Méthode de Caquot (HU)
Traduction anglaise : Caquot's method
Dernière mise à jour : 10/2/2020
Méthode globale de calcul du débit maximum $ Q_p(T) $ correspondant à une période de retour donnée $ T $, à l'exutoire d'un bassin versant urbain.
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Éléments d'historique
Cette méthode a été élaborée par ce grand ingénieur qu'était Albert Caquot et qui a œuvré dans des domaines très divers, en particulier au cours des années 1940, dans des circonstances qui méritent d’être rappelées pour à la fois :
- situer son intérêt historique, en particulier concernant l’intelligence de la solution apportée au regard des besoins et des moyens mobilisables à cette époque ;
- apporter un éclairage sur ses limites pour la pratique actuelle, en complément des analyses scientifiques présentées ci-dessous, et qui ont pu être développées de la fin des années 1960 au milieu des années 1980.
Tout d’abord, cette méthode a pu bénéficier des acquis antérieurs, en matière :
- d’analyse statistique des paramètres de la pluviométrie, centrée sur l’exploitation par Grisollet (1948), à des fins d'hydrologie urbaine, de la série de données pluviométriques enregistrées à Paris-Montsouris entre 1896 à 1945 ; Pour ces données, le pas de temps exploitable est de 30 minutes avant 1927 puis de quelques minutes après cette date (Roux, 1996) ;
- de travaux sur des méthodes globales d’évaluation des débits de pointe à l’exutoire de bassins versants urbains (Voir ci-dessous).
Premiers travaux
La méthode mise au point par A. Caquot a été présentée pour la première fois le 20 Octobre 1941, à l'occasion d'un Compte rendu à l'Académie des Sciences de Paris [Caquot, 1941]. Elle repose essentiellement sur la méthode rationnelle qui permet le calcul du débit de pointe à l'exutoire d'un bassin versant par une relation de la forme :
avec :
- $ T $ : période de retour ;
- $ t_c $ : temps de concentration du bassin versant ;
- $ Q_p (T $) : débit de pointe de période de retour $ T $ ;
- $ C $ : coefficient de ruissellement ;
- $ i (t_c , T) $ : intensité moyenne des précipitations de période de retour $ T $, correspondant à une durée de pluie égale à $ t_c $ ;
- $ A $ : surface du bassin versant.
On considère généralement que $ tc $ est égal à la somme de deux termes :
avec : $ t_s $ : temps de parcours de l’eau en surface ; $ t_r $ : temps de parcours de l’eau en réseau.
La détermination de ces temps caractéristiques constitue l'une des difficultés principales d'utilisation de la méthode. En pratique deux approches différentes sont possibles :
- l'approche débitmétrique, qui repose sur le calcul des temps de transfert de l'eau entre deux points en utilisant des relations issues de l'hydraulique (type Manning-Strickler) ;
- l'approche volumétrique dite méthode du temps d’envahissement proposé par Supino en Italie (1921), qui prend en compte le temps nécessaire pour remplir le réseau d'assainissement.
L'originalité essentielle de la méthode de Caquot est d'avoir recherché une formulation intermédiaire, utilisant à la fois les notions de stock et de temps de transfert.
Moyennant différentes hypothèses qui sont explicitées dans les paragraphes suivants, et en utilisant les données pluviométriques de Paris-Montsouris, cette démarche a permis à Caquot de proposer une formule extrêmement simple, puisqu'elle ne fait apparaître que des grandeurs supposées mesurables, caractérisant le bassin versant :
Avec : $ Q_p(10) $ : débit de pointe de période de retour 10 ans ($ l/s $) ; $ I $ : pente du bassin versant ($ m/m $) ; $ C $ : coefficient de ruissellement ; $ A $ : surface du bassin versant ($ ha $).
L'après guerre et la CG1333
La guerre s'achève en 1945 et à la fin des années 1940, l’impératif est de procéder à la reconstruction rapide des réseaux d’assainissement de nombreuses villes bombardées. Les compétences disponibles sont de niveau très hétérogène et il est nécessaire de proposer une référence claire.
