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Critère de qualité de l'eau (HU) : Différence entre versions

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Pour bien comprendre la difficulté du problème il est utile de regarder comment la qualité de l'eau a été évaluée en fonction de l'époque.
 
Pour bien comprendre la difficulté du problème il est utile de regarder comment la qualité de l'eau a été évaluée en fonction de l'époque.
  
==la perception de la qualité de l'eau : une notion qui évolue dans le temps==
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==La perception de la qualité de l'eau : une notion qui évolue dans le temps==
  
 
Il est probable que la qualité de l'eau a, très tôt dans l'antiquité, été évaluée en fonction de sa potabilité (du moins pour les eaux douces) (et probablement aussi de sa richesse piscicole). A la fin du Ier siècle, sous le règne de Nerva, le curateur des eaux [[Frontinus Sextus Julius (35 - 104) (HU)|Frontin]] classe par exemple les onze aqueducs alimentant Rome en eau afin que "''chacun d'eux, selon ses qualités propres se voit attribuer l'emploi qui lui convient.''" [Maneglier, 1991]. Au Moyen-âge, les besoins de l'artisanat du cuir et des tissus amènent à des définitions différenciées selon les activités. Cette différenciation des besoins provoque une hiérarchisation de la répartition des métiers le long du réseau hydrographique (voir [[Aménagement des cours d'eau et des plans d'eau urbains (HU)|Aménagement des cours d'eau et des plans d'eau urbains]]) [Guillerme, 1984]. Si, entre le bas Moyen Age et le XVIIIème siècle, l'Europe urbaine oublie l'eau courante, les qualités de l'eau fournie par les fontaines, les puits et les sources sont cependant mis en relation avec leur aptitude (ou leur inaptitude) à répondre à des usages domestiques : la fontaine de Maubuée est ainsi nommée parce que l'eau qu'elle fournit fait de mauvaises lessives ; la fontaine des Saints innocents est réputée pour la difficulté à faire cuire les aliments dans son eau ; etc.
 
Il est probable que la qualité de l'eau a, très tôt dans l'antiquité, été évaluée en fonction de sa potabilité (du moins pour les eaux douces) (et probablement aussi de sa richesse piscicole). A la fin du Ier siècle, sous le règne de Nerva, le curateur des eaux [[Frontinus Sextus Julius (35 - 104) (HU)|Frontin]] classe par exemple les onze aqueducs alimentant Rome en eau afin que "''chacun d'eux, selon ses qualités propres se voit attribuer l'emploi qui lui convient.''" [Maneglier, 1991]. Au Moyen-âge, les besoins de l'artisanat du cuir et des tissus amènent à des définitions différenciées selon les activités. Cette différenciation des besoins provoque une hiérarchisation de la répartition des métiers le long du réseau hydrographique (voir [[Aménagement des cours d'eau et des plans d'eau urbains (HU)|Aménagement des cours d'eau et des plans d'eau urbains]]) [Guillerme, 1984]. Si, entre le bas Moyen Age et le XVIIIème siècle, l'Europe urbaine oublie l'eau courante, les qualités de l'eau fournie par les fontaines, les puits et les sources sont cependant mis en relation avec leur aptitude (ou leur inaptitude) à répondre à des usages domestiques : la fontaine de Maubuée est ainsi nommée parce que l'eau qu'elle fournit fait de mauvaises lessives ; la fontaine des Saints innocents est réputée pour la difficulté à faire cuire les aliments dans son eau ; etc.
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L'évaluation de la qualité reste malgré tout empirique et qualitative. "''Au XVIIIème siècle, lorsqu'un chimiste avait terminé son analyse, il aboutissait généralement à une conclusion descriptive qui était un agglomérat d'adjectifs. Une eau mauvaise pouvait être dite : amère, nitreuse, salée, sulfureuse, bitumineuse, nauséabonde.''" [Maneglier, 1991]. A partir du XIXème siècle, les qualités sanitaires de l'eau sont mises en avant, et l'importance de ce critère va se renforcer au XXème siècle, particulièrement pour les eaux distribuées dans les réseaux d'eau potable.  
 
