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Pollution des rejets urbains de temps de pluie (HU)

De Wikhydro

Traduction anglaise : Pollution of storm water discharges

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Dernière mise à jour : 22/11/2022

Les rejets urbains de temps de pluie (RUTP) sont constitués de l’ensemble des eaux rejetées par les systèmes d’assainissement pendant les périodes pluvieuses. Ceci englobe les rejets par les exutoires pluviaux stricts, les rejets par les déversoirs d'orage des réseaux unitaires (rejets unitaires de temps de pluie) et les rejets par les stations d'épuration (figure 1).

Ces rejets contiennent de nombreux polluants résultant entre autres de la pollution atmosphérique, de l’érosion des matériaux urbains, de la mobilisation d'une partie des dépôts de temps sec, de leur mélange avec des eaux usées et de la remise en suspension des sédiments dans le système d'assainissement. Cet article détaille les différentes sources et donne des indications sur les polluants rencontrés, leur origine, leur concentration ainsi que différentes autres caractéristiques.

Il fait partie d'un ensemble d'articles complémentaires sur le sujet complexe de la pollution des eaux pluviales et des rejets urbains de temps de pluie :


Figure 1 : Rejet urbain de temps de pluie ; crédit photo Patrick Savary.

Sommaire

Éléments d'historique

Les eaux ruisselant sur les toits et les voiries des villes ont été reconnues comme très polluées dès 1888, au Congrès International d'Hygiène de Vienne, par Durand-Claye, le père de la Loi de 1894 sur le tout-à-l'égout. Cette réalité fut mise entre parenthèses pendant une longue période de promotion des réseaux séparatifs. Elle a réémergé dans les milieux scientifiques et techniques à partir de la fin des années 1960, en particulier aux USA. Elle a donné lieu, en France, à des premières mesures dès 1972 à Livry-Gargan (Bachoc et al., 1994). La mise en place par le STU de quatre bassins versants expérimentaux (Deutsch et al., 1982) a permis de constituer des séries de mesure de grande qualité qui ont servi de base à des travaux de recherche fondateurs : Hemain (1982), Servat (1987), Chebbo (1992). Le développement des recherches internationales a permis au début des années 2000 de stabiliser les connaissances sur les indicateurs les plus classiques (Ellis et al, 2005). Les chercheurs se sont alors interessés à un nombre de plus en plus importants de micropolluants. En France, la mise en place au début des années 2000 d'observatoires de terrain dédiés en particulier à cette thématique (OPUR, OTHU) a permis d'approfondir les connaissances à la fois sur les sources, les concentrations et les formes physico-chimiques (Gromaire, 2012 ; Gasperi et al., 2014).

Différentes sources de polluants alimentant les RUTP

Système séparatif et système unitaire

Pendant les périodes pluvieuses, la pluie lessive différents polluants présents dans l’atmosphère (voir Pollution de l'eau de pluie (HU)), puis érode ou mobilise ceux présents sur les éléments urbains ou sur le sol (voir Dépôts de temps sec (HU), Pollution des eaux de ruissellement (HU)). Ces polluants sont ensuite transportés par les eaux de ruissellement et introduits dans le réseau d’assainissement après passage dans les caniveaux et les bouches d’égout. Deux situations peuvent alors se présenter selon la nature du système.

  • dans les systèmes séparatifs pluviaux qui collectent normalement uniquement les eaux de ruissellement, le rejet de la totalité du volume se fait le plus souvent sans aucun traitement.
  • dans les systèmes unitaires les eaux pluviales se mélangent aux eaux usées et l'augmentation du débit provoque la remise en suspension des dépôts présents dans le réseau et l'arrachage d'une partie du biofilm ; une partie du mélange est conduit à la station d'épuration où elle est traitée, une autre partie, plus ou moins importante selon la pluie et/ou la conception du réseau d'assainissement est directement renvoyée au milieu aquatique par des déversoirs d'orage.

Source primaire des polluants ou gisement mobilisé pendant une pluie particulière ?

