Débitmètre (HU) : Différence entre versions
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La méthode volumétrique fait directement référence à la définition du débit donné plus haut. Elle consiste à mesurer le volume (ou la masse, dans ce cas on devrait parler de méthode gravimétrique) d'eau recueillie pendant une durée donnée (ou le temps nécessaire pour remplir un récipient d'un volume donné). Cette méthode est extrêmement simple, rapide et économique. Elle est également très précise si le volume à remplir et la durée correspondant sont bien adaptés au débit à mesurer. En revanche, les contraintes logistiques (volume possible du réservoir utilisé) la limite à la mesure des faibles débits. Elle peut cependant être utilement mise en œuvre en laboratoire pour étalonner d'autres dispositifs de mesurage. | La méthode volumétrique fait directement référence à la définition du débit donné plus haut. Elle consiste à mesurer le volume (ou la masse, dans ce cas on devrait parler de méthode gravimétrique) d'eau recueillie pendant une durée donnée (ou le temps nécessaire pour remplir un récipient d'un volume donné). Cette méthode est extrêmement simple, rapide et économique. Elle est également très précise si le volume à remplir et la durée correspondant sont bien adaptés au débit à mesurer. En revanche, les contraintes logistiques (volume possible du réservoir utilisé) la limite à la mesure des faibles débits. Elle peut cependant être utilement mise en œuvre en laboratoire pour étalonner d'autres dispositifs de mesurage. | ||
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− | ===Calcul du débit en section courante en fonction de la hauteur d'eau=== | + | ====Calcul du débit en section courante en fonction de la hauteur d'eau==== |
La première solution possible consiste à utiliser une relation hydraulique. Le principe est simple : pour un [[Ecoulement à surface libre (HU)|écoulement à surface libre]], il peut exister une relation directe entre la hauteur d'eau et le débit, à la condition de garantir, par exemple, un [[Ecoulement uniforme (HU)|régime permanent uniforme]]. Dans ce cas, on utilise la [[Manning-Strickler (formule de) (HU)|relation de Manning-Strickler]] : | La première solution possible consiste à utiliser une relation hydraulique. Le principe est simple : pour un [[Ecoulement à surface libre (HU)|écoulement à surface libre]], il peut exister une relation directe entre la hauteur d'eau et le débit, à la condition de garantir, par exemple, un [[Ecoulement uniforme (HU)|régime permanent uniforme]]. Dans ce cas, on utilise la [[Manning-Strickler (formule de) (HU)|relation de Manning-Strickler]] : | ||
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Outre le fait que cette méthode nécessite le choix des valeurs de <math>I</math> (théoriquement mesurable) et surtout de <math>K_s</math>, elle repose sur une hypothèse forte (régime uniforme) qui n'est que très rarement vérifiée. '''Elle est donc déconseillée en l'absence de [[Tarage (HU)|tarage]]''' (voir § suivant). | Outre le fait que cette méthode nécessite le choix des valeurs de <math>I</math> (théoriquement mesurable) et surtout de <math>K_s</math>, elle repose sur une hypothèse forte (régime uniforme) qui n'est que très rarement vérifiée. '''Elle est donc déconseillée en l'absence de [[Tarage (HU)|tarage]]''' (voir § suivant). | ||
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La première solution consiste à utiliser un appareil normalisé ([[Seuil jaugeur (HU)|seuil jaugeur]] ou [[Canal Venturi (HU)|canal venturi]]). D’un point de vue hydraulique, ces ouvrages fonctionnent en passant par la hauteur critique, ce qui permet de garantir une relation univoque entre la hauteur et le débit. Les résultats sont généralement corrects, en particulier si la relation a fait l'objet d'un [[Courbe de tarage (HU)|tarage]] préalablepréalable ou s’ils respectent les normes d’installation. Ce procédé n'est cependant pas toujours possible : | La première solution consiste à utiliser un appareil normalisé ([[Seuil jaugeur (HU)|seuil jaugeur]] ou [[Canal Venturi (HU)|canal venturi]]). D’un point de vue hydraulique, ces ouvrages fonctionnent en passant par la hauteur critique, ce qui permet de garantir une relation univoque entre la hauteur et le débit. Les résultats sont généralement corrects, en particulier si la relation a fait l'objet d'un [[Courbe de tarage (HU)|tarage]] préalablepréalable ou s’ils respectent les normes d’installation. Ce procédé n'est cependant pas toujours possible : | ||
