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Débordement (HU)

De Wikhydro

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Traduction anglaise : Overbank, Overbank flow, Overflow

Mot en chantier

Dernière mise à jour : 23/05/2024

En hydrologie urbaine, ce terme peut désigner deux phénomènes distincts :

En pratique, les deux types de phénomènes sont très différents, même s'ils peuvent parfois être liés, et doivent être traités par des méthodes distinctes ; en revanche, lorsqu'ils se produisent en zone urbaine, les écoulements qu'ils produisent en surface peuvent être modélisés par des outils identiques.

Sommaire

Débordement dans le cas d'un cours d'eau

Dans un cours d'eau naturel (ou dans un réseau de surface artificiel), l'eau s'écoule toujours à surface libre. En cas de crue le niveau va plus ou moins progressivement monter dans le lit, puis s'épancher latéralement pour occuper son lit majeur (figure 1). Le phénomène peut être très progressif ou au contraire brutal, soit parce qu'il existe un lit moyen bien marqué, soit, c'est le cas le plus fréquent, parce que le cours d'eau a été canalisé ou endigué et que le niveau dépasse la crête de l'ouvrage. Dans les cas les plus complexes il existe plusieurs lignes d'endiguement qui cloisonnent la plaine d'inondation.


Figure 1 : Débordement de rivière ; crédit photo : Patrick Savary.

Nota : En zone urbaine, le lit majeur est de plus en plus souvent occupé par l'homme et les conséquences peuvent être d'autant plus graves que l'endiguement des rivières donne une impression illusoire de protection.

Le débordement peut donc, en première approche, être considéré comme le passage d'un écoulement globalement filaire (unidimensionnel), effectué de l'amont vers l'aval du cours d'eau, à un écoulement bidimensionnel, beaucoup plus complexe (figure 2).

Figure 2 : Avant le débordement les écoulements peuvent généralement être représentés par un écoulement monodimensionnel effectué dans le sens du cours d'eau ; lorsque le débordement commence les zones latérales (lit majeur) sont progressivement inondées et il est nécessaire de représenter le caractère bidimensionnel des écoulements.

La modélisation du débordement dépend des modèles mis en œuvre pour représenter la crue. Pour ceci deux familles de méthodes sont utilisables (voir Modèle d'écoulement en réseau et en cours d'eau (HU)) :

Post-traitement après un modèle de transfert d'onde de crue

Dans le cas de l'utilisation d'un modèle de propagation d'onde de crue, le seul résultat connu dans le lit principal est la valeur des débits. Il est donc nécessaire d'utiliser un post-traitement pour en déduire les valeurs de hauteurs d'eau. Ce post traitement consiste à calculer les hauteurs d'eau atteinte en fonction des valeurs connues de débit. Ce calcul ne peut s'effectuer qu'en régime permanent. L'approche la plus simple consiste à faire l'hypothèse d'un régime uniforme, ce qui est bien évidemment très éloigné de la réalité. Une amélioration possible consiste à déterminer une ligne d'eau en régime graduellement varié à partir des valeurs maximum de débit. Cette solution peut permettre, en particulier en cas de régime fluvial, de tenir compte d'éventuelles influences aval.

Malheureusement, comme la relation entre le débit et la hauteur d'eau n'est absolument pas univoque (à titre d'exemple, dans le cas d'une crue fluviale, le maximum de hauteur d'eau peut se produire plusieurs jours après le pic de débit), la validité des hauteurs d'eau maximum atteintes restera faible.

Le calcul des zones inondées, nécessite donc, au moins dans les zones à enjeux, d'utiliser des modèles hydrauliques fournissant à la fois les valeurs de hauteurs et de débit dans le lit mineur et dans le lit moyen.

Approche fondée sur la modélisation des écoulements dans le lit mineur par un modèle hydraulique

Dans le cas de l'utilisation d'un modèle hydraulique 1D, on dispose à tout instant des valeurs de débit, de vitesse moyenne dans le sens de l'écoulement et de hauteur d'eau. On peut donc prévoir, à partir de quel moment l'eau va déborder dans le lit majeur. Trois approches sont possibles pour représenter ce débordement.

Utilisation du même modèle filaire

L'utilisation du même modèle filaire (1D) pour représenter les écoulements dans le lit majeur est parfois suffisant lorsque les limites entre les différents lits sont peu marquées. Les profils en travers de la rivière doivent alors être définis pour la totalité du lit majeur et il est nécessaire de tenir compte de l'augmentation de la rugosité pour les écoulements dans ce lit majeur (figure 3).


