Débitmètre (HU)
Traduction anglaise : flowmeter
article en chantier
Dernière mise à jour : 28/06/2024
Appareil permettant de mesurer le débit d'un cours d'eau ou d'une conduite.
Sommaire
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Éléments d'historique
Le besoin de mesurer le débit des cours d'eau est presque aussi ancien que celui des civilisations, même si la notion de débit a souvent été confondue avec celle de hauteur ou de vitesse d'écoulement. On connait généralement les nilomètres, étagés sur toute la longueur du Nil et qui existaient déjà 3 000 ans avant notre ère (figure 2). Leur but était de prévoir l'importance et la gravité des crues, mais aussi la qualité probable des récoltes (figure 3). De même, les premiers relevés systématiques de niveau d’eau auraient commencé en Chine en 251 avant J.-C. sur un complexe d’irrigation (Lallement, 2021) et des dispositifs de mesure du niveau existaient dans les civilisations précolombiennes.
Si les nilomètres ont commencé à être installés dès l’époque pharaonique, ils ont aussi traversé les époques : Les romains ont développé leur réseau au début de notre ère, tout comme Muhammad Ali au début du XIXème siècle. Leur très longue histoire (plus de 5 000 ans), les a rendu tellement célèbres que certains considèrent le terme nilomètre comme un synonyme de limnimètre (voir par exemple l'article "nilomètre" de wikipédia).
En Europe, les premiers relevés systématiques de niveaux de crue, effectués sur des échelles graduées, sont beaucoup plus tardifs et datent du XVIIIème siècle (Seine à Paris en 1719, Elbe à Magdeburg en 1727, Rhin à Emmerich en 1770) (Lallement, 2021). Ces appareils nécessitent une lecture humaine.
En 1831, Henry Palmer conçoit le premier enregistreur en continu (appareil à flotteur avec enregistrement sur un graphique de papier, voir § "Mesurage de la hauteur d'eau par flotteur") ; son invention est installée dès 1832 sur la Tamise à Sheerness (Lallement, 2021). Au début du XXème siècle plusieurs autres capteurs permettant de mesurer la hauteur d'eau, dont les limnimètres bulle à bulle, sont inventés (file:///G:/T%C3%A9l%C3%A9chargements/012294mulo.pdf, page 53).
L'enregistrement numérique (au départ sur cassettes magnétiques !) remplace progressivement les enregistrements papier à partir des années 1970 et la télétransmission des données se généralise à partir des années 1980. A la même époque de nouvelles techniques apparaissent (mesure d'un temps de parcours par ultra-sons ou par radar, mesure directe de pression par différents types de capteurs). Depuis les années 2010, par un curieux retour de situation, on redécouvre l'intérêt des échelles graduées surveillées par une caméra et un système automatique de lecture en continu de la hauteur d'eau.
Le débit, une grandeur difficile à appréhender
On définit classiquement le débit d’un écoulement comme le volume d'eau qui s'écoule en un point donné, pendant une durée donnée, à travers une section droite de cet écoulement.
Le caractère d'évidence de cette définition cache en fait deux difficultés de taille qui sont plus largement discutées dans l'article Débit (HU) :
- La première difficulté est d'ordre pratique : Le débit est une grandeur qui varie avec le temps ; quelle doit être la durée d'observation ? une seconde ? une heure ? une année ?
- La seconde difficulté est d'ordre métrologique : Comment mesurer un volume d'eau écoulé pendant une certaine durée ? Si le débit dans la rivière ou dans la conduite est faible on peut essayer de détourner tout le flux vers un récipient de volume connu et mesurer le temps nécessaire pour le remplir (avec l'hypothèse que ce débit reste constant pendant la durée de remplissage) ; mais dès que le débit devient plus important, ce type de méthode devient bien évidemment impossible à mettre en œuvre.
Les méthodes mesurage du débit repose donc sur deux principes de base :
- rechercher une valeur moyenne sur une durée convenant au problème étudié ; typiquement, en hydrologie, cette durée peut varier de quelques minutes à l'année (voir Module (HU)) ;
- utiliser une autre définition du débit, le plus souvent le produit de la section mouillée par une vitesse moyenne d'écoulement.