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* les appareils posés de façon provisoire sont également soumis à des aléas en cas de crue forte (arrachage et entraînement). | * les appareils posés de façon provisoire sont également soumis à des aléas en cas de crue forte (arrachage et entraînement). | ||
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La deuxième solution consiste à établir une relation empirique débit = f(hauteur), | La deuxième solution consiste à établir une relation empirique débit = f(hauteur), | ||
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* la méthode suppose également que la relation entre hauteur d'eau et section mouillée reste constante dans le temps (de même que la rugosité), or, pendant une crue le [[Transport solide de fond (HU)|transport solide]] est important et les phénomènes de dépôt et/ou d'érosion peuvent modifier considérablement le profil en travers d'un cours d'eau et, dans une moindre mesure, d'une conduite fermée. | * la méthode suppose également que la relation entre hauteur d'eau et section mouillée reste constante dans le temps (de même que la rugosité), or, pendant une crue le [[Transport solide de fond (HU)|transport solide]] est important et les phénomènes de dépôt et/ou d'érosion peuvent modifier considérablement le profil en travers d'un cours d'eau et, dans une moindre mesure, d'une conduite fermée. | ||
− | ===Calcul du débit en utilisant un double mesurage de la hauteur d'eau=== | + | ====Calcul du débit en utilisant un double mesurage de la hauteur d'eau==== |
La dernière possibilité consiste à effectuer un double mesurage continu de façon à obtenir une information plus précise sur le phénomène étudié. | La dernière possibilité consiste à effectuer un double mesurage continu de façon à obtenir une information plus précise sur le phénomène étudié. |
Version du 29 juin 2024 à 13:17
Traduction anglaise : flowmeter
article en chantier
Dernière mise à jour : 29/06/2024
Appareil permettant de mesurer le débit d'un cours d'eau ou d'une conduite ; nous nous intéresserons spécifiquement ici au cas des écoulements à surface libre.
Éléments d'historique
Une difficulté conceptuelle à surmonter
Les plus anciennes tentatives d'estimation des volumes écoulés et des débits datent de l'antiquité, et les premières mesures de hauteur d'eau attestées remontent au troisième millénaire avant J.C.. A cette époque, les services du département de l'irrigation des administrations pharaoniques égyptiennes mesuraient la hauteur d'eau du Nil afin de surveiller ses crues, de gérer l'irrigation et de calculer les taxes (déjà!) des agriculteurs en fonction du bénéfice qu'ils avaient pu tirer de l'inondation. Ces "nilomètres" (figure 1) étaient répartis tout le long du fleuve, et un véritable service de métrologie en assurait le suivi et l'entretien (Biswas, 1970). Ce service a d'ailleurs survécu, après de nombreux remaniements, pendant près de 5000 ans, puisqu'il existait encore sous le règne du pacha Muhammad Ali (1805-1848).
Cependant, même si les premières mesures de vitesse semblent avoir été réalisées avant notre ère sur le fleuve jaune, à l’aide d’un cheval courant sur la berge à la même vitesse que le courant de surface que l’on suivait par des flotteurs dérivant au fil de la rivière (lallement, 2021), passer de la hauteur d'eau au débit a cependant demandé un effort conceptuel considérable qui ne sera vraiment couronné de succès qu'au XVIIème siècle.
Aristote (384-322 av. J.C.), dans les "Météorologiques", pensait qu'il existait une relation entre la vitesse, la section d'écoulement, et la grandeur qui est aujourd'hui appelée le débit. Mais sa conception du débit n'était pas encore assez précise : il notait simplement qu'à débit égal la vitesse était fonction de la section traversée.
