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Pluviométrie (HU)

De Wikhydro

Traduction anglaise : Rain gaging (USA), Rain gauging (RU)

Dernière mise à jour : 28/03/2025

Mot en chantier

La pluviométrie concerne la mesure dans le temps de la quantité d'eau qui tombe sous forme de précipitation : pluie, neige, grêle, grésil.

Sommaire

La pluviométrie en hydrologie urbaine

La quantité de pluie influence directement le cycle de l'eau en milieu urbain où l'imperméabilisation des surfaces contrarie l’infiltration et favorise les phénomènes de ruissellement. Ces derniers peuvent conduire à des rejets d’eaux polluées au milieu naturel dus au lessivage des surfaces urbaines et aux déversements des réseaux unitaires et pseudo-séparatifs. Pour les pluies les plus fortes, le ruissellement excessif et les débordements des ouvrages pluviaux et autres cours d’eau peuvent aussi provoquer des inondations.

La pluviométrie est donc fondamentale pour comprendre, analyser, estimer et prévoir ces phénomènes d’une part pour réviser les méthodes de dimensionnement des ouvrages, adapter les modes d’aménagement du territoire et d’autre part pour en gérer et réduire les conséquences néfastes, notamment sur la base d’alertes précoces, de plans d’actions sécurité PCS (Plans Communaux de Sauvegarde) et de comportements responsables du public.

La pratique de la pluviométrie est devenue maintenant obligatoire pour les gestionnaires de systèmes d’assainissement dans le cadre du diagnostic permanent et en particulier de l’autosurveillance réglementaire.

Éléments d’historique

L'origine la plus ancienne du pluviomètre est certainement liée au développement de l’agriculture. Les premières traces de mesures de pluie réalisées pour des besoins d’agronomie, mais aussi dans certains cas pour taxer les récoltes, remontent à l'Antiquité sur le pourtour méditerranéen en Grèce, en Palestine, mais aussi plus loin en Inde et en Chine (L’Hote, 1991). En Égypte, il semble que le besoin pluviométrique n’était pas le même car les récolte étaient directement dépendantes des cotes de crue du Nil et étaient taxées en conséquence.

Au Moyen Âge, les asiatiques ont poursuivi leur gestion de réseaux de mesure de la pluie, le besoin de la connaissance de la pluviométrie était directement lié à la production du riz. Un pluviomètre en bronze datant de 1441 a été trouvé en Corée.

Au 17ème siècle en Europe, l’anglais Christopher Wren, a inventé le premier pluviomètre comptabilisateur à augets connu. Cet instrument a marqué un tournant technologique en enregistrant la pluie sans nécessiter d’observateur et en permettant le calcul d’intensités sur des pas de temps inférieurs à la journée. A la même époque, deux Français, Pierre Perrault et Edme Mariotte, se sont attachés à montrer que la quantité de pluie, tombée sur un bassin versant, permettait d’expliquer le volume des eaux des sources, des rivières et des fleuves, notamment de la Seine à Paris.

Au 18ème siècle, en France, Louis Cotte développe lui aussi un pluviomètre.

Au 19ème siècle, l’association météorologique créée en France par Urbain Le Verrier standardisa les pratiques avec le pluviomètre « Association » qui captait les précipitations sur 400 cm2. Cette dimension est toujours utilisée aujourd’hui. Les réseaux de mesure se sont densifiés à travers le monde et les instruments se sont perfectionnés avec des systèmes divers de comptage des précipitations : augets, siphons, flotteurs, pesée, etc.

Au 20ème siècle, l’utilisation du pluviographe, qui était un pluviomètre à augets équipé d’un enregistreur graphique, a longtemps permis de consigner les quantités de pluies précipitées dans le temps mais le dépouillement des données était long et fastidieux. L'avènement plus récent des technologies électroniques a permis de développer des pluviomètres numériques dont les mesures sont collectées, enregistrées localement grâce à un logger et transmises par télécommunication vers un serveur pour l’exploitation informatique des données.

Dans les années 1980, le radar météorologique a vu son utilisation monter en puissance avec le déploiement progressif par Météo-France d’une couverture nationale (réseau Aramis). La diffusion des images passe du ¼ d’heure à 5 minutes et les mesures radar commencent à être calibrées avec des pluviomètres locaux (Système Calamar).

Au début du 21éme siècle, le pluviomètre devient « connecté » grâce à l’IoT (Internet des objets) et autonome en énergie. Il transmet ses données en temps réel vers une plateforme en ligne et vers les applications mobiles via une connexion GSM ou internet (Ilane et al, 2024). L’utilisation du radar météorologique se démocratise et les lames d’eau calculées deviennent de plus en plus sophistiquées. De nouvelles techniques de mesures de la pluie basées sur l’atténuation des ondes des antennes satellites TV ou des antennes de télécommunication voient également le jour.

