Temps de concentration (HU)
Traduction anglaise : Time of concentration
mot en chantier
Dernière mise à jour : 27/13/2023
Sur un bassin versant, temps mis par l'eau pour parcourir la distance entre le point le plus éloigné (en temps d’écoulement) de l'exutoire et ce dernier (figure 1).
Sommaire |
Origine et importance de la notion de temps de concentration
Temps de concentration et calcul du débit de pointe du bassin versant
La notion de temps de concentration aurait été introduite, pour la première fois en 1851, par un physicien irlandais, T.J. Mulvaney comme le temps au bout duquel apparait le débit de pointe à l’exutoire d’un bassin versant. Le temps de concentration constitue le paramètre de base dans la méthode rationnelle ainsi que dans certains autres modèles pluie-débit de même nature (méthode de Caquot par exemple) pour le calcul des débits de pointe des bassins versants.
Si l'on considère une pluie de type bloc (intensité constante) et répartie uniformément sur le bassin versant, la pluie la plus défavorable, c'est à dire qui conduira au débit de pointe maximum, pour une période de retour donnée est celle dont la durée est strictement identique au temps de concentration.
En effet :
- si la durée de la pluie est plus courte que le temps de concentration alors seule une partie de la surface du bassin versant contribuera à chaque instant au débit à l'exutoire, donc, en particulier, au moment où ce débit est le plus grand ;
- si la durée de la pluie est plus longue que le temps de concentration alors l'intensité de pluie sera plus faible pour une même période de retour.
Conséquences hydrologiques de la réduction du temps de concentration
Au delà de la vision précédente, sans doute assez simpliste vis à vis de la complexité des phénomènes hydrologiques en cause, la prise en compte de cette notion est essentielle pour comprendre les conséquences des aménagements sur la réponse des bassins versants. En effet réduire le temps de concentration d'un bassin versant a deux effets très préjudiciables sur la valeur des débits :
- elle rend le bassin versant sensible à des pluies plus courtes, donc dont l'intensité moyenne est plus forte et qui vont générer des volumes plus importants par unité de surface ;
- elle diminue également le temps de réponse du bassin versant (voir Lag time (HU)), ce qui a pour conséquence que le volume produit, déjà plus important, s'écoule dans un temps plus court ce qui augmente mécaniquement la valeur du débit maximum et diminue le temps d'alerte.
Ces deux facteurs font que la diminution des temps de concentration résultant de l'aménagement des bassins versants constitue souvent le facteur essentiel de l'aggravation du régime des crues alors que l'on accuse souvent à tort l'augmentation des coefficients de ruissellement dont le rôle, réel, est cependant généralement plus faible.
Évaluation du temps de concentration d'un bassin versant
Le temps de concentration peut être soit apprécié par la mesure à partir de crues observées, soit estimé en fonction des paramètres physiques caractérisant le bassin versant.
Fondements théoriques de l'évaluation du temps de concentration
On peut trouver des fondements théoriques de l'évaluation du temps de concentration, selon la conception de Mulvaney, en utilisant le modèle de l’onde cinématique pour représenter le ruissellement de la pluie sur une plaque plane homogène de rugosité $ k $ et de longueur de ruissellement $ L $, soumise à une précipitation d’intensité constante $ i $.
Dans ces conditions, le temps au bout duquel apparaît le débit de pointe de ruissellement à l’exutoire de la plaque s’écrit :
Dans cette expression, $ m $ est l’exposant de la formule d’écoulement du régime uniforme (par exemple 3/2 dans la formule de Chezy). Cette relation montre, en particulier, et contrairement à de multiples formules usuelles en ingénierie, que le temps de concentration d’un bassin versant n’est pas constant et dépend de l’intensité de la pluie nette.
Formules empiriques de calcul du temps de concentration
En réalité, dès que les surfaces dépassent quelques hectares (au maximum quelques dizaines d'hectares pour des bassins versants très plats), on s'éloigne des hypothèses précédentes qui correspondent à un ruissellement en lame mince. Dans les bassins versants naturels, les écoulements s'organisent assez vite, d'abord dans des thalwegs secs, puis dans des cours d'eau de plus en plus importants et pérennes. Dans les bassins versants aménagés, et particulièrement dans les bassins versants urbains, c'est un réseau de plus en plus artificiel qui structure le transfert. Ceci explique que l'on évalue généralement le temps de concentration à partir de formules empiriques faisant intervenir des caractéristiques du bassin versant (surface, pourcentage de surface imperméable, pente, etc.), voire de la pluie. Il existe un très grand nombre de formules qui ne sont généralement valides que dans le domaine où elles ont été construites. Nous rappelons quelques unes des formules les plus classiques dans les § suivants en distinguant le cas des bassins versants ruraux ou naturels et le cas des bassins versants urbains.
Pour toutes ces formules on utilise les unités peu orthodoxes suivantes :
- $ A $ : Surface du bassin versant (hectares) ;
- $ L $ : Longueur du plus long parcours de l'eau (m) ;
- $ I $ : pente moyenne le long du plus long parcours de l'eau (%, c'est à dire entre 0 et 100) ;
- $ t_c $ : temps de concentration (mn).
Nota : Pour évaluer la pente moyenne il est parfois conseillé de ne pas prendre en compte la partie haute du bassin versant (les 10 premiers % du parcours de l'eau), ni la partie la plus basse (les 15 derniers % du parcours de l'eau) (agrireseau.net).