Au premier siècle après J.C., Frontin (35-104), auteur d'un ouvrage intitulé "Les aqueducs de la Ville de Rome", a cherché à mesurer les quantités d'eau transportées dans ces ouvrages pour estimer les pertes et les vols d'eau. Il considérait que les quantités transportées étaient directement proportionnelles à la section d'écoulement, tant pour les écoulements en charge dans les tuyaux que pour les écoulements à surface libre dans les aqueducs. Mais des difficultés insurmontables sont rapidement apparues pour les faibles ou les fortes vitesses qui, dans les deux cas, perturbaient ses mesures. Frontin n'est donc pas parvenu à formuler clairement la notion de débit telle qu'elle est connue aujourd'hui : il confondait débit et quantité d'eau.
Définir le débit comme le produit de la vitesse par la section, ou comme le quotient d'un volume par un temps reviendra à Héron d'Alexandrie (65-150) qui explique qu'on ne peut mesurer le débit d'une source uniquement à partir de la section d'écoulement : il faut également mesurer sa vitesse. Toutefois, il ne sait pas comment exprimer la vitesse ni comment la mesurer. La vitesse reste en effet une notion non triviale qui nécessite de calculer le quotient de deux grandeurs non homogènes : Archimède (287-212 av. J.C.) lui-même a buté sur la question (Nordon, 1991).
Des progrès théoriques nécessaires pour permettre des progrès en instrumentation
Il faut attendre Léonard de Vinci (1452-1519) pour observer un léger progrès. Sans parler encore de débit mais toujours de quantité d'eau, il réaffirme, après plusieurs siècles d'oubli depuis Héron d'Alexandrie, que cette grandeur correspond au produit de la vitesse par la section d'écoulement, et il applique, également sans le nommer, le principe de continuité. Il propose même de découper la section d'écoulement en surfaces élémentaires au moyen d'un quadrillage pour essayer de décrire tant bien que mal le mouvement de l'eau à travers la section (Nordon, 1991).
Les notions abordées par Léonard de Vinci seront clarifiées et explicitées de manière beaucoup plus rigoureuse par Benedetto Castelli (1578-1643), élève de Galilée, dans son "Traité sur la mesure des eaux courantes" corrigé plusieurs fois après une première édition en 1628. Cela lui vaudra d'être considéré comme l'inventeur de la loi de continuité. Pourtant, Castelli a également conscience que la notion de vitesse n'est pas encore tout à fait claire, et encore moins celle d'accélération (Nordon, 1991).
Domenico Guglielmini (1656-1710), l'un des fondateurs de l'école italienne d'hydraulique, montre que la vitesse d'écoulement dépend de la section mouillée et qu'elle est inversement proportionnelle au périmètre mouillé. Il définit également la vitesse moyenne : c'est la vitesse uniformément répartie sur toute la section d'écoulement qui, multipliée par cette section, donne le débit réel mesuré. Toutefois, la répartition des vitesses sur une verticale ou sur toute la section reste délicate à établir.
Déjà Galilée et Castelli avaient remarqué que la vitesse n'était pas homogène sur toute une section, sans pouvoir être plus précis. Edme Mariotte (1620-1684), dans un ouvrage posthume intitulé "Traité du mouvement des eaux et autres corps fluides" paru en 1686, montre que les vitesses sont plus faibles au fond que vers la surface dans un écoulement régulier à surface libre. Cette constatation, correspondant aux profils de la Figure 2, contredisait l'opinion générale de l'époque selon laquelle, en application du principe de la chute des corps, les vitesses étaient plus faibles à la surface que vers le fond.
