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Dépôts de temps sec (HU) : Différence entre versions

De Wikhydro
(Origine des dépôts de temps sec et des polluants qui leur sont associés)
(Importance relative des dépôts de temps sec dans la pollution des eaux de ruissellement)
 
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''<u>Traduction anglaise</u> : Dry deposition''
 
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<u>Dernière mise à jour</u> : 18/02/2021
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Dans le domaine de l'hydrologie et de l'assainissement ce terme désigne les déchets, poussières et particules qui s’accumulent sur le sol, dans les caniveaux (et même parfois à l'intérieur du réseau) pendant les périodes de [[Temps sec (HU)|temps sec]]. On l'utilise également pour parler de façon plus spécifique des polluants qui sont associés à ces déchets, poussières ou particules.
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<u>Dernière mise à jour</u> : 07/09/2024
  
Il est curieusement principalement employé lorsque l'on s'intéresse à la pollution des rejets urbains de temps de pluie.
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Dans le domaine de l'hydrologie et de l'assainissement ce terme désigne les déchets, poussières et particules qui s’accumulent sur le sol, dans les caniveaux (et même parfois à l'intérieur du réseau souterrain) pendant les périodes de [[temps sec |temps sec]]. On l'utilise également pour parler de façon plus spécifique des polluants qui sont associés à ces déchets, poussières ou particules. Il peut aussi parfois être utilisé pour qualifier les dépôts dans les réseaux unitaires qui se produisent en dehors des périodes pluvieuses. Ce dernier aspect est davantage traité dans l'article [[Dépôts en réseau (HU)]].
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On s’intéressera principalement dans cet article à l’impact des dépôts de temps sec sur la [[Pollution des rejets urbains de temps de pluie (HU)|pollution des rejets urbains de temps de pluie.]]
  
 
==Origine des dépôts de temps sec et des polluants qui leur sont associés ==
 
==Origine des dépôts de temps sec et des polluants qui leur sont associés ==
  
Pendant les périodes de temps sec, de très nombreux polluants sont émis sous des formes variées. On distingue assez classiquement, même si cette distinction est souvent difficile et en partie arbitraire), les dépôts atmosphériques des autres dépôts.  
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Pendant les périodes de temps sec, de très nombreux polluants sont émis sous des formes variées et de très nombreux dépôts s’accumulent sur la ville. On distingue assez classiquement les dépôts atmosphériques des autres dépôts.
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* <u>Les dépôts atmosphériques</u> correspondent à des polluants qui ont été originellement émis dans l’atmosphère et qui se sont ensuite déposés sur le sol. Certains ont pu parcourir de très grandes distances et il est donc possible de les retrouver très loin de leur lieu d’émission (''figure 1''). Du fait de leur mobilité ils se répartissent de façon relativement homogène dans l’espace. Leurs origines sont diverses. Elles peuvent être naturelles (érosion éolienne, volcans, végétation, etc.) ou anthropiques (émissions industrielles, circulation automobile, chauffage, épandages agricoles de pesticides, etc.). Les polluants sont émis dans l'atmosphère soit sous forme particulaire soit sous forme gazeuse. Même dans ce dernier cas beaucoup sont rapidement adsorbés sur des particules, généralement de petite taille, et sont donc susceptibles de se déposer.
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* <u>Les autres dépôts</u> proviennent d'une multitude de sources (chantiers, rejets plus ou moins volontaires, végétation, animaux, poubelles non étanches, nettoyage des places de marchés, etc.) (''figure 2''). Ils sont plus grossiers et souvent concentrés dans certains lieux particuliers.
  
Les dépôts atmosphériques correspondent à des polluants qui ont été originellement émis dans l’atmosphère et qui se sont ensuite déposés sur le sol. Certains ont pu parcourir de très grandes distances et il est donc possible de les retrouver très loin de leur lieu d’émission. Du fait de leur mobilité ils se répartissent de façon relativement homogène dans l’espace. Leurs origines sont diverses : émissions industrielles, circulation automobile, chauffage, épandages agricoles (en particulier pesticides), végétation
 
  
alors que les autres dépôts sont souvent concentrés dans certains lieux particuliers.
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[[File:poussiere_sahara1_bc.JPG|600px|center|thumb|<center>''<u>Figure 1</u> : Les poussières du Sahara peuvent parcourir des milliers de km et se déposer soit par temps sec, soit en associant avec de petites pluies ; les volumes déposés peuvent être considérables ; crédit photo Bernard Chocat.''</center>]]
  