Figure 3 : Lorsque les limites entre les différents lits ne sont pas clairement marqués (en particulier absence d'endiguement), un modèle filaire peut être suffisant pour représenter le débordement d'un cours d'eau.

Utilisation d'un modèle à casiers

Cette approche consiste à compléter le modèle filaire représentant le lit moyen par des éléments surfaciques, les casiers, chargés de représenter le lit majeur. Chaque casier est défini géographiquement par ses contours qui s’appuient sur des lignes de niveau ou sur des obstacles à l’écoulement (digues, routes, talus, etc.) et pas sa profondeur (figure 4). En fonction du niveau atteint par l’eau, les casiers vont progressivement se remplir, soit directement à partir du lit moyen, soit en débitant les uns dans les autres, ce qui va permettre de simuler la progression de l’inondation. Les échanges entre casiers sont régis par des lois de transfert (souvent des lois de seuils ou d’orifices).


Figure 4 : Exemple de modèle à casiers : les zones inondables à Paris et dans les Hauts-de-Seine sont ici cartographiées grâce au modèle Seine sur le logiciel Hydrariv ; Source : EPI Seine.

Les modèles à casiers sont d'autant plus pertinents que le lit est bien compartimenté par des infrastructures en remblais, des digues latérales ou des talus routiers ou ferroviaires, qui contraignent les écoulements en lit majeur et conditionnent les stockages consécutifs aux débordements.

Utilisation d'un modèle multidirectionnel

L'approche la plus satisfaisante consiste cependant à utiliser un modèle hydraulique mutidirectionnel (2D) (voir Barré de Saint Venant (équations de) (HU)). Les modèles de ce type sont en effet capables de fournir le niveau d’eau ainsi que les composantes horizontales des vecteurs vitesse en tous points d’un maillage reposant sur une grille de calcul horizontale, y compris dans le cas d'événement accidentel, comme la rupture d'une digue, puisqu'ils fonctionnent en régime transitoire (figure 5).


Figure 5 : Simulation des débordements dans le cas de la rupture d'une digue avec le logiciel TELEMAC 2D ; Source http://www.opentelemac.org/index.php/modules-list.

Certains de ces modèles peuvent également tenir compte de variables multiples, qu'elles soient climatiques (par exemple le vent) ou autres (effets de marée par exemple). Ils sont cependant lourds à mettre en œuvre car ils reposent sur l'utilisation de modèles numériques de terrain (MNT) suffisamment précis, en altimétrie (une à deux dizaines de centimètres) et en résolution horizontale (variant de quelques mètres à quelques dizaines de mètres, suivant que les variations altimétriques sont marquées ou pas). L'utilisation de lidars aéroportés facilite aujourd'hui beaucoup la construction de ce type de MNT. Ils sont également exigeants en temps calcul.

Modélisation multiple

Certains modèles sont capables de combiner les différents types de modélisation en appliquant, pour chaque zone, celui qui est le mieux approprié en fonction des enjeux et des caractéristiques du lit majeur (figure 6).


Figure 6 : Exemple de représentation utilisant les différents types de modèles (filaire, à casier et multidirectionnel) avec la schématisation des liaisons hydrauliques permettant leur connexion ; Source : logiciel Hydra.

Débordement dans le cas d'un réseau d'assainissement

Approche simplifiée

Dans le cas des réseaux d'assainissement les écoulements se font essentiellement (du moins en France) dans des sections fermées et enterrées. Pour que l'eau arrive en surface la conduite doit donc d'abord se mettre en charge. Lorsque, à un point donné du réseau, la charge nécessaire pour assurer l'écoulement devient supérieure à la charge disponible (différence entre la cote sol et la charge à l'aval - Hd), seule une partie du débit peut être évacuée par la conduite (Figure 7).


Figure 7 : Si la conduite est en charge et que la charge nécessaire pour écouler le débit est localement supérieure à la charge disponible, le réseau déborde.

Le débit excédentaire cherche alors un autre exutoire, le réseau communiquant avec la surface par des branchements, des avaloirs, et différents regards, l'exutoire en question est la plupart du temps constitué par la chaussée. Une certaine quantité d'eau reflue donc vers le sol où elle rejoint l'eau qui n'a pas encore pénétré dans le réseau (Figure 8).


Figure 8 : Débordement d'un réseau d'assainissement ; crédit photo : Patrick Savary.