Les mesures ultérieures confirmeront ces profils, variables selon les conditions d'écoulement, et où la vitesse maximale est généralement située légèrement sous la surface. Toutefois, la mesure des profils de vitesse reste encore difficile et les résultats parfois contradictoires. Henri Bazin (1829-1917) déterminera la distribution correcte des vitesses en 1865, en tenant compte à la fois des frottements au fond et sur les bords, et de la résistance de l'air en surface pour les écoulements en canaux (voir Figure 3). Après les travaux d'Osborne Reynolds (1842-1912) sur la turbulence, les profils de vitesse seront également différenciés selon que l'écoulement est laminaire ou turbulent.
Les premiers appareils opérationnels de mesurage de la vitesse
La notion de vitesse d'écoulement étant enfin clairement établie, il restait encore à développer les instruments de mesure. Léonard de Vinci utilisait par exemple de la sciure ou des grains de céréales pour matérialiser les lignes de courant, sans toutefois passer à la mesure de vitesse. Des flotteurs de diverses natures ont également été utilisés pendant longtemps, par exemple par Charles Bossut (1730-1814), mais ils ne donnaient que la vitesse en surface ou à son voisinage immédiat, et leur emploi n'était pas des plus pratique. Santorio (1561-1630) a inventé vers 1610 une "balance hydrométrique" pour mesurer la force exercée par le courant sur un obstacle placé au sein de l'écoulement. Ce type de dynamomètre a ensuite été perfectionné par P. Michelotti en 1767 pour permettre la mesure des vitesses à des hauteurs variables. Entre temps, Robert Hooke, inventeur anglais inspiré par la propulsion des bateaux par hélice, aurait proposé vers 1683 de mesurer la vitesse au moyen d'une hélice libre immergée. Mais il ne s'agissait encore que d'une idée sans réalisation concrète. Reprenant les travaux de Robert Hooke (et de Henry de Saumarez), Estavao Cabral (1786), puis Reinhardt Woltman (1790) mettent finalement au point le premier moulinet hydrométrique.
Partant d'un principe différent, Henry de Pitot (1695-1771) invente le tube qui porte son nom : une "machine pour mesurer la vitesse des eaux courantes et le sillage des vaisseaux". Pour ceci, il installe deux tubes piézométriques perpendiculaires dans l'écoulement : le premier est parallèle au courant pour mesurer la pression totale, le deuxième est perpendiculaire au courant et mesure la pression statique. La vitesse de l'écoulement est alors directement proportionnelle à la racine carrée de la différence de pression. C’est avec ce dispositif en particulier que l’on effectuera des jaugeages sur la Seine à Paris lors de la grande crue de 1910 (lallement, 2021).
Ce principe sera repris ensuite par Jean-Baptiste Venturi (1746-1822) pour mettre au point son célèbre débitmètre, tandis que H. Darcy (1803-1858) perfectionnera le tube de Pitot.
Enfin, l'ensemble des notions théoriques nécessaires étant définies et les moyens de mesure étant disponibles, les XVIIIème et XIXème siècles verront se multiplier les études de débitmétrie et les formules donnant les débits des écoulements à surface libre et des écoulements en charge (voir Coefficient de rugosité (HU)).
Dans le même temps, les premiers relevés systématiques de niveaux de crue, effectués sur des échelles graduées, se mettent en place : Seine à Paris en 1719, Elbe à Magdeburg en 1727, Rhin à Emmerich en 1770 (Lallement, 2021). Ces appareils nécessitent une lecture humaine.
En 1831, Henry Palmer conçoit le premier enregistreur en continu (appareil à flotteur avec enregistrement sur un graphique de papier ; son invention est installée dès 1832 sur la Tamise à Sheerness (Lallement, 2021). Au début du XXème siècle plusieurs autres capteurs permettant de mesurer la hauteur d'eau, dont les limnimètres bulle à bulle, sont inventés. Les moyens nécessaires à la mise en place de mesures relativement précises et continues du débit sont maintenant disponibles.
L'époque "moderne"
Suite aux grandes crues de la fin du XIXème siècle (Loire et Rhône en 1856, Meuse en 1858, Garonne en 1875) et du début du XXème siècle (Seine en 1910), un réseau de stations hydrométriques est mis en place, géré par l’État, essentiellement dans un but de prévision des crues futures (voir Prévision des crues : son historique en France (HU)).
