Maîtrise des rejets urbains de temps de pluie (HU)
Traduction anglaise : Control of storm water discharges
Dernière mise à jour : 25/02/2021
Cet article traite de l’ensemble des moyens qu’il est possible de mettre en œuvre pour mieux maîtriser les rejets urbains de temps de pluie ou RUTP.
Les rejets urbains de temps de pluie sont constitués des eaux usées et des eaux de ruissellement que les villes rejettent, soit de façon séparée (système séparatif), soit sous la forme d'un mélange (système unitaire) pendant les périodes pluvieuses.
Les concentrations en polluants dans ces rejets peuvent être importantes (voir Pollution des rejets urbains de temps de pluie (HU)) et les rejets urbains de temps de pluie contribuent notablement à la dégradation des milieux aquatiques récepteurs (voir Impact (des rejets urbains sur les milieux aquatiques) (HU)).
Il est donc nécessaire de mettre en œuvre des moyens efficaces permettant de réduire ces rejets ainsi que leurs impacts. Dans un premier temps il est utile de définir quelques éléments de stratégie. Nous présenterons ensuite les différents moyens pratiques utilisables, en distinguant les actions curatives reposant sur des stratégies de traitement et les actions préventives reposant sur la diminution des volumes d'eau ou de polluants mobilisés pendant les périodes pluvieuses.
Éléments de stratégie
Raisonner maîtrise et pas uniquement traitement
Les actions possibles pour réduire les rejets et leurs impacts sont nombreuses et le traitement (au sens de dépollution) n’est qu’une piste parmi d’autres et pas nécessairement la plus efficace à long terme. Des actions très différentes peuvent être utilisées, reposant par exemple sur les idées suivantes :
- réduire les volumes et les débits d’eau produits ;
- réduire les quantités de polluants mobilisables par temps de pluie ;
- améliorer la stratégie de rejet de façon à diminuer les impacts ;
- etc..
Prendre en compte l'ensemble des rejets
Pendant les événements pluvieux, la ville continue de produire des eaux usées. C'est donc l'ensemble des flux (eaux usées et eaux de ruissellement) qu'il faut prendre en compte. Une partie de ces flux transite par la station d'épuration, une partie subit éventuellement des traitements spécifiques et une partie est rejetée sans aucun traitement. Diminuer la masse totale de polluants rejetée implique de prendre en considération chacun de ces éléments et de diminuer leur somme. Il n'est pas forcément efficace, par exemple, de diminuer la masse de polluants rejetée par les déversoirs d'orage d'un réseau unitaire, si l'on augmente dans le même temps la masse de polluants rejetée par la station d'épuration.
Prendre en compte la durée totale pendant laquelle l'événement pluvieux modifie le fonctionnement du système d’assainissement
La durée totale à considérer lorsque l’on cherche à définir une stratégie de réduction des RUTP doit être significativement plus longue que celle des événements pluvieux générateurs. Il est en effet nécessaire de prendre en compte la totalité de la période qui va du début de la précipitation pluvieuse jusqu’au moment où le système d’assainissement retrouve un fonctionnement nominal de temps sec. Les raisons de cette nécessité sont les suivantes :
- les écoulements peuvent être notablement augmentés pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours après une pluie (vidange d’ouvrages de stockage, présence d’eaux parasites d’infiltration, etc.) ;
- la composition des rejets peut être différente et modifier le fonctionnement de la station d’épuration (du fait de l’arrachement du biofilm présent dans le réseau par exemple) ;
- la station d'épuration elle-même peut avoir été perturbée par l’augmentation des débits (par exemple déstabilisation de la chaine de nitrification/dénitrification) et avoir besoin de temps pour récupérer ses capacités nominales.
