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Noue (HU)

De Wikhydro
Version du 31 juillet 2023 à 17:16 par Bernard Chocat (discuter | contributions)

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Traduction anglaise : Swale, Ditch, Water meadow

Dernière mise à jour : 25/05/2023

En hydrologie urbaine on utilise ce terme pour désigner un fossé large et peu profond, généralement végétalisé, susceptible de stocker, et/ou de transporter et/ou d’infiltrer les eaux de pluie en surface en les filtrant ; cet espace est en général totalement accessible et utilisable pour d'autres activités en dehors des périodes pluvieuses ; on parle également de saillie ou de fossé.

Nota : ce terme est également utilisé en architecture pour désigner l'intersection de deux versants d'une toiture, formant un angle rentrant et permettant le recueil et l'écoulement de l'eau.

Sommaire

Généralités

Principes et variantes

Du fait de leur multi-fonctionnalité hydrologique (transport de l'eau et/ou stockage provisoire et/ou infiltration), les noues peuvent présenter de multiples modes de fonctionnement. En particulier :

  • si la fonction de transport constitue la fonction principale, la noue peut être assimilée à un canal végétalisé ; c'est le rôle traditionnel associé aux fossés en bordure des routes ; dans ce cas la noue fait généralement partie d'un ensemble plus global de dispositifs de gestion des eaux de pluie (souvent en association avec des bassins de retenue ou des stockages en surface) ;
  • si au contraire ce sont les fonctions de stockage et d'infiltration qui priment, la noue constitue alors un cas particulier de stockage en surface dont elle ne se distingue que par son aspect linéaire.

Il est également possible d'envisager des fonctionnements plus complexes dans lesquels la noue joue à la fois un rôle de transport vers un ouvrage aval tout en favorisant l'infiltration sur la totalité de son parcours.

Dans tous les cas le stockage et/ou l'écoulement s'effectue de façon visible au-dessus du niveau du sol. Il est cependant possible d'associer une noue avec une tranchée dans sa partie basse ; on parle alors de tranchée composée.


Figure 1 : Noue classique en bordure de voirie venant juste d'être mise en service et avant que la végétation ne se soit développée ; notez la bordure de trottoir ajourée pour permettre le passage de l'eau mais interdire le stationnement ; Crédit photo Bernard Chocat.

L'aspect des noues peut également prendre des formes très diverses. On imagine souvent ces ouvrages comme des dépressions allongées engazonnées (figure 1). Beaucoup d'autres solutions sont possibles. Par exemple il est possible de végétaliser une noue avec des arbustes et de la faire apparaître dans le paysage comme étant au dessus du sol, voire comme une haie (figure 2). Cette solution peut permettre d'augmenter la pente des talus et de diminuer la largeur pour une même section d'écoulement ou de stockage.


Figure 2 : Les noues sont généralement végétalisées, mais peuvent être traitées avec une végétation arbustive ; la noue prend alors l'allure d'une haie, ce qui limite l'accumulation des détritus, diminue les risques de colmatage et facilite l'entretien ; Crédit photo Bernard Chocat.

On trouvera un très large éventail de réalisations sur le site https://www.pinterest.fr/isabelleleroux5/noues-paysag%C3%A8res/

Historique

L'idée de gérer les eaux de pluie en surface, que ce soit pour les transporter d'un point à un autre, de les stocker provisoirement ou de des infiltrer est probablement aussi ancienne que la civilisation. En particulier les fossés ont été très largement utilisés pour canaliser l'eau le long des routes et des chemins. La réalisation, en milieu urbain, d'ouvrages correspondant à la définition aujourd'hui admise ("'fossé large et peu profond") pour gérer localement les eaux pluviales a sans doute commencé dès le milieu du XXème siècle. On en trouve un exemple remarquable datant de la fin des années 1950 sur le campus de la Doua à Villeurbanne (figure 3).


Figure 3 : Noue construite à l'origine du campus de la Doua à Villeurbanne (fin des années 1950) ; Notez la taille des peupliers ; Crédit photo Bernard Chocat.

