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Wikigeotech:Activité argileuse

De Wikhydro
Version du 29 novembre 2024 à 16:19 par Yasmina Boussafir (discuter | contributions)

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Anciennement appelée nocivité argileuse, l’Activité argileuse permet de caractériser la présence d’argiles qui ont une influence défavorable sur le comportement des ouvrages géotechniques. Danielle Lautrin explique, dans deux articles publiés dans le Bulletin de liaison des Ponts et Chaussées[1][2], la notion d’activité argileuse. L’auteure y précise notamment l’origine de cet indicateur, comment le calculer et comment l’utiliser pour mieux caractériser les formations géotechniques. Elle rappelle ainsi grâce aux nombreux essais réalisés au Cemagref (actuellement Inrae), l’intérêt de disposer d’essais géotechniques simples tels que la valeur au bleu qui permettent d’évaluer la nature des minéraux argileux susceptibles de poser des problèmes de stabilité, sans disposer d’études minéralogiques complexes.

Sommaire

Généralités

Il est connu de longue date que les particules de sols qui ont le comportement le plus défavorables pour le dimensionnement et la stabilité des ouvrages géotechniques, sont l’ensemble des particules les plus fines contenues dans un matériau, que ce soit pour un sol ou une roche après son extraction ou sa mise en œuvre. Plus précisément, ce sont les argiles contenues dans la fraction fine des matériaux naturels qui agissent défavorablement sur les performances géotechniques de long terme. L’analyse granulométrique permet dans un premier temps de quantifier chacune des fractions granulométriques présentes dans le matériau. Cet essai simple décompose la proportion en masse de chacune des classes granulométriques.

La fraction fine d’un matériau est caractérisée par le passant inférieur à une certaine valeur de tamis. Cette valeur a évolué au gré des pratiques et correspond aujourd’hui au tamisat au passant de 63µm. Cependant la connaissance de la quantité en % de particules de taille inférieure à 63µm ne permet pas de définir la nature minéralogique de ces particules, autrement dit de mettre un nom sur les minéraux qui composent cette fraction du sol. Pour combler partiellement cette lacune, les récentes évolutions normatives ont imposé de compléter la courbe granulométrique établies grâce aux tamis à mailles tissées ou perforées, par la réalisation d’autres essais comme la sédimentométrie ou la granulométrie laser.

La fin de la courbe granulométrique ainsi réalisée permet notamment de quantifier le passant des particules de tailles inférieures à 63 µm jusqu’aux dimensions de l’ordre de 2 µm. La dimension de 2 µm est souvent admise comme étant la taille des minéraux argileux. Mais même à ce niveau de précision, il n’est pas encore certain que les particules de dimensions inférieures à 2 µm soient vraiment toutes des argiles car, en géologie, il peut y avoir d’autres particules de cette taille comme par exemple, certains minéraux lourds ou certains grains de silice (qualifiés alors de silts).

Or la connaissance de la présence ou non d’argiles dans un matériau est fondamentale pour appréhender le risque d’évolution d’une formation géotechnique dans le long terme. C’est ainsi que la connaissance de la répartition des tailles de particules, et notamment la connaissance du pourcentage de fraction fines présente et du passant à 2µm dans les matériaux, est complétée par un autre critère, critère que l’on retrouvera dans les éléments de classifications à la base de tous travaux de géotechnique, et qui pourra être basé sur les limites d’Atterberg, la valeur au bleu des sols ou éventuellement l’équivalent de sable.

La caractérisation des argiles

La connaissance exacte de la minéralogie des argiles et leur quantification dans la fraction fine d’un sol ne peut se faire le plus justement possible qu’à l’aide de matériel de type appareil à Diffraction des Rayons X, dont la mise en œuvre et l’interprétation ne peuvent être réalisées que par des laboratoires souvent universitaires et des personnels habitués à cette pratique. Pour les ingénieurs en géotechnique, il est nécessaire de disposer d’essais alternatifs plus simples et plus rapides pour caractériser la fraction fine d’un sol et permettre ainsi de classer les familles de sol rencontrés dans les projets géotechniques et caractériser leur « nocivité » ou leur « activité ».

On distingue traditionnellement trois grandes familles d’argiles, d’activité croissante : les Kaolinites < les Illites < les Montmorillonites / Smectites. Ces terminologies correspondent à des familles d’argile car au sein de chacune de ces dénominations on peut distinguer plusieurs types d’argiles différentes. Dans les formations naturelles, il est très rare de n’avoir qu’une seule famille d’argile : il y a le plus souvent, des mélanges en proportions variables de chacune de ces familles, dans lesquelles on parviendra néanmoins à identifier une famille dominante. De manière assez simpliste, les caractérisations des argiles naturellement présentes dans les formations géotechniques, se limitent souvent à estimer la proportion de ces 3 familles d’argiles dans la fraction fine du sol.

