Méthode des pluies (HU)
Traduction anglaise : Rainfalls design method
Dernière mise à jour : 3/2/2020
Cette méthode, connue aussi sous le nom de méthode hollandaise, permet de dimensionner facilement les volumes des ouvrages de stockage (bassins de retenue par exemple, mais aussi tous les ouvrages de stockage à la parcelle).
Sommaire |
Hypothèses de départ
Dans sa formulation classique, la méthode suppose :
- que le débit de fuite $ Q_v $ de l'ouvrage de stockage est constant ;
- que le coefficient d'apport $ C_a $ est indépendant de la pluie ;
- qu’il y a transfert instantané de la pluie à l'ouvrage de stockage, c'est à dire que les phénomènes d'amortissement dus au ruissellement sur le bassin sont négligés.
Les conséquences de ces hypothèses ainsi que leur incidence sur le résultat sont discutées dans les paragraphes suivants.
Attention : Les unités utilisées dans cet article sont les unités SI et ne correspondent pas aux unités usuelles pour lesquelles on fournit classiquement les coefficients de Montana (durées en minutes, hauteurs d'eau en mm) ; une transformation sera nécessaire.
Formulation de la méthode
Principes de la méthode
Pour appliquer la méthode, on s'appuie sur les courbes Intensité-durée-fréquence que l’on transforme en courbe hauteur-durée-fréquence (ou courbes enveloppes), soit, pour un ajustement de type Montana :
Avec :
- $ H(t,T) $: Hauteur de pluie précipitée pour la durée $ t $ et la période de retour $ T $ ($ m $) ;
- $ a(T) $ et $ b(T) $ : Coefficients d’ajustement d’une formule de type Montana pour la période de retour $ T $ (à choisir pour obtenir $ H $ en $ m $ avec $ t $ en $ s $).
Dans la suite de l'article nous supposerons que les calculs sont faits pour une période de retour donnée $ T $ et nous noterons simplement ces grandeurs $ H(t) $, $ a $ et $ b $.
Le volume entrant dans l'ouvrage de stockage ($ V_p(t) $) pour une pluie de durée $ t $ se calcule donc simplement :
Avec :
- $ C_a $ : coefficient d'apport ;
- $ S $ : surface totale du bassin versant drainé $ (m^2) $ ;
- $ S_a = C_a.S $ : surface active $ (m^2) $.
Comme le débit de vidange $ Q_v $ est supposé constant, le volume ($ V_r $) évacué après une durée $ t $ est simplement égal à :
On peut alors calculer, pour chaque durée de pluie $ t $, la différence entre le volume entrant et le volume évacué, qui représente le volume à stocker $ V_S $ pour une pluie ayant cette durée $ t $ (Voir Figure 1) :
Soit :
Il existe une durée $ t_m $ pour laquelle cette différence maximum. C'est donc pour cette durée qu'il faudra calculer le volume de stockage nécessaire pour la période de retour $ T $.:
Formulation analytique
La relation (5) permet de calculer le volume à stocker en fonction de la pluie. Ce volume sera maximum pour la durée $ t_m $ qui vérifiera :
Soit :
D’où :
et
En reportant la relation (8) dans l’expression du volume stocké (5), il est possible de calculer le volume maximum $ V_{max} $ :
soit :
Et finalement en reportant la relation (9) dans la relation (10), on obtient une formule permettant le calcul analytique direct de $ V_{max} $ en fonction de $ Q_v $ :
Il est alors possible de mettre en évidence une formule simple reliant directement $ V_{max} $ et $ Q_v $ (Chocat et Cherqui, 2018) :
Cette formule fait apparaître une constante C qui ne dépend que des coefficients de Montana :
Introduction de la durée maximum en eau
La figure 1 fait apparaître une autre durée intéressante : la durée $ t_{ee} $ qui correspond à la durée pour laquelle le débit de restitution moyen de l’ouvrage $ Q_v $ est égal au débit apporté à l’ouvrage. En d’autres termes, à partir de la durée $ t_{ee} $, l’ouvrage restitue de façon instantanée la totalité du volume apporté par la pluie et aucun stockage n'est nécessaire. La durée tee correspond donc à la durée maximum pendant lequel il peut y avoir de l'eau dans l'ouvrage. Cette durée est très importante pour des questions multiples : risque d'événements successifs, durée pendant lequel l'espace utilisé par l'ouvrage est inutilisable pour d'autres activités, risque d'éclosion de moustiques, etc.. Pour cette raison, il est généralement conseillé de limiter cette durée maximum en eau à quelques jours (typiquement 24 à 72h).
