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Pollution des eaux de ruissellement (HU)

De Wikhydro

Traduction anglaise : runoff pollution

Dernière mise à jour : 25/02/2021

Cet article s'intéresse uniquement aux eaux de ruissellement en zone urbaine. Il traite de la nature et de la concentration des polluants associés à l'eau de pluie après qu'elle a parcouru entre quelques mètres et quelques dizaines de mètres à la surface du sol, mais avant son introduction dans un réseau d'assainissement.

Il fait partie d'un ensemble d'articles décrivant l'évolution de la qualité des eaux pluviales depuis l'atmosphère jusqu'à leur restitution au milieu aquatique.

Sommaire

Pourquoi s'intéresser spécifiquement à la pollution des eaux de ruissellement ?

La pollution des eaux de ruissellement est souvent confondue avec la pollution des rejets urbains de temps de pluie (RUTP). Cette confusion est très gênante car elle conduit un certain nombre de personnes ou d'organismes à se méfier des techniques alternatives de gestion des eaux pluviales par peur de polluer le sol et les nappes.

Or, comme nous allons le voir dans les paragraphes suivants, les masses de polluants dans les eaux de ruissellement sont beaucoup plus faibles que celles dans les RUTP. C'est en effet principalement dans les réseaux d'assainissement que les eaux de pluie se contaminent et surtout se concentrent.

Origine des polluants dans les eaux de ruissellement

Les polluants que l'on rencontrent dans les eaux de ruissellement proviennent de quatre gisements différents, mais pas toujours simples à distinguer :

  • la pollution des eaux de pluie elles-mêmes (on parle parfois de retombées humides) ;
  • les dépôts atmosphériques de temps sec (on parle parfois de retombées sèches) ;
  • les déchets divers dus aux activités anthropiques ;
  • l'érosion des surfaces urbaines.

Cette distinction est utile pour interpréter et généraliser plus facilement les mesures. En effet les deux premiers gisements sont relativement indépendants du lieu ; le troisième dépend de l'activité de la zone concernée et le dernier de la nature des surfaces.

Malheureusement la distinction n'est pas toujours simple : les retombées sèches et les retombées humides sont de même nature ; certains déchets légers, déposés sur le sol à l'origine peuvent être déplacés par le vent et se mélanger aux retombées sèches ; l'érosion des surfaces urbaines se produit également pendant les périodes de temps sec produisant alors des dépôts plus ou moins mobiles. Il est donc important de ne voir dans cette classification qu'un moyen simple de décrire l'origine des polluants rencontrés.

Pollution des eaux de pluie

Pour évaluer la contribution des eaux de pluies seules (on parle parfois d’eaux météoriques), on utilise des capteurs pluviométriques capables de stocker la totalité du volume d’eau intercepté par l’appareil et équipé d’un couvercle fermé pendant les périodes de temps sec (pour éviter de capter des dépôts atmosphériques de temps sec) et qui s’ouvre automatiquement aux premières gouttes de pluie et se referme dès que la pluie est finie.

Même si ce gisement peut concerner tous les polluants, y compris les MES, il est surtout à considérer pour les micropolluants. Il semble important pour certains métaux comme le cadmium ou le nickel.

Pour en savoir plus, voir (Pollution de l'eau de pluie (HU)).

Pollution des dépôts atmosphériques

Pour estimer la contribution des dépôts atmosphériques de temps sec on utilise des appareils voisins de ceux mis en œuvre pour mesurer la pollution des eaux météoriques, mais fonctionnant de façon inversée, c’est-à-dire ouverts pendant les périodes de temps sec et se fermant automatiquement dès la première goutte d’eau. Ces deux types de capteurs sont d’ailleurs souvent installés côte à côte. Il ne s'agit pas dans ce cas d'évaluer les concentrations dans l'eau mais les masses précipitées par unité de temps et unite de surface.

Figure - Capteurs de retombées sèches et humides ; crédit photo : OTHU.

Comme pour le gisement précédent on s’intéresse préférentiellement aux micropolluants. Ce qui frappe dans la littérature, c’est l’extrême variabilité des résultats entre les sites, sans que l’on comprenne très bien les raisons de cette variabilité. A titre d'exemple, sur un des sites expérimentaux de l'OTHU, on a pu observer une saisonnalité des dépôts secs de pesticides directement liée aux périodes d'épandages agricoles (Becouze-Lareure, 2010). En tout état de cause il est donc encore très difficile d’en déduire des ordres de grandeur moyens.

Pour en savoir plus, voir (Dépôts de temps sec (HU)).

Contribution globale des retombées sèches et humides à la pollution des rejets urbains de temps de pluie

Plusieurs études ont essayé d'évaluer globalement la contribution des retombées sèches et humides à la pollution des rejets urbains de temps de pluie. Il s'agit en effet d'une part irréductible que l'on retrouve de façon assez homogène sur l'ensemble du territoire urbain (d'ailleurs tout autant sur les surfaces perméables que sur les surfaces imperméables). Cette part correspond donc au minimum de charge polluante que l'on aura à prendre en compte dans les techniques alternatives de gestion des eaux pluviales.