L’expression « origine des polluants » est ambiguë. Elle peut en effet désigner soit les sources primaires responsables de la production de ces polluants, soit le gisement dans lequel ils sont mobilisés au moment de la pluie. Par exemple, les activités industrielles urbaines constituent une source pour différentes substances. Les émissions industrielles peuvent se faire par voie aérienne et les polluants ainsi émis se retrouvent soit dans les dépôts atmosphériques de temps sec, soit dans l’eau de pluie elle-même. Les émissions peuvent également se faire dans des rejets aqueux et les polluants se retrouvent soit dans les eaux usées, soit dans les dépôts présents dans les réseaux.

Il est important de bien comprendre la dynamique des polluants tout au long de leur parcours si l'on veut développer des moyens efficaces pour diminuer leur concentration dans les rejets urbains de temps de pluie. Il est en effet souvent plus efficace de s'attaquer aux sources primaires qu'aux gisements et parfois plus facile de s'attaquer aux gisements qu'aux sources !

Principales sources primaires des polluants rencontrées dans les RUTP

La circulation automobile

Les véhicules automobiles constituent l'une des sources directes principales d’un grand nombre de polluants (Massoud, 2014). C'est le cas en particulier des hydrocarbures (huiles et carburants), du caoutchouc (usure des pneumatiques), de l'oxyde d'azote (gaz d'échappement), des produits moussants et tensioactifs (lave-glaces) et de différents métaux provenant de l'usure des pneumatiques (zinc, cadmium) et des pièces métalliques (titane, chrome, aluminium, etc.).

La circulation automobile constitue également une source indirecte due à la viabilisation hivernale : sables et sels de déverglaçage (NaCl, CaCl2 et KCl), qui contiennent souvent des impuretés ou additifs divers (chromates, cyanures, arsenic, fondants au glycol d'éthylène, etc.), mais aussi aux marquages au sol (peintures), aux panneaux de signalisation (peintures et métaux divers) ou aux barrières de sécurité (zinc).

L'industrie

La part de l'industrie dans la pollution des rejets urbains de temps de pluie est bien évidemment variable selon les bassins versants concernés. Souvent négligeable dans les zones résidentielles (sauf en cas de transfert, parfois sur de longues distances, par voie atmosphérique), elle peut devenir prépondérante dans les zones d’activités industrielles. La nature des polluants rejetés dépend du type d’activité industrielle, et de l’état des installations pour une activité donnée. L'origine industrielle est généralement citée pour la plupart des métaux (plomb, cadmium, zinc, chrome), pour certains résidus pétroliers ainsi que pour de nombreux micropolluants organiques (solvants en particulier).

Les rejets peuvent se faire directement dans les réseaux, normalement sous réserve d'autorisation (voir Eau industrielle (HU)), ou dans l'atmosphère et contribuer ainsi aux dépôts de temps sec. Les stockages extérieurs mal protégés et les zones de manutention, susceptibles d’être lessivés par les précipitations, constituent également un vecteur important. Les rejets illégaux peuvent également exister, particulièrement pendant les périodes pluvieuses (vidange ou rinçage de cuves).

Les déchets solides

Les déchets solides produits par les activités urbaines se retrouvent dans les eaux de ruissellement du fait du dépôt d'ordures ou de déchets divers sur les surfaces urbaines (caniveaux, trottoirs, chaussées, etc.), voire parfois du fait de leur introduction directe dans les bouches d'égout (parfois en croyant bien faire !) (figure 2). Même si la situation s'est améliorée (le rejet de matières de vidange des fosses septiques a par exemple été largement pratiqué à une certaine époque), cette source reste importante du fait de la diversité des origines des déchets :

  • incivilités des citoyens ;
  • dépôts sauvage d'ordures ;
  • poubelles non étanches ou trop pleines ;
  • nettoyage et balayage des places de marchés et des caniveaux ;
  • etc.