Les polluants émis dans l'atmosphère se présentent le plus souvent sous forme particulaire ou sont rapidement adsorbés sur des particules dont la taille varie de moins d’un micron à plusieurs millimètres, voire centimètres dans le cas des déchets. Pour cette raison, ils sont souvent nommés sous le terme générique de dépôts de temps sec (ou parfois de solides ou de sédiments des surfaces urbaines)
 
  
par un grand nombre de sources (pollution atmosphérique, chantiers, rejets volontaires, végétation, animaux, poubelles non étanches, nettoyage des places de marchés, etc.).
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[[File:cigarettes_bc.jpg|600px|center|thumb|<center>''<u>Figure 2</u> : Les mégots de cigarettes sont typiques de dépôts associés à une incivilité ; leur impact polluant est considérable ; crédit photo Bernard Chocat.''</center>]]
  
  
Ces dépôts de temps sec ont des origines multiples qui sont détaillées dans les paragraphes suivants.
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Cette distinction entre dépôts atmosphériques et autres dépôts est cependant un peu arbitraire. En effet :  
Nota : On distingue parfois les dépôts atmosphériques de temps sec des autres dépôts.  La distinction entre dépôts atmosphériques et autres dépôts est cependant un peu arbitraire. En effet :  
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* la mobilité des polluants atmosphériques est en réalité très variable : certains du fait de leur densité se déposent à quelques dizaines de mètres de leur lieu d’émission alors que d’autres peuvent rester très longtemps en suspension dans l’air et parcourir des milliers de kilomètres ;  
* la mobilité des polluants atmosphériques (c’est-à-dire originellement émis dans l’atmosphère) est très variable : certains du fait de leur densité se déposent à quelques dizaines de mètres de leur lieu d’émission alors que d’autres peuvent rester très longtemps en suspension dans l’air ;  
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* certains dépôts très légers, papiers ou plastiques par exemple, bien que n’étant pas émis dans l’atmosphère, peuvent cependant être déplacés sur de grandes distances par le vent.
 
* certains dépôts très légers, papiers ou plastiques par exemple, bien que n’étant pas émis dans l’atmosphère, peuvent cependant être déplacés sur de grandes distances par le vent.
Les polluants atmosphériques responsables des dépôts atmosphériques de temps sec ont les mêmes sources et le même comportement que les polluants atmosphériques que l’on retrouve dans l’eau de pluie. Comme eux, ils peuvent être d’origine endogène ou exogène. Seules les sources urbaines seront présentées ici, en précisant les cas où les polluants peuvent provenir de l'extérieur de la ville du fait des transports atmosphériques.
 
  
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==Importance relative des dépôts de temps sec dans la pollution des eaux de ruissellement==
  
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Les polluants présents dans les eaux de ruissellement (avant qu'elles ne pénètrent dans le système d'assainissement lui-même) proviennent de trois sources différentes :
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* les polluants associés à la pluie ;
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* la remobilisation des dépôts de temps sec ;
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* l'érosion des surfaces urbaines.
  
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La distinction entre ces trois sources est extrêmement difficile. En effet les polluants associés à la pluie sont de même nature que les dépôts atmosphériques de temps sec et l'érosion des surfaces urbaines s'effectue également en dehors des périodes de pluie, produisant alors des dépôts de temps sec...
  
