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B.18 - Modélisation hydrologique : quelles incertitudes ?

De Wikhydro

Sommaire

Pourquoi les modèles hydrologiques sont-ils loin d'être parfaits ?

Connaissance limitée des phénomènes

L'hydrologie s'intéresse à ce qui arrive à l'eau précipitée (pluie, neige...) avant de rejoindre un exutoire situé dans le réseau hydrographique. Le système qu'elle étudie est le bassin versant qui est un système complexe et impossible à décrire dans tous ses détails. Aussi, l'hydrologie n'a qu'une connaissance limitée des phénomènes qui ont lieu dans le bassin versant, quelle que soit l'échelle considérée.

Représentation incomplète des phénomènes

Au-delà de cette connaissance limitée du système, la modélisation hydrologique est obligée en pratique de réaliser un certain nombre d'hypothèses :

  • la non prise en compte de certains phénomènes qui peuvent être « non négligeables »,
  • dans le cadre d'une approche physique, la simplification des équations ou l'utilisation d'équations à des échelles spatiales ou temporelles où elles ne sont pas validées,
  • dans le cadre d'une approche conceptuelle / empirique, la construction du modèle sur des données limitées,
  • le choix d’un pas de temps non parfaitement adapté aux phénomènes à représenter (pouvant être contraint par la disponibilité des données)[1],
  • des représentations « globales » ou distribuées à une maille trop large,
  • le calage des paramètres du modèle.

Exemple 1. Le gel des sols en surface est rarement modélisé. Pourtant dans nos contrées, il arrive que ce phénomène altère fortement la réaction du bassin versant aux précipitations (fiche B.22).

Certaines données manquent en temps réel

Les données nécessaires pour décrire l'état du bassin versant ne sont pas toutes aisément accessibles, ou ne sont pas disponibles avec le degré de précision nécessaire.

Exemple 2. Les données décrivant l'humidité des sols sont rarement disponibles (mesures au sol) ou sont très imprécises (les estimations par imagerie satellite ne renseignent que sur l'humidité des couches superficielles du sol).

Exemple 3. Les données d'évapotranspiration (potentielle ou réelle) manquent également le plus souvent.

Quelles incertitudes doit-on prendre en compte ?

En conséquence, il est nécessaire de prendre en compte :

- les incertitudes épistémiques :

  • incertitudes de modélisation (fiches B.23 et B.25 entre autres),
  • incertitudes sur les paramètres du modèle (fiche B.19),
  • incertitudes sur le fonctionnement en extrapolation (fiche B.20),

- les incertitudes sur les données d'entrée et l'état du système modélisé :

Conséquences opérationnelles : vécu du SPC Loire – Cher – Indre

Le SPC Loire – Cher – Indre utilise les modèles hydrologique GRP pour deux objectifs :

  • une aide à la vigilance : l'objectif est alors d'estimer le risque de dépassement des seuils de vigilance sur une plage de 24 heures (voire 48 heures même si la procédure vigilance proprement dite vise une anticipation à échéance de 24 heures).
  • la génération d'hydrogrammes dont les résultats sont diffusés dans le bulletin de prévision ou sont utilisés en entrée d'autres modèles hydrologiques ou hydrauliques (Mascaret, Hydra...).

Dans le premier cas, l'objectif étant de définir un risque de dépassement de seuil à une échéance en général nettement supérieure au temps de réponse du bassin, l'utilisation du modèle hydrologique ne peut se faire qu'avec l'introduction d'hypothèses sur les pluies futures à échéance de 24 à 48 heures. L'exploitation des diverses sources de prévisions de pluies disponibles (bulletins de précipitation Météo-France, sorties des modèles numériques, valeurs symposium, analogues...) conduisent ainsi à élaborer des scénarios de pluies futures très différents[2]. L'exploitation du modèle hydrologique produit ainsi un ensemble de prévisions à partir desquelles le prévisionniste devra décider du risque ou non de franchissement d'un seuil de vigilance (avec le cas échéant l'utilisation d'autres outils) et engager la procédure vigilance adaptée. Dans ce cas d'utilisation, la source d’incertitude majeure réside dans les prévisions de précipitation : le risque de dépassement du seuil est plus lié au choix du scénario de pluies futures qu'à la justesse du modèle hydrologique : la précision (fiche D.03) des prévisions par le modèle en « pluies connues » n’est pas la qualité première recherchée.

