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Typologie des bassins versants

De Wikhydro

Sommaire

Eléments de contexte

Les analyses de chroniques hydrologiques réalisées sur plusieurs bassins versants sur l'ensemble de la planète montrent des comportements très différents de ces entités hydrologiques en réponse à de fortes pluies, combinées ou non à des tempêtes. Ceci conduit à tenter d'identifier les paramètres principaux qui caractérisent ces évènements. La principale sollicitation est incontestablement la pluie (sauf pour les bassins côtiers) avec son intensité, sa distribution spatiale et sa durée. Or une même distribution de pluie peut provoquer différents types d'inondation, qui dépendent des caractéristiques des bassins : type de sol, occupation, réseau de drainage...

Nous avons coutume d'identifier 6 différents types de bassin que nous pouvons classer en fonction de leur surface et de leur temps de réponse hydrologique :

Typologie des bassins

Bassins urbains (urban basin)

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Ils présentent la réponse la plus rapide à la pluie qui tombe sur des surfaces imperméables, sans infiltration. Le temps de réponse du bassin résulte de la concentration de l'eau qui s'écoule en régime torrentiel dans les rues avec des vitesses rapides, d'importantes hauteurs d'eau, du transport de boue, de véhicules, pénétrant dans les maisons et qui provoque la destruction d'infrastructures. La soudaineté du processus le rend principalement dépendant des conditions météorologiques, tout particulièrement des caractéristiques de la pluie : intensité, distribution et durée.

La sécurité de la population doit être anticipée par les services de protection civile dans une démarche de prévention par l'élaboration des plans communaux de secours (PCS). Pour ce type d’événements, les services techniques municipaux en charge de la prévention des inondations ont recours à des analyses statistiques d'événements historiques et travaillent à partir de ces diagrammes comme celui élaboré par la ville de Marseille « intensité de la pluie instantanée versus accumulation de l'eau » pour déployer les services de sécurité civile dans les rues afin d'éviter que les gens se mettent en danger[1]. En France, les fortes pluies du 20 septembre 2000 à Marseille[2] a produit de lourds dommages. La crise, bien gérée par les pompiers a permis de sauver des vies humaines par une bonne anticipation.


Bassins rapides (flash flood basins)

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Ce type de bassin est principalement localisé en amont dans les reliefs montagneux. Les inondations résultent de fortes pluies (plusieurs centaines de mm/24h), souvent très localisées, dues à la stagnation de gros nuages au-dessus des bassins. Ceci a pour conséquences de produire des concentrations d'eau avec de hautes vitesses de ruissellement et des hauteurs d'eau importantes, rendant peu effective l'infiltration d'eau dans les sols rapidement saturés. La réponse hydrologique du bassin est très rapide – quelques heures –, se traduisant par la propagation d'un mélange d'eau, de boue, de hautes vagues de débris, le tout en régime fortement turbulent. Les populations habitant les fonds de vallées ont peu de possibilités de s'échapper si elles ne sont pas évacuées avant l'arrivée de ces vagues destructrices.

Ces événements très rapides, comme à Sommières en 2005 provoquent la perte de vies humaines et la destruction de maisons, de ponts et d'infrastructures. Le processus de prévention dans ces bassins doit tenir compte de cette dynamique éclair et les plans communaux de secours doivent être publiés afin que les élus locaux et les services de protection civile puissent évacuer les gens aussitôt que possible. Le réseau de mesures de pluie (pluviomètres et radars) et hydrométriques (limnimètres) sur ces bassins doivent avoir une densité élevée, pour caractériser la propagation des eaux. Les modèles de simulation qui peuvent être utilisés sont essentiellement de type hydrologique. En France, les modèles ils sont de type conceptuel, à réservoirs, basés sur la séparation de l'infiltration d'eau dans le sol et du ruissellement. Un nouveau type de modèle apparaît cependant dans ces bassins, sous la forme d'un couplage de modèles d'onde cinématique – infiltration dans les sols dans les parties amont avec des modèles de propagation dans les lits mineurs de cours d'eau.