Associées à ces dépôts de temps sec on trouve une gamme étendue de [[Polluant (HU)|polluants]] qui proviennent de sources locales mais également de sources éventuellement beaucoup plus lointaines et qui sont transportées par les mouvements atmosphériques. Ces polluants sont majoritairement fixés sur les particules les plus fines (< 250 nm).
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Cette distinction est cependant importante d'une part pour être capable de modéliser correctement la [[Pollution des eaux de ruissellement (HU)|pollution des eaux de ruissellement]] et d'autre part parce que les dépôts de temps sec sont en partie contrôlables, en particulier par un nettoyage approprié des surfaces urbaines.
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La mise en place en France de trois observatoires pérennes à partir des années 1990/2000 ([[OPUR (HU)|OPUR]] à Paris en 1994, [[OTHU (HU)|OTHU]] à Lyon en 1998 et [[ONEVU (HU)|ONEVU]] à Nantes en 2008), a permis l’acquisition, dans des conditions expérimentales rigoureuses et comparables, de longues séries de données de très bonne qualité. Certaines des études effectuées sur ces observatoires, qui fonctionnent de manière collaborative, ont commencé à quantifier les différentes sources de polluants (Voir par exemple Becouze-Lareure, 2010, Gasperi ''et al'', 2014, Gromaire, 2012, Lamprea, 2009). Les résultats obtenus restent cependant encore parcellaires et montrent malheureusement une grande variabilité selon les sites et selon les événements. On est encore très loin de pouvoir attribuer des valeurs fiables à la contribution des différentes sources en l'absence de mesures locales.
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A titre d'exemple, le tableau de la ''figure 3'', utilisant les travaux de Becouze-Lareure (2010) compare l'importance respective de la pollution apportée par la pluie et par les dépôts atmosphériques de temps sec, pour différents indicateurs et sur deux sites différents de la région lyonnaise.
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[[File:TS_versus_em.JPG|600px|center|thumb|<center>''<u>Figure 3</u> : Importance respective de la pollution apportée par la pluie (EM) et par les dépôts atmosphériques de temps sec (RS) pour les MES, la DCO et quelques métaux (Cadmium, Nickel et Plomb) sur deux bassins sites de la région lyonnaise, d'après Becouze-Lareure (2010).''</center>]]
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Voir aussi : [[Pollution des eaux de ruissellement (HU)]].
  
 
==Localisation préférentielle des dépôts de temps sec==
 
==Localisation préférentielle des dépôts de temps sec==
  
En général on trouve les particules les plus grossières en bordure des routes et dans les caniveaux, tandis que les poussières plus fines sont réparties sur tous les types de surface, même si le trafic provoque le transport des particules plus fines en direction de la bordure de trottoir.  
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Comme indiqué précédemment la distribution des retombées atmosphériques sèches est plus homogène sur le territoire que celle des autres dépôts. Quelques règles générales peuvent être dégagées :
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* les particules les plus grossières se trouvent principalement en bordure des routes et dans les caniveaux ;
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* les poussières plus fines sont réparties de façon plus homogènes sur tous les types de surface, le trafic automobile favorise cependant leur transport depuis le centre de la chaussée en direction de la bordure de trottoir (''figure 4'') ;
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* les déchets divers sont logiquement plus abondants dans les zones beaucoup fréquentées (zones commerciales et espace de marchés en particulier).
  
[[File:BC_bouche_egour_sale.JPG|400px|center|thumb|<center>''Les caniveaux, en particulier à proximité immédiate des avaloirs et des bouches d'égout, sont les lieux préférentiels sur lesquels s'accumulent les dépôts de temps sec ; crédit photo Bernard Chocat.''</center>]]
 
  
==Dynamique de dépôt==
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[[File:BC_bouche_egour_sale.JPG|600px|center|thumb|<center>''<u>Figure 4</u> : Les caniveaux, en particulier à proximité immédiate des avaloirs et des bouches d'égout, sont les lieux préférentiels sur lesquels s'accumulent les dépôts de temps sec ; crédit photo Bernard Chocat.''</center>]]
  
Le taux d'accumulation des sédiments est fonction de toutes les activités associées à la vie des rues et celles-ci sont fortement variables. L'accumulation des dépôts a deux composantes : une composante dynamique, pour laquelle l'accumulation et la reprise des sédiments sont dans un état d'équilibre dynamique, et une composante permanente, qui correspond à un stockage permanent fonction de la texture et de l'état de surface de la rue ; Cette composante n'est que peu sensible à un enlèvement par la pluie ou par un nettoyage conventionnel. L'accumulation totale est donc la somme du stockage permanent et de la quantité supplémentaire accumulée depuis le dernier nettoyage par la pluie ou par un autre moyen. Le nettoyage des rues joue un rôle relatif. On estime que seulement la moitié des particules les plus fines (sur lesquelles sont fixés la majorité des polluants) sont enlevées par le balayage des voiries. 
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==Dynamique de dépôt et efficacité du nettoyage==
  