Passer de la hauteur d'eau au débit
Plusieurs méthodes permettent de calculer le débit à partir de mesures de hauteur d’eau. Les plus simples sont directes, d'autres nécessitent un jaugeage préalable, enfin d'autres imposent une double mesure.
Calcul du débit en section courante en fonction de la hauteur d'eau
La première solution possible consiste à utiliser une relation hydraulique. Le principe est simple : pour un écoulement à surface libre, il peut exister une relation directe entre la hauteur d'eau et le débit, à la condition de garantir, par exemple, un régime permanent uniforme. Dans ce cas, on utilise la relation de Manning-Strickler :
avec :
- $ Q $ : débit (m3/s) ;
- $ S $ : section mouillée (m2) ;
- $ I $ : pente du fond (m/m) ;
- $ K_s $ : coefficient de rugosité des parois (m1/3/s) ;
- $ R_h $ : rayon hydraulique (m) ;
- $ V $ : vitesse moyenne de l'écoulement (m/s).
Outre le fait que cette méthode nécessite le choix des valeurs de $ I $ (théoriquement mesurable) et surtout de $ K_s $, elle repose sur une hypothèse forte (régime uniforme) qui n'est que très rarement vérifiée. Elle est donc déconseillée en l'absence de tarage (voir § suivant).
Calcul du débit en utilisant une courbe de tarage
Utilisation d'un appareil précalibré
La première solution consiste à utiliser un appareil normalisé (seuil jaugeur ou canal venturi). D’un point de vue hydraulique, ces ouvrages fonctionnent en passant par la hauteur critique, ce qui permet de garantir une relation univoque entre la hauteur et le débit. Les résultats sont généralement corrects, en particulier si la relation a fait l'objet d'un tarage préalablepréalable ou s’ils respectent les normes d’installation. Ce procédé n'est cependant pas toujours possible :
- particulièrement dans les réseaux d'assainissement, la mise en place du dispositif réduit la section d'écoulement, remonte la ligne d'eau et peut provoquer des désordres (modification du transport solide, mises en charge et/ou débordement) ;
- dans tous les cas, mais de façon encore plus importante sur les cours d'eau, il n'est pas toujours simple d'installer l'appareil du fait de la configuration du lit ; ce travail peut nécessiter des travaux importants et conduire à une installation onéreuse ;
- les appareils posés de façon provisoire sont également soumis à des aléas en cas de crue forte (arrachage et entraînement).
Mise en œuvre d'un jaugeage in situ
La deuxième solution consiste à établir une relation empirique débit = f(hauteur),
- soit en mesurant simultanément la hauteur et la vitesse moyenne pour une gamme représentative de valeurs de débit (et donc de hauteur d'eau) : voir Courbe de tarage (HU)
- soit en mesurant directement le débit par une technique de traçage, également pour différentes hauteurs d'eau.
Remarque : Ces deux solutions peuvent également permettre de choisir les paramètres (coefficient de rugosité et pente motrice) dans le cas d'un calcul direct utilisant par exemple la formule de Manning-Strickler.
Les solutions de ce type présentent trois inconvénients :
- il n'est pas toujours possible de réaliser des jaugeages en période de crue, d'une part parce que ces situations sont rares et d'autre part parce que l'accès au site peut alors être difficile, voire impossible (c'est souvent le cas dans les réseaux d'assainissement) ;
- la méthode repose sur l'existence d'une relation univoque entre la hauteur et le débit, or c'est loin d'être le cas :
- d'une part parce que, même si l'écoulement n'est pas perturbé, il existe un hystérésis au cours d'une crue et, pour un même débit, la hauteur d'eau est plus petite pendant la crue que pendant la décrue,
- d'autre part parce que les écoulements peuvent être fortement perturbés par des influences aval, susceptibles de rendre la relation totalement inapplicable ;
- la méthode suppose également que la relation entre hauteur d'eau et section mouillée reste constante dans le temps (de même que la rugosité), or, pendant une crue le transport solide est important et les phénomènes de dépôt et/ou d'érosion peuvent modifier considérablement le profil en travers d'un cours d'eau et, dans une moindre mesure, d'une conduite fermée.