En théorie, le calcul est donc simple car, si la conduite est en charge et que l'on néglige sa déformabilité ainsi que la compressibilité de l'eau, la relation entre le débit et la vitesse devient bijective, la section mouillée de l'écoulement restant constante puisque la conduite est pleine. Comme on sait établir une relation simple entre les pertes de charge et la vitesse et généraliser les équations de Barré de Saint Venant 1D au cas des écoulements en charge, il suffit donc de tracer la ligne de charge pour trouver les endroits où elle dépasse le niveau du sol, ce qui permet d'identifier les zones inondées. Cette méthode, disponible sur tous les outils actuels de simulation de réseau, fournit une première image déjà représentative.

Prise en compte des écoulements en surface

Une fois arrivée en surface, l'eau va donc rejoindre l'eau qui n'y a pas encore pénétrée. Cette eau ne va généralement pas rester sur place, mais s'écouler dans le réseau de surface constitué par les rues et autres espaces urbains ; la détermination des zones réellement inondées impose donc de représenter aussi les écoulements dans ce réseau de surface. Deux solutions sont possibles :

  • représenter simplement un réseau de surface (essentiellement composés par les rues) constitué de tronçons de canaux communiquant entre eux et communiquant avec le réseau souterrain et le représenter par un modèle hydraulique filaire (1D), éventuellement identique à celui utilisé pour la partie souterraine (figure 9) ;
  • mobiliser un MNT pour représenter la surface de la ville et utiliser un modèle multidirectionnel (2D) ; ce second mode étant principalement utile lorsque les volumes épanchés en surface deviennent extrêmement importants.

Dans les deux cas il faut également représenter les connexions (dans les deux sens) entre le réseau souterrain et le réseau de surface par des ouvrages spéciaux adaptés (lois de seuil ou d'orifice).


Figure 9 : Exemple de représentation des zones urbaines inondées : débits unitaires maximaux sur le bassin versant du Vieux-Port à Marseille en cas de débordement du réseau d'assainissement ; Source : Paquier (2009).

La modélisation des écoulements en surface reste cependant très difficile du fait de la grande complexité des interactions et de la variété et de la diversité des obstacles. Voir à ce sujet le paragraphe "Spécificités des inondations en zone urbaine".

Dynamique réelle des débordements

La réalité des débordements des réseaux d'assainissement est encore beaucoup plus compliquée, pour deux raisons :

  • Tant que l'eau s'écoule à surface libre dans la conduite, il y a de l'air au dessus de la ligne d'eau ; au fur et à mesure que le niveau monte, cet air est comprimé et doit s'échapper ; le remplissage total de la conduite, surtout s'il est rapide, va donc s'accompagner de déplacements très brutaux de l'air piégé dans la partie haute et ces déplacements vont très fortement perturber l'écoulement de l'eau, donc la forme de l'hydrogramme (voir figure 10 et article Mise en charge (HU)) ; il n'existe actuellement pas d'outil opérationnel capable de prendre correctement ces phénomènes en compte.


Figure 10 : Exemple des perturbations produites par une mise en charge importante du réseau ; l'hydrogramme réel à l'aval de la zone perturbée est probablement encore plus chaotique que celui tracé qui est lissé du fait du pas de temps de stockage des mesures (dans ce cas 1 minute).
  • Les événements forts responsables des débordements des réseaux d'assainissement sont souvent de type convectif et correspondent à des orages. Aux pluies fortes sont donc associés d'autres phénomènes, parfois de la grêle et souvent des vents violents. L'association de ces différents phénomènes est responsable de la production de nombreux macro-déchets (feuilles, branches, etc.), qui colmatent partiellement ou totalement les avaloirs, lesquels deviennent alors incapables d'introduire l'eau dans le réseau souterrain. L'inondation est ainsi souvent associée, non pas uniquement au débordement du réseau, mais également à la défaillance des dispositifs sensés évacuer l'eau de la surface (figure 11). Ce phénomène augmente également les pertes au ruissellement et diminue les débits à l'intérieur du réseau.


Figure 11 : Avaloir bouché provoquant une retenue d'eau locale ; Crédit photo Bernard Chocat.
  • Le risque de défaillance des ouvrages de stockage, comme les bassins de retenue, doit également être pris en compte. Il est alors nécessaire de regarder, ouvrage par ouvrage, à quel endroit l'eau va s'épancher si l'ouvrage devient insuffisant et de rajouter les volumes correspondants aux volumes issus des débordements du réseau lui-même.

