S'abonner à un flux RSS
 

Wikibardig:Phénomènes agissant sur les barrages poids

De Wikhydro

Sommaire


Phénomènes agissant sur les barrages poids

La dégradation des barrages et de leurs ouvrages annexes est un souci pour les projeteurs, les constructeurs et les exploitants. Cette préoccupation concerne toute la vie des ouvrages, depuis leur construction jusqu’à leur abandon ou leur démolition. La description des ces phénomènes est donc primordiale pour comprendre et analyser les modes de ruptures et de dégradations liés aux barrages poids.

Le tableau suivant synthétise les phénomènes qui ont lieu sur les différents composants du barrage.


Composants PHENOMENES AGISSANT SUR LES BARRAGES POIDS
Vieillissement Gonflement interne Dissolution et érosion
Parement amont :
Étanchéité corps du barrage
X
Crête X X
Corps du barrage X X
Système de drainage Corps du barrage X
Tirants X
Fondation X
Rideaux d'injection :
Étanchéité des fondations
X X
Système de drainage des fondations X

Vieillissement

- Rideaux d’injection et réseaux de drainage :

Le vieillissement des rideaux d’injection et des réseaux de drainage d’un barrage poids constitue un cas particulier du mécanisme de dissolution et d’érosion.

Le vieillissement des rideaux d’injection résulte le plus souvent d’un défaut de conception, en particulier d’une mauvaise adéquation entre les matériaux injectés et l’agressivité des eaux. Cela conduit alors à la dissolution du coulis d’injection par réaction chimique. Pour limiter ce processus, on améliore la résistance des coulis de ciment par des additifs minéraux appropriés au contexte tels que la bentonite, les cendres volantes, les pouzzolanes, etc. Il est parfois nécessaire de recourir à des résines acryliques ou de silicates.

La dégradation des rideaux d’injection peut être également due à une réalisation inadaptée : pression d’injection, volume injecté, densité des injections, profondeur… Cela conduit alors à des percolations à travers la zone de la fondation traitée ou au contournement du rideau d’injection en profondeur ou en rive.

Quant au vieillissement des réseaux de drainage, il résulte d’un dispositif inadapté ou mal exécuté (densité de forages, profondeur et diamètre des drains, exutoire, etc.) ou du colmatage des drains par dépôt des produits de la dissolution ou de l’érosion des fondations.

Le mécanisme de vieillissement des rideaux d’injection et des réseaux de drainage peut être détecté par une augmentation de la piézométrie dans la fondation, liée aux percolations dans la partie en aval du rideau d’injection ou du réseau de drainage. En outre, le vieillissement du voile d’injection va se traduire par une augmentation des débits de drainage et, a contrario, le vieillissement des réseaux de drainage par leur diminution.

- Parement amont :

Les principaux agents extérieurs susceptibles de conduire au vieillissement des revêtements amonts sont les suivants :

Le gel-dégel : il intéresse la zone supérieure de la retenue où le marnage se produit.

Les gradients thermiques : les fortes et rapides variations de température ambiante provoquent des contraintes élevées sur le revêtement amont. Ces sollicitations thermiques peuvent entraîner la déformation du revêtement amont en membranes souples ou la fissuration d'un masque amont en béton. Ces phénomènes se produisent sur la partie non immergée du barrage, qui n'est pas protégée par l’eau de la retenue.

Les eaux pures : ce processus chimique correspond à l’attaque des revêtements amonts, en béton ou en maçonnerie, par les eaux agressives. Les dégradations des revêtements par les eaux pures se produisent sur toute la hauteur du parement, y compris la partie immergée.

La photo ci-dessous donne un exemple de dégradation du parement amont en maçonnerie jointoyée. Le mortier assurant le jointoiement des pierres en granit est progressivement attaqué par les eaux faiblement minéralisées, le cycle moyen de réfection des joints étant de 30 ans. La photographie est prise retenue vide, avant la campagne de réfection des joints.


