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Pluviométrie (HU)

De Wikhydro

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Traduction anglaise : Rain gaging (USA), Rain gauging (RU)

Dernière mise à jour : 29/04/2025

La pluviométrie concerne la mesure dans le temps de la quantité d'eau qui tombe sous forme de précipitation : pluie, neige, grêle, grésil.

Cet article constitue une introduction au domaine. Il est (et sera) complété par différents articles traitant des différents moyens utilisables pour acquérir et traiter les données (voir les catégories : Pluviométrie et techniques de mesures de la pluie et Modélisation de la pluie).

Nous nous intéresserons plus particulièrement au cas de l'hydrologie urbaine pour lequel le phénomène pluvieux doit être analysé de façon spécifique du fait des échelles spatiale et temporelle d'intérêt.

Sommaire

La pluviométrie en hydrologie urbaine

La quantité de pluie influence directement le cycle de l'eau en milieu urbain où l'imperméabilisation des surfaces contrarie l’infiltration et favorise les phénomènes de ruissellement. Ces derniers peuvent conduire à des rejets d’eaux polluées au milieu naturel dus au lessivage des surfaces urbaines et aux déversements des réseaux unitaires et pseudo-séparatifs. Pour les pluies les plus fortes, le ruissellement excessif et les débordements des ouvrages pluviaux et autres cours d’eau peuvent aussi provoquer des inondations.

La pluviométrie est donc fondamentale pour comprendre, analyser, estimer et prévoir ces phénomènes d’une part pour réviser les méthodes de dimensionnement des ouvrages, adapter les modes d’aménagement du territoire et d’autre part pour en gérer et réduire les conséquences néfastes, notamment sur la base d’alertes précoces, de plans d’actions sécurité PCS (Plans Communaux de Sauvegarde) et de comportements responsables du public.

La pratique de la pluviométrie est devenue maintenant obligatoire pour les gestionnaires de systèmes d’assainissement dans le cadre du diagnostic permanent et en particulier de l’autosurveillance réglementaire.

Éléments d’historique

L'origine la plus ancienne du pluviomètre est certainement liée au développement de l’agriculture. Les premières traces de mesures de pluie réalisées pour des besoins d’agronomie, mais aussi dans certains cas pour taxer les récoltes, remontent à l'Antiquité sur le pourtour méditerranéen en Grèce, en Palestine, mais aussi plus loin en Inde et en Chine (L’Hote, 1991). En Égypte, il semble que le besoin pluviométrique n’était pas le même car les récolte étaient directement dépendantes des cotes de crue du Nil et étaient taxées en conséquence.

Au Moyen Âge, les asiatiques ont poursuivi leur gestion de réseaux de mesure de la pluie, le besoin de la connaissance de la pluviométrie était directement lié à la production du riz. Un pluviomètre en bronze datant de 1441 a été trouvé en Corée.

Au 17ème siècle en Europe, l’anglais Christopher Wren, a inventé le premier pluviomètre comptabilisateur à augets connu. Cet instrument a marqué un tournant technologique en enregistrant la pluie sans nécessiter d’observateur et en permettant le calcul d’intensités sur des pas de temps inférieurs à la journée. A la même époque, deux Français, Pierre Perrault et Edme Mariotte, se sont attachés à montrer que la quantité de pluie, tombée sur un bassin versant, permettait d’expliquer le volume des eaux des sources, des rivières et des fleuves, notamment de la Seine à Paris.

Au 18ème siècle, en France, Louis Cotte développe lui aussi un pluviomètre.

Au 19ème siècle, l’association météorologique créée en France par Urbain Le Verrier standardisa les pratiques avec le pluviomètre « Association » qui captait les précipitations sur 400 cm2. Cette dimension est toujours utilisée aujourd’hui. Les réseaux de mesure se sont densifiés à travers le monde et les instruments se sont perfectionnés avec des systèmes divers de comptage des précipitations : augets, siphons, flotteurs, pesée, etc.