Figure 2 : Les bouches d'égout, même pluviales, sont souvent considérées comme des poubelles ; Source : Projet EauMéliMélo.

Les produits concernés sont très variés en nature et en taille : papiers, mégots de cigarette, plastiques, résidus de nourriture, métaux divers (dont certains très toxiques, comme le mercure ou le lithium des piles), etc.

Les chantiers et l'érosion des sols et des éléments bâtis

L'érosion des sols produit en permanence des éléments susceptibles de contaminer les eaux de ruissellement :

  • en période de temps sec, l'action cumulée du vent et de différents agents mécaniques (roues des véhicules, engins de chantier, etc.), produit des quantités importantes de matières en suspension qui se déposent sur les sols urbains et seront lessivées lors des pluies ;
  • en période de pluie, le ruissellement lui-même constitue un vecteur d'érosion d'autant plus puissant que les intensités de pluie sont fortes.

Les particules de sol elles-mêmes sont majoritairement de nature minérale et inerte. Mais, selon leur origine, elles peuvent transporter des substances polluantes (par exemple goudrons, hydrocarbures ou métaux dans le cas de chantiers ou de sols pollués, engrais ou pesticides dans le cas de sols agricoles).

Les masses de solides susceptibles d’être entraînées au cours des événements pluvieux peuvent être augmentées dans des proportions parfois considérables par la présence de chantiers dont les matériaux (limons, sables, graviers, ciment, etc.) ne sont pas stockés dans des conditions satisfaisantes.

La végétation

La végétation urbaine est une source importante de matières organiques plus ou moins facilement biodégradables (en particulier feuilles et pollens, mais également HAPs produits naturellement par les plantes). Elle est également à l'origine indirecte d'apports en azote et phosphate (engrais) ou en pesticides (désherbants).

Les animaux

Les déjections des animaux, qu'ils soient domestiques (chiens essentiellement) ou non (oiseaux notamment), constituent une source de matières organiques, d’azote et de contamination bactérienne ou virale importante.

Principaux gisements mobilisés pendant un événement pluvieux

La distinction la plus souvent retenue (Müller et al., 2020) entre les sources secondaires est la suivante ;

  • la pollution de l’eau de pluie elle-même,
  • les dépôts de temps sec sur les bassins versants,
  • les matériaux présents sur les bassins versants urbains sur lesquels le ruissellement se produit,
  • les eaux usées,
  • les dépôts dans les réseaux d’assainissement,
  • les biofilms qui se développent dans les réseaux, notamment unitaires.

Les eaux de ruissellement

Les polluants présents dans l’eau de pluie, ceux associés aux dépôts de temps sec et à l'érosion des matériaux présents sur les bassins versants urbains constituent la pollution des eaux de ruissellement qui fait l'objet d'un article spécifique et ne sera pas détaillée ici.

Le tableau de synthèse 1 qui compare les rejets des réseaux pluviaux et des réseaux unitaires montre que la contribution des eaux de ruissellement à la pollution des RUTP peut être importante pour certains indicateurs (MES, DCO, azote), voire majoritaire pour certains métaux (Plomb, Zinc, Cuivre, Cadmium, Nickel, Chrome). Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas le cas pour les hydrocarbures.

Les eaux usées

Les eaux usées ne contribuent théoriquement à la charge polluante des RUTP que dans le cas des réseaux unitaires. Malheureusement beaucoup de réseaux séparatifs pluviaux ne sont pas conformes et reçoivent un peu d’eaux usées. Pendant les périodes de temps sec les flux sont interceptés pour être acheminés vers la station d’épuration. Pendant les périodes pluvieuses le mélange d'eau usée et d'eau pluviale est, comme pour les réseaux unitaires, rejeté directement par des déversoirs d'orage.

Dans beaucoup de cas les eaux usées constituent donc un gisement important pour de nombreux polluants et indicateurs : MES, matière organique (DBO5, DCO, carbone organique), azote (en particulier sous forme NH4), phosphore, différents micropolluants (détergents, pesticides, résidus de médicaments, etc.).

