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B.20 - Modélisation hydrologique : fonctionnement en extrapolation

De Wikhydro

Sommaire

Définition

Les modèles hydrologiques sont conçus à partir des connaissances et de l'expérience du modélisateur. Or cette connaissance est limitée à un nombre fini d'événements de crue et donc à une gamme limitée en intensité. En outre, la majorité des modèles hydrologiques doivent être calés avant de pouvoir être employés sur un bassin versant en particulier (fiche B.19). On dit qu'un modèle fonctionne en extrapolation quand il est confronté à des événements dont l'intensité n'appartient pas à la gamme des intensités des événements hydrologiques qu'il a « expérimentées » lors de la phase de calage.

Exemple 1. Le SPC Allier pourrait caler le modèle GRP à la station de Moulins en se basant sur les données disponibles (séries des observations de pluie et de débit sur 2002 – 2011). Le débit maximal observé sur cette chronique est de 1 580 m3/s (ce qui correspond à une période de retour de 15 à 20 ans). Si un événement d'une amplitude similaire à la crue de 1856 (débit de pointe estimé de l'ordre de 3 900 m3/s, correspondant à une période de retour de 100 ans) devait se produire, le modèle serait alors employé en extrapolation.

Par extension, on peut dire qu'un être humain (un prévisionniste par exemple) est en « extrapolation » quand il s'intéresse à des événements d'une amplitude qu'il n'a encore jamais rencontrée.

L'état d'extrapolation d'un système de prévision est souvent constaté par l'observation d'un débit[1] supérieure à l'ensemble des données de débit employées pour construire ce système de prévision. Cependant, ce n'est pas le seul cas d'extrapolation possible : un événement de crue « mineure » avec des pluies exceptionnellement intenses peut également placer le système de prévision en extrapolation dans le sens où il n'a jamais expérimenté auparavant de telles conditions. Cela peut être vrai pour de nombreuses autres variables comme le cumul pluviométrique, l'humidité initiale (ou au contraire la sécheresse) du bassin versant, etc. (Singh et al., 2012).

Fonctionnement en extrapolation

Les modèles ne sont pas égaux face à l'extrapolation

Quand le modèle n'a pas été calé pour des événements du type de celui qui est en cours, on ne sait pas exactement comment il va réagir. Certains modèles sont, par construction, assez stables et donnent des résultats assez raisonnables en extrapolation « modérée ». D'autres peuvent aboutir à des résultats absurdes.

Exemple 2. Les modèles qui respectent des principes physiques comme la conservation de la masse et les équations de la dynamique sont moins sujets que d'autres modèles à donner des résultats très faux en extrapolation : ces principes physiques leur servent de « garde-fou » (dans une certaine limite). C'est le cas de nombreux modèles « conceptuels » (GRP, etc.) ou « à base physique » (MARINE, etc.)

Exemple 3. Inversement, des modèles purement empiriques comme certaines régressions non linéaires, les réseaux de neurones artificiels ne doivent pas être employés en extrapolation, car leur valeur informative est beaucoup plus fonction de l'information qu'ils ont pu engranger lors de leur calage. L'incertitude de modélisation sera donc très importante. Les modèles de type PQb (implémentés dans SOPHIE) peuvent se révéler très déficients en extrapolation. La figure 1 présente la prévision récursive sur le Var amont (675 km²) le 3 novembre 2011 à 16 h 00 (UTC) par le modèle PQb sans recalage sur les débits observés (simulation avec précipitations prévues égales aux observations a posteriori). On note la non pertinence du modèle « PQb historique » calé sur des événements du bas de la vigilance jaune. En attendant le calage de modèles plus physiques, le SPC Méd Est utilise plusieurs PQb pour une même station. Les paramètres pris en compte correspondent pour certaines stations à l'humidité initiale du sol (SWI) ou à l'intensité horaire et en plage de débit (coefficient de pression). Un résumé des conditions de calage est visualisable dans l'outil temps réel pour le prévisionniste comme approche de la confiance à avoir sur la simulation.


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En extrapolation, d'autres sources d'incertitude s'amplifient

De plus, quand le modèle est en extrapolation, de nombreuses autres sources d'incertitude peuvent être nettement plus fortes que sur d'autres gammes de débit. L'incertitude de prévision résultante s’accroît donc considérablement.

Exemple 4. Si le modèle est en extrapolation, on peut s'attendre à ce que la ou les courbes de tarage le soi(en)t également. Or l'incertitude d'estimation du débit à partir de la hauteur est nettement plus grande en dehors de la gamme des débits jaugés (fiche B.09).

Exemple 5. L'extrapolation concerne également les prévisionnistes. Le comportement du prévisionniste (dans le cadre d'une estimation subjective de l'incertitude) est souvent différent entre des situations de crues fréquentes qu'il connaît bien (sentiment de déjà-vu et de maîtrise) et des situations de crue exceptionnelle (désarroi possible, notamment pour une estimation subjective de l'incertitude, cf. fiche C.02)

Importance de la richesse informative des données utilisées pour le calage

Lors d'une crue forte, il est vraisemblable que certains modèles (si ce n'est tous) fonctionneront en extrapolation. L'augmentation de l'incertitude décrite ci-dessus explique l'intérêt et l'importance d'avoir calé le modèle au préalable sur une série de données la plus longue possible et surtout la plus riche possible en événements de crue.


Voir également

Fiche B.09 – Établissement de la courbe de tarage

Fiche B.19 – Calage des modèles hydrologiques

Fiche C.02 – Estimation subjective des incertitudes


Pour aller plus loin

Singh, S. K., McMillan, H . et Bárdossy, A. (2012). Use of the data depth function to differentiate between case of interpolation and extrapolation in hydrological model prediction. Journal of Hydrology, 477, 213 – 228.



  1. Ou d'une autre sortie du système de prévision comme la hauteur.
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