En ce qui concerne les réseaux d'assainissement, le début des mesures est beaucoup plus récent et, en France, les premières campagnes de mesure en continu des débits en réseau d'assainissement, ne débutent vraiment qu'à la fin des années 1960, par exemple à Marseille (Lacroix, 1971). D'autres campagnes suivent, notamment en relation avec la révision de la circulaire CG 1333 et la publication de la nouvelle circulaire interministérielle de 1977, permettant la mise au point de méthodes, la validation de différentes techniques et les essais de nouveaux appareils (Chéron, 1977 ; Laveuf & Renard, 1977 ; Philippe, 1981 ; Renard, 1981 ; Paitry & Renard, 1982 ; etc.).
Limitées dans un premier temps à des mesures de hauteur avec des capteurs de type "bulle à bulle" (voir article Limnimètre (HU)), les solutions se diversifient progressivement et gagnent en qualité, aussi bien pour les mesures de hauteurs d'eau que pour les mesures de vitesses (sondes à ultrasons, radars, sondes de pressions, etc.). Dans le même temps l'enregistrement numérique (au départ sur cassettes magnétiques !) remplace progressivement les enregistrements papier à partir des années 1970 et la télétransmission des données se généralise à partir des années 1980.
L'obligation d'autosurveillance, introduite en droit français par le décret n° 94-469 du 3 juin 1994, et complétée par l'arrêté ministériel du 22 décembre 1994 fixant les prescriptions techniques relatives aux ouvrages de collecte et de traitement des eaux usées, puis précisée par l'arrêté du 21 juillet 2015 donne un élan très fort à la métrologie en réseau.
Dans le même temps, la mise en place d'observatoires pérennes (ONEVU, OPUR, OTHU) permet de beaucoup mieux qualifier les dispositifs métrologiques, d'améliorer leur mise en œuvre et leur suivi.
Le débit, une grandeur difficile à appréhender
Comme le montre la partie historique, la notion de débit n'a rien d'évident est peut être facilement confondue avec celle de quantité ou de vitesse.
Aujourd'hui on définit classiquement le débit d’un écoulement comme le volume d'eau qui s'écoule en un point donné, pendant une durée donnée, à travers une section droite de cet écoulement.
Le caractère d'évidence de cette définition cache en fait deux autres difficultés de taille qui sont plus largement discutées dans l'article Débit (HU) :
- La première difficulté est d'ordre pratique : Le débit est une grandeur qui varie avec le temps ; quelle doit être la durée d'observation ? une seconde ? une heure ? une année ?
- La seconde difficulté est d'ordre métrologique : Comment mesurer un volume d'eau écoulé pendant une certaine durée ? Si le débit dans la rivière ou dans la conduite est faible on peut essayer de détourner tout le flux vers un récipient de volume connu et mesurer le temps nécessaire pour le remplir (avec l'hypothèse que ce débit reste constant pendant la durée de remplissage) ; mais dès que le débit devient plus important, ce type de méthode devient bien évidemment impossible à mettre en œuvre.
Les méthodes mesurage du débit reposent donc sur deux principes de base :
- rechercher une valeur moyenne sur une durée convenant au problème étudié ; typiquement, en hydrologie, cette durée est extrêmement large et peut varier de quelques minutes (voire moins) plusieurs années (voir Module (HU)) ;
- utiliser une autre définition du débit, le plus souvent le produit de la section mouillée par une vitesse moyenne d'écoulement.
Dans le cas des écoulements en charge, le second principe est relativement simple à mettre en œuvre car la section mouillée est constante et qu'un mesurage de la vitesse suffit.
Dans le cas des écoulements à surface libre, la situation se complique car la section mouillée varie en permanence en lien avec la hauteur d'eau et qu'il n'existe en général pas de relation univoque entre cette hauteur d'eau et le débit (figure ). Un double mesurage de la vitesse et du débit est donc en théorie nécessaire, sauf exceptions.