Au 20ème siècle, l’utilisation du pluviographe, qui était un pluviomètre à augets équipé d’un enregistreur graphique, a longtemps permis de consigner les quantités de pluies précipitées dans le temps mais le dépouillement des données était long et fastidieux. L'avènement plus récent des technologies électroniques a permis de développer des pluviomètres numériques dont les mesures sont collectées, enregistrées localement grâce à un logger et transmises par télécommunication vers un serveur pour l’exploitation informatique des données.

Dans les années 1980, le radar météorologique a vu son utilisation monter en puissance avec le déploiement progressif par Météo-France d’une couverture nationale (réseau Aramis). La diffusion des images passe du ¼ d’heure à 5 minutes et les mesures radar commencent à être calibrées avec des pluviomètres locaux (Système Calamar).

Au début du 21éme siècle, le pluviomètre devient « connecté » grâce à l’IoT (Internet des objets) et autonome en énergie. Il transmet ses données en temps réel vers une plateforme en ligne et vers les applications mobiles via une connexion GSM ou internet (Ilane et al, 2024). L’utilisation du radar météorologique se démocratise et les lames d’eau calculées deviennent de plus en plus sophistiquées.

De nouvelles techniques de mesures de la pluie basées sur l’atténuation des ondes des antennes satellites TV ou des antennes de télécommunication voient également le jour.

Unités de mesure

La pluie est généralement mesurée en millimètres (mm) : Cette unité correspond à la hauteur d'eau recueillie sur une surface plane. Par exemple, 1 mm de pluie équivaut à 1 litre d'eau par mètre carré (L/m2) ou encore 10 m3 d’eau par hectare (m3/ha).

La pluie ainsi mesurée permet de calculer des cumuls : C'est la quantité totale de pluie exprimée en mm, tombée sur une période donnée : événement, jour, mois, année.

La pluie peut aussi être caractérisée par son intensité : C'est la quantité de précipitation tombée par unité de temps sur une période courte. L’unité la plus employée en hydrologie urbaine est le mm/h.

Instruments utilisés pour mesurer la pluie en hydrologie urbaine

La pluie peut se mesurer au sol mais aussi dans l’atmosphère, sous forme ponctuelle ou spatialisée. Les instruments de mesure utilisés à ce jour sont présentés dans les paragraphes suivants.

Pluviomètre totalisateur

Positionné au sol, cet instrument mesure la quantité totale de précipitations tombées sur une période donnée, en général la journée, la donnée étant relevée par un observateur. Le pluviomètre totalisateur produit une information ponctuelle sur la pluie. Il est composé d’un impluvium de forme conique qui capte l’eau de pluie et la dirige dans une éprouvette ou un bol gradué pour lecture directe du nombre de mm précipités. Après lecture de la quantité de pluie, le pluviomètre totalisateur doit être vidé.

Nous verrons que pour les besoins de l’hydrologie urbaine, la connaissance des intensités de pluie étant fondamentale, l’information donnée par les pluviomètres totalisateurs est intéressante mais insuffisante.

Pluviomètre enregistreur à auget basculant

Le pluviomètre enregistreur (Figure 1) est en plus équipé d’un système de comptage pour mesurer la quantité précipitée sur une période courte. Ce pluviomètre dirige l’eau de pluie dans un petit auget qui bascule et permet de discrétiser la pluie par unités de 0,1 de 0,2 ou encore de 0,5 mm (Figure 2). Chaque basculement peut être horodaté, ou être cumulé sur un pas de temps de quelques minutes (historiquement, souvent 6 minutes). Le pluviomètre à auget basculant est simple et robuste, mais peut sous-estimer les précipitations les plus intenses. A chaque basculement, l’auget vient en contact avec un dispositif électronique qui transforme ce contact en signal TOR (Tout Ou Rien).


Figure 1 : Pluviomètre sur une toiture terrasse ; crédit photo Dominique Laplace.