==Modélisation du dépôt==
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Le taux d'accumulation est la résultante de toutes les activités produisant ou prélevant des dépôts. On sait aujourd'hui que l'accumulation des dépôts a deux composantes : une composante dynamique, pour laquelle l'accumulation et la reprise des sédiments sont dans un état d'équilibre dynamique, et une composante permanente, qui correspond à un stockage permanent fonction de la texture et de l'état de surface de la rue. Cette composante n'est que peu sensible à un enlèvement par la pluie ou par un nettoyage conventionnel. L'accumulation totale est donc la somme du stockage permanent et de la quantité supplémentaire accumulée depuis le dernier nettoyage par la pluie ou par un autre moyen. Le nettoyage des rues joue un rôle relatif. On estime que seulement la moitié des particules les plus fines (< 250μm), sur lesquelles sont fixés la majorité des polluants, sont enlevées par le balayage des voiries. L'aspiration est plus efficace mais devrait pouvoir se concentrer sur les zones les plus polluées (caniveaux et bordures de trottoirs) souvent difficilement accessible du fait du stationnement.
  
Plusieurs relations représentant l'accumulation des sédiments ont été développées empiriquement à partir d'observations. En général elles prennent en compte une croissance tendant asymptotiquement vers une valeur maximum, valeur pour laquelle un équilibre s'établit entre l'accumulation et la reprise. L'utilisation de n'importe lequel de ces modèles nécessite impérativement des mesures locales et un [[Calage d'un modèle (HU)|calage]].
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==Modélisation des phénomènes de dépôt-reprise==
  
En tout état de cause les dépôts de temps sec ne représentent qu’une partie des polluants mobilisés au moment des pluies. Les deux autres sources principales sont l’érosion des surfaces urbaines et le lessivage de l’atmosphère pendant la pluie.
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Plusieurs relations représentant l'accumulation des sédiments ont été développées empiriquement à partir d'observations. En général elles prennent en compte une croissance tendant asymptotiquement vers une valeur maximum, valeur pour laquelle un équilibre s'établit entre l'accumulation et la reprise.
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Les deux autres sources principales de [[Pollution des eaux de ruissellement (HU)|pollution des eaux de ruissellement]] dépendent de facteurs différents :
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* l’érosion des surfaces urbaines, qui dépend du pouvoir érosif de la pluie, lequel dépend lui-même principalement de son intensité et de son degré d’acidité (dû à la pollution atmosphérique par des gaz) ;
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* la quantité de polluants apportée par une pluie particulière (voir [[Pollution de l'eau de pluie (HU)]]) qui est totalement imprévisible en l'état actuel des connaissances.
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Pour compliquer encore les choses la capacité de la pluie à remobiliser les dépôts de temps sec dépend également de son intensité.
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On est encore très loin d'être capable de produire des modèles explicatifs sur l'accumulation et la reprise des dépôts de temps sec comme facteur explicatif de la pollution des eaux de ruissellement. L'utilisation de n'importe lequel des modèles existants nécessite impérativement des mesures locales et un [[Calage d'un modèle (HU)|calage]].
  
 
<u>Nota</u> : Le mot anglais « ''dust and dirt'' », littéralement : « poussières et saletés » n’a pas réellement d’équivalent en français. Il désigne tout ce qui, sur la surface de la ville, est potentiellement mobilisable par le ruissellement pluvial : retombées sèches (''dry deposition''), retombées humides (''wet deposition''), produits provenant de la corrosion, de l’érosion des surfaces et de toutes les autres sources de déchets, qu’elles soient humaines, animales ou végétales.
 