Minimiser les impacts et non seulement les rejets et adapter la stratégie aux objectifs sur le milieu
Selon la nature du milieu aquatique et ses usages, il n'est pas nécessairement utile de le protéger contre les mêmes événements. Au-delà des obligations réglementaires qui doivent bien évidemment être satisfaites (l’arrêté du 21 juillet 2015 impose un nombre maximum de rejets par an ou un pourcentage maximum des flux d’eau ou de polluants rejetés), il convient de déterminer les types d'impact contre lesquels on veut se prémunir. On se réfère par exemple souvent aux trois familles de critères suivants :
- les masses polluantes rejetées sur de longues périodes (un cycle annuel par exemple), significatives vis-à-vis des effets cumulatifs ; des critères de ce type seront importants par exemple dans le cas de milieux sensibles à l’eutrophisation ou à des effets écotoxiques ;
- les masses polluantes rejetées à l’occasion des événements les plus chargés, significatives vis-à-vis des effets de choc immédiats ; des critères de ce type seront à considérer si le milieu aquatique est par exemple sensible aux chocs anoxiques ;
- la fréquence des rejets, éventuellement pour une saison particulière, significative vis-à-vis des effets chroniques ou de la gêne pour certains usages, en provoquant par exemple des interdictions de baignade.
Selon le type d'impact considéré comme prioritaire, mais également selon la sensibilité du milieu ou la nature des rejets, le ou les polluants les plus perturbants ne seront également pas les mêmes, ce qui peut également conditionner la stratégie à utiliser.
Actions curatives reposant sur le traitement des RUTP
Utilisation optimum des stations d'épuration
L'équipement de la France en stations d'épuration est en 2020 très correct (BIPE, 2015). De plus une grande majorité des systèmes d'assainissement est, au moins en partie, unitaire. Essayer de tirer le meilleur parti de cet équipement est donc nécessaire. Pour ceci deux pistes doivent être exploitées :
Amener le maximum de flux polluants à la station d'épuration
Les stations d'épuration sont généralement conçues pour accepter des débits plusieurs fois supérieurs au débit moyen de temps sec. Elles disposent donc d'une réserve de traitement qui leur permet théoriquement de traiter une partie plus ou moins importante des volumes produits pendant les périodes pluvieuses. Pour optimiser l'utilisation de cette surcapacité il est possible d'agir sur deux paramètres.
Amener le maximum d'eau à la station en optimisant le réglage des seuils des déversoirs d'orage
Il s'agit d'éviter que certains déversoirs d'orage ne rejettent avant que la capacité de la station ne soit atteinte. Simple dans son principe, cette action n'est cependant pas toujours simple à réaliser pour les raisons suivantes.
- Le niveau des seuils peut être imposé par la capacité de transport de certains tronçons situé à l'aval et remonter le niveau d'un seuil peut conduire à une augmentation du risque d'inondation à l'aval ou à des remontées des eaux en amont (inondation des sous-sols par exemple).
- Selon la position du déversoir dans le système d'assainissement ce ne sont pas nécessairement les mêmes événements pluvieux qui vont provoquer des déversements ; par exemple les déversoirs les plus à l'amont seront particulièrement sensibles à des pluies très courtes et très intenses qui ne généreront pas nécessairement de débits importants plus à l'aval.
- Un système d'assainissement constitue un système complexe et toute action sur un déversoir particulier aura des conséquences sur les déversoirs situé à l'aval ; remonter le seuil d'un déversoir particulier peut donc conduire à augmenter le volume rejeté par un autre déversoir. Une somme d'améliorations locales est donc insuffisante et il est nécessaire d'avoir une vision globale du fonctionnement du système d'assainissement. Or ce fonctionnement évolue au cours du temps et dépend des caractéristiques des précipitations. Un réglage particulier des débits de déversement peut ainsi être parfaitement adapté pour une pluie donnée et s’avérer totalement inadapté pour une autre.