Figure 2 : Augets basculants ; crédit photo Dominique Laplace.


Aujourd’hui, les pluviomètres à auget sont connectés, par exemple en leur rajoutant un transmetteur à entrée TOR pour horodater puis envoyer les données en temps réel sous forme numérique. En combinant les mesures de nombreux pluviomètres, il devient possible de calculer des cartes de pluie sous forme d’isohyètes et de les rendre dynamiques au pas de temps de mesure des pluviomètres.

Pluviomètre à pesée

Cet instrument est lui aussi positionné au sol et fournit une information ponctuelle. Plus précis que le pluviomètre à auget, il mesure la variation de masse d'un récipient recueillant l'eau de pluie. Il permet d'enregistrer les précipitations en continu et de détecter de faibles ou de fortes intensités. Il présente cependant l’inconvénient de nécessiter de vider régulièrement son récipient, manuellement ou par un système mécanisé qui rajoute de la complexité.

Les appareils de ce type sont plus économiques, plus robustes et moins sujets à dérive que les pluviomètres à augets. De ce fait beaucoup de collectivités commencent à remplacer les pluviomètres à augets par des pluviomètres à pesée, ce qui pose un problème de continuité des séries (figure 3). En effet la forme et la surface de captation sont différentes ce qui peut induire un écart métrologique.


Figure 3 : La Direction de l'eau du Grand Lyon a entrepris de remplacer les anciens pluviomètres à augets par des pluviomètres à pesée ; pour assurer la continuité des séries de mesure, il est dans ce cas nécessaire de laisser les deux appareils sur le même site pendant quelques années et de comparer les mesures. ; crédit photo Bernard Chocat.

Pluviomètre à technologie optique

Cette technologie, initialement développée pour l'industrie automobile, est disponible pour l'hydrologie depuis une dizaine d'années. Elle est encore peu utilisée. Positionné au sol, ce capteur donne lui aussi une information ponctuelle. Une source de lumière infrarouge émet des faisceaux vers des détecteurs intégrés à une lentille. Lorsque des gouttes d'eau touchent la surface extérieure de la lentille, elles perturbent ces faisceaux, réduisant leur intensité. Le capteur analyse ces variations pour estimer la taille des gouttes et fournit ainsi des quantités de pluie (Figure 4).


Figure 4 : capteur électro-optique basé sur le principe de réflexion totale ; Source : Bord (2006).

Disdromètre

Comme les pluviomètres, le disdromètre est positionné au sol et fournit une information ponctuelle. Il fonctionne en émettant un faisceau lumineux ou laser à travers une zone de mesure, perturbée par le passage des gouttes de pluie. Ces variations, dues à l'absorption ou à la diffraction, permettent de déterminer la taille et la vitesse des gouttes. L’appareil établit la distribution des tailles des gouttes et mesure l'intensité des précipitations. Le disdromètre permet d'étudier la microstructure de la pluie. Il est utilisé principalement pour la recherche sur les processus physiques de formation des précipitations.

Radar météorologique

Cet instrument, positionné au sol, mesure indirectement la pluie dans l’atmosphère. Le radar émet des micro-ondes électromagnétiques vers le ciel, typiquement entre 3 et 10 GHz, qui sont réfléchies par les gouttes de pluie présentes dans l’atmosphère. En analysant les signaux de rétrodiffusion, il est possible d'estimer la quantité de pluie présente dans la direction de visée, en fonction du temps et en fonction de la distance au radar. La conversion de la puissance récupérée en intensité de pluie se fait par des relations du type Marshall-Palmer (Marshall et Palmer, 1948), qui font l’objet de travaux d’estimation depuis plusieurs décennies.

