrat de Baie de la rade de Brest. Edition Communauté Urbaine de Brest, 355 p., 88 cartes.



 

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