Si une partie des eaux usées est d’origine industrielle, elle peut transporter un grand nombre de substances. Les rejets industriels directs (licites et parfois illicites) dans les réseaux (unitaire ou séparatif) pendant les périodes pluvieuses constituent donc également une source non négligeable, mais très difficile à évaluer, en particulier pour les métaux et les hydrocarbures.

Les dépôts dans les réseaux

Les dépôts de temps sec en réseau sont différents selon la nature du système d'assainissement :

  • dans les réseaux séparatifs pluviaux on trouve deux types de dépôts distincts :
  • des matériaux minéraux (sables, graviers), introduits dans le réseau au moment des pluies précédentes et qui n'ont pas été transportés jusqu'à l'exutoire ;
  • des déchets solides qui ont été, volontairement ou non, introduits dans le réseau et qui ne peuvent s'évacuer faute d'écoulement pendant les périodes de temps sec ; leur nature est donc voisine de celle des dépôts de temps sec : papiers, plastiques, mégots de cigarette, résidus de nourriture, etc. ;
  • dans les réseaux unitaires on retrouve les mêmes matériaux minéraux mais l'essentiel des déchets solides cités précédemment (papiers, plastiques, mégots de cigarette, résidus de nourriture) sont normalement évacués vers la station d'épuration de façon continue ; en revanche on trouve en plus des sédiments divers, parfois très organiques, qui ne peuvent être transportés du fait de l'insuffisance des conditions d’autocurage pendant les périodes de temps sec associée à des modalités d’exploitation et d’entretien du réseau (fréquence de curage) mal adaptées. Ces dépôts, ainsi que les biofilms se développant en paroi sont à l’origine du caractère nettement plus organique de la pollution (en majorité particulaire) transportée par les eaux de temps de de temps de pluie en réseaux unitaires, au regard de celle véhiculée dans des réseaux assez strictement pluviaux.

Les dépôts en réseau constituent ainsi souvent une source majeure dans les RUTP pour les MES, la matière organique, les nutriments et la pollution bactériologique.

Le rôle des biofilms et des interfaces eau-sédiments dans les réseaux unitaires

Un réseau d'assainissement n'est pas un simple ensemble de tuyaux qui transportent mécaniquement des effluents d'un point à un autre. C'est un réacteur complexe au sein duquel ont lieu de nombreux processus physiques (sédimentation, érosion, agglomération, adsorption, etc.), chimiques (floculation, oxydoréduction, etc.) et biochimiques (métabolisation bactérienne des matières organiques, de l’azote et du soufre, etc.) en interaction (Ashley et al, 2005). Ces processus modifient la nature et les concentrations des différents polluants transportés par les RUTP. Ils se déroulent à la fois pendant les périodes de temps sec et pendant les périodes pluvieuses.

Parmi les processus à prendre en considération figure le rôle des biofilms qui sont des communautés complexes de bactéries, d’algues et de champignons.

  • pendant les périodes de temps sec les biofilms se développent sur les parois de certains collecteurs, principalement dans la zone de battement des réseaux unitaires ; ils jouent alors un rôle épurateur et en métabolisant une partie de la matière organique, ils diminuent la charge en DCO et en DBO5 des écoulements ;
  • pendant les périodes pluvieuses, l’augmentation importante des débits et des vitesses provoquent leur arrachement et leur transfert vers les exutoires, augmentant ainsi la charge en matières organiques (carbone, DCO et DBO5), mais également les concentrations en micropolluants qu’ils ont pu adsorber durant leur croissance ; ils peuvent également relarguer des bactéries dont certaines susceptibles d'être pathogènes.

L’autre source, qui est dominante, est constituée par une couche organique, en surface des dépôts plus minéraux, bien caractérisée sur le bassin du Marais à Paris par (Ayherre, 1998), et dont le concept a été élargi à celui d’interface eau-sédiment par (Oms, 2003), pour intégrer d’autres dénominations utilisées en Europe du nord pour rendre compte de conditions d’observation assez différentes, comme les Near Bed Solids (NBS), fortement organiques qui se déplacent par charriage au-dessus des dépôts minéraux, ou les Fluid sediments, dont il est montré qu’en fait, ils se rapprochent des précédents.