Nota : : Il est important de bien comprendre qu'amener le maximum d’effluents le plus loin possible vers l'aval ne constitue pas obligatoirement une optimisation du fonctionnement. Outre le fait qu'elle peut conduire à des consommations importantes d'énergie lorsque des pompages sont nécessaires, elle est la cause de rejets très importants par certains déversoirs (en particulier par celui qui est situé à l'entrée de la station), susceptibles d'être plus dommageables pour le milieu aquatique que des déversements répartis en plusieurs points le long du réseau et du milieu.
Stocker provisoirement l'eau dans le réseau
La deuxième solution possible consiste à stocker provisoirement l'eau excédentaire pendant l’événement pluvieux, et à la restituer ultérieurement à un débit régulé compatible avec la capacité de la station. Le stockage dans le système d'assainissement peut être effectué soit dans des ouvrages spécifiques (bassins d'orage), soit dans le réseau lui-même. Cette solution est efficace mais nécessite une bonne maîtrise de la gestion du transport solide pour éviter des dépôts trop importants dans le réseau.
Gérer les flux en temps réel
L'utilisation de systèmes adaptatifs fonctionnant soit en fonction des caractéristiques prévues de la pluie, soit en temps réel (déversoirs automatisés par exemple), constitue une piste intéressante. Le principe consiste à adapter en permanence les capacités de transport et de traitement de façon à optimiser le fonctionnement global du système. Ce fonctionnement dynamique est obtenu en utilisant des ouvrages de régulation qui peuvent être pilotés par un agent humain ou par un automate (on parle alors de gestion automatique). Ce type de solution suppose que l’on dispose de possibilités alternatives de fonctionnement (par exemple mobilisation d’une capacité de stockage supplémentaire ou possibilité de transfert des flux vers une autre branche du réseau). Voir Gestion en temps réel des systèmes d'assainissement (HU).
En augmentant les flux apportés à la station d’épuration, on réduit mécaniquement ceux qui sont rejetés sans traitement par les déversoirs d’orage. Cette solution est donc potentiellement efficace, mais nécessite cependant d‘être utilisée avec précaution. En effet diminuer la masse de polluants rejetée par les déversoirs d’orage n’implique pas nécessairement que la masse totale de polluants rejetée soit diminuée. Pour ceci il est nécessaire que la station d'épuration soit en mesure de traiter de façon efficace les flux qu'elle reçoit pendant les périodes pluvieuses.
Utiliser au mieux la station d'épuration pendant la période de temps de pluie
Par temps de pluie, les débits et les volumes d’effluents à traiter par la station d'épuration augmentent de façon sensible. De plus ces effluents ont une composition différente de celle des eaux usées de temps sec. Les différences sont variables selon les polluants concernés (augmentation des concentrations en MES, relative stabilité ou baisse des concentrations en DCO et DBO5, forte diminution des concentrations en azote et phosphore, changement des ratios C/N/P). Il ne s’agit donc pas d’une simple dilution. Ces modifications sont susceptibles d'avoir des conséquences sur le fonctionnement des stations d’épuration, notamment sur celui des stations à boues activées en culture libre qui sont les plus nombreuses en France :
- des pics de concentration en MES dans l’eau traitée ;
- une légère baisse de rendement du traitement de la pollution carbonée ;
- une baisse parfois forte, voire un arrêt, de la nitrification ;
- un stockage des boues dans le clarificateur et, éventuellement, une fuite de ces boues vers le milieu aquatique ;
- des perturbations plus ou moins graves de la filière boues.
Pour éviter (ou du moins limiter au maximum) ces perturbations et assurer un bon rendement d'épuration pendant les périodes pluvieuses, plusieurs précautions doivent être prises, en particulier (Duchêne et Canler, 1995) :
- anticiper l'arrivée de l'événement de façon à optimiser la capacité de traitement ;
- adapter les dispositifs de prétraitement aux spécificités des RUTP ;
- améliorer la décantation primaire par adjonction de réactifs, afin de traiter la fraction particulaire des polluants des RUTP ;
- adapter les traitements biologiques secondaires (selon les filières) ;
Une piste plus radicale consiste à augmenter la capacité de traitement primaire et à créer une filière spécifique au temps de pluie. Cependant cette filière spécifique peut être également mise en œuvre dans un autre cadre que la station d'épuration comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant.