L'évaluation de la qualité reste malgré tout empirique et qualitative. "''Au XVIIIème siècle, lorsqu'un chimiste avait terminé son analyse, il aboutissait généralement à une conclusion descriptive qui était un agglomérat d'adjectifs. Une eau mauvaise pouvait être dite : amère, nitreuse, salée, sulfureuse, bitumineuse, nauséabonde.''" [Maneglier, 1991]. A partir du XIXème siècle, les qualités sanitaires de l'eau sont mises en avant, et l'importance de ce critère va se renforcer au XXème siècle, particulièrement pour les eaux distribuées dans les réseaux d'eau potable.  
  
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==L'importance de la réglementation dans la seconde moitié du XXème siècle==
  
La seule solution consiste donc à définir les critères en fonction de l'usage que l'on souhaite faire de l'eau.
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A partir du début des années 1960, la dégradation généralisée de la qualité des milieux aquatiques et surtout l'apparition de la notion de pollution des eaux comme élément du débat politique et social, font apparaître la nécessité d'un instrument de mesure pertinent et si possible objectif. [[Lois sur l'eau (HU)|La loi sur l'eau du 16 décembre 1964]] ([https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006068236/ Loi n°64/1245, 1964]), dans son article 3, paragraphe 5, précise que des décrets ultérieurs devront préciser : "'d'une part les spécifications techniques et les critères chimiques, biologiques et bactériologiques auxquels les cours d'eau, canaux, lacs ou étangs devront répondre, (...), et d'autre part, le délai dans lequel la qualité de chaque milieu récepteur devra être améliorée pour satisfaire ou concilier les intérêts définis à l'article 1er''". La mise en application de ce principe est le fait de la [https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000850629 circulaire interministérielle de juillet 1971] qui précise les conditions dans lesquelles doivent être menées les études préalables à la promulgation des décrets d'amélioration de la qualité. En réalité, ces décrets ne seront jamais promulgués, la circulaire de 1978 abrogeant celle de 1971, en abandonnant en particulier l'idée que les objectifs de qualité soient opposables aux tiers. Malgré tout, lors de l'élaboration de la circulaire de 1971, la nécessité de disposer d'un système cohérent amène à la constitution d'un groupe de travail, animé par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse. En six mois, ce groupe de travail publie une première grille de qualité destinée à la mise en place de l'inventaire national de la pollution (INP). Elle permet d'apprécier la qualité de l'eau selon cinq classes (1A, 1B, 2, 3 et non classée), en se référant à des limites de concentrations de paramètres physico-chimiques "représentatifs" des différentes pollutions rencontrées dans les milieux naturels et à quelques paramètres hydrobiologiques. La définition de la grille de qualité générale s'accompagne de la mise en place d'un réseau de stations permettant le suivi de l'évolution de la qualité des milieux.
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A partir de 1975, plusieurs directives européennes, se présentant sous la forme de grilles spécifiques, définissent ce que doit être la qualité de l'eau pour différents usages :
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* [https://aida.ineris.fr/consultation_document/1119 directive du 16 juin 1975] relative à l'usage alimentation en eau potable, traduite en droit français par les décrets du 3/01/1989, 10/04/1990 et 7/03/1991 ;
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* [https://aida.ineris.fr/consultation_document/30887 directive du 8 décembre 1975] relative à l'usage baignade, traduite en droit français par la circulaire du 26/12/1978 ;
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* [https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000521034 directive du 18 juillet 1978] relative à la fonction piscicole traduite par les circulaires des 26/12/1978 et 9/11/1984 ;
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* [https://aida.ineris.fr/consultation_document/1105 directive du 30 octobre 1979] relative à la conchyliculture.
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'''Ces grilles mettent en évidence le fait que la qualité de l'eau ne peut pas être définie dans l'absolu, mais uniquement en fonction de l'usage que l'on attend d'elle.'''
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Le [https://aida.ineris.fr/consultation_document/3205 décret du 19 décembre 1991] confirmera l'application de ces quatre directives dans le droit français.
  