Calcul du débit en utilisant un double mesurage
La dernière possibilité consiste à effectuer un double mesurage continu de façon à obtenir une information plus précise sur le phénomène étudié.
Double mesurage de la hauteur
Ce double mesurage peut porter sur la hauteur d'eau. Connaître la hauteur d'eau en deux points distants de plusieurs dizaines ou centaines de fois la hauteur d’eau, dans le sens de l'écoulement, permet en effet de calculer la pente de la ligne d'eau. Il est alors possible d'ajuster plus précisément une relation de type Manning-Strickler. En effet, dans ce cas, la pente de la ligne d'eau est égale aux pertes de charge linéaires et il est donc possible d'en déduire directement la vitesse moyenne de l'écoulement (relation $ (3) $).
avec :
- $ J $ : pente de la ligne d'eau (m/m) ; les autres grandeurs ayant la même signification que pour la relation $ (2) $.
Cette méthode nécessite cependant une mesure très précise des deux hauteurs et un calage également précis des capteurs en altimétrie. L'écart entre les deux niveaux de la ligne d'eau est en effet souvent faible et donc très sensible aux différentes incertitudes.
Mesurage complémentaire de hauteur et de vitesse
La méthode la plus complète consiste à mesurer de façon simultanée les valeurs de hauteur et de vitesse moyenne. Cette solution permet de se prémunir contre les différents problèmes évoqués plus haut. Elle suppose cependant que la relation entre la hauteur d'eau et la section mouillée reste stable.
Toutes ces solutions sont présentées plus en détail dans l'article Débitmétrie (HU).
Intégration du limnimètre dans une station de mesures
Pour être utilisable(s) le(s) limnimètre(s), (ou les différents appareils de mesures en cas d'acquisition multiple), doi(ven)t être installé(s) dans une station de mesure qui va compléter les appareils de mesure par :Hydrométrie : mesurer les débits d’une rivière, pourquoi et comment ?
- un enregistreur local et/ou ;
- un système de télétransmission.
Une alimentation électrique (éventuellement locale : batterie, panneau solaire) de même que des moyens de liaison (téléphone, câble, radio) sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de l'installation.
Bibliographie :
- GRAIE (2018) : Fiche Technique n°6 : Calcul du débit à partir de la hauteur d’eau ; 2p. ; disponible sur http://www.graie.org/graie/graiedoc/reseaux/autosurv/F6_hautdebit_vu_GLK-v2.pdf
- Lallement, C. (2021) : Une brève histoire de l’hydrométrie ; focus de l'article "Hydrométrie : mesurer les débits d’une rivière, pourquoi et comment ?" ; Encyclopédie de l'environnement ; disponible sur https://www.encyclopedie-environnement.org/zoom/breve-histoire-de-lhydrometrie/
- Moore, S. (2019) : Manuel pratique de levés hydrométriques : Mesure de niveau d’eau ; 35p. ; disponible sur https://publications.gc.ca/collections/collection_2021/eccc/en37/En37-274-2019-fra.pdf
Pour en savoir plus :
- Bernard M. (coordinatrice) (2019) : Guide d’échantillonnage à des fins d’analyses environnementales ; cahier 7 : Méthodes de mesure du débit ; Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec ; 321p. ; disponible sur https://www.ceaeq.gouv.qc.ca/documents/publications/echantillonnage/debit_conduit_ouvc7.pdf.
- Bertrand-Krajewski, J.-L., Laplace, D., Joannis, C., Chebbo, G. (2008) : Mesures en hydrologie urbaine et assainissement ; ed. tec et Doc, Lavoisier, Paris ; 292p. (épuisé).
- Ministère chargé de l’Environnement (2017) : Charte qualité de l’hydrométrie, Guide de bonnes pratiques, janvier 2017, 82 p. ; disponible sur https://www.eaufrance.fr/sites/default/files/documents/pdf/Schapi_Charte_hydro_P01-84_BasseDefinition_5Mo_.pdf