Cette couche organique se développe au-dessus de certaines zones de dépôt de solides minéraux plus ou moins grossiers qui constituent la part très majoritaire des dépôts en réseaux unitaires comme pluviaux. Elle est constituée de déchets organiques (la proportion des matières volatiles (MVS) dans la totalité des matières en suspension (MES) varie de 60% à 80%), également assez grossiers, qui proviennent en petite partie des surfaces urbaines et probablement principalement des éviers et des toilettes des habitations. Par temps sec, ces déchets s’accrochent aux aspérités de la surface du dépôt grossier minéral ou sont piégés dans ses creux.

Cette couche organique peut elle même être couverte par une couche crémeuse, également très organique et encore plus difficilement observable, dans les zones où la contrainte de cisaillement ou la vitesse moyenne de l’eau sont assez basse (respectivement > 0,03 N/m2 et > 0,15 m/s). Cette couche crémeuse est très facilement mobilisable lorsque le débit d’eau augmente. Le reste de la couche organique se mobilise plus progressivement. Au cours du temps sec suivant une phase de ruissellement assez notable pour l’éroder, la couche organique se reconstitue assez rapidement.

Ordre de grandeur de la pollution des rejets urbains de temps de pluie

Variabilité des rejets urbains de temps de pluie

La variabilité des RUTP est grande quel que soit le système d’assainissement ; elle est généralement encore plus grande dans les réseaux séparatifs que dans les réseaux unitaires.

Les concentrations et les masses événementielles sont extrêmement variables car elles dépendent de nombreux facteurs. Certains de ces facteurs sont bien identifiés et plus ou moins prévisibles. Il se divisent en deux familles :

  • Facteurs dépendant du bassin versant : natures des surfaces urbaines et des activités qui s’y développent, état des réseaux (entretien, curage), présence de chantiers, de rejets accidentels divers, de remises en suspension au sein des ouvrages des systèmes de collecte (avaloirs, collecteurs, bassins, etc.) ;
  • Facteurs dépendant de l’événement pluvieux : hauteur totale précipitée, intensité maximum, débit maximum généré, historique de la succession des périodes de temps sec et de temps de pluie (en particulier durée de la période de temps sec précédent la pluie).

Ces facteurs connus ne suffisent cependant pas à expliquer la totalité de la variabilité et il reste sans doute d’autres facteurs à identifier. Pour certains polluants, des transferts par voie atmosphérique sur de longues distances à partir de zones éloignées du bassin versant étudié sont ainsi suspectées (cas des pesticides par exemple).

La connaissance du type d’urbanisme ou d’activité sur une zone urbaine donnée ne suffit donc pas à prévoir les concentrations ou les masses de polluants qui seront générées par les événements pluvieux.

Ainsi, si les valeurs fournies dans les tableaux du paragraphe suivant permettent de donner des ordres de grandeur des concentrations des rejets par temps de pluie et d’en montrer l’importance, elles ne peuvent malheureusement pas être utilisées telles quelles pour un bassin versant particulier et ne peuvent se substituer à des mesures spécifiques sur site effectuées en nombre suffisant pour évaluer leur variabilité locale

Tableaux de synthèse des concentrations rencontrées

Une synthèse des valeurs de concentrations rencontrées dans les RUTP est présentée dans les tableaux suivants.

Le tableau de la figure 3 s'intéresse aux indicateurs les plus courants. Nous avons distingué les rejets séparatifs pluviaux des rejets unitaires. Les valeurs de concentration de ce tableau sont à mettre en référence avec les normes de rejets réglementaires des stations d'épuration telles qu'elles sont indiquées dans l'arrêté du 21 juillet 2015 (tableaux desfigures 4 et 5).