Cours d'eau et rivières (rivers)

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Ces cours d'eau peuvent être de différentes tailles, composés de bassins hydrologiques ou d'affluents connectés aux biefs de la rivière. L'écoulement principal dans le lit mineur est de type propagation. La survenue d'une crue peut provoquer des inondations à partir du lit majeur mais également des surverses d'ouvrages de protection comme les digues, pouvant conduire à leur destruction. Les débordements en lit majeur peuvent s'accompagner de vitesses plus ou moins rapides, de hauteurs d'eau plus ou moins importantes. La durée de telles inondations peut varier de quelques jours à une ou deux semaines (surtout à cause d'une décrue lente), dépendant principalement des caractéristiques de la plaine inondable, de la nature des sols et de la présence d'ouvrages. La rapidité de propagation n'est pas aussi rapide que dans les bassins rapides et ces tronçons de rivières sont en général (mais pas toujours) suffisamment éloignées des têtes de bassin pour que les services de protection civile puissent prévenir les populations avec suffisamment d'anticipation. Les inondations provoquées par la destruction de digues peuvent s'avérer désastreuses. Ce fut le cas en novembre 1999 à Cuxac-d'Aude où 21 personnes périrent et où 500 maisons furent dévastées. Une bonne quantification de la pluie est nécessaire pour anticiper le phénomène de concentration des eaux. Les stations hydrométriques complétées si possible par des radars météorologiques est indispensable. Les modèles de simulation des écoulements en rivières sont du type hydraulique 1D ou 2D suivant que l'écoulement est mono dimensionnel ou non. Ils doivent être suffisamment précis pour simuler les surverses éventuelles d'ouvrages [3].

Bassins d'évolution de nappe (water table basins)

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Ce type de basin, qui couvre en général une partie de la plaine alluviale est caractérisé par une grande inertie à cause de la nappe. Le niveau d'eau peut fluctuer pendant quelques jours. Comme exemple, on peut citer les inondations de la Somme en avril – mai 2001 en France : l'intensité du phénomène fut importante : 3500 caves furent inondées et 1100 personnes furent évacuées. La dynamique de l'inondation est lente, complexe et combine deux évènements qui ont des constantes de temps très différentes : la très lente fluctuation verticale de la nappe d'une part et l'écoulement gravitaire de l'eau en surface d'autre part. En effet, quand l'eau qui provient du débordement de la nappe déborde, elle commence à s'écouler par gravité selon la plus grande pente, avec des vitesses plus rapides.

Les outils de mesure pour ces deux phénomènes sont principalement les réseaux de piézomètres pour caractériser la fluctuation de niveau de la nappe et les réseaux de limnimètres pour l'évolution du niveau d'eau dans la rivière. Pour simuler la combinaison des ces deux processus, deux types d'outils de simulation peuvent être utilisés : l'un pour reproduire la fluctuation verticale lente : les modèles les plus adaptés sont des modèles à réservoirs. L'autre pour reproduire les écoulements de surface sont des modèles hydrauliques 1D ou 2D, qui prennent en compte l'eau débordant de la nappe comme une contribution en chaque point du maillage d'inondation, comme une source [4].

Estuaires (estuaries)

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Ces entités hydrologiques[5] constituent les liaisons entre la rivière et la mer. Elles peuvent être petits comme les estuaires bretons avec des pentes longitudinales importantes provenant des reliefs amont. Dans cette situation leur comportement est très similaire de ceux des bassins rapides. A l'opposé, certains estuaires peuvent être très larges : plusieurs kilomètres comme l'estuaire de la Gironde sur la côte ouest atlantique. Mais tous sont sujets à l'influence des conditions de mer, qui peuvent produire une élévation du niveau d'eau due à la marée, aux surcotes marines et à l'action des vagues. Les conditions amont sont fournies par les conditions de niveau d'eau ou de débit en rivière qui peuvent résulter de crues. La combinaison de tous ces processus peut produire des niveaux d'eau élevés et par conséquent des inondations le long des berges de l'estuaire. Ce fut le cas avec la tempête du 27 décembre 1999 sur l'estuaire de la Gironde, qui provoqua la perte de vies humaines et la destruction de biens économiques. Pour assurer la surveillance des estuaires, il est important de connaître les conditions de houle par recours aux enregistrements des bouées situées à proximité de l'embouchure, les variations de niveau d'eau par recours à des enregistrements marégraphiques et les vitesses du vent par des enregistrements d'anémomètres le long de l'estuaire. Pour comprendre et reproduire le comportement hydraulique de ces milieux complexes et leurs réponses aux tempêtes, il est nécessaire de compléter les enregistrements précédents par des résultats de modèles météorologiques et de modèles d'hydraulique maritime. La dangerosité des évènements météorologiques comme les tempêtes avec des surcotes marines qui peuvent se superposer à la propagation de crues en provenance de l'amont des rivières peuvent produire beaucoup de dégâts et la perte de vies humaines. Le temps d'apparition de telles tempêtes et les effets sur les estuaires peuvent être extrêmement soudains : quelques heures seulement. Le type d'outils de simulation de tels évènements est le même que ceux de propagation des crues en rivières, mais doit être complété par des modèles d'état de mer et de sollicitations météorologiques.