<u>Nota</u> : Le mot anglais « ''dust and dirt'' », littéralement : « poussières et saletés » n’a pas réellement d’équivalent en français. Il désigne tout ce qui, sur la surface de la ville, est potentiellement mobilisable par le ruissellement pluvial : retombées sèches (''dry deposition''), retombées humides (''wet deposition''), produits provenant de la corrosion, de l’érosion des surfaces et de toutes les autres sources de déchets, qu’elles soient humaines, animales ou végétales.
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<u>Bibliographie</u> :
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* Becouze-Lareure, C. (2010) : Caractérisation et estimation des flux de substances prioritaires dans les rejets urbains par temps de pluie sur deux bassins versants expérimentaux ; Thèse de doctorat, INSA-Lyon, laboratoire DEEP, 298 p.
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* Gasperi, J., Sebastian, C., Ruban, V., Delamain, M., Percot, S., Wiest, L., Mirande, C., Caupos, E., Demare, D., Diallo Kessoo, M., Saad, M., Schwartz, J.J., Dubois, P., Fratta, C., Wolff, H., Moilleron, R., Chebbo, G., Cren, C., Millet, M., Barraud, S., Gromaire, M.C. (2014) : Micropollutants in urban stormwater: occurrence, concentrations, and atmospheric contributions for a wide range of contaminants in three French catchments ; Environ Sci Pollut Res. ; DOI 10.1007/s11356-013-2396-0
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* Gromaire, M.-C. (2012) : Contribution à l’étude des sources et flux de contaminants dans les eaux pluviales urbaines ; Mémoire HDR, Université Paris Est, 107p.
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* Lamprea, K. (2009) :Caractérisation et origine des métaux traces, hydrocarbures aromatiques polycycliques et pesticides transportés par les retombées atmosphériques et les eaux de ruissellement dans les bassins versants séparatifs péri-urbains. Thèse de doctorat, IFSTTAR - Nantes, 264 p.
  
 
[[Catégorie:Dictionnaire_DEHUA]]
 
[[Catégorie:Dictionnaire_DEHUA]]
 
[[Catégorie:Généralités_pollution_des_rejets_urbains_de_temps_de_pluie_(HU)]]
 
[[Catégorie:Généralités_pollution_des_rejets_urbains_de_temps_de_pluie_(HU)]]

Version actuelle en date du 7 septembre 2024 à 17:56

Traduction anglaise : Dry deposition

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Dernière mise à jour : 07/09/2024

Dans le domaine de l'hydrologie et de l'assainissement ce terme désigne les déchets, poussières et particules qui s’accumulent sur le sol, dans les caniveaux (et même parfois à l'intérieur du réseau souterrain) pendant les périodes de temps sec. On l'utilise également pour parler de façon plus spécifique des polluants qui sont associés à ces déchets, poussières ou particules. Il peut aussi parfois être utilisé pour qualifier les dépôts dans les réseaux unitaires qui se produisent en dehors des périodes pluvieuses. Ce dernier aspect est davantage traité dans l'article Dépôts en réseau (HU).

On s’intéressera principalement dans cet article à l’impact des dépôts de temps sec sur la pollution des rejets urbains de temps de pluie.

Sommaire

[modifier] Origine des dépôts de temps sec et des polluants qui leur sont associés

Pendant les périodes de temps sec, de très nombreux polluants sont émis sous des formes variées et de très nombreux dépôts s’accumulent sur la ville. On distingue assez classiquement les dépôts atmosphériques des autres dépôts.

  • Les dépôts atmosphériques correspondent à des polluants qui ont été originellement émis dans l’atmosphère et qui se sont ensuite déposés sur le sol. Certains ont pu parcourir de très grandes distances et il est donc possible de les retrouver très loin de leur lieu d’émission (figure 1). Du fait de leur mobilité ils se répartissent de façon relativement homogène dans l’espace. Leurs origines sont diverses. Elles peuvent être naturelles (érosion éolienne, volcans, végétation, etc.) ou anthropiques (émissions industrielles, circulation automobile, chauffage, épandages agricoles de pesticides, etc.). Les polluants sont émis dans l'atmosphère soit sous forme particulaire soit sous forme gazeuse. Même dans ce dernier cas beaucoup sont rapidement adsorbés sur des particules, généralement de petite taille, et sont donc susceptibles de se déposer.
  • Les autres dépôts proviennent d'une multitude de sources (chantiers, rejets plus ou moins volontaires, végétation, animaux, poubelles non étanches, nettoyage des places de marchés, etc.) (figure 2). Ils sont plus grossiers et souvent concentrés dans certains lieux particuliers.