Les travaux de M. Grisollet (1948) sur les pluies d'orage à Paris vont permettre un réajustement des coefficients, ce qui conduit à la formule proposée par la circulaire CG1333 du 22 février 1949 (Ministère, 1949) :
Cette formulation monôme peut facilement être traduite sous forme d’abaques à points alignés qui permettent aussi bien l’évaluation des débits maximaux à attendre à l’exutoire d’un bassin versant que le dimensionnement des ouvrages (diamètre ou type d’ovoïde et pente du radier). Sa méthode, après ajustements, a été transcrite en 1949 dans une circulaire générale, la CG1333. Une fois qu’ils avaient assimilé les façons de mesurer ou d’évaluer la surface, la pente moyenne et le coefficient de ruissellement des bassins versants, ainsi que le mécanisme d’utilisation des abaques, il devenait possible à des techniciens peu expérimentés d’appliquer la méthode, et aux ingénieurs d’un service national, la Division des Equipements urbains du Ministère chargé de la Reconstruction, de vérifier sa mise en œuvre. Cela passait par un certain nombre d’approximations qui restaient admissibles tant que les bassins versants n’étaient pas trop vastes et n’avaient pas une configuration trop particulière et contrastée, ou que les formes urbaines restaient encore assez stéréotypées. Or ces limites d’application n'étaient pas mentionnées et encore moins caractérisées dans la CG 1333 : ses abaques pouvaient être utilisées pour des surface de bassins versants dépassant 10 000 hectares (100 km2) avec des abaques à points alignés d’une surface de près de 1 mètre carré. De plus, la situation allait se transformer très rapidement au cours des « 30 glorieuses », avec l’exode rural et le développement rapide de l’urbanisation, en particulier avec une extension vers l’amont des bassins versants, et la diversification de ses formes
Formulation de la méthode
Historique de la Méthode de Caquot
La méthode mise au point par A.Caquot a été présentée pour la première fois le 20 octobre 1941 (Caquot, 1941) sous la forme :
Suite aux travaux de Grisollet (1948) sur les données pluviométriques de Paris, cette formule est réajustée et publiée le 22 février 1949 dans la circulaire générale CG1333 (Ministère, 1949) sous la forme suivante :
Même si la circulaire précise que cette formule n'est valable que pour la région parisienne, elle sera utilisée pendant 30 ans aussi bien sur l'ensemble du territoire métropolitain que dans les colonies du fait de l'absence de données pluviométriques locales permettent de la réajuster.
Suite aux travaux de la commission Loriferne commencés en 1973, un groupe de travail essentiellement alimenté par les travaux de Desbordes (1974) va aboutir en 1977 à la publication de l'Instruction technique relative aux réseaux d'assainissement des agglomérations (Ministères, 1977). Cette instruction technique préconise toujours l'utilisation de la Méthode de Caquot mais limite en particulier son domaine d'application aux bassins versant fortement urbanisés ($ C > 0,2 $) de taille inférieure à 200 ha. La France est découpée en 3 régions pluviométriques, supposées homogènes en termes de pluviométrie, et des valeurs sont proposées pour les coefficients $ k_1(T) $, $ k_2(T) $, $ k_3(T) $ et $ k_4(T) $ de la formule (1) pour chacune des trois régions et pour les périodes de retour comprises de 1, 2, 5 et 10 ans.
Nota : Du fait de l'importance de la contribution des travaux de Michel Desbordes il serait juste de désigner la nouvelle formulation obtenue sous le nom : "Méthode de Caquot-Desbordes".
Le développement des outils informatiques à partir des années 1980 va cependant progressivement limiter de plus en plus l'utilisation de cette méthode.
Fondements théoriques
Hypothèses de départ
Les hypothèses de base peuvent être classées en deux catégories :
- hypothèses liées à la linéarité de la relation pluie-débit qui conduisent à dire que le débit de pointe est proportionnel au volume de pluie précipitée au cours de la période précédant la pointe de débit ;
- hypothèses liées aux lois d'écoulement et de stockage dans le réseau choisies par A. Caquot et dont les deux principales sont les suivantes :
- l'écoulement se fait toujours à surface libre, le volume stocké est proportionnel au débit de pointe ;
- l'écrêtement dû au réseau est calculé en supposant que l'intensité maximale se produit au début de l'averse, lorsque le réseau est presque vide.
Dans ces conditions, la relation de départ de A. Caquot est l'équation de conservation des volumes entre le début de l'averse et le temps $ θ $ au bout duquel on observe le débit maximum. Elle traduit le fait que le volume d'eau précipitée ($ V_p $ ) est égal à la somme du volume qui s'est écoulé à l'exutoire ($ V_e $) et du volume encore stocké ($ V_c $ ) dans le réseau et sur le bassin versant :
Soit, en tenant compte des unités :
Avec :
- $ α $ : Coefficient < 1 tenant compte de la répartition spatiale de l'averse ;
- $ H $ : Hauteur d'eau tombée jusqu'au temps $ θ $ (en $ mm $) ;
- $ δ $ : Coefficient de proportionnalité entre le volume stocké et le débit de pointe ;
- $ β $ : Coefficient < 1 tenant compte de la répartition entre le volume stocké et le débit de pointe.