Unités de mesure

La pluie est généralement mesurée en millimètres (mm) : Cette unité correspond à la hauteur d'eau recueillie sur une surface plane. Par exemple, 1 mm de pluie équivaut à 1 litre d'eau par mètre carré (L/m2) ou encore 10 m3 d’eau par hectare (m3/ha).

La pluie ainsi mesurée permet de calculer des cumuls : C'est la quantité totale de pluie exprimée en mm, tombée sur une période donnée : événement, jour, mois, année.

La pluie peut aussi être caractérisée par son intensité : C'est la quantité de précipitation tombée par unité de temps sur une période courte. L’unité la plus employée en hydrologie urbaine est le mm/h.

Instruments utilisés pour mesurer la pluie en hydrologie urbaine

La pluie peut se mesurer au sol mais aussi dans l’atmosphère, sous forme ponctuelle ou spatialisée. Les instruments de mesure utilisés à ce jour sont présentés dans les paragraphes suivants.

Pluviomètre totalisateur

Positionné au sol, cet instrument mesure la quantité totale de précipitations tombées sur une période donnée, en général la journée, la donnée étant relevée par un observateur. Le pluviomètre totalisateur produit une information ponctuelle sur la pluie. Il est composé d’un impluvium de forme conique qui capte l’eau de pluie et la dirige dans une éprouvette ou un bol gradué pour lecture directe du nombre de mm précipités. Après lecture de la quantité de pluie, le pluviomètre totalisateur doit être vidé.

Nous verrons que pour les besoins de l’hydrologie urbaine, la connaissance des intensités de pluie étant fondamentale, l’information donnée par les pluviomètres totalisateurs est intéressante mais insuffisante.

Pluviomètre enregistreur à auget basculant

Le pluviomètre enregistreur est en plus équipé d’un système de comptage pour mesurer la quantité précipitée sur une période courte. Ce pluviomètre dirige l’eau de pluie dans un petit auget qui bascule et permet de discrétiser la pluie par unités de 0,1 de 0,2 ou encore de 0,5mm. Chaque basculement peut être horodaté, ou être cumulé sur un pas de temps de 1 minute de 5 minutes ou historiquement de 6 minutes. Le pluviomètre à auget basculant est simple et robuste, mais peut sous-estimer les précipitations les plus intenses. A chaque basculement, l’auget vient en contact avec un dispositif électronique qui transforme ce contact en signal TOR (Tout Ou Rien).


Figure 1 : Pluviomètre sur une toiture terrasse ; crédit photo Dominique Laplace.

Figure 2 : Augets basculants : crédit photo Dominique Laplace

Aujourd’hui, les pluviomètres à auget sont connectés, par exemple en leur rajoutant un transmetteur à entrée TOR pour horodater puis envoyer les données en temps réel sous forme numérique. En combinant les mesures de nombreux pluviomètres, il devient possible de calculer des cartes de pluie sous forme d’isohyètes et de les rendre dynamiques au pas de temps de mesure des pluviomètres.

Pluviomètre à pesée

Cet instrument est lui aussi positionné au sol et fournit une information ponctuelle. Plus précis que le pluviomètre à auget, il mesure la variation de masse d'un récipient recueillant l'eau de pluie. Il permet d'enregistrer les précipitations en continu et de détecter de faibles ou de fortes intensités. Il présente cependant l’inconvénient de nécessiter de vider régulièrement son récipient, manuellement ou par un système mécanisé qui rajoute de la complexité.

Pluviomètre à technologie optique

Cette technologie, initialement développée pour l'industrie automobile, est disponible pour l'hydrologie depuis une dizaine d'années. Elle est encore peu utilisée. Positionné au sol, ce capteur donne lui aussi une information ponctuelle. Une source de lumière infrarouge émet des faisceaux vers des détecteurs intégrés à une lentille. Lorsque des gouttes d'eau touchent la surface extérieure de la lentille, elles perturbent ces faisceaux, réduisant leur intensité. Le capteur analyse ces variations pour estimer la taille des gouttes et fournit ainsi des quantités de pluie.

Figure 3 : capteur électro-optique basé sur le principe de réflexion totale (issu de Bord 2006)

Disdromètre

Comme les pluviomètres, le disdromètre est positionné au sol et fournit une information ponctuelle. Il fonctionne en émettant un faisceau lumineux ou laser à travers une zone de mesure, perturbée par le passage des gouttes de pluie. Ces variations, dues à l'absorption ou à la diffraction, permettent de déterminer la taille et la vitesse des gouttes. L’appareil établit la distribution des tailles des gouttes et mesure l'intensité des précipitations. Le disdromètre permet d'étudier la microstructure de la pluie. Il est utilisé principalement pour la recherche sur les processus physiques de formation des précipitations.

