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C.01 - Méthodes usuelles d'estimation des incertitudes de prévision

De Wikhydro

Sommaire

Introduction

Plusieurs approches différentes permettent d'apporter une information sur l'incertitude des prévisions. Ces méthodes varient par leurs hypothèses, leurs complexités et également par la précision de l'information qu'elles apportent. Sans faire une classification complète, cette fiche définit quelques « grandes familles » d'approches en allant des plus simples aux plus complexes, mais aussi des moins informatives aux plus riches. Selon les besoins exacts des destinataires des prévisions, il n'est pas toujours nécessaire ni opportun d'utiliser l'une des méthodes les plus complexes pour apporter l'information utile et suffisante (Lerat et al., 2012).

Chaque approche peut être employée pour rendre compte de l'incertitude de prévision due à une source d'incertitude en particulier (fiche 1.02) ou de plusieurs d'entre elles (voire toutes). Il peut être judicieux de combiner plusieurs méthodes adaptées pour une ou plusieurs sources pour obtenir l'incertitude de prévision totale (cf. section 3.3).


Pour donner une illustration des possibles : étudier plusieurs scénarios

Calculer plusieurs prévisions selon différents scénarios ne quantifie pas réellement l'incertitude mais permet d'explorer le champ des possibles

Une première approche consiste à exécuter le modèle non pas une fois mais un petit nombre de fois en faisant varier certains éléments identifiés comme sources d'incertitude :

  • un ou plusieurs paramètres autour de leurs valeurs calées (section 1.2),
  • les conditions initiales (par exemple : l'état du modèle représentant l'humidité des sols dans un modèle hydrologique événementiel),
  • les forçages futurs (par exemple : les prévisions de précipitation entre l'instant de prévision et l'échéance visée, section 1.3).

La comparaison entre les sorties de ces différentes exécutions du modèle permet d'évaluer qualitativement l'influence de ces éléments et de se donner une idée de la variabilité liée aux choix de modélisation. Tant qu'on n'associe pas à chaque scénario une probabilité, il s'agit d'une information qualitative qui ne fournit pas une information précise sur l'incertitude de prévision (via un intervalle de prévision ou une probabilité de dépassement d'un seuil...).

Analyse de sensibilité des paramètres du modèle

La plupart des modèles et outils de prévision, qu'ils soient hydrologiques ou hydrauliques, sont calés (fiche 2.19) : leurs paramètres ne sont pas issus directement et uniquement d'observations sur le terrain mais (également) d'une procédure d'estimation visant à réduire au maximum l'écart entre les observations (de débits ou de hauteurs d'eau) et les prévisions correspondantes du modèle. Cette démarche ne s'appuie que sur une série limitée d'observations et sur un modèle d'erreur imparfait. Le calage génère donc lui-même une incertitude : la valeur calée d'un paramètre n'est pas forcément la valeur optimale pour toute prévision. Aussi, analyser la sensibilité du modèle à ses paramètres permet d'identifier les paramètres clefs puis d'évaluer grossièrement l'incertitude de prévision qui pourra être due à ces paramètres.


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Incertitude sur les pluies futures : l'emploi des pluies d'ensemble (PEARP,...)

L'emploi d'ensemble de prévisions météorologiques est décrit dans la fiche 3.03.


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Incertitude de modélisation : approches multi-modèles

Nous ne sommes capables de décrire que « superficiellement » les processus physiques en œuvre dans la transformation Pluie – Débit (approches hydrologiques) ou dans la propagation des masses d'eau chenalisées (approches hydrauliques). Les outils et modèles que nous employons, même d'une grande complexité descriptive, restent des simplifications des milieux naturels et des phénomènes physiques. Il s'agit là d'une incertitude « épistémique », c'est-à-dire une incertitude due à l'imperfection de notre compréhension du système étudié (bassin versant, cours d'eau...). Cette incertitude est par nature non quantifiable. Cependant, il est possible de l'approcher1 en considérant la variabilité des « réponses » de modèles différents, c'est-à-dire de représentations différentes d'un même système physique modelé par les mêmes processus physiques.


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Identifier les sources d'incertitude et analyser la propagation de ces incertitudes

Ces approches identifient une ou plusieurs sources d'incertitude principales. L'incertitude de ces sources est ensuite quantifiée de façon à pouvoir être simulée puis propagée à travers le modèle (fiche 1.03).

Les sources d'incertitude le plus souvent prises en compte sont :

  • les prévisions de précipitation : on peut considérer que les prévisions basées sur des prévisions météorologiques d'ensemble font partie de ces méthodes si l'ensemble météorologique compte suffisamment de membres ;
  • la paramétrisation des modèles hydrologiques ou hydrauliques.