Exemple 4. La figure 1 présente le Rejeu du modèle GRP de la crue de novembre 2008 à la station de Chadrac sur la Loire amont. Les scénarios de pluie utilisés sont issus des prévisions journalières de précipitation du bulletin de prévision émis par Météo-France le 31 octobre 2008 à 14 heures et du modèle Rainfast utilisant la méthode des analogues. Ces prévisions sont désagrégées au pas de temps de 3 heure suivant une clé de répartition calculée à partir des prévisions de valeurs RR3 sur les zones Symposium concernées. Les différences entre prévisions (déterministes) correspondant aux différents scénarios de précipitation futures sont importantes en comparaison de l’incertitude liée à la modélisation hydrologique « seule ».

Cependant, le fait de connaître l’incertitude liée au modèle (ses défauts), estimée à partir des crues de calage ou d'événements vécus par le passé[3]) va influer sur l'interprétation subjective des résultats du modèle qui sera faite par le prévisionniste. La confiance que le prévisionniste a de son modèle que l'on peut associer à la notion de fiabilité (fiche D.02) jouera dans le processus de prise de décision. La décision finale dépendra ainsi d'une part d'un choix sur une hypothèse de pluies futures et d'autre part d'une estimation subjective des erreurs du modèle (Fig. 2).

Dans le second cas, l'objectif est soit de générer un résultat (une prévision) qui sera diffusé (après expertise du prévisionniste) dans le bulletin de prévision, soit de produire une donnée qui sera réutilisée par un autre modèle. Pour une diffusion, l'échéance de prévision est en général limitée au temps de réponse du bassin (ou guère plus) afin de s'affranchir d'hypothèses trop fortes sur les pluies futures. La précision du modèle est importante : on attend de lui une bonne information sur l'évolution de la crue (tendance hausse, baisse, maximum prévu) ainsi qu'une valeur chiffrée suffisamment précise pour pouvoir être diffusée. Dans le cas où le modèle produit une prévision qui sera exploitée par un autre modèle, ce sont les objectifs attendus du modèle aval qui conditionneront les résultats à produire par le modèle hydrologique: si un modèle hydraulique vise une prévision à 48 heures par propagation de l'hydrogramme de la branche principale, il faut que le modèle hydrologique sur l'affluent secondaire produise un hydrogramme sur une durée adaptée (sinon, on sera amené à faire une extrapolation de cet hydrogramme sur la durée nécessaire à l'exploitation du modèle hydraulique). Dans ce cas d'utilisation, le prévisionniste sera, en général, amené à faire le choix d'une seule hypothèse de pluies futures (en opérationnel, le nombre de simulations hydrauliques n'est pas multiplié pour tenir compte de différentes hypothèses d'apports intermédiaires). L'exigence du prévisionniste quant aux résultats du modèle hydrologique est réduite.


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Voir également


Fiche B.19 – Modélisation hydrologique : le calage

Fiche B.20 – Fonctionnement des modèles hydrologiques en extrapolation

Fiche B.21 – Influence de l'incertitude sur les données d'entrée en modélisation hydrologique

Fiche B.22 – Sols gelés

Fiche B.23 – Modèles empiriques

Fiche B.24 – Initialisation des modèles hydrologiques

Fiche B.25 – Modèles distribués

Fiche D.02 – Fiabilité

Fiche D.03 – Précision



  1. Un modèle hydrologique fonctionnant au pas de temps horaire (comme GRP) produit comme résultats des valeurs moyennes horaires (et non des valeurs instantanées). Ainsi, pour de très petits bassins versants (de l'ordre de quelques km2 à quelques dizaines de km2), les pointes de crues peuvent être sous-estimées simplement du fait que les hydrogrammes sont trop pointus pour être fidèlement représentés avec des valeurs moyennes horaires.
  2. Qui ne couvrent toutefois pas le champ des possibles.
  3. Par exemple que les hydrogrammes sont trop mous ou trop réactifs ou...
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