Dégrad parement amont maçonnerie jointoyée.PNG
Dégradation du parement amont en maçonnerie jointoyée (L.PEYRAS, 2003 INRAE- G2DR)


Les sous-pressions, apparaissant à l’arrière des revêtements amont lors de la baisse du niveau de la retenue, sont susceptibles de décoller par cloquage les enduits (ciment, mortier…).

Divers agents environnementaux : les UV, l’action mécanique des flottants ou encore les glaces peuvent dégrader les revêtements souples en géomembrane.

- Les tirants :

La principale cause de vieillissement des tirants est la corrosion. Les tirants sont souvent dans un milieu saturé, et le remplissage des gaines peut être défaillant, surtout dans le cas d’ouvrages anciens. Les ancrages extérieurs sont particulièrement vulnérables.

Le fluage du béton et de l’acier des tirants peut conduire à une perte progressive de précontrainte, qui s’accompagne de déformations anormales, puis de fissurations, pour aboutir à la ruine de l’ouvrage si on n’intervient pas à temps (CIGB n°93, 1994).

Dissolution et érosion

Le mécanisme de dissolution et érosion met en jeu des réactions chimiques entre les composants du corps du barrage ou de la fondation et les eaux d’infiltration.

Ces attaques chimiques se traduisent par la dissolution des matériaux (béton ou maçonnerie pour le corps du barrage et masse rocheuse, rideaux d’injection, coulis pour les fondations). Ensuite, la circulation d’eau conduit au transport des particules dissoutes puis peut provoquer l’érosion des matériaux et leur entraînement vers l’aval.

La réaction de dissolution est principalement influencée par les caractéristiques chimiques des eaux d'infiltration provenant de la retenue. A ce titre, des eaux pures ou très faiblement minéralisées, telles qu’on les rencontre dans les retenues en zone de montagne, sont particulièrement agressives. Egalement, les caractéristiques du corps du barrage et de la fondation (type de béton, type de roche, qualité des coulis d’injection, etc.) déterminent sa capacité à résister aux réactions chimiques produites par les eaux d’infiltration.

- Pour le corps du barrage :

Ce mécanisme se manifeste par des granulats apparents sur le parement amont, des dépôts et des efflorescences blanchâtres de carbonate de calcium dans les galeries, sur le parement aval et le long des joints.

Efflorescences blanchatre parement amont.PNG
Efflorescences blanchâtre sur parement amont. (photo-INRAE- G2DR)

A long terme, l’effet principal de ce mécanisme est une perte de matériaux par dissolution puis érosion, pouvant conduire, si la perte de poids est importante, à une diminution sensible des critères de stabilité. La dissolution des matériaux induit une augmentation de la perméabilité du barrage, conduisant à une augmentation des débits de drainage (alimentant le mécanisme de dissolution) et des sous-pressions (contribuant à diminuer à nouveau les critères de stabilité).

- Pour les fondations :

La dissolution et l’érosion des matériaux entraînent une diminution de l’étanchéité de la fondation (c’est-à-dire une augmentation de la perméabilité), et par conséquent, une augmentation des infiltrations et des pressions interstitielles. Par ailleurs, l’altération et la perte des matériaux par dissolution et érosion diminuent la résistance mécanique des fondations, pouvant conduire à leur déformation, puis à celle du barrage.

Gonflement interne

Les réactions de gonflement interne comprennent essentiellement l’alcali-réaction et la réaction sulfatique interne.

-L’alcali-réaction

L'alcali-réaction est une réaction chimique entre les alcalins contenus dans la phase liquide interstitielle du béton et les granulats du béton. Elle correspond à une attaque des granulats par le milieu basique du béton et provoque la formation de gel de réaction, dont l'expansion peut engendrer un gonflement. Le gonflement met en compression les granulats et en traction le ciment qui finit par se fissurer.

La réaction d’alcali-granulats est due à l'influence simultanée de plusieurs paramètres que nous pouvons regrouper en trois ensembles :

- les propriétés des matériaux : granulats, ciments.

Cette réaction nécessite la présence de produits réactifs dans les granulats (minéraux ou roches réactifs).