Le radar comporte une antenne parabolique protégée dans une boule appelée radôme (Figure 5 et Figure 6). Il tourne sur 360° et tire à des angles d’élévation différents afin de prendre en compte la variabilité verticale de la pluie. Lors d’un tour complet, le radar scanne toutes les directions et une cartographie de la pluie peut être produite sur un grand territoire. Selon sa longueur d’onde et en zone non-montagneuse, la portée métrologique d’un radar peut atteindre 100 km.


Figure 5 : Fonctionnement du radar météorologique ; Source : Source Météo-France.


Figure 6 : Radar de Bollène ; Source : Source Météo-France.


Figure 7 : Le réseau de radars de Météo-France en métropole (situation au 8 octobre 2020). Les cercles des radars en bande S (en rouge) et C (en bleu, en noir pour les radars limitrophes) ont un rayon de 100 km ; les cercles des radars en bande X (en vert et violet) ont un rayon de 50 km ; Dpol : double polarisation (cliquez sur la carte pour agrandir) - © Météo-France ; Source : http://www.meteofrance.fr/prevoir-le-temps/observer-le-temps/moyens/les-radars-meteorologiques.

La France est ainsi couverte par le réseau Aramis (Figure 7) qui compte plus d’une trentaine de radars gérés par Météo-France pour fournir une image composite de la pluie (Figure 8). L’implantation de radars en bordure maritime permet de voir la pluie en provenance de la mer, ce qui présente un intérêt majeur par rapport aux autres technologies de pluviométrie au sol, notamment pour les alertes précoces des territoires littoraux.

Les radars nationaux mesurent aujourd’hui avec un pas de temps de 5 minutes et permettent de représenter une cartographie dynamique de la pluie sur la France selon une résolution spatiale de 1 km2.


Figure 8 : Image radar sur le sud-est de la France montrant l’hétérogénéité spatiale de la pluie ; Source : Laplace et al (2019).

Antenne satellite pluviométrique

Cette nouvelle technique de mesure indirecte de la pluie utilise des antennes TV paraboliques positionnées au sol et les satellites géostationnaires de diffusion de la télévision (Figure 9). Les signaux électromagnétiques émis par les satellites de télévision sont atténués lorsqu'ils traversent les précipitations. Aux fréquences qui nous intéressent (10.7GHz - 12.75GHz), l'absorption et la diffusion sont principalement dues aux gouttes de pluie. Le signal reçu au sol par les antennes est donc atténué lorsqu'il pleut et il l'est d'autant plus que les gouttes sont nombreuses et grosses. La mesure et l’analyse de l'atténuation du signal permettent d'en déduire la pluviométrie sur la liaison sol-satellite avec une résolution temporelle d’une minute (Mercier et al, 2019). L’information pluviométrique reçue peut être spatialisée en temps réel comme avec un réseau de pluviomètres connectés, en combinant les mesures de nombreuses antennes, pour obtenir une cartographie dynamique de la pluie. Plus de 1000 antennes pluviométriques sont à ce jour déployées dans le Sud-Est de la France et l’objectif est d’atteindre tout le territoire métropolitain et d’outre-mer en 2025.


Figure 9 : Fonctionnement d’une antenne satellite météorologique ; Source : HD Rain.

Antennes relais de télécommunications

Cette nouvelle technique de mesure indirecte de la pluie repose sur le même principe d’atténuation du signal que celui mis en œuvre avec les antennes satellites, mais l’information sur les précipitations est mesurée dans l’air sur le trajet des microondes entre deux antennes relais de téléphonie mobile (Figure 10). Elle est étudiée depuis une vingtaine d’années dans les laboratoires de recherche et l’utilisation de cette donnée à des fins opérationnelles commence à intéresser les opérateurs téléphoniques privés ainsi que les services météorologiques.


Figure 10 : Antennes téléphoniques pour la mesure de la pluie ; Source : HD Rain.

