Typologie des modèles de prévision des crues
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Éléments de contexte
Le jumelage France - Turquie regroupe la France comme partenaire "senior", associé à la Roumanie comme partenaire "junior", pour le compte de la Turquie sur le thème du développement de compétences pour mettre en application la directive inondation.
Hydrographie des bassins turcs
L'image ci-dessous est une représentation cartographique des 25 bassins hydrographiques turcs.
L'une des actions d'assistance menée en conseil de la direction de l'hydraulique a consisté à proposer une typologie de leurs bassins en fonction de leurs caractéristiques hydrogéologiques et du régime météorologique prédominant.
Pour compléter cette typologie et poursuivre la mission de conseil auprès de la direction de l'hydraulique turque, il est proposé une typologie des modèles de simulation des crues comme le représente le tableau ci-dessous.
Ce tableau identifie un ou plusieurs types de modèles de simulation en fonction des processus dominants dans chacun des bassins considérés.
Utilisation de ce tableau sous forme de "LEGO"
Les outils qui sont répertoriés dans le tableau ci-dessus doivent être utilisés en les adaptant au plus près des sous-bassins homogènes considérés.
Prenons un exemple : soit un grand bassin hydrographique tel qu'il est défini par la directive cadre sur l'eau, que nous souhaitons équiper de modèles de simulation. La méthode à utiliser est assimilable au jeu du LEGO que nous utiliserons en plusieurs étapes :
- déterminer les briques élémentaires, c'est-à-dire partitionner le grand bassins en sous-bassins homogènes au sens hydrologique du terme
- identifier les stations de mesure météorologiques disponibles sur chaque sous-bassin (pluviomètre, radar) et si cela s'avère nécessaire, prévoir d'un équiper le bassin en nombre suffisant
- identifier l'exutoire de chaque sous-bassin et vérifier la présence d'une station hydrométrique qui fonctionne et qui transmet avec un pas de temps adapté les valeurs de niveau à une unité centrale d'acquisition. Il conviendra assez rapidement d'établir la loi hauteur-débit au droit de cette station
- Ce travail sur les bassins les plus en amont va nous permettre de déterminer la composante hydrologique de notre système. Il convient de voir si ces bassins peuvent être équipés de modèles pluie-débit (accès à la pluie par la station météorologique et au débit par la station hydrométrique) comme par exemple ALHTAIR
- Par agrégation de sous-bassins, il arrive un moment où la relation pluie-débit n'est plus adaptée et il faut alors passer à un modèle qui est régi par la propagation. Ce modèle permet de simuler la crue (détermination de l'évolution du niveau et du débit en un point de la rivière) mais pas encore l'inondation (évolution du débordement et de l'emprise de l'inondation)
- Il convient alors d'identifier les tronçons où l’hydraulique va s'appliquer et repérer des stations hydrométriques qui vont servir d'appui à la modélisation, en commençant par des modèles débit-débit
- En poursuivant vers l'aval, la topographie de la plaine inondable et la bathymétrie du fleuve est mieux connue, ce qui permet de passer à des modèles 1D qui simulent l'inondation et non plus simplement la crue. Ceci est complété par des modèles hydrologiques pluie-débit qui simulent les apports intermédiaires de sous-bassins contributifs
- Encore plus vers l'aval, la plaine inondable devient complexe avec des zones d'écoulements spécifiques qui influent sur les stockages intermédiaires, que l'on peut approcher par des modèles à casiers ou encore dans les cas très complexes de villes limitrophes, par des modèles 2D
- Plus à l'aval, le débouché en mer de cette rivière impose l'utilisation de modèles qui prennent en compte les conditions de mer (surcotes, vagues)
Les 2 exemples suivants illustrent la manière d'utiliser ces briques et de construire un système de prévision des crues
Exemple n°1 : coupage de modèles pluie-débit à un modèle débit-débit
Les 2 figures suivantes illustrent le domaine physique (schéma de gauche) et le système de prévision des crues (schéma de droite).
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Le bassin considéré est constitué en amont de 3 sous-bassins jaugés via les stations hydrométriques symbolisées en noir sur le schéma de gauche. Le diagramme de droite explicite la démarche qui conduit à l'obtention d'une prévision à la station hydrométrique (représentée en rouge) interceptant une plus grande partie du bassin .