Ouvrages spécifiques de traitement
Le principe de base d'un traitement spécifique des RUTP a été posé depuis plus de 30 ans (Chebbo, 1992). Il repose sur le fait que, dans ces effluents, de nombreux polluants (mais pas tous, voir Pollution des rejets urbains de temps de pluie (HU)) sont fixé sur des particules qui par ailleurs sont relativement bien décantables.
Deux types principaux d’ouvrages de traitement utilisant la décantation ont ainsi été testés :
- les ouvrages de stockage-décantation extensifs : les effluents sont admis dans l’ouvrage, restent stockés un temps suffisant pour qu’une partie importante des matières en suspension se déposent, puis sont vidangés en évitant la remise en suspension des solides décantés ;
- les ouvrages de décantation au fil de l’eau, sans stockage.
Ouvrages de stockage-décantation extensifs
Les eaux polluées sont stockés temporairement dans un bassin de retenue conçu pour favoriser la décantation des matières en suspension (en particulier en évitant les courts-circuits hydrauliques). Les effluents décantés sont le plus souvent rejetés directement au milieu naturel. dans certains cas les eaux les plus chargés, et éventuellement les sédiments décantés, peuvent pour leur part être remis en mouvement après la pluie pour être envoyés vers la station d'épuration.
Les rendements peuvent atteindre 60 à 90 % pour les polluants présents en phase particulaire, pour des temps de séjour de 2 à 4 heures, à condition que la géométrie et l’hydrodynamique des ouvrages soient bien appropriées (Jansons et al., 2005 ; Jansons & Law, 2007 ; Persson & Wittgren, 2003).
Nota : Les dimensionnements ne portant que sur les volumes et surfaces des ouvrages sans tenir compte de l'hydrodynamique des écoulements sont totalement inefficaces. et peuvent conduire à des rendementsde décantation extrêmement médiocres car il ne permettent pas de tenir compte de la présence éventuelle de court-circuits hydrauliques ou de la remise en suspension des particules décantées au moment de la vidange.
Du fait des temps de séjour nécessaires, le volume de ces ouvrages doit être important si on veut contrôler le volume rejeté par les événements pluvieux les plus forts : de 25 à plus de 100 m3/ha actif selon les objectifs visés (Ruscassier et al., 1998).
Des volumes plus faibles, même si le phénomène de premier flot est rarement exploitable, peuvent cependant être efficaces pour diminuer la masse annuelle rejetée et, dans une moindre mesure, la fréquence des déversements. En effet, la majeure partie des pluies générant du ruissellement sont des pluies faibles ou moyennes qui pourront être totalement interceptées par des ouvrages de capacité plus réduite.
Pour réduire la taille des ouvrages, un fonctionnement au fil de l'eau est également envisageable. Il nécessite une conception hydraulique encore plus rigoureuse de l'ouvrage pour limiter les écoulements préférentiels. Le rendement des ouvrages au fil de l'eau est cependant plus faible.
Nota : Les bassins de stockage-décantation extensifs fonctionnent d'une façon totalement différente des bassins d'orage. Les bassins d'orage doivent être le plus autocurants possible pour transférer directement les flux polluants vers la station alors que les bassins de stocklage-décantation doivent l'être le moins possible pour favoriser la décantation.
Décanteurs lamellaires et filtres au fil de l’eau
Le principe de la décantation lamellaire consiste à multiplier la surface utile de décantation pour un volume donné d’ouvrage, au moyen de lamelles superposées et inclinées pour faciliter la récupération des solides décantés. Les ouvrages peuvent être préfabriqués ou non, selon leur taille. Voir décanteurs lamellaires. Ces ouvrages ont l'avantage de nécessiter moins d'espace tout en garantissant un rendement acceptable (Lalire, 2010). Ils nécessitent de façon impérative un entretien conséquent et régulier.