Le tableau suivant synthétise les résultats obtenus par Garnaud (1999), Zgheib (2009) et Becouze-Lareure (2010) sur 4 bassins versants expérimentaux des observatoires OTHU et OPUR de quelques centaines d'hectares. Deux de ces bassins versants (Le Marais et Ecully) sont unitaires, les deux autres sont séparatifs. Il est très difficile de comparer les résultats entre ces quatre sites car les méthodes utilisées pour réaliser les bilans sont différentes. En revanche il est possible de tirer quelques conclusions générales sur l'ordre de grandeur des retombées sèches et humides qui semble généralement représenter environ 10% de la charge globale, avec cependant de gros écarts entre les sites et les indicateurs.


Tableau 1 : Estimation de la contribution des retombées atmosphériques totales dans la pollution observée à l'exutoire de quatre bassins versants urbains ; Synthèse des travaux de Garnaud (1999), Zgheib (2009) et Becouze-Lareure (2010).

Pollution des déchets divers dus aux activités anthropiques

Pendant les périodes sèches de nombreux déchets n'ayant pas une origine atmosphérique sont également déposés sur les surfaces urbaines. Ils proviennent d'une multitude de sources (chantiers, rejets plus ou moins volontaires de déchets, végétation, animaux, poubelles non étanches, nettoyage des places de marchés, etc.). Ils sont plus grossiers que les dépôts atmosphériques et souvent concentrés dans certains lieux particuliers. Une partie de ces déchets est régulièrement enlevé lors du nettoyage des rues et autres espaces publics. Selon la technique utilisée (simple collecte, balayage sec ou humide, aspiration), l'efficacité du nettoyage varie, en particulier pour les particules les plus fines sur lesquelles se fixent la plupart des polluants.

Il s'agit probablement de la part la plus difficile à évaluer car elle est extrêmement variable dans l'espace et très sensible à des actions multiples totalement aléatoires et imprévisibles (par exemple rejet localisé de déchets très pollués par incivilité). Concernant les eaux de ruissellement, elle constitue cependant la part la plus importante pour les matières organiques (déchets de nourriture, déjections canines en particulier), les goudrons et la nicotine (mégots de cigarette) et les déchets grossiers, sources de pollution visuelle.

Elle est extrêmement dépendante du site et beaucoup plus importante sur les espaces publics que sur le domaine privé.

Pollution due à l'érosion des surfaces urbaines

Cas de sols non revêtus

L'érosion des sols non revêtus pendant les périodes pluvieuses constitue la source principale en matières en suspension dans les eaux de ruissellement. Les quantités susceptibles d'être mobilisées sont très dépendantes de trois catégories de facteurs :

  • la capacité d'érosion de la pluie, qui dépend principalement de la taille et de la vitesse des gouttes lorsqu'elles arrivent au sol, ce que l'on traduit plus souvent par son intensité ; de ce point de vue les pluies d'été, courtes et intenses, produisent généralement plus de MES que les pluies d'hiver ;
  • la capacité d'érosion du ruissellement qui dépend du débit (donc également de l'intensité de la pluie), mais aussi de la pente, de la concentration des flux et de l'état des surfaces ;
  • la présence de sols nus, en particulier zones de chantiers ou zones agricoles non ensemencées.

Aux MES peuvent être associés différents polluants selon la nature des sols érodés (goudrons, hydrocarbures, métaux, ciment, solvants, etc. dans le cas de zones de chantier, pesticides ou engrais dans le cas de zones agricoles).

Les zones végétalisées génèrent moins de matières en suspension mais sont la source de débris végétaux (pollution carbonée) éventuellement associés à des charges en produits phytosanitaires ou en engrais.

Cas des bâtiments

Les données concernant la pollution associée aux ruissellement en provenance des toitures sont nombreuses, en particulier pour savoir si l'eau de pluie provenant des toitures peut être récupérée et utilisée pour la consommation humaine. Les protocoles de mesure utilisés dans la plupart des études ne permettent cependant pas de distinguer clairement la contribution de l'érosion du matériau constitutif de celle des dépôts atmosphériques de temps sec. Des informations très précises ont en revanche été obtenues en France grâce à l’observatoire parisien OPUR (voir par exemple Robert-Sainte, 2009).

Le tableau suivant fournit une fourchette de valeurs moyennes inter-évènementielles des concentration obtenues pour ces trois métaux lors de différentes études.


Tableau 1 : Synthèse des valeurs de concentrations moyennes interévènementielles.

Ce qui est . La très grande variabilité des valeurs obtenues s’explique cependant principalement par la variabilité des matériaux utilisés pour les toitures. L'érosion des matériaux constitue donc la source principale.

  • le zinc est produit par les toitures en zinc et les équipement divers de gestion des eaux (gouttières en particulier) ,
  • le plomb est associé aux toitures en tuiles ;
  • le cuivre est surtout présent pour les toitures en ardoises (systèmes de fixation par crochets ou clous).