Mesure par imagerie satellitaire

Depuis le lancement en 1997 du satellite TRMM (Tropical Rainfall Measuring Mission), différentes missions ont été lancées mesurant les précipitations par imagerie à haute définition dans différentes longueurs d'onde. L'avantage de ces dispositifs est de couvrir toute la planète et en particulier les zones où il n'existe pas de dispositifs au sol (Rachdane et al., 2022). La définition spatiale et temporelle des données ne paraît cependant pas adaptée au cas de l'hydrologie urbaine.

Notion de pluviomètre « virtuel »

Contrairement à un pluviomètre traditionnel qui mesure physiquement les précipitations à un endroit précis, un pluviomètre virtuel utilise des données collectées par un réseau de radars météorologiques et calibrées par des mesures terrain à l'aide de pluviomètres vérifiés et étalonnés. Ces informations sont ensuite traitées par un système de fusion de données pour estimer la quantité de pluie tombée sur une zone à l’échelle du km2 et au pas de temps 15 minutes. Météo-France propose ce service de pluviomètres virtuels nommé « Antilope », permettant aux utilisateurs d'accéder à des données en temps réel, des données historiques et des prévisions. Ainsi donc il peut être tentant pour un gestionnaire d’utiliser ces informations de pluie à la place de pluviomètres locaux, sans devoir installer et maintenir des appareils sur son territoire.

Ce sujet est d’autant plus d’actualité que depuis janvier 2024 Météo-France a rendu disponible les données de pluviométrie, gratuitement et en open data (voir https://www.data.gouv.fr).

Besoins métrologiques en hydrologie urbaine

Ces besoins sont particulièrement exigeants et imposent différentes contraintes qui sont explicités dans les paragraphes suivants.

Une haute résolution temporelle

Les événements pluvieux de type convectif peuvent être très intenses et de courte durée. La vitesse de déplacement des cellules orageuses peut atteindre et dépasser 50 km/h. Pour pouvoir les distinguer, il faut que le pas de temps de mesure soit idéalement de l’ordre de la minute, ou soit variable en horodatant chaque basculement d’auget. Au maximum, ce pas de temps devrait être pris égal à 5 minutes pour permettre de comparer directement les données pluviométriques au sol avec celles mesurées par les radars Météorologiques.

Une haute résolution spatiale

Comme le montrent les images radar au km2 (Figure 7), la répartition spatiale des pluies peut être très hétérogène, surtout lorsqu’il s’agit de précipitations convectives orageuses. Un réseau dense de pluviomètres ou d’antennes satellite est donc souhaitable pour saisir cette variabilité spatiale. Compte tenu de la taille des cellules orageuses les plus petites observées, l’idéal, pour les besoins de l’hydrologie urbaine, serait de positionner un pluviomètre par km2.

Dans la réalité et pour des raisons économiques évidentes, mais également parce qu'il est difficile de trouver des sites d'implantation en zone urbaine, les réseaux les plus denses comme ceux déployés dans certaines métropoles (Lyon, Bordeaux, Marseille, les départements de la couronne Parisienne, etc.), comportent généralement au mieux un pluviomètre par 10 km2. Compte tenu de la taille des territoires à surveiller, cela conduit déjà à gérer plusieurs dizaines de points de mesures, ce qui devient lourd à assumer en maintenance.

Avec le support de méthodes de calcul géostatistiques et aujourd’hui celui de l’IA, les données ponctuelles de pluie peuvent être transformées en une information spatialisée, créant ainsi des cartes isohyètes de précipitations. L’extrapolation des trajectoires des cellules pluvieuses permet une anticipation à court terme de l’ordre d’une à deux heures. La représentation de cartographies de pluie en 2D ou 3D est particulièrement intéressante et compréhensible pour le profane.

Sources d’incertitudes sur la mesure de la pluie avec des pluviomètres

Les pluviomètres au sol réalisent une mesure directe de la pluie. Ils sont considérés comme une référence et servent d’étalons pour calibrer les méthodes de mesure indirectes. Par conséquent il est fondamental de connaitre les sources d’incertitudes qui peuvent les affecter. Ces sources sont nombreuses, liées à la pluie elle-même, à l’environnement du pluviomètre, à la présence de vent et au système de captation et de comptage des précipitations.