Séparateurs hydrodynamiques
Ce type d'appareil consiste à créer, par effet hydrodynamique, une accélération supérieure à celle du champ de pesanteur de façon à mieux exploiter la différence de masse volumique entre l'eau et les particules. Cette accélération est obtenue en donnant à l'eau un mouvement circulaire rapide, soit dans un décanteur courbe à effet tangentiel, soit, de façon plus classique, dans des ouvrages utilisant l'effet vortex. Des appareils de ce type peuvent être installés directement dans les déversoirs d'orage. Le rendement effectif de ces ouvrages pour les particules fines qui portent l'essentiel de la pollution est cependant médiocre (Lalire, 2010).
Séparateurs préfabriqués à hydrocarbures
Ces appareils, souvent préconisés pour traiter les hydrocarbures et différents autres polluants contenus dans les eaux de ruissellement sont totalement inefficaces pour traiter la pollution des eaux de ruissellement (Voir Séparateur à hydrocarbures (HU)). Leur utilisation de devrait être prescrite que dans le cas où les risques de pollution accidentelle sont importants (stations services, aires de manœuvre de poids lourds, etc.).
Ecrans et tamis
Les grilles, écrans, ou tamis à mailles de plus en plus fines constituent une technique de piégeage susceptible d'éliminer efficacement les déchets les plus grossiers et de limiter ainsi la pollution visuelle. L'efficacité de ces ouvrages pour piéger les particules fines, même au moyen de filtres spécifiques, est cependant discutée. Ces dispositifs ont l'avantage de pouvoir être installés très à l'amont du réseau, voire directement dans les avaloirs, pour piéger les polluants à la source (Bonansea & Le Quéau, 2020). En revanche ils nécessitent une exploitation et un entretien réguliers.
Ouvrages de traitement biologiques passifs
L'utilisation d'ouvrages de traitement biologiques passifs (filtres plantés, lagunes, etc.) constitue probablement une des voies les plus intéressantes pour le traitement des RUTP . Les recherches montrent le rôle prépondérant du phénomène physique de décantation, amélioré par la présence des plantes. La contribution de certains phénomènes chimiques (adsorption des métaux) et biologiques (dégradation de la matière organique) n'est cependant pas toujours négligeable. Ces dispositifs peuvent être utilisés de deux façons :
- sur des eaux strictement pluviales, ils sont alors considérés comme des techniques alternatives et permettent un traitement à la source ;
- juste avant leur rejet au milieu naturel, que ce soit sur des exutoires pluviaux ou sur des déversoirs d’orage (Molle et al., 2013).
Actions préventives
Les actions préventives consistent à développer des stratégies qui limitent les flux polluants susceptibles d'être rejetés par temps de pluie. Ces stratégies sont fondées sur deux principes :
- réduire les débits d'eau transitant dans le réseau ;
- réduire les concentrations en polluants dans les eaux circulant dans le réseau.
Ces actions peuvent être menées avant l'introduction de l'eau dans le réseau ou dans le réseau lui-même.
Diminuer les infiltrations d'eaux claires parasites
Les eaux claires parasites, comme leur nom l'indique, sont généralement très peu polluées. Elles posent cependant un problème car elles contribuent à augmenter les débits et de ce fait à accroître les rejets par temps de pluie. Comme elles peuvent se maintenir plusieurs jours après un événement pluvieux elles contribuent également à augmenter les périodes de temps de pluie. Leur recherche et leur élimination constitue donc un moyen efficace d'améliorer l'utilisation des stations d'épuration pendant les périodes pluvieuses et de réduire les rejets strictement pluviaux.