Lautrin type d'argile et activite.jpg

L’activité croissante évoquée ci-dessus fait référence à la capacité qu’ont certaines argiles de varier de volume par incorporation d’ions entre les feuillets qui les constituent. Ainsi, les kaolinites qui ont l’activité la plus faible, ont par conséquent une capacité extrêmement réduite (voire aucune capacité du tout) à s’écarter et à changer de volume. A l’inverse, les feuillets de montmorillonites, qui sont les argiles les plus nocives et les plus actives, peuvent très facilement s’écarter par introduction d’ions chargés entre chaque feuillet. Cette capacité à augmenter de volume par le simple écartement des feuillets argileux a des répercussions géotechniques très importantes, car ce phénomène qui se manifeste à l’échelle de la taille des feuillets se démultiplie à l’échelle de l’ouvrage, et ceci d’autant plus que la quantité de ces argiles gonflantes est importante.

Concrètement, le gonflement des feuillets provoque au niveau des infrastructures des variations volumiques de type gonflement, ou à l’inverse, du retrait volume des sols entraînant de la fissuration. L’ensemble de ces variations a aussi des conséquences sur la portance, le fluage, les phénomènes de poussées, etc. soit autant de phénomènes difficiles à maîtriser, et pouvant entraîner un mauvais comportement voire la ruine de l’ouvrage dans le temps. Ainsi, l’activité ou la nocivité caractérise au sein de la famille des argiles la gradation des comportements défavorables par rapport aux performances attendues pour les ouvrages géotechniques. Dans l’absolu, cela passe par la connaissance de la quantité et de la nature des argiles présentes dans les formations géotechniques au droit des projets. C’est la classification qui permettra aux géotechniciens d’appréhender globalement ce problème.

La classification des matériaux naturels

La classification des sols permet de définir les familles de sols ayant des comportements globalement similaires sur laquelle le géotechnicien pourra ensuite s’appuyer pour émettre des recommandations. Les familles de sols sont caractérisées, et ce quel que soit le système de classification utilisé, d’une part par la connaissance de la répartition des tailles des particules qui composent le sol, grâce à une analyse granulométrique, et d’autre part par un deuxième paramètre qui permet d’évaluer l’activité des fractions les plus fines de ce sol. Ce deuxième paramètre peut être : les limites d’Atterberg comprenant la limite de plasticité et la limite de liquidité, l’équivalent de sable ou encore, la valeur au bleu de méthylène.

La connaissance conjointe de la granulométrie et d’un ou plusieurs des trois essais cités ci-dessus, permet d’évaluer l’activité du sol. En terrassement, on parlera aussi de sensibilité à l’eau.

Les limites d’Atterberg, l’équivalent de sable ou la valeur de bleu de méthylène, ne permettent pas de nommer les argiles. Ils permettent d’évaluer l’activité argileuse grâce aux nombreuses études qui ont permis de relier type d’argile et résultats d’essais.

On sait donc ainsi que la valeur de bleu d’un sol est très souvent proportionnelle à la quantité d’argiles actives présentes dans le matériau. Ainsi, pour les valeurs de bleu (VBS) supérieures à 0,1g on admettra que la présence d’argile est avérée, et que plus la valeur de VBS va augmenter plus la quantité d’argile nocive sera importante. A titre d’exemple une montmorillonite pure pourra facilement atteindre une valeur de bleu supérieure à 8 g de bleu/100 g de sol. En dessous de 0,1 g il est admis que le matériau ne contient pratiquement pas d’argile dans sa fraction fine.
Lautrin relation vbs et mineralogie.jpg

Les limites d’Atterberg sont également de très bons indicateurs sur la quantité d’argile présente dans le sol. La différence entre limite de liquidité et limite de plasticité, correspond à l’indice de plasticité (IP) du matériau. Plus l’IP est élevé, plus la teneur en argile active sera importante. En dessous de 12, on considère que le sol est très peu plastique et qu’il ne contient pratiquement pas de fines argileuses. Les valeurs d’indice de plasticité peuvent ensuite très fortement augmenter jusqu’à atteindre des valeurs de plasticité de l’ordre de 70-90 voire 110 pour des smectites pures. La classification française des terrassements (GTR2024[3]) distingue ainsi 4 classes de sols à partir des indices de plasticité : les sols fins F1 (IP < 12), les sols peu plastiques F2 (12 < IP < 22), les sols plastiques F3 (22 < IP < 40), les sols très plastiques F4 (40 < IP < 55) et les sols F4 extrêmement plastiques (IP > 55).