Figure 1 : Les poussières du Sahara peuvent parcourir des milliers de km et se déposer soit par temps sec, soit en associant avec de petites pluies ; les volumes déposés peuvent être considérables ; crédit photo Bernard Chocat.


Figure 2 : Les mégots de cigarettes sont typiques de dépôts associés à une incivilité ; leur impact polluant est considérable ; crédit photo Bernard Chocat.


Cette distinction entre dépôts atmosphériques et autres dépôts est cependant un peu arbitraire. En effet :

  • la mobilité des polluants atmosphériques est en réalité très variable : certains du fait de leur densité se déposent à quelques dizaines de mètres de leur lieu d’émission alors que d’autres peuvent rester très longtemps en suspension dans l’air et parcourir des milliers de kilomètres ;
  • certains dépôts très légers, papiers ou plastiques par exemple, bien que n’étant pas émis dans l’atmosphère, peuvent cependant être déplacés sur de grandes distances par le vent.

[modifier] Importance relative des dépôts de temps sec dans la pollution des eaux de ruissellement

Les polluants présents dans les eaux de ruissellement (avant qu'elles ne pénètrent dans le système d'assainissement lui-même) proviennent de trois sources différentes :

  • les polluants associés à la pluie ;
  • la remobilisation des dépôts de temps sec ;
  • l'érosion des surfaces urbaines.

La distinction entre ces trois sources est extrêmement difficile. En effet les polluants associés à la pluie sont de même nature que les dépôts atmosphériques de temps sec et l'érosion des surfaces urbaines s'effectue également en dehors des périodes de pluie, produisant alors des dépôts de temps sec...

Cette distinction est cependant importante d'une part pour être capable de modéliser correctement la pollution des eaux de ruissellement et d'autre part parce que les dépôts de temps sec sont en partie contrôlables, en particulier par un nettoyage approprié des surfaces urbaines.

La mise en place en France de trois observatoires pérennes à partir des années 1990/2000 (OPUR à Paris en 1994, OTHU à Lyon en 1998 et ONEVU à Nantes en 2008), a permis l’acquisition, dans des conditions expérimentales rigoureuses et comparables, de longues séries de données de très bonne qualité. Certaines des études effectuées sur ces observatoires, qui fonctionnent de manière collaborative, ont commencé à quantifier les différentes sources de polluants (Voir par exemple Becouze-Lareure, 2010, Gasperi et al, 2014, Gromaire, 2012, Lamprea, 2009). Les résultats obtenus restent cependant encore parcellaires et montrent malheureusement une grande variabilité selon les sites et selon les événements. On est encore très loin de pouvoir attribuer des valeurs fiables à la contribution des différentes sources en l'absence de mesures locales.

A titre d'exemple, le tableau de la figure 3, utilisant les travaux de Becouze-Lareure (2010) compare l'importance respective de la pollution apportée par la pluie et par les dépôts atmosphériques de temps sec, pour différents indicateurs et sur deux sites différents de la région lyonnaise.


Figure 3 : Importance respective de la pollution apportée par la pluie (EM) et par les dépôts atmosphériques de temps sec (RS) pour les MES, la DCO et quelques métaux (Cadmium, Nickel et Plomb) sur deux bassins sites de la région lyonnaise, d'après Becouze-Lareure (2010).

Voir aussi : Pollution des eaux de ruissellement (HU).

[modifier] Localisation préférentielle des dépôts de temps sec

Comme indiqué précédemment la distribution des retombées atmosphériques sèches est plus homogène sur le territoire que celle des autres dépôts. Quelques règles générales peuvent être dégagées :

  • les particules les plus grossières se trouvent principalement en bordure des routes et dans les caniveaux ;
  • les poussières plus fines sont réparties de façon plus homogènes sur tous les types de surface, le trafic automobile favorise cependant leur transport depuis le centre de la chaussée en direction de la bordure de trottoir (figure 4) ;
  • les déchets divers sont logiquement plus abondants dans les zones beaucoup fréquentées (zones commerciales et espace de marchés en particulier).


Figure 4 : Les caniveaux, en particulier à proximité immédiate des avaloirs et des bouches d'égout, sont les lieux préférentiels sur lesquels s'accumulent les dépôts de temps sec ; crédit photo Bernard Chocat.