Plusieurs méthodes permettent cependant d'avoir accès à des séries de mesures continues de débit uniquement à partir du mesurage en continu de la hauteur d’eau :
- soit en appliquant une relation hydraulique,
- soit en utilisant un dispositif particulier permettant d'avoir une relation univoque entre la hauteur et le débit (passage par la hauteur critique),
- soit en utilisant une relation, également supposée univoque et établie expérimentalement entre la hauteur d'eau et le débit,
- soit, enfin, en utilisant une double mesure de hauteurs d'eau.
Ces méthodes seront présentées en premier sans revenir sur les appareils utilisés pour mesurer les hauteurs elles-mêmes, une présentation détaillée de ces technologies étant faite dans l'article Limnimètre (HU). Cette première partie de la présentation nous permettra également de décrire les outils mis en œuvre pour établir la relation entre le débit et la hauteur d'eau.
Nous présenterons ensuite les différentes techniques actuelles permettant le mesurage continu de la vitesse et la façon d'en déduire des valeurs de débit.
Méthodes pratiques utilisables pour le mesurage des débits
Méthode volumétrique
La méthode volumétrique fait directement référence à la définition du débit donné plus haut. Elle consiste à mesurer le volume (ou la masse, dans ce cas on devrait parler de méthode gravimétrique) d'eau recueillie pendant une durée donnée (ou le temps nécessaire pour remplir un récipient d'un volume donné). Cette méthode est extrêmement simple, rapide et économique. Elle est également très précise si le volume à remplir et la durée correspondant sont bien adaptés au débit à mesurer. En revanche, les contraintes logistiques (volume possible du réservoir utilisé) la limite à la mesure des faibles débits. Elle peut cependant être utilement mise en œuvre en laboratoire pour étalonner d'autres dispositifs de mesurage.
Méthodes d'évaluation du débit à partir de la hauteur d'eau
Calcul du débit en section courante en fonction de la hauteur d'eau
La première solution possible consiste à utiliser une relation hydraulique. Le principe est simple : pour un écoulement à surface libre, il peut exister une relation directe entre la hauteur d'eau et le débit, à la condition de garantir, par exemple, un régime permanent uniforme. Dans ce cas, on utilise la relation de Manning-Strickler :
avec :
- $ Q $ : débit (m3/s) ;
- $ S $ : section mouillée (m2) ;
- $ I $ : pente du fond (m/m) ;
- $ K_s $ : coefficient de rugosité des parois (m1/3/s) ;
- $ R_h $ : rayon hydraulique (m) ;
- $ V $ : vitesse moyenne de l'écoulement (m/s).
Outre le fait que cette méthode nécessite le choix des valeurs de $ I $ (théoriquement mesurable) et surtout de $ K_s $, elle repose sur une hypothèse forte (régime uniforme) qui n'est que très rarement vérifiée. Elle est donc déconseillée en l'absence de tarage (voir § suivant).
Calcul du débit en utilisant une courbe de tarage
Utilisation d'un appareil précalibré
La première solution consiste à utiliser un appareil normalisé (seuil jaugeur ou canal venturi). D’un point de vue hydraulique, ces ouvrages fonctionnent en passant par la hauteur critique, ce qui permet de garantir une relation univoque entre la hauteur et le débit. Les résultats sont généralement corrects, en particulier si la relation a fait l'objet d'un tarage préalablepréalable ou s’ils respectent les normes d’installation. Ce procédé n'est cependant pas toujours possible :
- particulièrement dans les réseaux d'assainissement, la mise en place du dispositif réduit la section d'écoulement, remonte la ligne d'eau et peut provoquer des désordres (modification du transport solide, mises en charge et/ou débordement) ;
- dans tous les cas, mais de façon encore plus importante sur les cours d'eau, il n'est pas toujours simple d'installer l'appareil du fait de la configuration du lit ; ce travail peut nécessiter des travaux importants et conduire à une installation onéreuse ;
- les appareils posés de façon provisoire sont également soumis à des aléas en cas de crue forte (arrachage et entraînement).