 
==Critère de qualité de l'eau destinée à la consommation humaine==
 
==Critère de qualité de l'eau destinée à la consommation humaine==

Version du 10 janvier 2022 à 16:17

Traduction anglaise : Water quality criteria

Dernière mise à jour : 10/01/2022

Un critère est un élément mesurable pouvant servir de base à un jugement, à une évaluation ou à une décision ; les critères de qualité de l'eau doivent donc être des facteurs bien établis, des principes ou des règles sur lesquels il est possible de fonder un jugement ou une évaluation sur la qualité de l'eau ou encore une décision sur son utilisation.

Sommaire

Difficulté pour trouver des critères objectifs génériques et éléments d'historiques

En pratique il s'avère difficile, voire impossible, de trouver des critères génériques capables d'exprimer de façon objective et absolue la qualité de l'eau.

Il est d'abord indispensable de lever une ambiguïté possible. Nous nous intéressons bien ici uniquement de la qualité de l'eau en tant qu'élément et non à la qualité des milieux aquatiques qui est traitée par ailleurs. De ce point de vue, nous adoptons donc une approche anthropocentrée sur les usages que l'homme souhaite faire de l'eau.

Malgré cette limitation, la question reste difficile. On pourrait par exemple penser que le critère le plus simple, utilisé de façon générale pour évaluer la qualité d'un élément chimique, est sa pureté. La qualité d'une eau serait ainsi d'autant meilleure quelle contient moins d'impuretés. Ce critère est en effet adéquat pour certaines expériences de chimie qui réclament de l'eau ultra-pure ou pour juger du risque de dépôt dans un appareil électroménager comme un fer à repasser. Il ne fonctionne pas pour tous les autres usages : des sels minéraux sont par exemple indispensables dans les eaux destinées à la consommation humaine pour assurer la santé et le bien-être des usagers.

Pour bien comprendre la difficulté du problème il est utile de regarder comment la qualité de l'eau a été évaluée en fonction de l'époque.

La perception de la qualité de l'eau : une notion qui évolue dans le temps

Il est probable que la qualité de l'eau a, très tôt dans l'antiquité, été évaluée en fonction de sa potabilité (du moins pour les eaux douces) (et probablement aussi de sa richesse piscicole). A la fin du Ier siècle, sous le règne de Nerva, le curateur des eaux Frontin classe par exemple les onze aqueducs alimentant Rome en eau afin que "chacun d'eux, selon ses qualités propres se voit attribuer l'emploi qui lui convient." [Maneglier, 1991]. Au Moyen-âge, les besoins de l'artisanat du cuir et des tissus amènent à des définitions différenciées selon les activités. Cette différenciation des besoins provoque une hiérarchisation de la répartition des métiers le long du réseau hydrographique (voir Aménagement des cours d'eau et des plans d'eau urbains) [Guillerme, 1984]. Si, entre le bas Moyen Age et le XVIIIème siècle, l'Europe urbaine oublie l'eau courante, les qualités de l'eau fournie par les fontaines, les puits et les sources sont cependant mis en relation avec leur aptitude (ou leur inaptitude) à répondre à des usages domestiques : la fontaine de Maubuée est ainsi nommée parce que l'eau qu'elle fournit fait de mauvaises lessives ; la fontaine des Saints innocents est réputée pour la difficulté à faire cuire les aliments dans son eau ; etc.