Comme une grande dépendance des concentrations aux conditions locales est suspectées, nous avons utilisé uniquement des données françaises relativement récentes (postérieures à 2000). Nous avons également privilégié les données issues des trois observatoires français en hydrologie urbaine OTHU, OPUR et ONEVU qui utilisent des protocoles communs et consistants d’acquisition et d'analyse. Les données utilisées proviennent principalement des sources suivantes : Al-Juhaishi (2018), Becouze-Lareure (2010), Dembélé (2010), Dutordoir (2014), Gromaire (2012), Moilleron (2004), Zgheib (2009).

Du fait de la variabilité observée des concentrations, et plutôt que de fournir une valeur moyenne sans signification très claire, nous avons choisi de fournir une fourchette de valeurs. Les valeurs minimum et maximum du tableau correspondent ainsi aux valeurs les plus fréquentes entre lesquelles se trouvent les concentrations moyennes inter-événementielles. Il est évidemment possible de trouver des valeurs beaucoup plus faibles ou beaucoup plus fortes sur certains sites particuliers et/ou pour certains événements.

Les fourchettes que nous proposons sont finalement très cohérentes avec celles qui ont été obtenus dans des pays comparables au nôtre et qui ont mis en place des bases de données solides : Brombach et al. (2005), North Central Texas Council of Governments (2019) et (2020), Pitt et al. (2005).

Les tableaux des figures 6 et 7 présentent les résultats d'études plus récentes portant spécifiquement sur les micropolluants dont la présence dans les eaux de surface et les eaux souterraines suscite une préoccupation grandissante. Ils sont extraits d'un rapport de synthèse de l'association ARCEAU pour l'Agence Française pour la Biodiversité (AFB) (Briand et al., 2018).


Figure 3 : Concentrations en polluants (indicateurs généraux) dans les RUTP des réseaux séparatifs et unitaires : fourchettes les plus probables pour les concentrations moyennes événementielles sur un site donné.


Figure 4 :Performances minimales de traitement attendues pour les paramètres DBO5, DCO et MES. La valeur de la concentration maximale à respecter ou le rendement minimum sont appliqués ; Source : arrêté du 21 juillet 2015.


Figure 5 : Performances minimales de traitement attendues pour les paramètres azote et phosphore, dans le cas des stations rejetant en zone sensible à l'eutrophisation. La valeur de la concentration maximale à respecter ou le rendement minimum sont appliqués ; Source : arrêté du 21 juillet 2015.


Figure 6 : Concentrations (μg/L) et occurrences (%) des micropolluants réglementés dans les différentes matrices urbaines (orange : substances dangereuses prioritaires de la Directive 2013/39/CE ; vert : substances prioritaires de la Directive 2013/39/CE ; bleu : substances de la liste 1 de la Directive 2006/11 ; COV : composés organiques volatils ; < LQ : inférieure à la limite de quantification); Source : Briand et al. (2018).


Figure 7 : Concentrations (μg/L) et occurrences (%) des micropolluants hors DCE dans les différentes matrices urbaines. Synthèse des travaux des trois observatoires français et du projet AMPERES financé par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) (P. pharmaceutiques : produits pharmaceutiques ; < LQ : inférieure à la limite de quantification) ; Source : Briand et al. (2018).

Masses moyennes annuelles produites par hectare imperméabilisé

Il est difficile de donner des ordres de grandeur des masses moyennes de polluants produites et/ou rejetées par unité de temps et de surface. En effet aux sources d’incertitudes associées aux concentrations mesurées, déjà très importantes (voir le paragraphe précédent), vient s’ajouter l’incertitude due au(x) modèle(s) utilisé(s) pour calculer ces masses annuelles à partir des données disponibles. Ceux-ci sont en effet extrêmement divers, depuis la simulation en continu de plusieurs années de pluies à l’aide de modèles détaillés jusqu’à la simple multiplication d’une masse moyenne événementielle par un nombre moyen annuel d’événements, voire d’une concentration moyenne par un volume annuel. De plus, concernant les réseaux unitaires, il y a souvent une confusion entre les masses de polluants produites et rejetées (une partie de la masse produite est rejetée directement par les déversoirs d'orage et une partie transite jusqu'à la station d'épuration). Les valeurs indiquées dans le tableau de la figure 8, provenant des mêmes sources bibliographiques que celles utilisées pour les concentrations, sont donc à considérer avec beaucoup de précautions.