Mise en œuvre d'un jaugeage in situ
La deuxième solution consiste à établir une relation empirique débit = f(hauteur),
- soit en mesurant simultanément la hauteur et la vitesse moyenne pour une gamme représentative de valeurs de débit (et donc de hauteur d'eau) : voir Courbe de tarage (HU)
- soit en mesurant directement le débit par une technique de traçage, également pour différentes hauteurs d'eau.
Remarque : Ces deux solutions peuvent également permettre de choisir les paramètres (coefficient de rugosité et pente motrice) dans le cas d'un calcul direct utilisant par exemple la formule de Manning-Strickler.
Les solutions de ce type présentent trois inconvénients :
- il n'est pas toujours possible de réaliser des jaugeages en période de crue, d'une part parce que ces situations sont rares et d'autre part parce que l'accès au site peut alors être difficile, voire impossible (c'est souvent le cas dans les réseaux d'assainissement) ;
- la méthode repose sur l'existence d'une relation univoque entre la hauteur et le débit, or c'est loin d'être le cas :
- d'une part parce que, même si l'écoulement n'est pas perturbé, il existe un hystérésis au cours d'une crue et, pour un même débit, la hauteur d'eau est plus petite pendant la crue que pendant la décrue,
- d'autre part parce que les écoulements peuvent être fortement perturbés par des influences aval, susceptibles de rendre la relation totalement inapplicable ;
- la méthode suppose également que la relation entre hauteur d'eau et section mouillée reste constante dans le temps (de même que la rugosité), or, pendant une crue le transport solide est important et les phénomènes de dépôt et/ou d'érosion peuvent modifier considérablement le profil en travers d'un cours d'eau et, dans une moindre mesure, d'une conduite fermée.
Calcul du débit en utilisant un double mesurage de la hauteur d'eau
La dernière possibilité consiste à effectuer un double mesurage continu de façon à obtenir une information plus précise sur le phénomène étudié.
Ce double mesurage peut porter sur la hauteur d'eau. Connaître la hauteur d'eau en deux points distants de plusieurs dizaines ou centaines de fois la hauteur d’eau, dans le sens de l'écoulement, permet en effet de calculer la pente de la ligne d'eau. Il est alors possible d'ajuster plus précisément une relation de type Manning-Strickler. En effet, dans ce cas, la pente de la ligne d'eau est égale aux pertes de charge linéaires et il est donc possible d'en déduire directement la vitesse moyenne de l'écoulement (relation $ (3) $).
avec :
- $ J $ : pente de la ligne d'eau (m/m) ; les autres grandeurs ayant la même signification que pour la relation $ (2) $.
Cette méthode nécessite cependant une mesure très précise des deux hauteurs et un calage également précis des capteurs en altimétrie. L'écart entre les deux niveaux de la ligne d'eau est en effet souvent faible et donc très sensible aux différentes incertitudes.
Mesurage du débit par un double mesurage de la hauteur d'eau et de la vitesse
La méthode la plus complète consiste à mesurer de façon simultanée les valeurs de hauteur et de vitesse moyenne. Cette solution permet de se prémunir contre les différents problèmes évoqués plus haut. Elle suppose cependant que la relation entre la hauteur d'eau et la section mouillée reste stable.
Mesurage de la vitesse par capteurs à ultrasons
Mesurage de la vitesse par effet Doppler
Mesurage de la vitesse par suivi radar des écoulements de surface
Intégration du limnimètre dans une station de mesures
Pour être utilisable(s) le(s) limnimètre(s), (ou les différents appareils de mesures en cas d'acquisition multiple), doi(ven)t être installé(s) dans une station de mesure qui va compléter les appareils de mesure par :Hydrométrie : mesurer les débits d’une rivière, pourquoi et comment ?
- un enregistreur local et/ou ;
- un système de télétransmission.