Bassins côtiers (coastal basins)

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Ces bassins ont la plupart du temps des limites très difficiles à définir, qui dépendent des territoires sujets à l'action de la mer. Leurs comportements sont très similaires à ceux des plaines inondables en bordure des rivières. Ils peuvent être inondés par la mer durant des tempêtes, être sujets aux érosions de sols et au transport de sédiments par les courants – le sable ou les galets -, aux ruptures de berges, de la présence de digues de protection (cordons dunaires ou ouvrages en dur) peuvent rendre les territoires « protégés » sujets à des submersions provoquant des ruptures de cordons ou d'ouvrages. Les principales sollicitations proviennent de la montée du niveau des eaux due à la marée, aux surcotes marines, au vent et aux vagues : les vagues ayant de plus des effets de martelage sur les structures. Ces effets combinés sont très difficiles à appréhender et nécessitent des collaborations entre météorologistes, modélisateurs, hydrauliciens en fluvial et en maritime et en résistance des structures. Les effets de franchissement ou de rupture peuvent apparaître très soudainement. Dans ces derniers cas, les eaux se propagent en quelques heures et provoquent beaucoup de dégâts et la perte de vies humaines, comme en France durant la tempête Xynthia en février 2010 où 52 personnes perdirent la vie.

La bonne compréhension de ces processus peut être améliorée en mettant en place une surveillance des conditions en mer à l'aide de bouées, de marégraphes, d'anémomètres et de stations météorologiques. La simulation de ces processus peut être faite par couplage de différents types d'outils, alimentés par les mesures météorologiques et hydrologiques : propagation des houles et génération de courants.

Conclusion

La présentation ci-dessus de la typologie des bassins hydrologiques montre que les caractéristiques des inondations dépendent en premier lieu des sollicitations météorologiques, mais résultent également des caractéristiques physiques des bassins. Le diagramme ci-dessous montre la sensibilité des bassins aux paramètres météorologiques : pluie, vent, neige, gradient barométriques.

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Nous pouvons en tirer quelques remarques :

  • plus on va vers l'amont des bassins, plus les pluies font réagir les bassins ;
  • la neige, surtout par le volume d'eau qu'elle renferme peut avoir des conséquences très négatives lors de la fonte du manteau neigeux ;
  • vers l'aval, ce sont les conditions océaniques qui prévalent, notamment les tempêtes qui peuvent provoquer des dégâts très importants.

Bibliographie

  1. "Hydraulique Environnementale - de la goutte de pluie jusqu'à la mer", ouvrage collectif sous la direction de Jean-Michel Tanguy, Hermès Lavoisier Volume 1 : Processus physiques, 2009
  2. "Etude hydraulique du bassin versant du Vieux-Port" Frédéric Pons, "Hydraulique Environnementale - de la goutte de pluie jusqu'à la mer", ouvrage collectif sous la direction de Jean-Michel Tanguy, Hermès Lavoisier Volume 8 : Applications des modèles numériques en ingénierie 2, pp 27-44, 2009
  3. "Modèles de courantologie fluviale et maritime" Jean-Michel Tanguy, "Hydraulique Environnementale - de la goutte de pluie jusqu'à la mer", ouvrage collectif sous la direction de Jean-Michel Tanguy, Hermès Lavoisier Volume 3 : Modèles mathématiques en hydrologie et en hydraulique fluviale, pp 119-184, 2009
  4. "Interactions entre les écoulements de surface et les écoulements souterrains : basin de la Somme" Dominique Thierry, "Hydraulique Environnementale - de la goutte de pluie jusqu'à la mer", ouvrage collectif sous la direction de Jean-Michel Tanguy, Hermès Lavoisier Volume 7 : Application des modèles numériques en ingénierie 1, pp 167-181, 2009
  5. "Hydraulique Environnementale - de la goutte de pluie jusqu'à la mer", ouvrage collectif sous la direction de Jean-Michel Tanguy, Hermès Lavoisier Volume 2 : Processus estuariens et littoraux, 333 pages, 2009


Le créateur de cet article est Jean-Michel Tanguy
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