Incertitudes liées à la pluie

Les observations des cellules orageuses mesurées par radar météorologique au km2 toutes les 5 minutes montrent que la pluie est un phénomène discontinu dans l’espace (voir Figure 7) et dans le temps. Comme nous l’avons déjà dit, sa forte hétérogénéité demande des pas de temps et des pas d’espace de mesure à haute résolution, au risque sinon d’être des sources d’erreurs pour la détermination des intensités maximales et des représentations des lames d’eau précipitées.

Incertitudes liées à l’environnement du pluviomètre

Les incertitudes de mesure de la pluie sont aussi liées à l’environnement dans lequel sont implantés les pluviomètres : Le site doit être, d'après les recommandations de l'Organisation Météorologique Mondiale, une zone nivelée et bien découverte et la surface de captation doit se situer dans un plan horizontal à 1 mètre au-dessus du sol (voir article Pluviomètre (HU))

Ces conditions sont très difficiles à respecter en milieu urbain où se pose la question du niveau de référence : est-ce au niveau des toitures sur lesquelles s’effectue une grande part du ruissellement, ou au niveau du sol ?

Les conditions d’installation par rapport aux obstacles qui nécessitent de respecter un éloignement à plus de 4 fois la hauteur d’arbres ou bâtiments à proximité et le risque de vandalisme conduisent dans la plupart des cas à installer les pluviomètres de façon dégagée et sécurisée sur les toitures des bâtiments publics dominants.

Incertitudes liées au vent

Le vent est une source d’incertitude extérieure qui peut être importante. Une étude de la Royal Meteorological Society Canadienne (citée par Chocat et al., 1997 et Bertrand Krajewski et al., 2008) montre que le vent provoque un déficit de captation qui varie de 10 % environ pour une vitesse de 10 à 20 km/h jusqu’à 50 % pour une vitesse de 40 à 90 km/h. Le vent peut également entraîner une sous-estimation des précipitations en raison de l’évaporation qu’il provoque (Morineau, 1993).

Par ailleurs, le vent est aussi susceptible de créer des vibrations du pluviomètre, lesquelles peuvent provoquer des basculements intempestifs dans le cas des appareils à augets et des contraintes supplémentaires sur les pluviomètres à pesée, conduisant à bruiter la mesure.

L’enregistrement concomitant de la vitesse du vent par anémomètre constitue un complément utile pour évaluer l’ordre de grandeur de l’incertitude sur la valeur de la pluie mesurée, ou tout au moins pour attribuer un indice de qualité aux données pluviométriques.

Incertitudes liées aux instruments de mesure

Ces incertitudes sont plus facilement maitrisables. Bien positionnés à l’horizontale, le pluviomètre et son système de comptage doivent être étalonnés en atelier et vérifiés régulièrement sur place. Pour cela, l’accès aux pluviomètres doit être aisé et sécurisé afin de réaliser les interventions de maintenance et de vérification dans les meilleures conditions. Selon le contexte et la saison, notamment en fonction des risques de colmatage de l’ajutage du pluviomètre par les feuilles, les déjections d’oiseaux, les embruns salés, les graminées, les précipitations terreuses etc., ces interventions de maintenance doivent être fréquentes.

De longues séries chronologiques

Pour calculer des statistiques, des tendances représentatives, des périodes de retour ou encore évaluer la stationnarité ou l’évolution des observations dans le contexte actuel de changement climatique, il est important de disposer de longues séries de données, à minima sur une durée de 30 à 50 ans. L’archivage sécurisé de la pluviométrie est donc particulièrement important et constitue un enjeu majeur pour l’avenir.

Domaines d’applications de la pluviométrie en hydrologie urbaine

Ces besoins sont nombreux. Les principaux sont cités dans les paragraphes suivants.