Améliorer les conditions de transport solide dans le réseau
L'analyse des gisements de polluants dans les RUTP (voir Pollution des rejets urbains de temps de pluie (HU)) a montré que les solides déposés en temps sec dans les réseaux d‘assainissement unitaires constituaient une source majeure pour beaucoup d'indicateurs. De plus les dépôts réduisent les sections d’écoulement des collecteurs et sont responsables d'un fonctionnement plus fréquent et plus précoce des déversoirs d’orage. Le contrôle de ces sédiments constitue donc une action doublement efficace pour réduire les RUTP. Plusieurs actions complémentaires sont envisageables :
- améliorer, lorsque c'est possible, les capacités d'autocurage du réseau ;
- développer l'utilisation de pièges à charriage efficaces pour intercepter le maximum de polluants ;
- améliorer les pratiques de curage (des réseaux et des ouvrages d'interception) de façon à éviter la remise en suspension des sédiments lors des pluies ;
- mettre en œuvre des dispositifs de chasse modernes (par exemple des vannes à ouverture cyclique) dans les collecteurs unitaires pour éviter la formation d'une couche organique susceptible d'être érodée pendant les événements pluvieux.
Réduire à la source les volumes d'eau et les flux de polluants introduits dans le réseau
La généralisation de l'utilisation de techniques alternatives à la source de gestion des eaux pluviales est certainement la piste à privilégier sur le long terme.
Ces solutions présentent plusieurs intérêts majeurs vis à vis de la limitation des RUTP :
- Elles réduisent les volumes introduits dans le réseau, donc, mécaniquement les volumes rejetés : ceci est évident si la technique est infiltrante, mais ceci est vrai aussi pour les techniques non infiltrantes, en particulier pour les dispositifs végétalisés qui absorbent une grande fraction du volume produit pour les pluies de faibles hauteurs précipitées, les plus fréquentes.
- elles réduisent les concentrations en polluants : en ralentissant l'écoulement et en stockant provisoirement l’eau, elles offrent la possibilité d'une décantation et d'une filtration efficace des effluents, moyens efficaces de dépolluer les effluents ;
- elles contribuent à diminuer les incivilités : en rendant l’eau visible et en favorisant le caractère plurifonctionnel des ouvrages, elles encouragent les citadins à les respecter et à diminuer les rejets incontrôlés de déchets divers.
Nota : si l'eau est infiltrée, c'est le sol lui-même qui joue un rôle de filtre. Les polluants particulaires sont alors majoritairement retenus en surface et/ou très près de la surface, typiquement dans les premières dizaines de centimètres. Les mesures effectuées sous les ouvrages depuis longtemps en service montrent que les polluants ainsi retenus, principalement hydrocarbures et métaux lourds, ne dépassent jamais un mètre de profondeur et ne risquent pas d'être relargués et de contaminer la nappe, ni un milieu aquatique de surface.
Réduire les émissions à la source
La façon la plus radicale d’éviter de polluer les milieux aquatiques consiste à limiter les émissions de polluants à la source. Certaines de ces actions sont difficiles à mettre en œuvre car elles réclament des décisions nationales ou supranationales ainsi qu'une adhésion et un soutien des populations.
Les actions possibles à une échelle locale sont cependant nombreuses et leur mise en œuvre permettrait une réduction significative de l'émission de certaines substances. Certaines sont sous la responsabilité directe des collectivités, d'autres ressortent plus d'actions incitatives ou d'information auprès du public :
- arrêter totalement l'utilisation de pesticides et biocides en ville ;
- modifier les pratiques locales de nettoyage des rues (augmenter la fréquence développer la combinaison aspiration et lavage) ;
- encourager les citoyens à mieux gérer leurs déchets (ne pas jeter les mégots dans la rue, utiliser les poubelles, ramasser les déjections animales, etc.) ;
- modifier les revêtements de chaussées et utiliser des peintures de sols sans adjuvants toxiques ;
- utiliser moins et de manière plus réfléchie les produits de déneigement et de déverglaçage ;
- améliorer l’efficacité des systèmes de dépollution des systèmes industriels producteurs de fumée, en particulier les installations de chauffage urbain et d’incinération des ordures ménagères ;
- mettre en place des mesures incitatives ou réglementaires visant à conduire les industriels à améliorer leurs aires de stockage ;
- promouvoir les modes de déplacement doux (vélo, transports en commun, etc.) ;
- améliorer la conception des véhicules de manière à diminuer les émissions de polluants par exemple en favorisant l'utilisation en zone urbaine des véhicules électriques ou hybrides ;
- etc..