Hypothèses complémentaires
A.Caquot fait ensuite les hypothèses suivantes :
- Le débit maximum est atteint pour une durée $ θ $ égale au temps de concentration $ t_c $ ;
- $ H $ peut s'exprimer en fonction de $ t_c $ par une formule de type Montana :
- Le coefficient abattement spatial $ α $ peut se mettre sous la forme :
On peut alors écrire :
Ensuite, en se fondant sur des considérations théoriques sur les écoulements en surface et en conduites, A. Caquot propose de calculer le temps de concentration $ t_c $ par une relation de la forme :
En reportant l'équation (8) dans l'équation (7), on retrouve finalement la relation (1) :
Avec :
- $ k_0 = \lgroup\frac{a.μ^b}{6.(β+δ)}^{\frac{1}{1-b.f}}\rgroup \quad (9) $
- $ k_1 = \frac{b.c}{1-b.f}\quad (10) $
- $ k_2 = \frac{1}{1-b.f}\quad (11) $
- $ k_3 = \frac{b.d+1-ε}{1-b.f}\quad (12) $
Ajustement des paramètres
Les différents paramètres apparaissant dans les relations 9 à 12 doivent être ajustés en fonction de la pluviométrie locale (coefficients $ a $ et $ b $ de Montana, coefficient d'abattement spatial $ ε $) ou de mesures expérimentales.
Les valeurs de ces paramètres choisies au départ par A. Caquot (équation 1) ont ainsi été rajustées lors de l'élaboration de l'Instruction technique de 1977. Les valeurs proposées font apparaître un paramètre de forme du bassin versant : le coefficient d'allongement $ E $, défini de la façon suivante :
Avec :
- $ A $ : surface du bassin versant ($ ha $) ;
- $ L $ : plus long parcours de l'eau ($ hm $) ;
Dans ces conditions, pour un coefficient d'allongement $ E = 2 $, les valeurs à retenir pour les paramètres sont les suivantes :
- $ β+δ = 1{,}1 $ ;
- $ ε = 0{,}05 $ ;
- $ c = - 0{,}41 $ ;
- $ d = 0{,}507 $ ;
- $ f = - 0{,}287 $ ;
- $ μ =0{,}5 $.
Facteur correctif pour les allongements différents de 2
Si le coefficient d'allongement du bassin versant est différent de 2, il est nécessaire de corriger la valeur du débit de pointe par un coefficient $ m $ qui se calcule de la façon suivante (Desbordes, 1984) :
On obtient alors :
Nota : La valeur de $ E $ doit obligatoirement être supérieure à $ 0{,}8 $, valeur qui correspond à un bassin versant en forme de demi-cercle
Calcul de la pente moyenne
Pour un bassin versant urbanisé dont le plus long chemin hydraulique $ L $ est constitué de tronçons successifs $ L_k $ , de pente sensiblement constante $ I_k $ , l'expression de la pente moyenne qui intègre le temps d'écoulement le long du cheminement le plus hydrauliquement éloigné de l'exutoire est la suivante :
Choix des coefficients de Montana
Les coefficients $ a $ et $ b $, dit de Montana, doivent être choisis en fonction de la période de retour prise en compte (voir Période de retour d’insuffisance (HU)) choisie et de la pluviométrie locale (voir Montana (formule type) (HU).
Il est fortement déconseillé d'utiliser les valeurs proposées par l'Instruction technique de 1977 qui ont été établis sur peu d'années de mesures et peu de stations pluviométriques. Le découpage proposé en région reste de ce fait très approximatif.
Conclusions : Dans quel cadre peut-on utiliser la formule de Caquot ?
Outre son intérêt historique la méthode de Caquot constitue toujours un outil d'évaluation rapide des ordres de grandeur des débits de ruissellement pour une occurrence donnée. Elle ne doit cependant être utilisée que pour des projets d'ampleur limitée (moins de 40 hectares) et pour des bassins versants équipés d'un système d'assainissement structuré sans ouvrage de stockage.
Bibliographie :
- Caquot, A (1941) : Ecoulement des eaux pluviales ; Compte Rendu à l'Académie des Sciences de Paris du 20 octobre 1941.
- Desbordes, M. (1974) : Réflexions sur les méthodes de calcul des réseaux urbains d'assainissement ; thèse Docteur ingénieur ; Université des Sciences et Techniques du Languedoc ; Montpellier ; 171 p.
- Desbordes, M. (1984) : Modèle de Caquot : révision de la correction des débits de pointe en fonction de l'allongement des bassins ; TSM l'eau ; Paris ; n°79 ; pp. 381-385 ; 1984.
- Grisollet, H. (1948) : Etude des averses orageuses de la région parisienne, envisagées au point de vue de leur évacuation par les ouvrages d'assainissement ; la météorologie ; 4 (11) ; pp. 175-195 ; 1948.
- Ministère (1949) : Ministère de la reconstruction et de l'urbanisme ; Instruction technique relative à l'assainissement des agglomérations ; CG 1333 ; Imprimerie nationale ; Paris.
- Ministères (1977) : Ministère de la culture et de l'environnement, Ministère de l'équipement et de l'aménagement du territoire, Ministère de l'agriculture, Ministère de la santé et de la sécurité sociale ; Instruction technique relative aux réseaux d'assainissement des agglomérations ; IT 77 284 INT ; Imprimerie nationale ; Paris ; 62 p + annexes ; 1977.