Figure 8 : Masses de polluants (indicateurs généraux) rejetés par les RUTP des réseaux séparatifs et unitaires : fourchettes les plus probables en kg par hectare imperméable et par an sur un site donné.

Caractéristiques de la pollution des rejets urbains de temps de pluie

Partage des polluants entre les phases dissoutes et particulaires

On distingue généralement la fraction particulaire en masse (définie comme la fraction associée aux particules dont la taille est supérieure à 0.45 µm) et la fraction dissoute. Cette différence est importante car elle détermine en partie l'efficacité de certains traitements (décantation, filtration).

On a longtemps centré les réflexions sur le fait que la plupart des polluants des RUTP était particulaire (Chebbo, 1992 ; Ellis et al., 2005). En fait, ceci est vrai pour un grand nombre de polluants ou d’indicateurs : 80% à 90% de la DCO, 75% à 95% de la DBO5, 80% à 95% du plomb, 80% à 90% des hydrocarbures, 75% à 100% des HAPs, 50% à 80% de l'azote Kjekdhal, 90 à 95% des PCB par exemple sont ainsi fixés sur les particules.

Malheureusement ce n'est pas vrai pour tous les polluants (voir par exemple Becouze-Lareure, 2010 ou Gasperi et al., 2014).

  • La fraction particulaire de certains indicateurs est ainsi très variable selon le type de réseau et le lieu de prélèvement : 35% à 60% pour le cuivre, 20% à 80% pour le cadmium, 15% à 50% pour le zinc, 50% à 100% pour le PBDE.
  • Pour d'autre enfin (particulièrement les micropolluants organiques comme les pesticides ou les résidus médicamenteux, plus récemment étudiés), la fraction particulaire ne représente qu'une faible part : 1% à 10% pour le diuron, 15% à 30% pour l'isoproturon, 1% à 30% pour le glyphosate, 5% à 30% pour le bisphénol A par exemple.

Vitesse de chute des particules et décantabilité

Connaître le partage entre fraction dissoute et particulaire est important mais, comme vu plus haut, ce n’est pas suffisant. Pour pouvoir préconiser les stratégies de traitement ou prévoir le devenir des polluants dans les milieux aquatiques, il est nécessaire d'avoir des informations sur d'autres caractéristiques des particules : granulométrie, masse volumique, teneur en matière organique, vitesse de chute (Gromaire, 2012). Les principaux points à retenir sont les suivants :

  • le diamètre médian d50 des particules en suspension dans les RUTP est de l’ordre de 30 à 40 µm, aussi bien en réseaux unitaires que séparatifs pluviaux.
  • 70 à 80 % de la masse des particules en suspension ont une taille inférieure à 100 µm (la fraction de particules supérieures à 100 µm est cependant légèrement plus importante en réseaux unitaires) ;
  • les particules inférieures à 100 µm ont tendance à former naturellement des flocs ;
  • il apparaît, principalement pour les micropolluants minéraux et organiques, que les particules les plus fines véhiculent la plus grande fraction des flux polluants.
  • la masse volumique moyenne des particules est de l’ordre de 2 200 à 2 400 kg/m3 en réseaux séparatifs pluviaux, et varie de 1 700 à 2 200 kg/m3 en réseaux unitaires ;
  • la teneur en matière organique, représentée par le rapport MVS/MES (Part des Matières volatiles dans la masse totale de matières en suspension) varie généralement de 20 à 55 % en masse en réseaux séparatifs pluviaux, et de 25 à 80 % en réseaux unitaires selon les proportions respectives d’eaux de ruissellement et d’eaux usées, ainsi que de la contribution des stocks en réseau (notamment interface eau-sédiment et biofilm) ;;
  • les vitesses de chute médianes v50 (50 % en masse des particules ont une vitesse de chute inférieure à v50) des particules en suspension dans les RUTP sont très dispersées, mais leurs intervalles sont relativement comparables quel que soit le type de réseau : elles varient en moyenne de 0.2 à 11 m/h en réseaux unitaires, et de 0.6 à 9 m/h en réseaux séparatifs ;
  • la vitesse de chute v20 (20 % en masse des particules ont une vitesse de chute inférieure à v20) est de l’ordre de quelques dizaines de cm par heure en réseaux séparatifs pluviaux, elle n’est que de quelques cm par heure en réseaux unitaires ; il sera donc plus difficile d’atteindre des rendements élevés de décantation des RUTP en réseaux unitaires qu’en réseaux séparatifs pluviaux.

