Pesticide (Généralités) (HU)
Traduction anglaise : Pesticide
Dernière mise à jour : 12/09/2024
Les pesticides sont des produits destinés à combattre des organismes considérés comme nuisibles, que ce soit des plantes (herbicides), des champignons (fongicides), des bactéries (bactéricides), des insectes (insecticides) ou d’autres animaux (raticides, taupicides, molluscicides, etc.) (figure 1).

Parmi les pesticides, on établit une distinction subtile entre biocides et produits phytopharmaceutiques
Différence entre pesticide, biocide et produit phytopharmaceutique
La différence est essentiellement réglementaire. Les produits phytopharmaceutiques et les biocides sont en effet régis par des réglementations européennes différentes.
- Les produits phytopharmaceutiques "permettent de protéger les végétaux en détruisant ou éloignant les organismes nuisibles indésirables (y compris les végétaux indésirables)". Ils sont régis par le règlement CE 1107/2009 ;
- Les produits biocides "sont destinés à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre". Ils sont définis par le règlement CE 528/2012.
(Source : https://www.experts-environnement.fr/biocides-et-phytopharmaceutiques-comprendre-la-difference/).
Ces définitions portent donc uniquement sur l’usage des produits et non sur leur composition chimique, la différence est donc très subtile. Par exemple un insecticide utilisé uniquement pour un usage domestique (se débarrasser d'insectes chez soi) sera considéré comme un biocide. Le même produit utilisé pour traiter les plantes deviendra un produit phytopharmaceutique.
Nota : Bien que les produits phytopharmaceutiques (ou phytosanitaires) fassent partie des pesticides, mot à connotation négative pour la qualité de l'environnement et la santé publique, les professions liées à l'agriculture et en particulier aux agro-industries, privilégient ces premiers termes (à connotation plutôt positive) pour des raisons assez évidentes.
Principales sources de pesticides en France
Avec une consommation actuelle de l’ordre de 68 000 tonnes par an (figure 2), la France est le quatrième consommateur mondial de pesticides. L’agriculture est de très loin l’utilisateur principal.

On retrouve des traces de pesticides dans la plupart des milieux aquatiques (eaux de surface ou eaux souterraines). Les concentrations atteintes peuvent dans 10 à 30% des cas selon les milieux, dépasser les limites règlementaires (voir figure 3). Beaucoup des substances les plus souvent détectées et potentiellement les plus dangereuses du fait de leur faible Biodégradabilité dans l’environnement sont maintenant interdites.
L’origine de ces substances est multiple et pas toujours parfaitement identifiée. L’agriculture est de façon certaine le principal responsable de la contamination des nappes souterraines. En revanche les sources urbaines et péri-urbaines semblent non négligeables pour les eaux de surface et peuvent, sur certains cours d’eau, être du même ordre de grandeur que les sources rurales. La plus faible consommation de substances est en effet compensée par des fuites beaucoup plus importantes vers les milieux aquatiques. Différents moyens ont été préconisés et mis en œuvre depuis plusieurs années, au niveau européen comme au niveau national, pour limiter les concentrations dans les milieux aquatiques. Tous les acteurs s’accordent à dire que les plus efficaces consistent à agir à la source en limitant les quantités épandues dans l’environnement et en contrôlant les fuites vers les milieux aquatiques.
Le plan Ecophyto, mis en place suite au Grenelle de l’Environnement, se donnait pour objectif de diminuer par deux la consommation des pesticides d’ici 2018. Cet objectif est très loin d'avoir été atteint et, début 2024, suite au mouvement des agriculteurs, un durcissement des règles semble très lointain..
Les pesticides dans les rejets urbains
L'utilisation des pesticides est fortement réglementée dans les zones urbaines. La loi LABBÉ du 6 février 2014 a interdit depuis 2017 l’usage des produits phytosanitaires à l’ensemble des personnes publiques (État, collectivités territoriales et leurs regroupements, les établissements publics). Elle a été complétée par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui interdit à partir du 1er janvier 2019, la vente des produits phytosanitaires aux particuliers ainsi que leur détention et leur utilisation.
Cependant on retrouvera encore des produits de ce type dans les eaux de ruissellement urbaines et dans les rejets urbains de temps de pluie pendant de nombreuses années, et ceci pour différentes raisons :
- la loi est méconnue des citadins qui continue d'écouler leurs stocks ;
- les produits de dégradation des pesticides utilisés dans les années passées mettront plusieurs décennies avant de s’évacuer totalement ;
- même dans les zones urbaines il existe de nombreux espaces qui ne sont pas concernés par la loi Labbé (infrastructures de transport, terrains de sport, etc.) ;
- les contaminations des zones urbaines par les zones agricoles voisines peuvent être importantes.
Concernant ce dernier point, une polémique très forte a éclaté en France durant l'été 2019 et certaines agglomérations (dont Paris) ont pris des arrêtés, d’ailleurs souvent contestés par l’État, interdisant totalement l’utilisation des pesticides sur leur territoire ou limitant les épandages agricoles à proximité des établissements publics ou des habitations. Ces actions auront probablement un effet bénéfique en termes de santé publique en limitant les concentrations en pesticides dans l'atmosphère. Cependant, comme ces produits peuvent parcourir de grandes distances sous l'action des agents atmosphériques elles ne seront probablement pas suffisantes pour prévenir la contamination des eaux de ruissellement urbaines (voir Dépôts de temps sec (HU)).
Mécanismes de dissémination des pesticides dans l'environnement
L’utilisateur principal de pesticides étant l’agriculture, il est tout d’abord nécessaire de s’interroger sur les mécanismes de dispersion des produits dans l’environnement lors de leur épandage. En France, la plupart des pesticides sont appliqués à partir de rampes de pulvérisation. La cible est soit les plantes, soit le sol. Le devenir des substances ainsi appliquées est complexe : une partie reste sur les plantes traitées, une partie arrive au sol immédiatement sous les plantes, enfin une partie importante est dispersée dans l’atmosphère (figure 3). L’importance relative des différents mécanismes dépend de nombreux facteurs (conditions d’application, couvert végétal, nature du sol, conditions climatiques lors de l’application, propriétés de la substance, etc.).

