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Plomb (HU)

De Wikhydro

Traduction anglaise : Lead

Dernière mise à jour : 06/10/2022

Métal gris-bleuâtre, malléable, de symbole Pb et de numéro atomique 82, reconnu cancérigène depuis 1980, ce qui justifie son classement parmi les métaux lourds.

Sommaire

Nature et différentes formes physico-chimiques

Le principal minerai de plomb est la galène qui en contient 96,6% en masse. On l'extrait également à partir d'autres minerais (sulfure de plomb) généralement associé à d'autres métaux (zinc, argent, cuivre). D'autres variétés communes sont la cérusite (PbCO3) et l'anglésite (PbSO4).

Le plomb natif est rare et même s'il est relativement répandu dans la croute terrestre, il existe rarement sous forme libre à l'état naturel. Beaucoup des composés que l'on trouve dans l'environnement sont d'origine anthropique et la plupart sont des composés inorganiques. Beaucoup de ces composés sont inscrits dans la nomenclature Reach. En dehors du plomb sous forme métallique, les composés les plus fréquents sont (INERIS, 2015) :

  • le sulfate de plomb tribasique (O7Pb4S), utilisé en particulier pour la fabrication des peintures ;
  • le monoxyde de plomb (pBO), qui est utilisé dans les batteries ou pour teinter le verre ;
  • le tétraoxysulfate de pentaplomb ;
  • le phosphonate d’oxyde de plomb ;
  • le dioxobis (stéarato) triplomb.

Sources et concentrations moyennes

Différentes sources de plomb dans l'environnement

Contrairement à beaucoup d'autres métaux, la pollution par le plomb est très ancienne et a commencé 3 000 ans avant notre ère. L'analyse des concentrations dans la glace montrent trois pics d'émissions atmosphériques anciens : l'âge du bronze, l'époque romaine et le moyen âge (Preunkert et al., 2019) ; voir figure 1. Ces pics ont cependant été largement dépassés depuis du fait de la révolution industrielle (voir figure 3)


Figure 1 : Évolutions des concentrations en plomb et en antimoine dans les glaciers du Groenland et dans le glacier du dôme dans les Alpes en ng/g ; Source : Preunkert et al. (2019).

Depuis deux siècles le plomb a en effet beaucoup été utilisé dans de nombreuses applications industrielles : dans les batteries, dans l'industrie du câblage, de la tuyauterie et du bâtiment, comme colorant de peinture, dans la production d'alliages, etc. Il a également beaucoup été utilisé (jusqu'au 1er janvier 2 000 en Europe) en tant qu'additif antidétonant pour les véhicules à moteur à essence. Cette dernière utilisation a totalement disparu aujourd'hui et toutes les autres utilisations ont également beaucoup diminué. De ce fait les émissions atmosphériques de plomb ont énormément diminué ; par exemple en France elles sont passées de plus de 4 000 tonnes par an en 1990 à moins de 100 tonnes aujourd'hui (figure 2).


Figure 2 : Évolutions des émissions atmosphériques de plomb en France entre 1990 et 2018 ; Source : www.citepa.org.

Cette diminution des émissions se traduit pas une diminution des concentrations dans la glace (figure 3). La comparaison entre les figures 1 et 3 permet de noter que les dernières concentrations mesurées sont maintenant du même ordre de grandeur que celles mesurées dans les pics anciens précédents (0,5 ng/g). On est donc très loin d'avoir retrouvé le niveau de contamination naturelle, probablement 10 à 25 fois plus faible.


Figure 3 : Évolutions des concentrations en plomb (en haut) et en cadmium (en bas) dans la glace du mont Blanc (en noir) ; comparaison avec les concentrations simulés dans les dépôts par le modèle FLEXPART pour les émissions anthropiques estimées en Europe (en rouge) ; Source : Legrand et al (2020).