Cas des voiries et autres espaces aménagés

Les surfaces urbaines imperméables autres que les toitures (rues et trottoirs, parkings, places, etc.) sont souvent suspectées d’être le gisement principal d’un grand nombre de polluants, en particulier des hydrocarbures. La réalité est beaucoup plus contrastée. Les traces d’huiles que l’on trouve sur les rues et les parkings sont en fait facilement biodégradables et peu mobiles. Elles ne contribuent que très peu à la pollution des RUTP. L'érosion de ce type de surface peut cependant produire des hydrocarbures associés au goudron, des solvants et des métaux associés aux marquages au sol et des métaux (principalement du zinc) provenant des panneaux de signalisation et des barrières de sécurité lorsqu'elles sont présentes (plutôt sur routes et autoroutes qu'en zone urbaine). Comme pour les toitures il est souvent difficile de faire la part entre l'érosion des matériaux et les dépôts de temps sec.

A titre d'exemple, le tableau suivant, extrait de Chocat et al (2013) montre les concentrations mesurées à l'exutoire d'un parking de 100 m2 pour différents événements pluvieux.

Tableau 1 : Concentration en différents polluants à l'exutoire d'un parking de 100 m2 : Valeurs minimum, maximum et moyenne hors événement spécifique du 12/05/2012 ; d'après Chocat et al (2013).

Cette étude est très intéressante en ceci qu'elle montrent que si les valeurs de concentrations mesurées pendant deux ans sont généralement très faibles, un accident est toujours possible. L'événement du 12/05/2012 a été très fortement pollué par la découpe de matériaux de construction directement sur le parking.

Les concentrations mesurées tiennent compte à la fois des dépôts de temps sec et de l'érosion des matériaux ; la distance maximum parcourue par l'eau en surface avant le point de prélèvement était d'une quinzaine de mètres.


Éléments de bilan sur les quantités de polluants à gérer

Ce paragraphe a pour but d'évaluer les quantités de polluants présentes dans les eaux de ruissellement au sens strict, c'est à dire avant qu'elles ne pénètrent dans un élément structuré d'assainissement (conduite souterraines ou avaloirs). Pour ceci nous allons comparer les quantités associés aux différents gisements que nous venons de présenter avec celles, beaucoup mieux connues, que l'on mesurent aux exutoires des réseaux pluviaux.

Nous travaillerons dans un premier temps sur les concentrations, puis sur les masses

Ordres de grandeur des concentrations en polluants dans les eaux de ruissellement

Les données disponibles concernant les eaux dites de ruissellement correspondent à des situations très diverses. Elles sont souvent issues de mesures effectuées dans les avaloirs ou à l’intérieur de réseaux strictement séparatifs, et incluent donc dans ce cas les dépôts dans les caniveaux et à l’intérieur du réseau. L’affectation des polluants mesurés à un gisement spécifique est encore plus difficile que pour les eaux de toitures. Les polluants présents dans les eaux de ruissellement sont en effet la somme des flux atmosphériques (dépôts secs et apports de la pluie), des autres dépôts en surface, de l’érosion des surfaces, et, dans certains cas des dépôts et biofilms à l’intérieur des réseaux. Très peu d’études font d’ailleurs la distinction entre la mobilisation des dépôts de surface et l’érosion des matériaux. Malgré toutes les réserves précédentes, ce gisement apparaît comme le plus important pour de nombreuses substances.

Ordres de grandeur des masses de polluants à gérer par unité de surface pour un événement pluvieux

Ordres de grandeur des masses de polluants à gérer par unité de surface et par an

Voir aussi : Pollution de l'eau de pluie (HU), Pollution des eaux pluviales (HU), Pollution des rejets urbains de temps de pluie (HU)

Article en chantier

Bibliographie

  • Becouze-Lareure, C. (2010) : Caractérisation et estimation des flux de substances prioritaires dans les rejets urbains par temps de pluie sur deux bassins versants expérimentaux. Thèse de doctorat, INSA-Lyon, laboratoire DEEP, 298 p.
  • Chocat, B. Lecomte, G., Perez, F., Stora, E., Vacherie, S. (2013) : Qualité physico-chimique des flux produits par un parking en béton poreux en temps de pluie ; Novatech 2013 ; GRAIE ; téléchargeable sur : http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/51392.
  • Garnaud, S. (1999) : Transfert et évolution géochimique de la pollution métallique en bassin versant urbain, ENPC Paris, Thèse de doctorat, 396p.

b, S. (2009) : Flux et sources des polluants prioritaires dans les eaux urbaines en lien avec l’usage du territoire. Thèse de doctorat, LEESU, Université Paris-Est, 349 p.

  • Robert-Sainte, P. (2009) : Contribution des matériaux de couverture à la contamination métallique des eaux de ruissellement. Thèse de doctorat, LEESU, Université Paris-Est, 416 p.
  • Zgheib, S. (2009) : Flux et sources des polluants prioritaires dans les eaux urbaines en lien avec l’usage du territoire. Thèse de doctorat, LEESU, Université Paris-Est, 349 p.
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