- les effets extérieurs : humidité, température et contraintes de compression.

Une humidité relative importante (80% ou plus) est très favorable à l'alcali-réaction. A un moindre niveau, la vitesse de la réaction chimique augmente avec la température.

- le temps :

Les fissures apparaissent à des pas de temps variables. L'expansion du béton peut être progressive ou se produire tardivement mais alors brutalement.

Les effets du gonflement sur un plot d'un barrage poids sont les suivants :

- des déformations :

Un barrage étant confiné selon l'axe de sa crête, il se produit toujours un déplacement en crête vers le haut. Par ailleurs, on observe le plus souvent un déplacement axial, vers l’amont ou l’aval selon la configuration du site et de l’ouvrage.

- la fissuration :

Un premier type de fissures liées au gonflement se produit dans la masse du béton et apparaît en surface sous forme de faïençage à mailles plus ou moins larges ou en étoiles. Ces fissures favorisent la pénétration d'eau et l'action des sous-pressions. Ces infiltrations, combinées au confinement, continuent à alimenter le gonflement et peuvent alors entraîner un deuxième type de fissures plus profondes : les fissures structurales.

- des exsudats blanchâtres formés de calcite et parfois de gels translucides.

-Les ettringites différées (GODART & DIVET, 2000) :

La réaction sulfatique interne, sans faire appel à une source extérieure de sulfate, provoque un gonflement du matériau qui engendre une fissuration de la structure. Le moteur de cette réaction est la formation d’ettringite, un minéral dont la création au sein du béton s’accompagne d’un gonflement significatif.

L’ettringite est un trisulfoaluminate de calcium hydraté dont la formation nécessite la consommation d’une grande quantité d’eau.

Normalement, l’ettringite est un minéral qui se forme au moment de la prise du béton (on parle alors d’ettringite primaire), et celle-ci ne crée pas de pathologie car sa formation se fait à un moment où le béton a encore une certaine viscosité. Par contre, lorsque l’ettringite se forme ultérieurement (on parle alors d’ettringite différée), son expansion se produit au sein d’un matériau organisé et mécaniquement rigide, et les forces d’expansion sont telles que le béton se fissure en traction.

Dans l’état actuel des connaissances sur cette réaction sulfatique, deux causes peuvent être avancées :

- soit l’ettringite primaire n’a pas pu se former au moment de la prise (essentiellement parce qu’une température élevée a été atteinte lors de la prise), et des sulfates se trouvent à l’état « libre » ; ceux-ci sont alors susceptibles d’être remobilisés pour former de l’ettringite secondaire ;

- soit l’ettringite primaire a pu se former, mais les conditions de température élevée ont provoqué sa dissolution partielle, ce qui conduit également à un apport en sulfates « libres » dans la solution interstitielle du béton.

Références

CIGB (Commission Internationale des Grands Barrages), 1994. - Bulletin 93 - Vieillissement des barrages et des ouvrages annexes.

Godart & Divet (2000). Ouvrages d’art n°34 mai 2000 « une nouvelle réaction de gonflement interne des bétons : la réaction sulfatique ».

Ministère de l’agriculture, Direction de l’aménagement (1977). Techniques des barrages en aménagement rural. 325p., réédition 1989.

Peyras, L. - 2003. Diagnostic et analyse de risques liés au vieillissement des barrages, développement de méthodes d'aide à l'expertise. Doctorat spécialité Génie civil, école doctorale des sciences pour l'ingénieur, laboratoire d'études et de recherches en mécanique des structures (LERMES), Université Blaise Pascal, Clermont II. 254 p.


Pour plus d'information sur l'auteur : INRAE - UMR RECOVER - Equipe G2DR


Le créateur de cet article est INRAE - UMR RECOVER - Equipe G2DR
Note : d'autres personnes peuvent avoir contribué au contenu de cet article, [Consultez l'historique].

  • Pour d'autres articles de cet auteur, voir ici.
  • Pour un aperçu des contributions de cet auteur, voir ici.
Outils personnels