Plusieurs causes sont responsables de cette pollution résiduelle :

  • certaines applications industrielles continuent d'utiliser du plomb en Europe (en particulier les batteries automobiles) ;
  • malgré l'interdiction de commercialisation il reste des stocks de produits contenant du plomb (peintures, piles, tuyaux, etc.) qui ne sont pas nécessairement recyclés ;
  • les réglementations ne sont pas partout aussi restrictives qu'en Europe et le plomb émis dans l'atmosphère se déplace partout sur la planète comme le montre les carottes de glace du Groenland.

Le plomb dans l'environnement se trouve très rarement sous forme métallique et lorsque l'on en trouve sous cette forme il a presque toujours une origine humaine : plomb de chasse, tuyaux en plomb, plaques de plomb pour la couverture d'édifices (Notre Dame de Paris), etc. On retrouve d'ailleurs encore du plomb métallique datant de l'époque romaine (Utilisé par exemple pour tenir les barres de fer des fenêtre). Les autres formes sont des sels dus surtout à la corrosion du plomb par l'eau. Cette corrosion est dépendante du pH de l'eau et des sels qu'elle contient, et aussi bien sûr de la solubilité du sel ainsi que du temps de contact eau/plomb métallique.

Le carbonate de plomb est soluble dans l'eau, l'hydroxy-carbonate de plomb beaucoup moins, et l'hydroxy-phosphate de plomb est très peu soluble. C'est la raison pour laquelle à Paris on a ajouté des phosphates dans l'eau dans l'attente du remplacement total des branchements en plomb. L'hydroxyde de plomb est quant à lui moyennement soluble.

Contribution des rejets d'assainissement

Lors du projet AMPERE (Coquery et al, 2011 et http://projetamperes.cemagref.fr/), les concentrations en plomb ont été mesurées à l'entrée et à la sortie de 21 stations d'épuration françaises. Les concentrations moyennes trouvées sont extrêmement variables et se situent généralement entre 1 et 10 μg/L en entrée de station (eaux usées brutes) et entre 0,1 et 1 μg/L en sortie de traitement secondaire. Les flux moyens rejetés aux milieux aquatiques ont ainsi été estimés à environ 150 μg/j/habitant, ce qui correspond à une masse annuelle rejetée de l'ordre de 3,4 tonnes pour la France métropolitaine. Le plomb que l'on retrouve dans les eaux usées provient essentiellement des canalisations en plomb y compris des branchements et réseaux intérieurs.

Les concentrations en plomb dans les rejets urbains de temps de pluie varient entre 10 et 35 μg/L dans les eaux pluviales comme dans les eaux unitaire (synthèse des données de Al-Juhaishi, 2018, Becouze-Lareure, 2010, Dembélé, 2010, Dutordoir, 2014, Gromaire, 2012, Moilleron, 2004, Zgheib, 2009). Elles ont beaucoup diminué depuis les premières mesures effectuées dans les années 1990 pour lesquelles les valeurs moyennes observées de concentration étaient généralement comprises entre 90 et 440 μg/L (Chebbo et al., 1995). Elles sont cependant encore très importantes et la masse de plomb apportée aux milieux aquatiques par les rejets urbains de temps de pluie est probablement 2 à 3 fois supérieure à celle apportée par les stations d'épuration. Les sources dominantes actuelles dans les eaux de ruissellement sont les dépôts atmosphériques et les éléments de toitures (Grommaire, 2012).

Dans tous les cas les oxydes de plomb sont très majoritairement (80 à 90%) fixés sur les particules du fait de leur tendance à coprécipiter et à s'adsorber sur les particules solides. Le plomb lui-même est insoluble sous sa forme métallique. les oxydes sont cependant, dans beaucoup de cas, seulement faiblement adsorbés sur les matières en suspension et peuvent être à nouveau solubilisés sous l'effet de changements mineurs dans les conditions environnementales (par exemple diminution du pH).