Le mot noue lui même est attesté dès l'ancien français notamment dans l'ouest et le centre de la France, au sens de "terre grasse et humide servant de pâturage" (article wikipédia).

L'utilisation de ce terme pour désigner explicitement une technique de gestion des eaux pluviales est cependant beaucoup plus récente et date des années 1980, époque à laquelle la communauté urbaine de Bordeaux met en place un vaste programme de gestion des eaux pluviales par des solutions compensatoires pour lutter contre les inondations.

Aujourd'hui les noues représentent l'archétype des solutions alternatives et constituent probablement la solution la plus connue et la plus utilisée.

Fonctions et co-bénéfices

En dehors de leur flexibilité et de leur coût extrêmement réduit, les noues présente un grand nombre de bénéfices écologiques, environnementaux et paysagers :

  • elles permettent (dans le cas où elles sont infiltrantes) de conserver sur place une eau précieuse qui va réalimenter les sols et les nappes, prévenir la dessication des sols et le manque d'eau pour la végétation, jouer un rôle bioclimatique appréciable, etc. ;
  • leur caractère linéaire permet, en particulier en bordure de route ou de rue, de les alimenter très facilement par ruissellement en limitant la concentration en polluants qui est directement liée à la longueur du parcours fait en surface ;
  • en favorisant les espaces verts, les noues jouent un rôle bénéfique dans la renaturation de la ville, d'autant que leur caractère linéaire permet de les intégrer dans une approche de type trame verte et bleue ;
  • en mettant en scène la présence, même provisoire, de l'eau, elles offrent des opportunités de création de paysages urbains originaux mixant le végétal et le minéral et peuvent jouer un rôle éducatif sur l'intérêt de la présence d'eau en ville (figure 4) ;
  • l'espace qu'elle mobilise n'est pas "perdu" au sens où il peut être utilisé pour d'autres activités en dehors des périodes pluvieuses ;
  • l'écoulement et l’infiltration à travers une surface engazonnée ou végétalisée qui joue un rôle de filtre permet l’élimination des polluants déjà peu concentrés présents dans les eaux pluviales et la restitution dans le sol et dans la nappe d’une eau de très bonne qualité, favorisant ainsi la préservation de la biodiversité.
Figure 4 : Noue traitée sous la forme d'une rivière sèche (fond en galet, présence de ponts, végétation hydrophile, etc.) pour mettre en valeur la présence occasionnelle de l'eau en surface ; Crédit photo Bernard Chocat.

Conception

Conception générale

Tracé et géométrie

Les choix concernant l'implantation de la noue sont bien évidemment totalement dépendants des fonctions qu'on lui attribue, et en particulier de l'existence ou non d'un exutoire spécifique vers lequel on veut transporter l'eau. Dans tous les cas, comme les noues structurent fortement le paysage, une coopération étroite doit être établie entre les différents intervenants du projet dès les premières esquisses du plan masse. Le relief constitue dans ce cas une contrainte extrêmement forte du fait de la nécessité d'implanter l'ouvrage dans les points bas et d'assurer sa continuité hydraulique.

Le profil en travers de la noue dépend des sections d'écoulement et/ou des volumes de stockage nécessaires. On utilise souvent des profils trapézoïdaux ou triangulaires avec une profondeur et une pente transversale qui doivent rester faibles pour permettre une réelle pluri-diversité des usages, faciliter l'entretien et assurer la sécurité des riverains (même si aucune disposition de sécurité particulière n'est requise sur le plan réglementaire). Il est cependant possible, en particulier dans le cas de noues traitées avec une végétation arbustive remplissant l'ensemble de l'ouvrage, d'utiliser des pentes plus fortes (figure 5), voire verticales.


Figure 5 : Noue "urbaine" très bien intégrée à son contexte urbain, à Aix-en-Provence ; trois versions successives ont été nécessaires pour parvenir à une géométrie adaptée à la circulation (piétonne !) et respectée par les passants ; les versions précédentes ont été très rapidement dégradées ; Crédit photo Daniel Pierlot.