l’activité des fines d’un sol

En 1953, Skempton[4] introduit un indice qui permet de rapporter la valeur de l’indice de plasticité à la quantité de particules de taille inférieure à 2µm. Ce rapport permet d’évaluer la quantité d’argiles actives présente dans la fraction granulométrique qui correspond à la taille des argiles. L’indice Ac est calculé ainsi :

Ac = IP / fraction < 2µm

Sur la base de ce calcul, Skempton a proposé de distinguer 5 groupes de matériaux classés comme suit:

groupe activité Ac
groupe 1 sol inactif Ac < 0,50
Groupe 2 sol inactif 0,50 < Ac < 0,75
Groupe 3 sol normal 0,75 < Ac < 1,25
Groupe 4 sol actif 1,25 < Ac < 2
Groupe 5 sol très actif Ac > 2

En France, le développement des essais au bleu de méthylène, qui permettent de manière plus précises de quantitifer les surfaces spécifiques des particules fines, a permis de développer des notions complémentaires à celles proposées par Skempton. C’est ainsi que Lautrin, à l’issu de ses nombreux travaux sur l’essai au bleu de méthylène, a proposé une classification basée sur le même principe que Skempton, mais substituant la valeur au bleu VBS à l’indice de plasticité, étant entendu que cette mesure est plus directement reliée à la quantité d’argiles gonflantes que l’indice de plasticité. Ce nouvel indice AcB, se calcule de la façon suivante :

AcB = VBS / fraction < 2µm

Elle a proposé, comme Skempton, un système d’évaluation de l’activité argileuse basé sur 7 classe de matériaux :

Classe activité Ac
Classe 1 sol non argileux Ac < 1
Classe 2 argiles inactives 1 < Ac < 3
Classe 3 peu actives 3 < Ac < 5
Classe 4 normales 5 < Ac < 8
Classe 5 actives 8 < Ac < 13
Classe 6 très actives 13 < Ac < 18
Classe 7 nocives AcB > 19

Ayant pu notamment démontrer la très bonne corrélation qui existe entre la quantité de Montmorillonnite et la valeur au bleu, il devenait évident de proposer une corrélation entre la VBS et l’activié argileuse d’un sol. A valeur de bleu identique, les Kaolinites ou les Illites qui sont nettement moins nocives, ne permettent pas de tirer les mêmes conclusions. Mais les sols naturels étant souvent composés d’un mélange des trois familles, il peut facilement être admis que la valeur au bleu et donc l’activité sera dominée par la présence de Montmorillonite dans le cortège d’argiles.
Lautrin relation bleu et 2µm.jpg

Magnan youssoufian classification Ac.jpg

Sur la base de ces travaux, Magnan et Youssefian[5] ont proposé de représenter l’activité d’un matériau dans un graphique comme illustré en figure 3. Bien que n’ayant pas repris les axes définis initialement par Lautrin, le graphique a le mérite de distinguer de nouvelles classes de sol, et permet d’illustrer la discrimination des classes de sols fins de nocivité variable. La combinaison avec la classification LPC permet par exemple de préciser les limites entre les sols fins peu plastiques L (ou limons) et les sols fins plastiques A (ou argiles). Les coordonnées de chaque portion de droite sont indiquées sur la figures. La droite M correspond à la droite des Montmorillonites pures et est sensée borner les valeurs : en théorie, aucun point ne peut se situer au-delà de cette limite.

La lecture du graphique permet, grâce au croisement de la valeur de bleu avec la teneur en 2 µm, ou en d’autres terme l’activité argileuse, de discriminer les sols ayant une activité argileuse plus ou moins prononcée. Les sols A sont plus actifs que les sols L et dans chaque catégorie, on aura l’ordre de nocivité croissant suivant : Lpa < Lma < Lta et Apa < Ama < Ata.

Références

  1. Lautrin D. 1987. Une procédure rapide d’identification des argiles. Bull. liaison Labo. P. et Ch. - 152 - nov.-déc. 1987 - Réf. 3184
  2. Lautrin D. 1989. Utilisation pratique des paramètres dérivés de l’essai au bleu de méthylène dans les projets de génie civil. Bull. liaison Labo. P. et Ch. – 160 - févr.-mars 1989 -Réf. 3379
  3. Idrrim. 2024. Guide des Terrassements Routiers. Fascicule 1 et 2. Edition Cerema
  4. Skempton A.W. 1953. The colloidal « Activity” of clays. Proceedings of the 3rd International Conference of Soil Mechanics and Foundation Engineering. (1) 57-60.
  5. Magnan J.P. et Youssefian G. 1989. Essai au bleu de méthylène et classification géotechnique des sols. Bull. liaison Labo. P. et Ch. – 159 - janv.-févr 1989 -Réf. 3378
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