Les approches stochastiques proposent une description de l'incertitude de chaque source qui permette d'être aisément propagées par le modèle de façon à obtenir in fine une estimation de l'incertitude de prévision. Ces approches sont décrites dans la fiche 3.05.


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Apprendre de ses erreurs passées (analyse a posteriori)

Les erreurs passées (et actuelles) de nos systèmes de prévision apportent de l'information sur leurs incertitudes. On peut voir les erreurs faites comme les conséquences de l'incertitude de prévision (leur cause).

Pour extraire une information utile à l'estimation de l'incertitude, on peut soit construire une description de ces erreurs (section 3.1), soit définir un modèle de l'erreur (c'est-à-dire faire des hypothèses complémentaires sur le système étudié, ou plus précisément sur l'incertitude de prévision du comportement de ce système) et utiliser la connaissance des erreurs passées et présente pour améliorer ce modèle et le caler (section 3.2).

Apprendre d'une série d'erreurs passées

Une série de couple d'observations et de prévisions correspondantes peut être analysée pour décrire l'incertitude de prévision. L'approche la plus simple est une description pure des erreurs, d'abord traitées de façon indistincte, puis en fonction de facteurs explicatifs supposés. Pour aller plus loin, on peut ajouter des hypothèses complémentaires, c'est-à-dire construire un modèle de l'erreur et le caler au mieux sur les données disponibles. Ces méthodes sont décrites dans la fiche 3.07.


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Approches bayésiennes : améliorer notre estimation des incertitudes à chaque nouvelle observation

Les approches bayésiennes visent à dépasser la simple description des sources d'incertitude ou des erreurs passées. Elles construisent un modèle de l'incertitude de prévision (la vraisemblance des données, relativement à ce modèle) et font évoluer la connaissance de l'incertitude pour tenir compte de l'information apportée par chaque nouvelle observation : il s'agit donc d'une assimilation de données visant à mettre à jour l'estimation de l'incertitude du modèle. Ces méthodes sont décrites dans la fiche 3.06.


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Quelles sources d'incertitude peut-on prendre en compte ?

Les méthodes d'apprentissage sont le plus souvent employées pour obtenir une estimation de l'incertitude de prévision « totale », c'est-à-dire due à l'ensemble des sources d'incertitude sans les différencier. C'est par exemple le cas des approches décrites dans la fiche 3.05.

Pour affiner, il est également possible d'utiliser des résultats de « rejeu » obtenus en éliminant des sources d'incertitude présentes à l'instant de prévision en temps réel mais dont on peut s'affranchir en temps différé. Par exemple, Krzysztofowicz et Maranzano (2004) regroupent les sources d'incertitude en deux familles :

  • les prévisions (principalement de précipitation) en entrée du modèle hydrologique ;
  • toutes les autres sources rassemblées dans une source globale appelée incertitude hydrologique.

En rejouant les prévisions avec les observations de pluie obtenues a posteriori et en appliquant une méthode d'apprentissage (analyse a posteriori des erreurs), il est possible d'obtenir une connaissance de l'incertitude de prévision due à l'incertitude hydrologique uniquement, qui peut servir à construire un post-traitement de prévisions d'ensemble de débit obtenues en exécutant un modèle Pluie – Débit alimenté par un ensemble de prévisions météorologiques de pluie (section1.3). Cette méthode est employée aux États-Unis (Seo et al., 2006).



Voir également

Fiche 1.02 – Sources d'incertitude

Fiche 1.03 – Propagation des incertitudes : amplification et réduction

Fiche 2.19 – Modélisation hydrologique : le calage

Fiche 3.03 – Emploi de prévisions d'ensemble météorologiques

Fiche 3.04 – Approches multi-modèles

Fiche 3.05 – Approches stochastiques

Fiche 3.06 – Approches bayésiennes

Fiche 3.07 – Apprentissage par analyse a posteriori des erreurs de prévision


Pour aller plus loin

  • Bourgin, F. (2012) . Mémoire de doctorat, IRSTEA (en particulier le chapitre X, revue bibliographique)
  • Krzysztofowicz, R. et Maranzano, C. (2004). Hydrologic uncertainty processor for probabilistic stage transition forecasting. Journal of Hydrology. 293, 57 – 73.
  • Lerat J., Peeters, L. et Shao, Q. (2012). Towards the adoption of uncertainty assessment in water ressources models: the eWater Source uncertainty guideline. 34th Hydrology and Water Resources Symposium.
  • Seo, D.-J., Herr, H. D. et Schaake, J. C. (2006). A statistical post-processor for accounting of hydrologic uncertainty in short-range ensemble streamflow prediction. Hydrology and Earth System Sciences Discussions,3, 1987–2035.
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