Il est également important de porter une grande attention au traitement du fond de la noue pour éviter les stagnations d'eau :

  • Dans le cas d'une noue servant à l'écoulement de l'eau, généralement engazonnée, on conseille souvent une pente longitudinale minimum de 2%. Il est également possible d'installer une cunette minérale au fond de l'ouvrage pour bien drainer les fins d'événement. A l'inverse, si la pente est trop forte la noue ne jouera aucun rôle d'écrêtement de la crue. Dans ce cas, pour favoriser le stockage, il est nécessaire de cloisonner l'ouvrage et d'utiliser des régulateurs pour optimiser l'utilisation du volume (figure 6).
  • Dans le cas des noues d'infiltration, le traitement des points bas doit également être fait avec soin. Les solutions les plus simples consistent à végétaliser les zones susceptibles de rester humides avec des plantes hygrophiles. Il est également possible de garnir les parties basses de galets, ce qui peut donner l'aspect d'une rivière à sec et permettre de visualiser la présence occasionnelle de l'eau (voir figure 4). Cette solution est également utile lorsque la pente de la noue peut conduire à une vitesse de l’eau risquant d’éroder le fond (vitesse supérieure à 0,3 ou 0,4 m/s) (figure 7).


Figure 6 : Noue cloisonnée par des gabions ; Crédit photo GRAIE.


Figure 7 : Noue avec un fond en galet pour limiter la vitesse et éviter l'érosion ; Crédit photo Bernard Chocat.


Enfin, même si les noues sont généralement utilisées comme des ouvrages linéaires positionnés dans le sens de l'écoulement, il est également possible d'utiliser d'autres formes de positionnement, par exemple en cascade en travers de la pente (figure 8).


Figure 8 : Série de noues en cascade, pour gérer les eaux pluviales des tribunes du nouveau stade de Chambéry (conception Atelier des Cairns) ; Idée et crédit photo Daniel Pierlot.

Végétalisation de la noue

Une noue peut être enherbée et/ou plantée d’arbres, d’arbustes et de plantes vivaces tolérant les alternances d’humidité et de sécheresse (par exemple : saules, hélophytes, graminées, etc.)

Pour en savoir plus sur la conception des noues : Il existe un très grand nombre de guides techniques donnant des conseils techniques sur la conception des noues ; voir par exemple : http://www.biodiversite-positive.fr, https://www.citeverte.com, https://www.aurba.org.

Principes de dimensionnement et choix des dimensions

Les principes de dimensionnement seront bien évidemment très différents selon que la noue servira au transport ou au stockage.

Dans le cas d'une noue de transport, le calcul de la capacité de débit peut se faire de façon classique avec l'hypothèse d'un régime uniforme (voir Méthodes de dimensionnement des collecteurs et canaux (HU)). Une valeur de coefficient de Manning-Strickler (Ks) de l'ordre de 30 m1/3/s convient généralement pour les noues engazonnées.

Dans le cas d'une noue d'infiltration ou de stockage, les principes à mettre en œuvre sont les mêmes que pour tous les ouvrages de stockage en surface (voir l'article "Méthodes de dimensionnement des ouvrages de stockage (HU)"). Comme les enjeux et les surfaces d'apport sont souvent relativement peu importants pour ce type de solutions et que l'incertitude principale est, de loin, associée (dans le cas d'un ouvrage infiltrant) à la capacité d'infiltration du sol, la méthode des pluies est souvent suffisante pour le dimensionnement. La méthode des volumes, même sous une forme simplifiée, peut également être utilisée si des abaques sont disponibles localement.

Comme indiqué plus haut l'évaluation correcte de la capacité d'infiltration du sol constitue le point focal d'un dimensionnement correct.

Dans les cas les plus complexes, par exemple celui d'un ouvrage infiltrant partitionné par des cloisons successives équipées de régulateurs, une solution relativement simple consiste à représenter l'ouvrage comme une succession de retenues dotées chacune :

  • d'une loi de stockage,
  • d'une loi d'apport (débit provenant de l'amont et apports latéraux), et,
  • d'une loi de vidange (débit évacué vers l'aval et débit d'infiltration éventuel).