Nota : la pluie de durée $ t_{ee} $ n’est pas la même que la pluie dimensionnante de durée $ t_m $. La durée $ t_{ee} $ ne représente donc pas le temps de vidange de l’ouvrage plein, lequel sera forcément inférieur à $ t_{ee} $.
La durée $ t_{ee} $ est telle que les débits moyens entrant et sortant soient égaux, c'est à dire :
Il est donc possible d'écrire des relations explicites simples entre les 3 grandeurs $ t_{ee} $, $ V_{max} $ et $ Q_v $ :
Ces relations explicites sont schématisées sur la figure 2.
Raisonnement en termes d'intensité et de débit spécifique
Une autre façon de raisonner, moins classique, consiste à étudier la relation entre le débit spécifique $ q_v = Q_v/S_a $ et l'intensité de pluie $ i_m = a.t^b $ correspondant au temps $ t_m $.
D'après la relation (8) :
Nous pouvons donc écrire :
Cette relation permet d’établir un lien extrêmement simple entre i_m et q_v :
Cette relation est étonnante. Elle signifie que le rapport d'amortissement, c'est à dire le rapport entre le débit spécifique de vidange $ q_v $ et l'intensité moyenne de la pluie $ i_m $, est indépendant du débit de vidange et du volume de stockage. De plus il prend des valeurs qui varient relativement peu (entre 0,1 et 0,3 car b est généralement compris entre -0,6 et -0,9).
Lien avec la méthode des débits
La méthode des débits consiste à simuler le fonctionnement du système hydrologique constitué par le bassin versant et l'ouvrage de stockage pour un ensemble de pluies de projet ou de pluies réelles. Il peut sembler curieux de faire un lien entre ces deux méthodes que tout semble opposer et pourtant la méthode des pluies peut être considérée comme une version simplifiée de la méthode des débits.
Formulation de la méthode des pluies en termes de hyétogramme
Posons les hypothèses suivantes conformes à la méthode des pluies :
- Hypothèse H1 : le débit spécifique d'entrée (débit divisé par la surface active) est constant et commence au temps $ t=0 $ ; en termes hydrologiques, ceci peut être obtenu en posant les deux sous-hypothèses suivantes :
- la pluie est de type bloc (intensité constante sur toute la durée) ;
- il n'y a aucune prise en compte du ruissellement (la forme de l'hydrogramme entrant dans le bassin est strictement la même que celle de la pluie qui le provoque).
- Hypothèse H2 : le débit de sortie est constant et commence également au temps $ t= $0.
Le fonctionnement d'un ouvrage fonctionnant selon ces hypothèses peut être schématisé par la figure 3.
Quelle que soit la durée de la pluie $ t $, le volume stocké est maximum à la fin de la pluie. Il est égal à la différence entre le débit moyen d'entrée et de vidange, multipliée par cette durée.
Si on choisit l'intensité de pluie de durée $ t $ pour une période de retour $ T $ en utilisant un ajustement des courbes IDF de type Montana, on retrouve facilement la formule de la méthode des pluies.
Identification de la méthode des pluies classique à la méthode des débits
La méthode des pluies peut donc être interprétée comme une mise en œuvre particulière de la méthode des débits :
- avec un modèle de production utilisant un coefficient d'apport constant égal à $ C_a $ ;
- sans prendre en compte l'amortissement de l'hydrogramme associé au transfert dans le bassin versant amont ;
- en utilisant en entrée des pluies blocs de toutes les durées possibles et en retenant celle qui nécessite le volume maximum.