Comprendre le climat local

L’analyse des données pluviométriques sur de longues périodes permet d’identifier des tendances, des cycles et des anomalies. Cela permet de mieux connaitre et d'anticiper les changements climatiques. Comme nous le verrons, cela est essentiel pour adapter les méthodes d’aménagement du territoire et de dimensionnement des ouvrages.

Gérer les ressources en eau

La gestion des ressources en eau en ville est devenue un défi complexe. Elle dépend de la croissance démographique de la ville, de la qualité de l'eau disponible et bien sûr du changement climatique et de son impact sur la pluie. La connaissance pluviométrique est stratégique pour le remplissage des nappes phréatiques et le débit des cours d’eau. Elle permet d'ajuster raisonnablement les prélèvements en eau brute pour usages domestique et industriels et de gérer l'alimentation en eau potable de la ville. La pluie participe aussi à l’humidité des sols non imperméabilisés et sa connaissance permet des économies d’eau avec une irrigation raisonnée des espaces verts.

Prévoir les événements météorologiques

Les données pluviométriques servent pour caler les modèles météorologiques atmosphériques et contribuent à faire des prévisions pertinentes.

Comme déjà évoqué, en combinant les mesures réalisées ponctuellement par de nombreux pluviomètres ou de nombreuses antennes, il est possible de calculer des cartes d’isohyètes en temps réel et d’anticiper la survenance de la pluie avec une à deux heures d’avance.

L’imagerie radar composite produit naturellement une cartographie de la pluie, ce qui permet de suivre les mouvements des cellules précipitantes et d’anticiper leurs trajectoires par advection. Les radars sont ainsi utilisés pour prévoir la pluie et son intensité sur le court terme.

Déclencher des alertes

La pluviométrie et sa prévision sont des éléments clés pour comprendre et anticiper les risques liés aux intempéries, notamment les inondations, les coulées boueuses et les glissements de terrain et sont essentielles pour mettre en place des systèmes d'alerte précoce efficaces.

Évaluer les risques naturels

Les données pluviométriques permettent d’évaluer la gravité des évènements liés aux précipitations et aux sécheresses, tels que les inondations, les mouvements de terrain et servent pour le classement en catastrophe naturelle, notamment sur la base de leurs périodes de retour.

Aménager le territoire

L’analyse statistique de l’occurrence des pluies est un des éléments qui permet de déterminer le niveau de protection à atteindre et concevoir des infrastructures résilientes face aux risques courants et exceptionnels. En milieu urbain, les aménagements intègrent maintenant des solutions alternatives aux canalisations, comme des bassins de retenue, des puits d’infiltration, des toitures stockantes qui peuvent aussi être végétalisées et en réalisant au sol des solutions végétales basées sur la nature avec des surfaces perméables pour réduire le ruissellement.

Dimensionner les ouvrages

La pluviométrie associée à l’hydrologie permet de calculer les débits à infiltrer, les volumes à stocker ainsi que les débits maximums à évacuer. Sur cette base, l’utilisation de modèles hydrologiques et de modèles d'écoulement, permet de simuler les écoulements et de dimensionner les ouvrages.

Optimiser la gestion des systèmes d’assainissement

Des plus faibles aux plus intenses, les pluies entraînent des conséquences sur les systèmes d’assainissement et les risques gérés vont de la pollution des milieux récepteurs jusqu’aux inondations avec leurs conséquences sur les milieux naturels, les biens et les personnes. La pluie mesurée et prévue peut être utilisée comme donnée d’entrée de modèles hydrologiques et hydrauliques pour la simulation en temps réel des écoulements dans les cours d’eaux et les systèmes d’assainissement, rendant possible l’adaptation au contexte pluviométrique des stratégies de traitement des Stations de Traitement des Eaux Usées, des marges de manœuvre de gestion des réseaux et des capacités de stockage mobilisables (Laplace et al., 2019). La gestion optimisée des capacités de traitement des systèmes d’assainissement et de stockage permet ainsi de limiter les déversements et les débordements.