Une fois arrivés au sol, plus ou moins loin de leur lieu d’épandage, les pesticides vont continuer se transformer et se déplacer :
- Une partie va se dégrader selon des processus divers : photodégradation dans l’air, sur les plantes et sur le sol sous l’effet du rayonnement solaire ; réactions chimiques avec le substrat ou mécanismes biologiques dus à des microorganismes dans le sol ou le sous-sol.
- Une partie va se fixer plus ou moins durablement sur les particules de sol.
- Une partie va être entraînée par les précipitations et rejoindre les eaux de surface ou les eaux souterraines.
- Une partie va être ingérée par des insectes, des vers, des oiseaux, … qui vont les concentrer et les disséminer sur des territoires encore plus vastes.
La diversité des comportements selon les molécules et les conditions explique la difficulté à décrire et quantifier le devenir des pesticides dans l’environnement.
L’épaisseur de la zone non saturée (partie du sol située entre la surface et la nappe phréatique) est un facteur très important pour limiter les transferts vers les eaux souterraines.
Globalement on estime qu’environ 1% des substances épandues finissent par arriver dans le milieu aquatique. Même si ce pourcentage est faible, ces fuites constituent cependant l’une des sources majeures d’apport aux milieux aquatiques du fait de l’importance des surfaces traitées.
Présence des pesticides dans les milieux aquatiques et dangerosité
L'évolution des concentrations en pesticides dans les milieux aquatiques au cours des dernières années est contrastée sur le territoire français. On constate :
- une augmentation sensible des concentrations moyennes dans les eaux souterraines les plus proches de la surface (figure 4) ;
- une diminution moyenne, sur l'essentiel du territoire (excepté en Corse et dans le Lot), d'environ 20% dans les cours d'eau (figure 5).
Les effets de ces substances sur les écosystèmes aquatiques sont avérés. Il peut s’agir d’effets directs dus à la toxicité chronique des molécules ou d’effets indirects écotoxiques dus à l’action des pesticides qui modifie l’écosystème (par exemple altération des populations de certains prédateurs, du fait de la diminution des insectes « nuisibles » qui constituent leurs proies).
Les effets sur la santé humaine ont été démontrés dans le cas de populations exposées professionnellement (agriculteurs en particulier). Les voies de contamination sont principalement la voie cutanée (au moment de la préparation) et la voie pulmonaire. Aucun effet direct n’a, pour l’instant, été démontré en ce qui concerne la santé des particuliers en relation avec la consommation de produits alimentaires contenant des traces de pesticides. Du fait de la plus grande sensibilité des fœtus et des jeunes enfants, il est cependant nécessaire de rester très vigilants. La qualité de l’eau potable est très bien contrôlée et les quantités totales de pesticides que l’on peut ingérer en buvant de l’eau sont extrêmement faibles par rapport aux autres sources alimentaires et surtout à celles associées à la manipulation des produits.
Voir la vidéo du projet Eau MéliMélo.
Les pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine
Le risque de présence de pesticides (ou de résidus issus de leur dégradation) dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) est un sujet sensible. L’évolution des techniques d'analyse permet aujourd'hui la détection des molécules d'intérêt à des concentrations de plus en plus faibles alors même que les médias communiquent de plus en plus sur cette question. Le problème est encore accru par le fait que l'on retrouve des concentrations souvent supérieures aux normes dans les eaux brutes (en particulier les nappes) qui servent à produire les EDCH.
Les EDCH font cependant partie des produits alimentaires les plus contrôlés et ne constituent certainement pas la cause principale d'ingestion de pesticides, surtout pour les populations les plus exposées (agriculteurs en particulier)
Pour en savoir plus sur ce sujet voir le guide de l'ASTEE : "Pesticides et métabolites dans les EDCH", disponible sur : https://www.astee.org/publications/pesticides-metabolites-dans-les-eaux-destinees-a-la-consommation-humaine-un-guide-pour-comprendre-et-agir/
Bibliographie :
- Aubertot, J.N., Barbier, J.M., Carpentier, A., Gril, J.J., Guichard, L., Lucas, P., Savary, S., Savini, I., Voltz, M. (2005) : Pesticides, agriculture et environnement : réduire l’utilisation des pesticides et en limiter les impacts environnementaux ; Synthèse du rapport de l’expertise ; IRSTEA - INRA ; 64 p. ; disponible sur https://hal.inrae.fr/hal-02587721/document
Pour en savoir plus :
- https://www.ecologie.gouv.fr/publication-des-donnees-provisoires-des-ventes-produits-phytopharmaceutiques
- https://www.ecologie.gouv.fr/pesticides-pollutions-diffuses
- https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2021/exposition-aux-pesticides-de-la-population-francaise-resultats-de-l-etude-esteban
- https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2018-10/datalab-essentiel-94-pesticides-mars2017.pdf
- https://www.touteleurope.eu/agriculture-et-peche/la-vente-de-pesticides-en-europe/
- https://op.europa.eu/webpub/eca/special-reports/pesticides-5-2020/fr/
- http://www.graie.org/eaumelimelo/Meli-Melo/Questions/Les-pesticides-et-l-eau/?parent=5