Généralisation de la méthode des pluies à d'autres formes de hyétogrammes
Pour simplifier les écritures, on raisonne en valeurs spécifiques en divisant les volumes par la surface active Sa. On appelle ir le débit de vidange spécifique et im le débit d'entrée spécifique : ir=Qv/Sa im=Qe/Sa Hsm=Vsm/Sa im peut s'exprimer par une formule de Montana en fonction de la période de retour: im=a(T).〖d0〗^(b(T)) Hsm=(a(T).〖d0〗^(b(T))-ir).d0 Ce volume est maximum pour une durée particulière tm fonction de a, b et ir. Pour calculer cette valeur, il suffit de résoudre l'équation : dHsm/dd0=(d(a(T).〖d0〗^(b(T))-ir).d0)/d0=0 On obtient alors le temps tm pour lequel Hsm est maximum : 〖tm〗^b=ir/(a.(b+1) ) tm=[ir/(a.(b+1) )]^(1/b) Cette relation permet d’établir un lien extrêmement simple entre im et ir : im=a.〖tm〗^b=a.ir/(a.(b+1) )=ir/((b+1) ) ir/im=b+1 Cette relation est étonnante. Elle signifie que le rapport d'amortissement (rapport entre le débit spécifique de vidange et l'intensité moyenne de la pluie) est indépendant du débit de vidange. De plus il prend des valeurs qui varient relativement peu (entre 0,1 et 0,3 car b est généralement compris entre -0,6 et -0,9). Il est donc possible de calculer une relation univoque entre tm et ir ou entre tm et im : tm=(ir/(a.(b+1) ))^(1/b)=(im/a)^(1/b) En reportant 〖tm〗^b et tm dans l’expression du volume, on peut calculer le volume spécifique maximum : Hsm=(ir/((b+1) )-ir).tm Hsm=(-b)/((b+1) ).ir.tm=-b.im.tm En remplaçant tm par sa valeur on obtient une relation univoque entre Hsm et ir ou entre Hsm et im : Hsm=((-b)/(b+1)).ir.(ir/(a.(b+1) ))^(1/b)=-b.im.(im/a)^(1/b) Cette relation peut se mettre sous les formes synthétiques suivantes : (Hsm/C1)^b=〖ir〗^(b+1) Avec : C1= (-a.b)/(a.(b+1) )^(((b+1))⁄b) Ou : Hsm=-b.im.(im/a)^(1/b)=-b.〖im〗^((b+1)/b).(1/a)^(1/b) a^(1/b).Hsm=-b.〖im〗^((b+1)/b) L'intérêt de cette formulation est de permettre de discuter les différentes hypothèses de la méthode des pluies, d'évaluer les incertitudes qui lui sont associées et de la généraliser.
Pour une durée de pluie d0 donnée, on peut ainsi construire simplement les hydrogrammes d'entrée (Q_e) et de sortie (Q_v) et en déduire l'évolution des volumes entrant et sortant ainsi que celle du volume stocké (Vs).
Choix des données pluviométriques
En l'absence de données locales disponibles dans beaucoup de collectivités, il est possible d'utiliser des ajustements de type Montana qui sont disponibles auprès de Météo-France pour chaque département et différentes périodes de retour. La principale précaution à prendre consiste à bien s’assurer que l’ajustement utilisé correspond bien aux durées pour lesquelles on réalise le calcul. En effet, les ajustements des courbes IDF ne sont valables que pour une plage donnée de durées (par exemple de 6 minutes à 2 heures) et peuvent conduire à des erreurs très importantes si on les utilise en dehors de cette plage de durée.
Moyennant cette précaution, la méthode des pluies donne des résultats satisfaisants si les trois hypothèses sur lesquelles elle repose sont remplies, ce qui est le cas pour la plupart des petits ouvrages de retenue (en particulier pour tous les ouvrages de stockage dits à la parcelle).
Bibliographie :
- Chocat, B. ; Cherqui, F. (2018) : La méthode des pluies revisitée ; TSM N°11 ; 2018 -; Page(s) 49-59.
Pour en savoir plus : Vidéo de présentation de la méthode des pluies généralisée
Voir aussi : Méthode des débits, Méthode des volumes.