Les quantités contenues dans les boues de station d'épuration sont comprises entre 10 et 100 mg/kg de matières sèche d'après Coquery et al. (2011), ou égales en moyenne à 40 mg/kg de matière sèche d'après Amorce (2019) ; elles correspondent également à un rejet d'environ 40 tonnes par an, soit 40% environ des émissions atmosphériques. Ces concentrations sont cependant inférieures aux concentrations maximum admissibles pour une valorisation agricole qui sont de 800 mg/kg. Ces fortes concentrations sont probablement en grande partie dues aux apports de temps de pluie, les concentrations dans les eaux pluviales étant beaucoup plus fortes que dans les eaux usées.

Toxicité et dangers associés

Impacts possibles sur la santé

Le plomb a des effets toxiques sur le système nerveux ; il est cancérigène et réprotoxique. Il est particulièrement dangereux pour les enfants chez qui il peut provoquer des troubles de la croissance et du développement intellectuel (saturnisme) ainsi que chez les femmes enceintes (solidarites-sante.gouv.fr). Chez les adolescents et les adultes, il augmente les risques de maladie rénale chronique et d’hypertension artérielle, altère la qualité du sperme et diminue la fertilité masculine.

A la fin du XXème siècle, la cause principale d'apport de plomb a été identifiée, à tort ou à raison, comme étant l'alimentation en eau potable. En effet, même si les ressources utilisées ont des concentrations très faibles, il existe un risque de dissolution du plomb utilisé dans les canalisations de distribution, particulièrement dans les zones granitiques où l'eau est plus acide. La détection dans les Vosges de quelques centaines de cas de saturnisme a conduit les autorités (Miquel, 2001) :

  • à diminuer la concentration maximum admissible dans les eaux destinées à la consommation humaine de 25 μg/L à 10 μg/L par l'arrêté du 11 janvier 2007, ceci à partir du 25 décembre 2013 ;
  • à lancer un énorme programme de remplacement des branchements publics en plomb (entre la canalisation publique et les canalisations privées) ; en 15 ans, 2,7 millions de branchements publics ont été remplacés en France pour un coût estimé par le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) à 5 milliards d’euros (solidarites-sante.gouv.fr).

L'utilisation de canalisations en plomb pour l'alimentation en eau avait pour sa part été interdite dès 1990. Les soudures en plomb pour le cuivre n'ont cessées qu'en 1995.

Impacts possibles sur les milieux aquatiques

Dans les milieux aquatiques, le plomb est principalement sous forme particulaire et incorporé dans les sédiments. Il peut cependant évoluer chimiquement ou biologiquement pour former des composés organométalliques potentiellement biodisponibles et toxiques pour les organismes aquatiques, par exemple des alkyls de plomb susceptibles de s'accumuler dans un certain nombre de tissus tels que les érythrocytes, le foie et les reins. Les facteurs de bioconcentration sont très variables, sans doute du fait de différentes conditions biotiques et abiotiques du milieu ; ils restent cependant assez faibles (EC, 2011 cité par Amara et al., 2016 et figure 5). Il ne semble pas y avoir de biomagnification.


Figure 5 : Facteurs de bioconcentration (BCF) du plomb dans différents organismes aquatiques ; Source : EC (2011) cité par Amara et al., 2016.


Les premiers effets écotoxiques semblent se manifester à une concentration de l'ordre de quelques μg/L sur certains invertébrés (Ineris, 2018). Les valeurs de concentrations sans effet observé (NOEC pour No Observable Effect Concentration), de concentration sans risque pour l'environnement (PNEC), de concentration maximale admissible (MAC pour Maximum Admissible Concentration) et de normes de qualité environnementales (NQE) sont données dans le tableau de la figure 6 pour les eaux douces et marines.


Figure 6 : Concentrations sans effet observé (NOEC), concentration maximale admissible (MAC), concentration sans risque pour l'environnement (PNEC) et norme de qualité environnementale (NQE) pour le plomb dans les eaux douces et marines ; les deux valeurs indiquées pour le PNEC font référence à deux modes d'estimation (statistique et extrapolation) ; Source : https://substances.ineris.fr/fr/substance/1154.