Une alimentation électrique (éventuellement locale : batterie, panneau solaire) de même que des moyens de liaison (téléphone, câble, radio) sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de l'installation.
Bibliographie :
- Biswas, A.K. (1970)] : History of hydrology ; Ed. North Holland Publishing Co ; Amsterdam ; 336 p. ; 1970.
- Chéron, J. (1979) : "Les mesures systématiques des débits d'eaux pluviales sur des bassins versants expérimentaux de grande superficie." ; TSM ; n°5 ; pp. 265-278.
- GRAIE (2018) : Fiche Technique n°6 : Calcul du débit à partir de la hauteur d’eau ; 2p. ; disponible sur http://www.graie.org/graie/graiedoc/reseaux/autosurv/F6_hautdebit_vu_GLK-v2.pdf
- Lallement, C. (2021) : Une brève histoire de l’hydrométrie ; focus de l'article "Hydrométrie : mesurer les débits d’une rivière, pourquoi et comment ?" ; Encyclopédie de l'environnement ; disponible sur https://www.encyclopedie-environnement.org/zoom/breve-histoire-de-lhydrometrie/
- Laveuf, L., Renard, D. (1977) : Mesures en collecteurs, synchronisation, saisie et support des données ; Journée d'information nationale "Qualité des eaux superficielles, épuration, hydrologie urbaine" ; Paris ; pp.94-108 ; Mai 1977.
- Moore, S. (2019) : Manuel pratique de levés hydrométriques : Mesure de niveau d’eau ; 35p. ; disponible sur https://publications.gc.ca/collections/collection_2021/eccc/en37/En37-274-2019-fra.pdf
- Nordon M. (1991) : Histoire de l'hydraulique ; Tome 1 : "L'eau conquise - les origines et le monde antique" ; Tome 2 : "L'eau démontrée - du Moyen-Age à nos jours.." ; Ed. Masson ; Paris ; 181p; et 242p. ; 1991 et 1992.
- Paitry, A., Renard, D (1982) : La mesure des débits dans les collecteurs pluviaux : les développements nouveaux ; 17° Journées de l'Hydraulique ; SHF ; Nantes ; pp.5/1-5/8 ; Septembre 1982.
- Philippe, J.P. (1981) : Utilisation de mesures de vitesse en paroi pour la détermination des débits en collecteur d'assainissement d'eaux pluviales." ; Rapport LROP ; FAER n°1.08.06.0 ; Trappes ; 55 p.
- Renard, D. (1981) : Étalonnage des collecteurs d'assainissement eaux pluviales ; Méthode basée sur des mesures de débit par traceur chimique." ; Rapport LROP ; FAER n°1.05.06.8 ; Trappes ; Août 1981
- UNESCO (1974) : trois siècles d'hydrologie scientifique ; Rapports de base présentés à l’occasion de la célébration du Tricentenaire de l’hydrologie scientifique, Paris, 9-12septembre 1974 ; 123p.; disponible sur https://library.wmo.int/records/item/68455-1674-1974-three-centuries-of-scientific-hydrology
Pour en savoir plus :
- Bernard M. (coordinatrice) (2019) : Guide d’échantillonnage à des fins d’analyses environnementales ; cahier 7 : Méthodes de mesure du débit ; Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec ; 321p. ; disponible sur https://www.ceaeq.gouv.qc.ca/documents/publications/echantillonnage/debit_conduit_ouvc7.pdf.
- Bertrand-Krajewski, J.-L., Laplace, D., Joannis, C., Chebbo, G. (2008) : Mesures en hydrologie urbaine et assainissement ; ed. tec et Doc, Lavoisier, Paris ; 292p. (épuisé).
- Ministère chargé de l’Environnement (2017) : Charte qualité de l’hydrométrie, Guide de bonnes pratiques, janvier 2017, 82 p. ; disponible sur https://www.eaufrance.fr/sites/default/files/documents/pdf/Schapi_Charte_hydro_P01-84_BasseDefinition_5Mo_.pdf