Spécificités des inondations en zone urbaine

La représentation des flux inondants en zone urbaine pose des problèmes particuliers et assez voisins, que leur cause première soit le débordement d'un cours d'eau ou celui du réseau d'assainissement.

Lien entre les débordements de cours d'eau et les débordements de réseaux

En premier lieu, il est souvent difficile de dissocier les débordements de réseau et les débordements de cours d'eau. En effet :

  • les réseaux d'assainissement communiquent avec les cours d'eau auxquels ils apportent de l'eau, contribuant ainsi à augmenter les débits qui y circulent ;
  • le niveau dans les cours d'eau qui servent d'exutoire au réseau déterminent les conditions aux limites aval, lesquelles peuvent limiter les écoulements dans le réseau d'assainissement et être à l'origine des débordements.

Plus encore, en cas de crue importante du cours d'eau, les exutoires des réseaux d'assainissement constituent des axes privilégiés permettant au flux issus du cours d'eau d'inonder la ville. Ces ouvrages, s'ils ne sont pas équipés de clapets anti-retour, peuvent en effet parfaitement fonctionner à contre sens et permettre à l'eau du cours d'eau de pénétrer dans les zones urbaines malgré la présence de digues ou de points hauts (figure 12).


Figure 12 : Effondrement d'un collecteur d'assainissement suite à la crue de la Seine en 1910 ; Source : collection cartes postales Antonio Pelicer.

Les interactions sont donc nombreuses et doivent être prises en compte. Différents modèles existent pour représenter ce type de phénomène. Tous reposent sur une double modélisation des réseaux de surface (cours d'eau et rues) et du réseau souterrain ainsi que sur la représentation correcte de leurs interactions (voir par exemple Araud, 2012 ou Paquier, 2009).

Complexité de la géométrie des espaces urbains

Comme déjà indiqué précédemment la structure géométrique des villes est souvent assez différente de celle des zones naturelles ou rurales. A l'échelle moyenne des hauteurs d'eau atteintes en surface lors des inondations urbaines (de quelques dizaines de cm à quelques mètres), le relief urbain est presque totalement artificiel. Les écoulements se font principalement dans le réseau de rues et sont perturbés par une multitude d'éléments : obstacles constitués par le mobilier urbain, changements brutaux de direction, croisements fréquents des lignes d'écoulement (voir figure 13), zones basses particulièrement vulnérables (trémies routières par exemple), zones de stockage en souterrain constituées par les parkings, interactions avec le réseau d'assainissement et éventuellement avec d'autres réseau (métro par exemple), etc.


Figure 13 : Effet d’un giratoire sur les caractéristiques de l’écoulement (résultat d'un calcul 2D) ; Source : Paquier (2009).

La modélisation correcte du fonctionnement de ce type de milieu nécessite une image très fine de la géométrie de la surface, mais également de ses interactions avec les éléments souterrains.

Présence de nombreux obstacles mobiles susceptibles de former des embâcles

La situation est encore compliquée par la présence des véhicules, qui vont être déplacés par l'eau dès que la profondeur va dépasser une trentaine de cm. Une fois mis en mouvement, les véhicules vont former des embâcles plus ou moins mobiles qui vont perturber fortement l'écoulement et provoquer par endroit des remontées fortes et brutales de la hauteur d'eau (figure 14).


Figure 14 : Voitures transportées par l'inondation et formant un embâcle ; Crédit photo Dominique Laplace.

Au vu de ces éléments ont comprend bien l'extrême complexité des phénomènes à représenter et la difficulté à en donner une image réellement fiable par des calculs, même très sophistiqués (Hadji et al., 2008).

  • Araud, Q. (2012) : Simulations des écoulements en milieu urbain lors d’un évènement pluvieux extrême ; thèse Université de Strasbourg ; 291p. ; disponible sur https://theses.hal.science/tel-00814408/file/Araud_Quentin_2012_ED269.pdf.
  • Hadji, S., Ouahsine, A., Naceur, H., Sergent, P. (2008) Modelling of transport and collisions between rigid bodies to simulate the jam formation in urban flows ; The international journal of multiphysics ; 2(3) pp.247-266.

Pour en savoir plus :

  • Paquier, A. (2009) : Rapport final du projet RIVES "Risque d’inondation en ville et évaluation de scénarios" ; Synthèse ; irstea ; 2009, pp.13 ; disponible sur https://hal.inrae.fr/hal-02592265/document
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