L'évaluation de la qualité reste malgré tout empirique et qualitative. "Au XVIIIème siècle, lorsqu'un chimiste avait terminé son analyse, il aboutissait généralement à une conclusion descriptive qui était un agglomérat d'adjectifs. Une eau mauvaise pouvait être dite : amère, nitreuse, salée, sulfureuse, bitumineuse, nauséabonde." [Maneglier, 1991]. A partir du XIXème siècle, les qualités sanitaires de l'eau sont mises en avant, et l'importance de ce critère va se renforcer au XXème siècle, particulièrement pour les eaux distribuées dans les réseaux d'eau potable.

L'importance de la réglementation dans la seconde moitié du XXème siècle

A partir du début des années 1960, la dégradation généralisée de la qualité des milieux aquatiques et surtout l'apparition de la notion de pollution des eaux comme élément du débat politique et social, font apparaître la nécessité d'un instrument de mesure pertinent et si possible objectif. La loi sur l'eau du 16 décembre 1964 (Loi n°64/1245, 1964), dans son article 3, paragraphe 5, précise que des décrets ultérieurs devront préciser : "'d'une part les spécifications techniques et les critères chimiques, biologiques et bactériologiques auxquels les cours d'eau, canaux, lacs ou étangs devront répondre, (...), et d'autre part, le délai dans lequel la qualité de chaque milieu récepteur devra être améliorée pour satisfaire ou concilier les intérêts définis à l'article 1er". La mise en application de ce principe est le fait de la circulaire interministérielle de juillet 1971 qui précise les conditions dans lesquelles doivent être menées les études préalables à la promulgation des décrets d'amélioration de la qualité. En réalité, ces décrets ne seront jamais promulgués, la circulaire de 1978 abrogeant celle de 1971, en abandonnant en particulier l'idée que les objectifs de qualité soient opposables aux tiers. Malgré tout, lors de l'élaboration de la circulaire de 1971, la nécessité de disposer d'un système cohérent amène à la constitution d'un groupe de travail, animé par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse. En six mois, ce groupe de travail publie une première grille de qualité destinée à la mise en place de l'inventaire national de la pollution (INP). Elle permet d'apprécier la qualité de l'eau selon cinq classes (1A, 1B, 2, 3 et non classée), en se référant à des limites de concentrations de paramètres physico-chimiques "représentatifs" des différentes pollutions rencontrées dans les milieux naturels et à quelques paramètres hydrobiologiques. La définition de la grille de qualité générale s'accompagne de la mise en place d'un réseau de stations permettant le suivi de l'évolution de la qualité des milieux.

A partir de 1975, plusieurs directives européennes, se présentant sous la forme de grilles spécifiques, définissent ce que doit être la qualité de l'eau pour différents usages :

Ces grilles mettent en évidence le fait que la qualité de l'eau ne peut pas être définie dans l'absolu, mais uniquement en fonction de l'usage que l'on attend d'elle.

Le décret du 19 décembre 1991 confirmera l'application de ces quatre directives dans le droit français.

Critère de qualité de l'eau destinée à la consommation humaine

L'eau destinée à la consommation humaine est sans doute l'un des aliments les plus contrôlés et sur lequel les normes de qualité ont fait l'objet du plus de réflexions et de recherches scientifiques. Les critères utilisés sont de différents types :

  • critères physico-chimiques : transparence, pH, conductivité, etc. ;
  • absence de micro-organismes pathogènes (bactéries, virus, protistes, parasites) ;
  • limites maximum de concentration pour certains composés chimiques considérés comme indésirables ou toxiques (nitrates, phosphates, métaux lourds, hydrocarbures, pesticides, etc.) ;
  • valeurs minimum et maximum de concentrations pour certains composés chimiques considérés comme nécessaires au métabolisme (calcium, magnésium, potassium, chlore, fluor, cuivre, fer, etc.) ;
  • paramètres organoleptiques : absence d'odeur ou de goût prononcé.

Malgré la rigueur de la définition de ces critères, la façon dont la qualité de l'eau est perçue par les consommateurs Ce n'est pas toujours le cas et la qualité de l'eau est parfois évaluée, en particulier par les usagers, sur des bases beaucoup plus flous.

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