L'utilisation d'une équation de conservation est alors suffisante pour simuler le fonctionnement de l'ouvrage. Il s'agit cependant d'un modèle de type prévisionnel qui nécessite de disposer d'un dimensionnement initial. Dans ce cas il est nécessaire de simuler une chronique de pluies représentative pour bien comprendre le fonctionnement du dispositif selon la nature et l'importance de la sollicitation.

Réalisation / impacts négatifs potentiels et précautions à prendre

Comme pour la plupart des solutions vertes et/ou infiltrantes, plusieurs points particuliers doivent être pris en considération :

  • la nécessité d'une bonne organisation du chantier évitant en particulier le retour d'engins lourds après la réalisation des terrassements ou le dépôt, à proximité de la zone infiltrante, de matériaux susceptibles de la colmater.
  • la nécessité de considérer que la végétation constitue un élément du vivant soumis à un cycle de vie annuel (l'aménagement doit fonctionner en toutes saisons), mais également à un cycle de vieillissement : les végétaux poussent, grandissent, vieillissent et finissent par mourir ; l'entretien et le renouvellement permanent de la végétation constituent donc des conditions importantes à la bonne durabilité de cette solution d'aménagement. Un aspect important est qu'il est préférable d’attendre la pousse de la végétation avant de la mettre en service pour éviter tout risque d'érosion et en particulier de de dégradation des talus.
  • Il convient de bien réfléchir à leur opportunité, notamment dans les secteurs de circulation de poids lourds ou manquant d'espaces de stationnement (il faut alors les protéger par des dispositifs solides pour éviter leur dégradation rapide (voir figure 1).

Sur un autre point, si l’on veut que les noues constituent réellement une composante appréciable du paysage, il est absolument nécessaire de faire appel à un paysagiste pour les dessiner...

Vie de l’ouvrage

La noue nécessite un entretien simple similaire à un espace vert, mais néanmoins indispensable. La communauté urbaine de Bordeaux (CUB, 2014) qui possède une longue expérience de gestion de ce type d'ouvrages, préconise :

  • un ramassage régulier des feuilles et des détritus ;
  • un arrosage éventuel ;
  • une taille éventuelle et/ou un faucardage si la noue est plantée ;
  • un nettoyage des ouvrages de régulation (s'il en existe) après chaque événement pluvieux important ;
  • une régénération, tous les dix ans, de l’interface d’infiltration par scarification.

On pourra également s'appuyer sur les résultats du programme de recherche GIEMU qui sont synthétisé dans la figure 9.


Figure 9 : Synthèse des pratiques d’entretien des ouvrages d’eaux pluviales ; cas de Nantes et de Strasbourg ; Source : Arnould et al., 2019.

L'une des difficultés d'entretien des noues situées sur l'espace public, d'ailleurs commune à l'ensemble des solutions végétalisées de gestion des eaux pluviales urbaines, consiste à trouver le bon gestionnaire. La gestion des eaux pluviales urbaines (voir nota) est en effet souvent du ressort d'une organisation supra-communale alors que les communes conservent généralement la compétence espace vert. Dans tous les cas le gestionnaire (autre collectivité, autre service, prestataire privé, etc.) doit être clairement identifié, si possible dès le démarrage du projet, de façon à participer à son élaboration.

Nota : Les noues, comme les autres solutions alternatives de gestion des eaux pluviales doivent être intégrées au patrimoine GEPU en aire urbaine.

Bibliographie :

  • Arnould, W., Rodriguez, F., Werey C. (2019) : Analyse des pratiques d’entretien des ouvrages d’eaux pluviales Cas de Nantes et de Strasbourg ; séminaire de restitution du programme GIEMU (Gestion Intégrée de l'Eau en Milieu Urbain) ; 19 novembre 2019, Pavillon de l’eau, Paris ; disponible sur https://www.cerema.fr.
  • Cerema (2022) : Fiche technique Les noues et les fossés, principes de fonctionnement et services écosystémiques ; 12 p. ; disponible sur : reseau-eau.educagri.fr

Pour en savoir plus :

  • CUB (2022) : Les solutions compensatoires d’assainissement pluvial, Guide de conception/réalisation à l’usage des professionnels ; 202 p.
  • www.liege.be
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