[modifier] Dynamique de dépôt et efficacité du nettoyage

Le taux d'accumulation est la résultante de toutes les activités produisant ou prélevant des dépôts. On sait aujourd'hui que l'accumulation des dépôts a deux composantes : une composante dynamique, pour laquelle l'accumulation et la reprise des sédiments sont dans un état d'équilibre dynamique, et une composante permanente, qui correspond à un stockage permanent fonction de la texture et de l'état de surface de la rue. Cette composante n'est que peu sensible à un enlèvement par la pluie ou par un nettoyage conventionnel. L'accumulation totale est donc la somme du stockage permanent et de la quantité supplémentaire accumulée depuis le dernier nettoyage par la pluie ou par un autre moyen. Le nettoyage des rues joue un rôle relatif. On estime que seulement la moitié des particules les plus fines (< 250μm), sur lesquelles sont fixés la majorité des polluants, sont enlevées par le balayage des voiries. L'aspiration est plus efficace mais devrait pouvoir se concentrer sur les zones les plus polluées (caniveaux et bordures de trottoirs) souvent difficilement accessible du fait du stationnement.

[modifier] Modélisation des phénomènes de dépôt-reprise

Plusieurs relations représentant l'accumulation des sédiments ont été développées empiriquement à partir d'observations. En général elles prennent en compte une croissance tendant asymptotiquement vers une valeur maximum, valeur pour laquelle un équilibre s'établit entre l'accumulation et la reprise.

Les deux autres sources principales de pollution des eaux de ruissellement dépendent de facteurs différents :

  • l’érosion des surfaces urbaines, qui dépend du pouvoir érosif de la pluie, lequel dépend lui-même principalement de son intensité et de son degré d’acidité (dû à la pollution atmosphérique par des gaz) ;
  • la quantité de polluants apportée par une pluie particulière (voir Pollution de l'eau de pluie (HU)) qui est totalement imprévisible en l'état actuel des connaissances.

Pour compliquer encore les choses la capacité de la pluie à remobiliser les dépôts de temps sec dépend également de son intensité.

On est encore très loin d'être capable de produire des modèles explicatifs sur l'accumulation et la reprise des dépôts de temps sec comme facteur explicatif de la pollution des eaux de ruissellement. L'utilisation de n'importe lequel des modèles existants nécessite impérativement des mesures locales et un calage.

Nota : Le mot anglais « dust and dirt », littéralement : « poussières et saletés » n’a pas réellement d’équivalent en français. Il désigne tout ce qui, sur la surface de la ville, est potentiellement mobilisable par le ruissellement pluvial : retombées sèches (dry deposition), retombées humides (wet deposition), produits provenant de la corrosion, de l’érosion des surfaces et de toutes les autres sources de déchets, qu’elles soient humaines, animales ou végétales.

Bibliographie :

  • Becouze-Lareure, C. (2010) : Caractérisation et estimation des flux de substances prioritaires dans les rejets urbains par temps de pluie sur deux bassins versants expérimentaux ; Thèse de doctorat, INSA-Lyon, laboratoire DEEP, 298 p.
  • Gasperi, J., Sebastian, C., Ruban, V., Delamain, M., Percot, S., Wiest, L., Mirande, C., Caupos, E., Demare, D., Diallo Kessoo, M., Saad, M., Schwartz, J.J., Dubois, P., Fratta, C., Wolff, H., Moilleron, R., Chebbo, G., Cren, C., Millet, M., Barraud, S., Gromaire, M.C. (2014) : Micropollutants in urban stormwater: occurrence, concentrations, and atmospheric contributions for a wide range of contaminants in three French catchments ; Environ Sci Pollut Res. ; DOI 10.1007/s11356-013-2396-0
  • Gromaire, M.-C. (2012) : Contribution à l’étude des sources et flux de contaminants dans les eaux pluviales urbaines ; Mémoire HDR, Université Paris Est, 107p.
  • Lamprea, K. (2009) :Caractérisation et origine des métaux traces, hydrocarbures aromatiques polycycliques et pesticides transportés par les retombées atmosphériques et les eaux de ruissellement dans les bassins versants séparatifs péri-urbains. Thèse de doctorat, IFSTTAR - Nantes, 264 p.
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