Contribuer au Diagnostic Permanent et à l’Autosurveillance Réglementaire

La pluviométrie joue un rôle central dans ces processus réglementaires en corrélant les données de précipitations avec le fonctionnement des Stations de Traitement des Eaux Usées, avec la mesure des débits dans les réseaux et avec les nombres de déversements, les volumes déversés ou encore la qualité de l’eau rejetée au milieu naturel. A ce jour, la donnée de référence acceptée par les Agences de l’Eau et la Police de l’Eau reste préférentiellement celle mesurée au sol par les pluviomètres enregistreurs, tout en exigeant de la part des exploitants un suivi métrologique sérieux des appareils.

Néanmoins, les collectivités ou leurs exploitants, peuvent également utiliser les données dites de pluviométrie virtuelle, comme celles fournies par Météo France pour autant qu’elles soient « représentatives », ce qui nécessite de le prouver.

Suivi métrologique, étalonnage et vérification d’un pluviomètre

Comme tout instrument de mesure le pluviomètre nécessite d’être suivi grâce à une fiche de vie dans laquelle sont consignées toutes les actions de maintenance, d’étalonnage et de vérification.

L’étalonnage d’un pluviomètre est généralement réalisé en atelier et comporte deux phases :

  • L’étalonnage statique par tarage des augets ;
  • L’étalonnage en intensité en générant des débits constants grâce à un vase de Mariotte.

La vérification est réalisée sur le terrain en versant lentement un volume d’eau mesuré grâce à une éprouvette étalon, dans l’impluvium du pluviomètre. L’éprouvette doit être certifiée de classe A, fabriquée selon la norme ISO 4788, et être ainsi raccordée aux étalons nationaux pour qualifier l’incertitude sur l’évaluation du volume d’eau servant à la vérification.

A titre d’exemple, pour un impluvium de 1000 cm2 avec une discrétisation à 0,2 mm, le pluviomètre doit mesurer 50 basculements pour un volume de test de 1 litre. Dans les mêmes conditions, il doit mesurer 125 basculements de 0,2 mm pour un impluvium de 400 cm2.

Une vérification trimestrielle des pluviomètres est recommandée pour garantir la fiabilité des mesures de pluie.

Enfin une vérification de bout en bout de la chaîne de mesure, c’est a dire du pluviomètre au logger jusqu’au superviseur est aussi une étape importante. Par exemple, il peut arriver qu’un mauvais câblage ou une absence de blindage du câble rendent les informations enregistrées et transmises différentes de celles mesurées par le pluviomètre.

Il est important de ne pas oublier d’effacer les données simulées lors des vérifications sur le terrain afin de ne pas fausser les séries chronologiques pluviométriques.

Conclusion

La mesure de la pluie pour les besoins de l’hydrologie urbaine est une opération complexe. Les différents instruments qui viennent d’être présentés mesurent tous la pluie, mais selon des principes différents. Chacun voit « sa vérité » et présente des avantages et des limites spécifiques. Leur utilisation conjointe est complémentaire et pertinente pour enrichir la mesure par inter-comparaisons. La calibration des images radar avec des pluviomètres au sol a longtemps fait débat, mais aujourd’hui son intérêt ne se discute plus. Il reste encore à intégrer la nouvelle technologie des antennes météorologiques dans cette chaîne de validation. Cette redondance entre plusieurs instruments différents permet des inter-calibrations, mais aussi apporte une sécurité pour l’utilisateur, la probabilité de panne simultanée étant faible, cela garantit la continuité de l’information pluviométrique, fondamentale notamment lorsqu’il s’agit de gérer la sécurité d‘un territoire en temps réel, ou pour évaluer la qualité d’une série pluviométrique. Bien des données de mesure de pluie, jugées hâtivement aberrantes, ont pu être effacées dans l’histoire par manque de cette possibilité de comparaison.

Bibliographie

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