Radar météorologique

Cet instrument, positionné au sol, mesure indirectement la pluie dans l’atmosphère. Le radar émet des micro-ondes électromagnétiques vers le ciel, typiquement entre 3 et 10 GHz, qui sont réfléchies par les gouttes de pluie présentes dans l’atmosphère. En analysant les signaux de rétrodiffusion, il est possible d'estimer la quantité de pluie présente dans la direction de visée, en fonction du temps et en fonction de la distance au radar. La conversion de la puissance récupérée en intensité de pluie se fait par des relations du type Marshall-Palmer (Marshall and Palmer, 1948), qui font l’objet de travaux d’estimation depuis plusieurs décennies.

Le radar comporte une antenne parabolique protégée dans une boule appelée radôme (cf. Fig4 et Fig5). Il tourne sur 360°et tire à des angles d’élévation différents afin de prendre en compte la variabilité verticale de la pluie. Lors d’un tour complet, le radar scanne toutes les directions et une cartographie de la pluie peut être produite sur un grand territoire. Selon sa longueur d’onde et en zone non-montagneuse, la portée métrologique d’un radar peut atteindre 100 km.

Figure 4 : Fonctionnement du radar météorologique ; Source Météo-France


Figure 5 : Radar de Bollène ; Source Météo-France


Figure 6 : Réseau Aramis de radars ; Source Météo-France

La France est ainsi couverte par le réseau Aramis (Fig6) qui compte plus d’une trentaine de radars gérés par Météo-France pour fournir une image composite de la pluie (cf. Fig7). L’implantation de radars en bordure maritime permet de voir la pluie en provenance de la mer, ce qui présente un intérêt majeur par rapport aux autres technologies de pluviométrie au sol, notamment pour les alertes précoces des territoires littoraux.

Les radars nationaux mesurent aujourd’hui avec un pas de temps de 5 minutes et permettent de représenter une cartographie dynamique de la pluie sur la France selon une résolution spatiale de 1 km2.

Figure 7 : Image radar sur le sud-est de la France montrant l’hétérogénéité spatiale de la pluie ; Source : (Laplace et al, 2019)

Antenne satellite pluviométrique

Cette nouvelle technique de mesure indirecte de la pluie utilise des antennes TV paraboliques positionnées au sol et les satellites géostationnaires de diffusion de la télévision. Les signaux électromagnétiques émis par les satellites de télévision sont atténués lorsqu'ils traversent les précipitations. Aux fréquences qui nous intéressent (10.7GHz - 12.75GHz), l'absorption et la diffusion sont principalement dues aux gouttes de pluie. Le signal reçu au sol par les antennes est donc atténué lorsqu'il pleut et il l'est d'autant plus que les gouttes sont nombreuses et grosses. La mesure et l’analyse de l'atténuation du signal permettent d'en déduire la pluviométrie sur la liaison sol-satellite avec une résolution temporelle d’une minute (Mercier et al, 2019). L’information pluviométrique reçue peut être spatialisée en temps réel comme avec un réseau de pluviomètres connectés, en combinant les mesures de nombreuses antennes, pour obtenir une cartographie dynamique de la pluie. Plus de 1000 antennes pluviométriques sont à ce jour déployées dans le Sud-Est de la France et l’objectif est d’atteindre tout le territoire métropolitain et d’outre-mer en 2025.

Figure 8 : Fonctionnement d’une antenne satellite météorologique (source HD Rain)


Figure 9 : Antenne satellite (Source HD Rain)

Antennes relais de télécommunications

Cette nouvelle technique de mesure indirecte de la pluie repose sur le même principe d’atténuation du signal que celui mis en œuvre avec les antennes satellites, mais l’information sur les précipitations est mesurée dans l’air sur le trajet des microondes entre deux antennes relais de téléphonie mobile. Elle est étudiée depuis une vingtaine d’années dans les laboratoires de recherche et l’utilisation de cette donnée à des fins opérationnelles commence à intéresser les opérateurs téléphoniques privés ainsi que les services météorologiques.


Figure 10 : Antennes téléphoniques pour la mesure de la pluie (Source HD Rain)


Notion de pluviomètre « virtuel » Contrairement à un pluviomètre traditionnel qui mesure physiquement les précipitations à un endroit précis, un pluviomètre virtuel utilise des données collectées par un réseau de radars météorologiques et calibrées par des mesures terrain à l'aide de pluviomètres vérifiés et étalonnés. Ces informations sont ensuite traitées par un système de fusion de données pour estimer la quantité de pluie tombée sur une zone à l’échelle du km2 et au pas de temps 15 minutes. Météo-France propose ce service de pluviomètres virtuels nommé « Antilope », permettant aux utilisateurs d'accéder à des données en temps réel, des données historiques et des prévisions. Ainsi donc il peut être tentant pour un gestionnaire d’utiliser ces informations de pluie à la place de pluviomètres locaux, sans devoir installer et maintenir des appareils sur son territoire.

Ce sujet est d’autant plus d’actualité que depuis janvier 2024 Météo-France a rendu disponible les données de pluviométrie, gratuitement et en open data (voir https://www.data.gouv.fr).

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