La biodisponibilité du plomb (comme celle du zinc) est dépendante de la dureté de l'eau et cette caractéristique est prise en compte pour évaluer la qualité des eaux de surface (figure 7).


Figure 7 : Détermination de la classe de qualité à partir des concentrations en plomb et en zinc et de la dureté de l'eau ; Source : grilles SEQ EAU V2


Bibliographie  :

  • Al-Juhaishi, M.R.D. (2018) : Caractérisation et impact de la pollution dans les rejets urbains par temps de pluie (RUTP) sur des bassins versants de l'agglomération Orléanaise ; Thèse de doctorat, Institut des Sciences de la terre d'Orléans, 210p.
  • Amorce (2019) : Quelles solutions pour valoriser les boues d’épuration ? ; Réf AMORCE EAT05 a ; 45p. ; disponible sur https://amorce.asso.fr/publications/quelles-solutions-pour-valoriser-les-boues-d-epuration-eat05
  • Becouze-Lareure, C. (2010) : Caractérisation et estimation des flux de substances prioritaires dans les rejets urbains par temps de pluie sur deux bassins versants expérimentaux. Thèse de doctorat, INSA-Lyon, laboratoire DEEP, 298 p.
  • Blanquet, J.P., Bonnomet, V., Coquery, M., Gaudillot, A., Gondelle, F., Houeix, N., Le Goff, F., Magaud, H., Meunier, L., Sanchez, W. (2004) : Devenir et comportement des métaux dans l'eau : biodisponibilité et modèles BLM ; rapport technique INERIS ; 87p. ; disponible sur www.ineris.fr
  • Boutron, C. ; Rosman K. ; Barbante, C. ; Bolshov, M ; Adams, F. ; Hong, S ; Ferrari, C (2004) : L'archivage des activités humaines par les neiges et glaces polaires : le cas du plomb ; Comptes Rendus Géoscience Volume 336, n° 10 pages 847-867 (juillet 2004)
  • Chebbo, G., Mouchel, J.M., Saget, A., Gouzailles, M. (1995) : La pollution des rejets urbains par temps de pluie : flux, nature et impacts ; TSM ; n° 11 ; p.796-806
  • Coquery M., Pomiès M., Martin-Ruel S., Budzinski H., Miège C., Esperanza M., Soulier C., Choubert J.-M.(2011) : Mesurer les micropolluants dans les eaux brutes et traitées - Protocoles et résultats pour l'analyse des concentrations et des flux ; Techniques Sciences et Méthodes, 1/2 : 25-43 ; disponible sur : projetamperes.cemagref.fr
  • Dembélé, A. (2010) : MES, DCO et polluants prioritaires des rejets urbains de temps de pluie : mesure et modélisation des flux événementiels, Thèse de doctorat, INSA Lyon, DEEP.
  • Dutordoir, S. (2014) : Bilan des flux de métaux, carbone organique et nutriments contenus dans une rivière alpine : part des rejets urbains de l‘agglomération de Grenoble et apports amont (Isère et Drac).
  • EC (2011) : Lead and its compounds ; dossier EQS prepared by the Sub-Group on Review of the Priority Substances List (under Working Group E of the Common Implementation Strategy for the Water Framework Directive).
  • EEA (2022) : Industrial pollutant releases to water in Europe ; disponible sur :www.eea.europa.eu.
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  • Legrand, M., McConnell, J. R., Lestel, L., Preunkert, S., Arienzo, M., Chellman, N. J., Stohl, A., and Eckhardt, S.(2020) : Cadmium pollution from zinc-smelters up to four-fold higher than expected in western Europe in the 1980s as revealed by alpine ice ; Geophysical Research Letters ; disponible sur : https://doi.org/10.1029/2020GL087537
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