Pour conclure une touche d'espoir
Beaucoup de collectivités ont commencé à mettre en œuvre certaines des mesures que nous avons indiqué dans cet article et les effets positifs semblent commencer à se faire sentir. Les valeurs moyennes de concentration dans les RUTP que nous avons compilé dans l'article Pollution des rejets urbains de temps de pluie (HU) sont en effet significativement inférieures aux valeurs compilées il y a une quinzaine d'année par (Chocat et al., 2007). La baisse est par exemple de l’ordre de 25 à 50% pour les MES, la DBO, les HAPs et le zinc, et d'un facteur 10 pour le cuivre et le plomb. Même si cette baisse peut être en partie due à des artefacts métrologiques (différences dans les caractéristiques des bassins versants étudiés et/ou des événements pluvieux échantillonnés), elle semble cependant trop importante pour ne pas être significative. Elle confirme les observations de Gaspéri et al. (2014) faites en utilisant uniquement les données des trois observatoires français.
Bibliographie :
- Bonansea, A.-L., Le Quéau, A. (2020) : L’avaloir dépolluant : une solution de traitement pour faire de l’eau de ruissellement une ressource pour la ville. Actes du 99° Congrès de l’ASTEE, Lyon, France.
- BIPE (2015) : Les services publics d’eau et d’assainissement en France ; données économiques, sociales et environnementales ; 6ème édition ; octobre 2015 ; 108 pp.
- Chebbo, G. (1992) : Solides des rejets pluviaux urbains : caractérisation et traitabilité., thèse de doctorat, ENPC.
- Chocat, B., Bertrand-Krajewski, J.-L., Barraud, S. (2007) : Eaux pluviales urbaines et rejets urbains par temps de pluie ; Techniques de l'ingénieur ; ref W6800 ; 22p.
- Duchêne, P., Canler, J.-P. (1995) : Utilisation optimale des stations d’épuration traitant, par temps de pluie, les effluents des réseaux unitaires. Actes du colloque Maîtrise de l'assainissement par temps de pluie : de la théorie à la pratique, SHF/AGHTM, Créteil, France, 11-12 octobre 1995, 133-146.
- Gasperi, J., Sebastian, C., Ruban, V., Delamain, M., Percot, S., Wiest, L., Mirande, C., Caupos, E., Demare, D., Diallo Kessoo, M., Saad, M., Schwartz, J.J., Dubois, P, Fratta, C. Wolff, H., Moilleron, R., Chebbo, G., Cren, C., Millet, M., Barraud, S., Gromaire, M.C. (2014) : Micropollutants in urban stormwater: occurrence, concentrations, and atmospheric contributions for a wide range of contaminants in three French catchments ; Environ Sci Pollut Res. ; DOI 10.1007/s11356-013-2396-0
- Jansons, K., German, J., Howes, T. (2005) : Evaluating hydrodynamic behaviour and pollutant removal in various stormwater treatment pond configurations. Proceedings of the 10th ICUD - International Conference on Urban Drainage, Copenhagen, Denmark, August 21-26.
- Jansons, K., Law, S. (2007) : The hydraulic efficiency of simple stormwater ponds. Proceedings of the conference Rainwater and Urban Design 2007, Barton, A.C.T. (Australia): Engineers Australia, 452-459. ISBN 1877040614.
- Lalire, E. (2010) : Efficacité des systèmes de dépollution des eaux pluviales ; Synthèse technique de l'OIE ; 27pp.
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