Principaux enseignements

Les principales conclusions à tirer de cette revue des connaissances concernant la pollution des rejets urbains de temps de pluie sont les suivantes.

L'importance des RUTP : Les rejets urbains de temps de pluie contiennent de nombreux polluants minéraux et organiques, y compris des micropolluants. Les concentrations observées sont souvent d'un ordre de grandeur comparable, voire supérieur à celui des rejets des stations d'épuration. Par ailleurs ces rejets sont importants en volume et concentrés sur des durées réduites (voir : Rejet urbain de temps de pluie / RUTP (HU)), leurs impacts sur les milieux aquatiques récepteurs peuvent donc être considérables. La reconquête de la qualité des milieux aquatiques passe donc obligatoirement par la mise en place de stratégies visant à diminuer les volumes d'effluents ainsi que leurs concentrations (voir Traitement des RUTP (HU)).

La variabilité des RUTP, de leur composition et de leurs impacts : Chaque situation est particulière et il est absolument nécessaire de faire des études locales pour connaître l'importance et la composition des RUTP, évaluer les diverses façons dont ils sont susceptibles d'impacter les milieux aquatiques récepteurs et mettre enfin en place des stratégies adaptées de maîtrise.

Bibliographie :

  • Ahyerre, M. (1999) : Bilans et mécanismes de migration de la pollution organique en réseau d'assainissement unitaire ; Thèse de doctorat, Spécialité : hydrologie, hydrogéologie, géostatistique et géochimie ; Université Paris VI ; France ; 250p.
  • Al-Juhaishi, M.R.D. (2018) : Caractérisation et impact de la pollution dans les rejets urbains par temps de pluie (RUTP) sur des bassins versants de l'agglomération Orléanaise ; Thèse de doctorat, Institut des Sciences de la terre d'Orléans, 210p.
  • Ashley, R.M., Bertrand-Krajewski, J.-L., Hvitved-Jacobsen, T. (2005) : Sewer solids - 20 years of investigation. Water Science and Technology, 52(3), 73-84. doi: 10.2166/wst.2005.0063.
  • Bachoc, A., Tabuci, J.P., Chebbo, G., Philippe, J.P. (1994) : La pollution des rejets urbains de temps de pluie: quantité, origine et nature ; La houille blanche, n°1/2, 1994 , pp 21-33 ; disponible sur : https://www.shf-lhb.org/articles
  • Becouze-Lareure, C. (2010) : Caractérisation et estimation des flux de substances prioritaires dans les rejets urbains par temps de pluie sur deux bassins versants expérimentaux. Thèse de doctorat, INSA-Lyon, laboratoire DEEP, 298 p.
  • Briand, C. et al. (2018) : Que sait-on des micropolluants dans les eaux urbaines ? ;Rapport ARCEAU, AFB, 112p.
  • Brombach, H., Weiss, G., Fuchs, S. (2005) : A new database on urban runoff pollution: comparison of separate and combined sewer systems. Water Sci. Technol. 51, pp 119–128.
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