La procédure de prévision est la suivante: Le bassin considéré est constitué en amont de 3 sous-bassins (colorés dans les tons verts) jaugés via les stations hydrométriques symbolisées en noir sur le schéma de gauche. Le diagramme de droite explicite la démarche qui conduit à l'obtention d'une prévision à la station hydrométrique (représentée en rouge) interceptant une plus grande partie du bassin .
La procédure de prévision est la suivante:
- Les points noirs sont considérés comme des points d'injection de débit (produit par les bassins amonts) dans le modèle. Ils sont notés Q01, Q02 et Q03 dans le schéma. Ces débits injectés sont donc soit des débits issus de la mesure temps réelle (transformation de la hauteur d'eau en débit à l'aide de la courbe de tarage de la station) soit d'un débit estimé par exemple via un modèle pluie-débit. En ces 3 points, il est donc possible, sous réserve de disposer de stations météorologiques ou de lames d'eau radar, de calibrer les modèles pluie-débit et en cas de panne des stations hydrométriques, d'obtenir un débit aux droit de ces stations.
- certains sous-bassins de taille non négligeable (colorés en gris sur la carte) sont de taille non négligeable (100ain de km²) mais ne disposent pas de stations hydrométriques. Dans ce cas, les débits sont estimés grâce à un modèle pluie-débit dont les paramètres de calage sont généralement ceux issues du modèle pluie-débit du bassin jaugé le plus proche. C'est ainsi qu'on obtient les débits affluents Qbvi.
- une fois les débits, mesurés ou estimés, injectés dans le modèle (points noirs), ils sont propagés de proche en proche vers l'aval sur les 3 branches dans une série de casiers avec un pas constant jusqu'au confluent des 3 tronçons, ce qui donne les débits Qpi auxquels sont ajoutés les débits des affluents : Qbvi1, Qbvi2, Qbvi3. Tous ces débits de propagation et des affluents sont ensuite sommés dans des casiers "neutres" (noté sigma), qui n'ont pas d'effet hydraulique et de propagation. Le débit résultant est ensuite de nouveau propagé jusqu'à la station de prévision représentée en rouge.
- le débit final estimé est alors la résultante de ce débit propagé et d'apports intermédiaire Qbvi4, ce qui fournit le débit Qp1
A partir de ce débit estimé, on peut coupler un modèle débit-débit vers l'aval lorsque le lit est encaissé. Dans le cas où l'exutoire constitue l'amont d'une plaine inondable qui a un effet écrêteur lors de débordements ou lorsqu'il y a de nombreux enjeux dans la plaine inondable, on peut coupler des outils de propagation tells que les outils 1D de Saint-Venant.
Exemple n°2 : couplage de modèles débit-débit
Quelques conseils sur l'utilisation de ces modèles
Le choix, l'installation, le calage et la mise en opérationnel de ces outils doivent être précédés par l'installation d'un réseau hydrométrique adapté à chaque type de bassin. Ce réseau doit être constitué de capteurs de différents natures (échelle, capteurs à pression, radars, analyse d'images...) adaptés aux sites d'implantation, être supporté par un réseau de transmission performant, comprendre un concentrateur évolué.
Les outils de modélisation doivent :
- être adaptés à la dynamique hydrologique ou hydraulique du sous-bassin correspondant
- être interfacés avec l'arrivée en temps réel des mesures sur le terrain
- être interfacés avec les mesures et les prévisions météorologiques : pluie, vent, neige...
- être interfacés avec d'autres modèles hydrologiques et hydrauliques amont ou latéraux (affluents)
- pouvoir fonctionner en conditions dégradées
- être utilisés à l'intérieur de leur limites qui doivent être bien assimilées par les prévisionnistes
- être confrontés avec la réalité terrain en période de crues : avoir recours à des informations en temps réel : zones inondées, rupture d'ouvrages...
- être complétés par d'autres modèles si possible de types différents
- être aussi robustes que possibles afn d'éviter leur "plantage" en cours de process
- avoir été calés sur des événements passés aussi nombreux que possible
- disposer d'interfaces homme-machine évolués et cartographiques, de manière à visualiser rapidement et avec beaucoup de réalisme l'évolution de la situation
Les outils de simulation ne sont en fait que l'une des composantes de l'architecture globale d'un système de prévision des crues et s'ils en constitue le point d'orgue, ils doivent reposer sur des compétences humaines de premier plan et un réseau de stations hydrométriques performant.
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