Cas des bassins versants ruraux ou naturels
Pour l’estimation du temps de concentration des bassins-versants ruraux ou naturels, les bureaux d’études recourent généralement à un grand nombre de formulations, telles que, par exemple, celles de Giandotti, de Passini, de Ventura, de Turraza, de Kirpich, de Ven Te Chow, de la méthode SCS, etc. La grande disparité des résultats sur lesquels débouchent ces méthodes les conduit alors souvent à en faire une moyenne (moyenne dont ne sont généralement même pas écartées les valeurs les plus extrêmes, très faibles et/ou très fortes), qui servira ensuite à calculer l’intensité permettant la détermination de Qp.
Ces différentes formulations découlent pour la plupart d’analyses menées dans des contextes bien particuliers (superficie du bassin-versant, nature de l’occupation du sol, gamme de pentes, pluviométrie particulière à une région, périodes de retour plus ou moins rares, etc.) ou encore dans des contextes pas toujours bien appréhendés par les utilisateurs de ces formulations. Effectuer de façon indifférenciée la moyenne de résultats issus de formulations liées à des contextes disparates n’a donc aucun sens, et révèle bien l’embarras des auteurs de tels calculs.
Une synthèse bibliographique (Savary, 2018) consacrée aux différentes formulations du temps de concentration préconisées pour des bassins-versants ruraux ou naturels, en a dégagé trois, dont la validité semble acceptable dans des contextes à la fois géographiques et pluviométriques suffisamment larges.
Préalablement à l’emploi des différentes formules que fournit la littérature spécialisée se rapportant à l’estimation du temps de concentration, il est important de porter une grande attention aux unités dans lesquelles les paramètres utilisés sont formulées.
Cas des bassins versants urbains
Dans les bassins versants urbains, le transfert se fait principalement dans un système hydrologique aménagé : caniveaux et branchements, puis réseau de conduites souterraines. Les formules précédentes sont généralement majorantes car les écoulements sont beaucoup plus rapides que dans des biefs naturels. Les formules à utiliser sont donc différentes.
Le memento ASTEE (2017) propose d'utiliser la formule de Kirpich, initialement calée sur de petits bassins versants agricoles dont la superficie variait entre 0,4 ha et 81 ha, dont les sols étaient argileux et dont la pente moyenne étaient comprise entre 3% et 10% (agrireseau.net) :
Cette formule est encore souvent majorante et il paraît tout aussi logique de considérer simplement que le temps de concentration est égal à la longueur du plus long parcours de l'eau ($ L $) divisée par la vitesse moyenne d'écoulement ($ V $) :
La vitesse moyenne augmente avec la pente du bassin versant mais, pour des raisons techniques, elle est généralement comprise entre des bornes assez strictes. Elle est généralement supérieure à $ 1\ m/s $ pour vérifier des conditions d'autocurage et inférieure à $ 2\ m/s $ pour limiter l'érosion et la dégradation des ouvrages.
On peut noter qu'elle est également dépendante du débit, donc de l'intensité de pluie nette comme indiqué dans le § Fondements théoriques de l'évaluation du temps de concentration.
Une autre solution consiste à repartir des relations proposées pour évaluer les lag times des bassins versants, en considérant, suite aux travaux de Thibault (2011), que la valeur du lag time est comprise entre la moitié et les deux tiers de la valeur du temps de concentration. Michel Desbordes (1974) a proposé différents ajustement pour le paramètre $ K $ du modèle du réservoir linéaire dont plusieurs font intervenir le coefficient d'imperméabilisation qui traduit le niveau d'urbanisation du bassin versant.
Jean Luc Bertrand-Krajewski (2022) a repris les données de Michel Desbordes en utilisant une méthode d'optimisation non linéaire permettant de ne pas privilégier les points les plus extrêmes (ayant les plus grandes ou les plus petites valeurs de $ K $). Une analyse de sensibilité lui a permis de conclure que la meilleure relation était la suivante (voir l'article Lag time (HU) pour les justifications):
On peut ensuite calculer $ t_c $ en fonction de $ K $.
Avec :
- $ A $ : surface du bassin versant (hectares) ;
- $ D_p $ : durée de la période de "pluie critique" du bassin (de l'ordre de grandeur du temps de réponse du bassin) (mn) ;
- $ H_p $ : hauteur de pluie pendant cette durée (mm) ;
- $ I $ : pente du plus long parcours (en %, c'est à dire comprise entre 0 et 100) ;
- $ C_{IMP} $ : coefficient d'imperméabilisation (en rapport, c'est à dire compris entre 0 et 1) ;
- $ L $ : longueur du plus long parcours de l'eau (collecteur principal) (m) ;
- $ a $ : paramètre sans dimension valant 2 pour un réseau linéaire et tendant vers 1,5 lorsque le réseau se développe.
Il est important de noter que ces toutes ces relations permettant le calcul a priori du temps de concentration ne fournissent que des ordres de grandeur, avec des incertitudes élevées, et que l’utilisateur doit en être conscient.
Bibliographie :
- agrireseau.net
- ASTEE (2017) : Mémento technique 2017 sur la conception et le dimensionnement des systèmes de gestion des eaux pluviales et de collecte des eaux usées (décembre 2017), 275p. téléchargeable sur : https://www.astee.org/publications/memento-technique-2017/
- Bertrand-Krajewski, J.L. (2022) : Révision des formules du lag-time de Desbordes (1974) ; document de travail fourni sur demande ; 36p.
- Desbordes M. (1974) : Réflexions sur les méthodes de calcul des réseaux urbains d'assainissement ; thèse DI ; Université des Sciences et Techniques du Languedoc ; Montpellier ; 171p.
- Thibault, S. (2011) : Barycentre d’un réseau fractal, lag-time et temps de concentration.